Child of the Night 27

Partie Vingt-Sept : Deuil



L'an de grâce 1460
Le lendemain
Château Draculea, Valachie



Draculea veilla à ce que le corps soit placé dans la pièce, puis ordonna qu'il soit lavé et préparé aussi bien que possible. Quand il partit, les serviteurs se disputaient déjà pour savoir qui aurait à faire cette tâche répugnante. Ce n'était pas tant la mort qui les dérangeait. Non, à cette époque violente, la mort n'avait rien de rare. C'était juste qu'après tout ce temps passé dehors, le corps d'Ernestu était particulièrement repoussant, de bien des manières. Finalement, deux des souillons de plus bas rang furent assignées à la tâche, tandis qu'un serviteur plus âgé supervisait.

Les deux femmes assignées pour préparer le corps protestèrent amèrement qu'il était inconvenant pour elle de manipuler un homme, même mort. Le valet de pied plus âgé qui les supervisaient leur répondit aigrement que ce n'était pas un problème puisqu'un charognard avait filé avec le sexe de l'homme malchanceux bien avant qu'on retrouve le corps.


Les déchets que le seigneur Varga avait évacués ajoutaient leur causticité à l'odeur avancée de chair en décomposition. Le nettoyage devait être fait à l'eau froide pour qu'elles ne contribuent pas à la destruction des tissus avec de la chaleur. Les deux nettoyeuses ne pouvaient pas non plus frotter le corps pour la même raison. La peau se décollerait si elles étaient trop brusques, bien que cela aurait été une bonne chose. Les mouches l'avaient trouvé rapidement et les asticots avaient fait leur apparition. Les petits vers blancs gigotants devraient être enlevés.

Les femmes travaillèrent aussi vite qu'elle le pouvaient tout en faisant un travail correct. Plus d'un fois, l'une d'elle devait quitter la pièce un moment pour vomir ou prendre une bouffée d'air pur. Elle était petite, cette pièce, et l'odeur submergeait presque tout. Le valet de pied avait un mouchoir trempé dans du vinaigre et des herbes qu'il portait à son nez pour que ce soit plus supportable.


Une fois que le bain initial fut terminé, le corps fut inondé avec le plus fort cognac que le château avait. Le valet de pied avait été dubitatif au départ mais Simion avait lui-même apporté les bouteilles. Quand son subordonné lui avait lancé un regard interrogateur, l'autre homme avait haussé les épaules.

« C'est le père de son épouse, après tout. Ce serait bien que la dame puisse s'asseoir avec lui sans s'évanouir. »

La plupart des asticots se tortillèrent à la surface à cause de la brûlure de l'alcool et ils furent facilement retirés. Les femmes ôtèrent le reste avec des petits pics, marmonnant entre elles. Cela aurait été plus simple de raser la tête du cadavre mais il fallait préserver le peu d'humanité qu'il lui restait, alors elles nettoyèrent ses cheveux remplis de sang coagulé, peignant doucement avec les peignes aux dents les plus fines qu'elles avaient afin d'enlever les insectes et les larves qui se nichaient là. Quand ce fut enfin terminé, le seigneur Varga était sans doute plus propre qu'il ne l'avait jamais été de son vivant, mais son odeur bien plus âcre.


On saupoudra généreusement son corps nu et ravagé d'épices. Quand les femmes refusèrent finalement d'en faire davantage, prétextant une sévère détresse à cause de l'odeur, le valet de pied en personne fourra dans la bouche et l'anus du mort des paquets d'herbes et d'épices pour maîtriser le pire de l'odeur. Pendant le nettoyage, l'un des meilleurs draps disponibles avait été soigneusement déchiré en bandes pour que le valet lie le corps nu, sanglant prudemment les jambes ensemble au niveau des chevilles, des genoux et des cuisses. Puis il croisa les bras sur la poitrine. Les femmes durent manipuler encore une fois le corps, le soulevant pour que le valet noue les cordes qui maintiendraient les bras en place.


Finalement satisfait que les membres resteraient bien en place, le valet saupoudra le corps d'herbes supplémentaires et l'enveloppa dans un autre drap de lin fin, puis enroula encore du lin autour. Les couturières du château furent convoquées et le linceul fut soigneusement cousu. Posé délicatement sur une simple planche de bois, le corps était maintenant prêt à rester en l'état aussi longtemps que le prince le jugerait approprié. En privé, les serviteurs espéraient tous que le défunt noble ne resterait que le temps minimum requis par la tradition avant d'être enterré.

