Child of the Night 35

Partie Trente-Cinq : Mauvais jugement

L'an de grâce 1462
Château Draculea, Valachie



Nicolae s'arrêta pour cracher violemment plusieurs fois, essayant de faire partir le goût salé du sang de son agresseur dans sa bouche, alors qu'il courait le long du couloir. Il avait mordu le Turc plus fort qu'il ne l'aurait cru mais il avait eu peur et il était content que cela lui ait permis de se libérer.

Les quelques fois où Draculea avait posé les mains sur lui avant qu'il ne reconnaisse son propre désir pour l'autre homme, le prince avait été insistant mais pas rude. Même dans sa confusion et son inexpérience, Nicolae avait su que Draculea était très soucieux des sentiments de Nicolae, ignorant sa propre faim intense pour Nicolae afin de rendre les choses plus faciles pour lui. Il n'y avait pas une telle impression avec Rahazad. Le Turc ne songeait qu'à son propre désir. Le fait que Nicolae ne soit pas intéressé n'était pas simplement peu important, cela encourageait encore plus le désir égoïste de cet homme gâté.


Il se dirigea vers la chambre de Draculea mais hésita avant de rebrousser chemin dans un couloir adjacent. Il se rendit à la petite chambre agréable qu'on lui avait donnée le jour de son arrivée au château Draculea. Il ne l'avait occupée qu'une paire de nuits, quand il était nécessaire qu'une façade sans tâche soit présentée aux étrangers. Il était resté là lorsque les diplomates russes avaient habité ici et durant les rares visites de l'évêque Alfred. Il était clair qu'avec ce délégué turc persistant qui rôdait dans le quartier des serviteurs, Nicolae aurait intérêt à surveiller les couloirs quand cet homme était dans les parages, et verrouiller la porter de ses quartiers temporaires à chaque fois qu'il s'y réfugierait. Draculea ne lui avait pas dit qu'il devait y rester cette fois mais après ce qui venait juste de se passer dans la bibliothèque, Nicolae décida que c'était la meilleure chose à faire.


Pour quelqu'un qui n'avait pas conscience de la vraie situation au château, cela n'aurait pas semblé inhabituel que cette pièce soit la chambre du bibliothécaire. Le rare contenu personnel aurait été expliqué par la nature esthétique de son occupant. À part les fournitures minimales, il n'y avait qu'une Bible, un rosaire, un crucifix sur le mur et quelques vêtements.

Bien qu'il soit nerveux à l'idée d'être seul, il songea que ce ne serait pas raisonnable de faire savoir à son amant que l'un des diplomates avait montré un intérêt indécent pour lui. Il n'avait jamais vu la pleine force de la colère de Draculea mais il savait d'après ce qu'il avait déjà vu que ce serait effrayant, peut-être même mortel.


Nicolae se laissa tomber sur le bord du lit en soupirant. Il posa ses coudes sur ses genoux puis posa son menton sur ses mains. Non, il ne pouvait pas en parler à Draculea. Le traité était important, plus important que ses propres sentiments. Il ne le mettrait pas en danger avec ses plaintes. Il se renfrogna. En plus, puis-je vraiment me considérer comme un homme si je ne peux pas au moins me défendre ? Il s'assit et y réfléchit pendant un moment, jusqu'au moment où on toqua à la porte.

« Une minute. »

Il allait presque ouvrir la porte sans vérifier en premier lieu qui demandait à entrer.

« Qui est-ce ?

– Nicolae, c'est Simion. Pourquoi la porte est-elle fermée ? »

Quand Nicolae ouvrit la porte, il bafouilla :

« Je... Je pensais qu'il valait mieux que je reste ici tant que nous avons des visiteurs. »


Simion entra.

« Draculea ne t'a pas dit de dormir ici ce soir, n'est-ce pas ? Tu sais qu'il te cherchera bientôt. Même s'il ne pourra pas passer beaucoup de temps avec toi dans les prochains jours, tu sais qu'il s'attendra au moins à ce que tu descendes pour dîner. »

Nicolae frotta distraitement son poignet douloureux.

« Je... Je crois que je vais prendre mon repas dans cette chambre, ce soir.

– Non, Nicolae, fit fermement Simion. Tu ne vas pas pouvoir t'asseoir à côté de lui, mais s'il te voit à table, ça le réconfortera.

– Je ne sais pas... »


Simion s'assit à côté de lui en passant un bras autour de ses épaules. Il fit à voix basse :

« Nicolae, tu le connais. Tu dois te rendre compte que tu es grandement responsable de sa tolérance inhabituelle et de sa tempérance récentes, non ? Nous devons le garder calme et raisonnable. »

Il le secoua légèrement.

« Tu dois jouer ton rôle.

– Je sais, Simion. Je vais faire mon possible. »

Simion se leva et ébouriffa les cheveux de Nicolae.