Le valet de pied prévint Simion quand la tâche fut achevée, et Simion partit à la recherche de Draculea. Le prince était dans son bureau. Alors que Simion le regardait, Draculea finit d'écrire quelques mots sur un parchemin, puis répandit du sable sur le document pour que l'encre se fixe et sèche. Finalement il se rassit en soupirant, indiquant une petite pile de papiers repliés.

« Je ne sais pas comment Nicolae peut faire ça pendant des heures. Mais bon, je suppose qu'il a des sujets plus intéressants. »

Simion fixa les papiers.

« Des lettres d'information, mon seigneur ? »


Draculea acquiesça, comptant sur ses doigts.

« Ses deux fils, son autre fille, son homme de loi, le régisseur de son château et l'archevêque. »

Il soupira.

« J'ai probablement oublié quelqu'un mais je n'ai pas envie de m'en soucier pour le moment. On s'est occupé du corps ?

– Oui, autant que possible. Je suggère qu'on en dispose rapidement cependant, mon seigneur. »

Il fronça le nez.

« Même nettoyé, saupoudré et fourré d'épices, ce n'est pas plaisant.

– Bon, je vais devoir le laisser en l'état ici au moins un jour ou deux avant de le renvoyer dans son propre château pour attendre le bon vouloir de son fils aîné. Je suis sûr que l'héritier est impatient de prendre le contrôle du château et des terres. J'espère seulement qu'il est suffisamment raisonnable pour ne pas briser l'engagement que nous avons pris. Je détesterais devoir commencer mon mariage en tuant non seulement le père de mon épouse, mais aussi son frère. »


Draculea secoua la feuille pour en retirer le sable, examinant le papier.

« Bah, cela fera l'affaire. Si l'encre bave, laissons-les croire que c'est à cause de larmes de chagrin. »

Il plia le papier puis sortit de sa poche une pierre plate et ovale, ayant pour taille la moitié de son pouce. Il y avait un dragon ciselé sur la surface plate, ainsi que la lettre D. Draculea prit une bougie rouge d'un bougeoir et la pencha sur le papier. Plusieurs grosses gouttes de cire tombèrent sur le pli. Quand il y eut une flaque épaisse, Draculea redressa la bougie, la remettant dans son bougeoir. Il attendit que la cire fondue commence à se figer, puis il pressa fermement la pierre dessus. Quand il souleva la pierre, la cire portait la marque de la ciselure. Draculea testa la cire pour voir si le sceau était ferme, et hocha la tête en signe de satisfaction, puis répéta le processus avec le message suivant.


Bientôt il termina la petite pile. Il les tendit à Simion.

« Envoie plusieurs messagers. J'aimerais autant en finir avec ça le plus vite possible. Je suppose que Nicolae est dans la chapelle ? »

Simion inclina la tête en assentiment.

« Depuis que le corps est arrivé.

– Bien sûr. »

Draculea se leva.

« Je pense pouvoir l'en éloigner. Si je ne le force pas à se reposer, il essaiera de secourir le bâtard du Purgatoire par ses seules prières. Varga a déjà fait assez de mal à Nicu comme ça, je ne vais encore pas le laisser rendre malade le garçon. »

Draculea se rendit à la chapelle. Comme il s'y attendait, Mircea était à l'autel en train de finir une messe tandis que Nicolae était agenouillé devant l'icône de la Vierge, disant tranquillement ses prières. Draculea fut un peu surpris que Beta ne soit pas en vue et que plusieurs serviteurs du château priaient calmement sur les bancs du fond.

Il attendit que l'un d'eux, une fille de cuisine, ait fini puis il tapota son épaule. La fille pâlit lorsqu'elle se trouva être le centre d'attention de Draculea;

« Ma fille, que fais-tu ici ?

– Maria Ta, je ne faisais rien de mal ! Je prie seulement pour l'âme du Domn qui a été tué.

– Oui, je vois ça, et ne crains rien, ma fille. Ce n'est pas un problème. Je ne suis pas en colère, juste curieux. Cet homme n'était rien pour toi. Alors pourquoi pries-tu pour lui ?

– Oui, Domn, je ne l'ai pas connu. Je l'ai seulement vu quand j'ai servi à table pendant votre banquet de noce. »

Elle se renfrogna.

« Il m'a pincé les fesses. »


Draculea réprima un sourire.

« Alors pourquoi cette sollicitude pour son âme éternelle ? »

Elle hésita, ses yeux s'égarant vers le devant de la chapelle où Nicolae était agenouillé en murmurant, les perles glissant entre ses doigts.

« Le jeune bibliothécaire paraissait si triste. J'ai pensé... »

Elle désigna les autres serviteurs.

« Nous avons pensé qu'il se sentirait mieux s'il n'était pas seul dans ses prières. Nous ne négligeons pas nos devoirs, » ajouta-t-elle anxieusement.

Draculea tapota son bras avec approbation.

« Ne t'en fais pas, mon enfant. Je suis ravi que vous pensiez autant à lui. Mais il n'aurait pas dû être seul, de toute façon. Où est la princesse ? »

La petite servante rougit.

« La princesse est partie il y a un moment, après la première messe. Elle était qu'elle était trop délicate pour faire face au stress. »


La servante lança un regard spéculateur à Draculea. Sa phrase suivante se finit sur un ton plus élevé, comme une question.

« Elle a fait allusion au fait qu'elle était déjà enceinte et que l'enfant pouvait être marqué par une telle détresse émotionnelle ? »

Draculea se mordit la lèvre. Eh bien, la petite coquine intéressée et sans cœur ! Voilà, Ernestu, c'est la loyauté de l'enfant que tu favorisais. Compare-la à celle de l'enfant que tu as battu et que tu aurais violé. Qui prie pour la guenille sale qu'est ton âme à présent ? À voix haute, il fit :

« C'est possible, je suppose, mais peu probable. Tu as fini ? »

Elle s'inclina.

« Oui, Maria Ta. On doit préparer le repas du soir et aujourd'hui, nous faisons du pain. Puis on doit saler la viande du porc qu'on a tué ce matin...

– Va alors. »


Draculea la regarda s'empresser de partir, suivie par les autres serviteurs de cuisine. Leur devoir pour le mort étant fini, ils étaient prêts à consacrer leur énergie à répondre aux besoins des vivants. Il hocha la tête. Oui, il semblait que Nicolae se faisait des amis parmi le personnel. C'était très bien, puisqu'il semblait que Beta était devenue trop délicate maintenant pour passer du temps avec sa famille, même au point de mépriser la mémoire de son père.

Draculea marcha jusqu'au devant de l'église. Mircea finit la messe et descendit pour lui parler.

« Prince Draculea. Est-ce que Varga a été préparé ?

– Du mieux que nous pouvions, bien qu'on ne pouvait faire que peu de choses. Il devrait être tolérable pour un jour ou deux. J'ai bien peur qu'on ne puisse pas le laisser dans cet état plus longtemps sans mettre en danger la santé de ceux qui s'approcheront de lui.

– Je sais. Je l'ai dit au garçon. Il comprend.

– Et la fille ? »


Draculea remarqua la brève grimace de désapprobation avant que le prêtre ne puisse contrôler son visage.

« Je ne pense pas que Beta va beaucoup discuter. Si le fils de Varga souhaite respecter les formalités, il pourra le faire au Château Varga. »

Draculea regarda Nicolae et fit doucement :

« Il est resté à genoux pendant tout ce temps ? »

Mircea regarda aussi le jeune homme et sa voix était toute aussi basse.

« Oui. Ce n'est rien, mon seigneur. J'ai déjà vu le garçon s'agenouiller et prier pendant des heures. Que Dieu le bénisse, quand Varga l'a forcé à revenir de l'abbaye, il a passé deux nuits à prier pour qu'on lui permette d'y retourner. Je l'ai forcé à se reposer après qu'il se soit évanoui pour la seconde fois. Je l'ai déjà pressé de se reposer mais il ne le fera pas. Pour un garçon aussi doux, fit-il ironiquement, il peut se montrer têtu sur certains points.