« L'Histoire se souviendra que Beta est la femme de Draculea, mais tu es son vrai compagnon, et les compagnons des grands hommes, que ce soient des épouses ou des amants, ont plus d'influence que le monde l'imagine. »

Il partit et Nicolae frotta son visage en songeant : Et le monde ne sait pas à quel point c'est une lourde tâche.


Le banquet était plus réduit que le festin de mariage de Draculea mais il était toujours bien loin d'être intime. Tous les hommes de la Cour de Draculea y assistaient de même que les nobles locaux. Les ambassadeurs turcs étaient assis à la table principale, de chaque côté du prince. Rahazad fut enchanté de voir que l'hydromel était servi. Comme c'était à base de miel, cela ne violait pas l'interdiction islamique de boire des breuvages fermentés à base de fruit ou de graine. Alors que ses compatriotes se limitaient à l'eau, Rahazad goûta pour la première fois cette liqueur intoxicante, sans doute pas la chose la plus sage à faire pour un diplomate.



Personne, sauf peut-être les dignitaires en visite, ne fut surpris de voir quelqu'un d'aussi humble que le bibliothécaire du château assis à quelques chaises seulement du bout de table.

Rahazad fut très intéressé par ce fait. Il ne s'était pas attendu à voir le bel érudit au repas. Cela voulait dire qu'il avait un patron influent à la cour. Un chauffe-lit n'était pas souvent invité aux banquets d'état. Il supposa que le talent et l'éducation du jeune homme étaient ce qui le rendait convenable pour une compagnie aussi élevée. Après tout, songea-t-il, les courtisans qui ont le plus de succès sont ceux qui peuvent fasciner avec leur esprit comme avec leur corps. Je dois vraiment le ramener avec moi. Le sultan abandonnera sûrement la fille qui a actuellement ses faveurs s'il peut avoir quelqu'un avec qui parler intelligemment après qu'il ait satisfait ses désirs.


Rahazad se montra agréable avec les nobles assis de chaque côté de lui. Il obéit aux desseins du sultan à son sujet en présentant une image impressionnante de la Cour turque. Il était beau, charmant, spirituel ; il ne fit aucune référence à la politique. C'était du domaine des diplomates plus âgés et ils ne parleraient pas des affaires d'état pendant un tel événement public.

Draculea conversa poliment avec Mahamoud à sa droite et Ali à sa gauche, mais ceux qui connaissaient le prince savaient qu'il y avait quelque chose qui le préoccupait. Il étudia attentivement chacun des diplomates tandis que le repas se poursuivait. Enfin, il fit à Mahamoud :

« Votre manière de vous habiller est plaisante bien qu'étrange, mon sieur. »


Mahamoud inclina la tête.

« Nos styles sont distincts, votre Altesse, mais ils conviennent bien à notre pays et notre style de vie.

– Sans doute. Je vois que vous avez chacun revêtu de nouveaux vêtements pour la fête. »

Un peu perplexe, Mahamoud acquiesça.

« Ç'aurait été manquer de respect à votre rang, votre Altesse. »

Il hocha la tête. C'était vrai. Seuls les paysans portaient sans cesse les mêmes vêtements, alors qu'on attendait d'un noble qu'il se change souvent. Cela prouvait à la fois sa richesse et son statut, et cela honorait les gens qui l'entouraient.

« En fait, le seul accessoire que je reconnaisse, ce sont vos chapeaux. Ce sont les mêmes que lorsque vous êtes arrivés. »


Quelques invités de la table haute cessèrent de mangèrent et tâchèrent de se montrer discrets pendant qu'ils écoutaient. Mahamoud pensa savoir où tout cela allait le mener mais il prétendit ne pas voir de reproche dans ces paroles.

« Ils ont le même style mais ce sont des fez différents, votre altesse. Ceux que nous portions pour voyager avaient besoin d'être lavés.

– Donc vous avez mis des chapeaux propres pour vous présenter au banquet.

– Oui, votre Altesse. »


Avec désinvolture, Draculea poussa du doigt un os dans son assiette.

« Les Juifs portent leurs petits chapeaux sur le crâne... »

Il fronça les sourcils et se tourna vers Simion qui se tenait derrière sa chaise.

« Quel est le mot déjà, Simion ?

– Des kippa NdT : Alors là, je suis un peu embêtée avec la traduction. Les deux mots anglais utilisés pour désigner une kippa sont skull-cap et yarmulka, qui se traduisent tous les deux par kippa. Je ne comprends pas pourquoi il y a deux mots distincts en anglais et en français pour désigner les kippa et du coup, je me demande lequel est vraiment un mot juif ^^;; J'ai donc fait une traduction plutôt libre ici afin de garder le sens du texte original. (1), Domn.

– Oui. Ils les portent pour des raisons religieuses, pour couvrir leur tête devant leur dieu ou un truc dans le genre. Dites-moi, avez-vous une telle raison pour porter vos chapeaux ? »

Mahamoud hésita.

« Il n'y a aucune raison religieuse, Domn. C'est seulement notre coutume.

– Mmm. »


Le silence avait commencé à se répandre à table. Ses yeux parcoururent l'assemblée.

« Je ne vois personne d'autre avec sa tête couverte. Vous savez, pour autant que je sache, dans toutes les cours d'Europe et d'Orient, la coutume est d'accueillir le monarque tête nue, en signe de respect. »

Draculea se pencha un peu en avant et regarda Stefan qui était un peu plus bas à table.

« Je ne me trompe pas, n'est-ce pas, Stefan ? »

Stefan ferma brièvement les yeux. Pourquoi n'ai-je pas remarqué ? Il a raison, et il a déjà exécuté des hommes pour moins que ça. Il se souvint d'un incident en particulier, peu après le commencement du règne de Draculea.

Draculea avait pris le trône en éliminant un parent distant qui prétendait avoir plus droit au trône que le fils de feu le dirigeant du pays. Tous les officiers des forces armées valaques ne l'avaient pas entièrement soutenu pour la succession de son père, et malgré son jeune âge à l'époque, il savait qu'un tel soutien était essentiel.

Durant sa première revue des troupes, l'un des généraux avait refusé de s'incliner. Draculea lui avait offert une seconde chance de montrer son obéissance mais l'homme avait dédaigneusement refusé. Le prince avait commenté que le général avait peut-être besoin d'aide pour courber l'échine.


Le général fut complètement déshabillé. On le força à se plier en deux, et son torse fut attaché à ses jambes, de telle sorte que son visage se trouvait contre ses genoux, puis il fut pendu par les pieds dans la cour du château.

Stefan ne se rappela pas au bout de combien de temps l'homme finit par mourir. Une semaine ? Dix jours ? La fin aurait pu venir plus vite mais le prince avait ordonné qu'on lui donne chaque jour un peu de nourriture et d'eau. Certains auraient pu y voir une marque de miséricorde mais Stefan savait que c'était surtout pour prolonger l'agonie de cet homme.


Les cordes avaient rapidement coupé la peau de ses chevilles. Il fallut plus longtemps pour que les cordes qui le retenaient en fassent autant, mais son poids y avait finalement aidé. Le sang avait strié son corps pour humidifier le sol sous lui, se mélangeant à ses propres déchets.

Les cordes autour de ses chevilles s'étaient enfoncées profondément dans la chair. Les pieds avaient enflé jusqu'à atteindre une taille monstrueuse, devenant bleus, violets puis noirs. La peau s'était déchirée et les fissures avaient rejeté une substance jaune et putride. L'odeur autour du pauvre homme était devenue presque insupportable. Les chevaux se cabraient lorsqu'ils devaient passer non loin, et plus d'un homme avait vidé son estomac lorsqu'il s'approchait trop près.


Stefan supposa que si l'homme avait vécu plus longtemps, ses pieds se seraient finalement arrachés, mais cela n'était jamais arrivé jusque là. Quelqu'un avait eu pitié de l'homme, qui depuis le temps était devenu fou, et lui avait coupé la gorge durant la nuit. Personne n'avait voulu reconnaître cet acte, étant donné que cela pouvait être interprété comme un signe de trahison. Draculea avait simplement déclaré que si le responsable ne voulait pas se dénoncer, il tuerait tout simplement chaque homme qui avait été sous les ordres du défunt.

Un homme s'était avancé pour prendre le blâme. Toute la compagnie avait reculé, attendant de voir quelle horreur Draculea allait décréter. Le prince avait annoncé qu'il doutait vraiment que ce soit le vrai coupable. Il pensait que l'homme se dénonçait uniquement pour sauver ses camarades et qu'une telle loyauté devait être récompensée. Il avait donné à cet homme la place de l'ancien général.


Se souvenant de cela, Stefan pria avec ferveur que les Turcs n'essayaient de montrer subtilement du pouvoir. Tout monarque confronté à un tel manque de respect devait prendre des mesures. Si Draculea ne réglait pas cette insulte rapidement, ses gens considéreraient cela comme un affront pour eux aussi et aucun dirigeant ne pouvait se le permettre.

Stefan inspira profondément et fit :

« En vérité, mon prince, telle est la règle, bien que chaque monarque puisse décider des détails de manière les plus fins dans son propre domaine, comme il le juge approprié. »

Vous n'êtes pas obligé de faire des représailles, mon seigneur. Je prie Dieu que vous donniez une autre chance à ces hommes, pour que nous puissions au moins essayer de signer un accord avec le sultan.