– Je vais alors tâcher de le persuader. »


Mircea regarda Draculea s'approcher de Nicolae et se mettre à genoux à côté du garçon. Il joignit ses mains et commencer à murmurer un Ave Maria avec Nicolae. Le jeune homme lui lança un regard, souriant pour l'accueillir, mais il poursuivit ses prières. Quand il arriva à la fin du rosaire et qu'il le recommença, Draculea tendit la main et attrapa son poignet, l'arrêtant.

« Nicolae, combien de rosaires as-tu dit pour Varga jusque là ? »

Le jeune homme fronça les sourcils.

« Je... Je n'en suis pas sûr, Domn.

– Peu importe combien, c'est assez pour le moment.

– Mais, mon prince...

– Nicolae, est-ce que Varga sera libéré du Purgatoire pendant que tu vis ? »

Nicolae n'hésita pas.

« Non, Domn. Personne n'est assez innocent pour s'échapper aussi facilement. »

Surtout pas ce bâtard.


« Sera-t-il libéré dans quelques siècles, peu importe le Nombre de messes ou de rosaires que l'on dira ? »

Nicolae réfléchit.

« J'ai bien peur que non, Domn. Il n'était pas... Il est mort sans s'être confessé. »

Un prétexte, Nicolae. Il serait allé en Enfer même si le Pape en personne avait été là pour l'absoudre.

« Alors tu vois, Nicolae, tu peux dire une infinité de prières, cela ne raccourcira pas son temps pour autant. Il n'y a pas d'urgence. Tu es épuisé, mon amour. »

Il fit le garçon lancer un regard rapide à la statue devant eux, de la culpabilité dans ses yeux. Non, Nicolae. Je ne veux pas de ça. Je ne veux pas que tu sois honteux de notre amour. Il toucha sa joue, détournant les yeux du jeune homme pour croiser son propre regard, et il mit tout son amour et sa chaleur dans ce regard.


Comme prévu, Nicolae fondit. Il toucha de ses doigts fins la main de Draculea qui tenait son poignet.

« Un de plus, s'il te plaît, Vlad. »

À nouveau, Draculea ressentit une exaltation presque vertigineuse quand Nicolae prononça son nom, sachant qu'il était le seul à avoir jamais entendu cette tendresse dans sa voix.

Draculea baisa sa main, puis le relâcha et s'assit sur ses talons tandis que Nicolae murmurait une fois encore l'ancienne psalmodie. Quand il eut fini, Draculea l'aida à se remettre debout. Nicolae vacilla légèrement et Draculea, glissant un bras autour de lui, l'aida à quitter la chapelle.

Tandis qu'ils allaient vers leur chambre, Draculea fit :

« Si tu dois continuer après tes prières pour lui, tu le feras dans le confort de notre chambre, sur des oreillers doux.

– Mais Domn...

– Non, Nicolae. Les prêtres ne nous disent-ils pas que Dieu écoute nos prières où que nous soyons ? Ta voix ne sera pas plus claire sur le sol froid de pierre. »


Il poussa Nicolae sur une chaise rembourrée et se pencha vers lui.

« Écoute-moi, mon petit. Ceux qui mortifient leur chair en pensant plaire à Dieu sont des idiots. Il ne peut pas vraiment vouloir que Ses fidèles se blessent en vain pour attirer Son attention. C'est une façon enfantine de prouver sa dévotion. Ils devraient plutôt vivre comme Il l'a dit et garder leurs forces pour servir Sa volonté. Cela n'aidera pas Varga si tu te rends malade, et cela me fera de la peine. Tu comprends ?

– Oui. »

Ses bras s'enroulèrent autour du cou de Draculea.

« Je ne veux pas vous faire de la peine, Vlad. Pour rien au monde.

– Je sais. »


Il embrassa le front de Nicolae.

« Dis-moi, mon bichon. Comment va Beta ? »

Le jeune homme baissa les yeux et fit d'un ton hésitant :

« Elle est décomposée, Maria Ta. J'ai... suggéré qu'elle retourne dans sa chambre. »

Draculea étudia le visage de Nicolae. Le jeune homme ne pouvait pas croiser son regard. Il soupira.

« C'est le premier mensonge que tu me dis... »

Les yeux de Nicolae croisèrent les siens, paniqués, et il continua gentiment :

« ... et c'est pour défendre un autre. Je ne peux pas t'en blâmer, Nicu. J'ai parlé avec l'une des serviteurs.

– Mais Maria Ta, si Beta est effectivement enceinte, elle ne doit pas subir de choses dures ou bouleversantes.

– Mon enfant, je n'ai couché avec elle qu'une fois et récemment. Bien qu'elle puisse vraiment être enceinte, ce n'est guère probable. Et elle ne serait pas non plus capable de savoir si elle attend un enfant seulement quelques jours après notre union. Seul le temps nous dira si nous aurons bientôt la chance d'avoir un enfant, mais je soupçonne que c'était juste une excuse commode pour échapper à quelque chose qu'elle trouvait ennuyeux. »


Le jeune homme parut se flétrir. Draculea se mordit la lèvre et décida qu'il n'était pas bon d'essayer de faire voir à Nicolae les défauts d'Elizabeta. Il ne voulait pas y croire. Seuls le temps et d'autres exemples pourraient le convaincre. En attendant qu'il s'en avise, Draculea ne pouvait qu'observer et essayer de protéger le cœur tendre de son amant du mieux qu'il pouvait.

« Je me trompe peut-être. Elle a subi une épreuve douloureuse.

–Oui, Maria Ta, acquiesça Nicolae, désireux de trouver une raison qui absoudrait sa sœur adorée de l'indifférence qu'il avait soupçonnée. C'est une chose terrible que de perdre son père. »

Draculea fit lever le jeune homme, puis s'assit à sa place et le prit sur ses genoux.

« Et toi, Nicolae ? »

Nicolae lui lança un regard perplexe.

« Tu as aussi perdu ton père. »


Ses yeux vacillèrent, presque de surprise, comme s'il venait juste d'y penser.

« C'est différent pour moi, Domn. Il n'a jamais vraiment été mon père. J'ai du chagrin pour lui comme un Chrétien pour un autre qui a connu sa fin hors de la grâce de Dieu. »

Draculea soupira, le prenant dans ses bras.

« Tant mieux. J'étais inquiet, Nicu. »

Il pressa son visage contre le torse du jeune homme, s'abreuvant de la chaleur et l'odeur. Nicolae sentait la soupe, l'encre et la cire d'abeille provenant des bougies qu'il avait allumées pour l'âme de son ancien patron.


Ils restèrent ainsi un moment, puis Draculea le poussa à se lever, se levant à son tour.

« Je vais parler à Beta. Je dois lui présenter mes condoléances et lui parler des arrangements qu'on a faits. Si elle le souhaite, elle peut raccompagner son père au Château Varga pour son enterrement. Pourquoi ne ferais-tu pas une sieste, Nicu ? »

Il conduisit son jeune amant jusqu'au lit et le poussa gentiment à s'allonger, plaçant un oreiller sous sa tête.

« Dors. S'il le faut, Mircea pourra dire une autre messe ce soir.

– Merci, Maria Ta. »


Tandis que Draculea se dirigeait vers la porte qui menait à la chambre de Beta, Nicolae l'appela doucement :

« Vlad ? »

Draculea se retourna.

« Oui ? »

Les yeux de Nicolae étaient humides, son expression mélancolique.

« Vous pensez qu'il m'aime maintenant ? Maintenant qu'il est au-delà des intérêts terrestres ? »

Draculea ne pensait pas que c'était possible mais il trouva une nouvelle raison de haïr Ernestu Varga.

Elizabeta était assise sur un petit tabouret devant le miroir accroché au mur. Lena se tenait derrière elle, passant lentement un peigne en écaille de tortue dans ses cheveux. Beta pencha la tête, étudiant son reflet.

« C'est une chose que j'aime à propos du Château Draculea. Mes autres miroirs étaient si petits que je pouvais à peine juger ma propre apparence.

– Oui, ma biche, c'est plutôt une extravagance. Je crois que ça a appartenu à la mère du prince. Quand je l'ai vu pendant notre visite, j'ai su que tu devais l'avoir. »

Elle fronça les sourcils.

« Les serviteurs étaient remarquablement entêtés pour ne pas l'amener. J'ai dû en frapper un avant qu'ils m'obéissent proprement. Je leur ai dit que le prince avait donné son accord pour tout changement que tu voulais, mais ils voulaient quand même consulter Simion. »


La porte du couloir privé était sur le côté et les deux femmes étaient si absorbées l'une par l'autre qu'aucun des deux n'entendit le léger râpement de son ouverture. Draculea les observa un moment, remarquant l'intimité avec laquelle Lena touchait sa jeune épouse, et la façon familière dont la jeune femme se penchait contre l'autre femme.

Ah, songea-t-il. Je crois que je commence à comprendre. Ses lèvres s'étirèrent en un sourire qui était froid et plus qu'un peu cruel. Tu as confié ton sort à la mauvaise personne, Lena. Tu ne pourras jamais régner à travers elle. Il recula doucement derrière la porte, la ferma, puis laissa délibérément ses bottes racler le sol.


Il y eut un bruissement rapide et des murmures de l'autre côté de la porte. Il compta jusqu'à trois puis ouvrit la porte. Lena n'était plus en vue et Beta était allongée sur le lit, portant un délicat mouchoir à ses yeux et ses épaules tremblant joliment. Mais je pense que je trouverais ce joli morceau de soie plutôt sec, songea-t-il cyniquement.

Il alla s'asseoir à côté de la fille et remplit sa voix de sollicitude.

« Beta, votre servante n'est pas avec vous ? Vous ne devriez pas rester seule maintenant, le chagrin pourrait vous consumer.

– Je pense qu'elle est partie... chercher quelque chose pour calmer mes nerfs. »

Draculea désigna la carafe et le verre sur la table.

« Et le vin ne suffisait pas ? »


Beta resta silencieuse un moment, le linge recouvrant ses yeux, et Draculea sourit intérieurement, imaginant son esprit réfléchir à toute vitesse pour trouver une réponse convenable. Enfin elle fit :

« Elle a parlé de cognac. Je n'ai pas souvent bu d'alcool fort mais si elle pense que c'est mieux...

– Vous ferez bien sûr ce qu'elle vous dit, finit-il pour elle. Le corps de votre père a été préparé du mieux possible. Je suis désolé, Beta, mais je ne peux pas le laisser ici plus d'un jour. On doit le renvoyer chez lui, et votre frère aîné pourra s'occuper des arrangements là-bas. Il reviendra au château pour réclamer son héritage, sans aucun doute.

– Oui, bien que cela puisse lui prendre du temps pour s'arranger.

– En tout cas, vous souhaitez raccompagner votre père chez lui ? Il devrait y avoir quelqu'un de son sang pour le veiller jusqu'à son enterrement, pour la forme. »

Elle s'assit rapidement, lâchant le mouchoir alors qu'elle s'écriait :

« Oh, non ! »


Les sourcils de Draculea se haussèrent et elle se rattrapa rapidement :

« Je ne peux pas vous quitter si tôt, et je sais que vous ne pouvez pas quitter vos devoirs ici. »

Elle réfléchit et son visage s'illumina.

« Nous pouvons envoyer Nicolae ! »

La soudaine froideur de l'expression de Draculea la fit sursauter.

« Mon époux ? »

Draculea se leva et marcha jusqu'au miroir. Il s'étudia en disant :

« Nicolae reste ici. Varga ne l'a pas revendiqué de son vivant et le garçon ne lui doit aucune loyauté après sa mort. »

Il la regarda par le reflet dans le miroir.

« Partez ou restez, comme cela vous plaît, mais Nicolae reste. »


Ramenant ses yeux sur sa propre image, il fit :

« Je vois que vous vous êtes appropriée le miroir de ma mère.

– Je... Oui. Je pensais que cela se serait pas un problème.

– C'est bon. Tirez-en autant de plaisir que possible. »

Il lui tourna le dos et se dirigea vers la porte du couloir privé.

« Je n'aime pas les miroirs. Ils sont froids et ils mentent. »
Beta fut perplexe.

« Mon seigneur, ils donnent l'image la plus vraie de l'homme.

– Non, Beta. Ils donnent l'image la plus vraie de notre argile mortel mais ne laissent pas deviner ce qu'il y a dedans. Maintenant, s'il y avait un verre qui pourrait refléter l'âme d'un homme, ce serait une pure merveille. Mais je pense tristement que ce qui se cache en chaque homme... »

Il s'arrêta et lança un regard vers la porte qui menait au cabinet de toilettes de Beta, où Lena attendait certainement et écoutait.

« ... ou, en fait, en chaque femme les briserait. »







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