Draculea sembla réfléchir à tout cela. Pas un morceau de viande ou une goutte de vin ne fut consommé pendant que tous attendaient son verdict avec une pointe de malaise. Il fit finalement :

« J'ai été troublé que vous n'ayez pas retiré vos chapeaux lorsque nous nous sommes rencontrés mais j'ai laissé de côté ce sujet. Vous étiez épuisés et nous étions toujours dehors. Mais ce soir... »

Il secoua la tête.

« C'est une occasion formelle et les convenances devraient être observées. »

Il regarda à nouveau Mahamoud qui avait l'air sinistre et inquiet.

« Pouvez-vous me donner une raison suffisante pour que vous ne me respectiez pas ainsi ? »


Si la salle avait été calme avant, elle était maintenant silencieuse. Allah, cet homme irait jusqu'à nous affronter devant toute sa cour ! Comment pouvons-nous céder à présent ? La rumeur de notre soumission circulerait vite et cela minerait notre position dans l'Empire. Il considéra toutes les éventualités le temps de quelques battements de cœur et prit sa décision. La punition pour une telle offense mineure ne serait certainement pas bien grande et ils pourraient reprendre ensuite les négociations. À leur retour, il avertirait le sultan d'être très prudent sur toutes les petites courtoisies dans leurs futurs échanges avec cet homme.

Mahamoud inclina la tête.

« Votre Altesse, c'est la coutume de nos père, de leurs pères et de leurs pères avant eux. Nous honorons ainsi nos ancêtres. »


La voix de Draculea était froide

« C'est un sentiment admirable, mais en honorant le passé, vous ne devez pas mépriser le présent ou mettre le futur en danger. Je vais vous donner une chance de réfléchir à vos priorités. J'attends avec curiosité notre prochaine rencontre. »

Il se leva.

« Si vous voulez bien m'excuser, je n'ai pas eu l'occasion d'exercer mon cheval aujourd'hui, et un étalon de guerre ne doit pas devenir trop rétif. Le banquet continuera. »

Draculea marcha le long de la table, suivi par Simion. Il s'arrêta çà et là pour parler avec différents invités. Rahazad, bien trop occupé à vider sa coupe d'hydromel, ne remarqua pas qu'en passant, Draculea passa gentiment la main sur les épaules du jeune bibliothécaire.


Le banquet se poursuivit, devenant plus bruyant à présent que le prince était parti. Rahazad se serait retenu si le dirigeant était resté. À présent, il sentait qu'il pouvait se relâcher en toute sécurité. Il retournerait bientôt dans sa mère-patrie et à son abstinence. Pour le moment, il avait l'intention de festoyer.

Il s'enivra pour la première fois de sa vie et en apprécia grandement les effets. Il se demanda s'il pouvait obtenir un poste dans l'une des cours barbares afin qu'il puisse souvent s'amuser ainsi. Il regarda Nicolae s'excuser auprès de ses compagnons de repas, se lever et se diriger vers la chapelle. Offrir un tel cadeau au sultan le ferait pencher en ma faveur, je pense. Bien sûr, il sourit, je devrais tester ce présent en premier, pour être sûr de sa qualité.

Il attendit quelques moments, puis s'excusa à son tour. Mahamoud le congédia, songeant avec approbation que si ce jeune homme était assez stupide pour s'enivrer avec des boissons fortes, il était au moins assez sage pour s'arrêter et se coucher avant de faire quelque chose d'imprudent.

Rahazad essaya de marcher prudemment, bien que le sol était moins régulier que dans son souvenir. Des yeux le suivirent tandis qu'il quittait la salle. Quelques-uns se demandèrent pourquoi il se dirigeait vers la chapelle s'il avait l'intention d'aller dans sa chambre, mais beaucoup savaient pourquoi. Ils se demandèrent s'ils devaient en parler au prince puis décidèrent que non. Même si l'avertir de l'intérêt du jeune Turc pour son ami pouvait attirer ses faveurs, il y avait aussi ce vieux dicton à propos de tuer le messager...


Avec la Cour qui s'amusait encore, personne ne se trouvait dans les environs alors que Rahazad se dirigeait vers la chapelle. Il ouvrit doucement la lourde porte et se glissa à l'intérieur. Elle était faiblement éclairée. Les chandelles qui vacillaient sur l'autel projetaient une faible lueur devant la salle, seulement assez pour illuminer le jeune homme agenouillé devant l'icône de la Madone.

Rahazad resta très silencieux jusqu'à ce qu'il soit sûr qu'il n'y avait personne d'autre dans la chapelle. Quand il fut certain que Nicolae et lui étaient seuls, il commença à remonter lentement l'allée. Il se concentra sur la silhouette agenouillée, l'utilisant comme un guide.


Il se déplaça à côté Nicolae, ses chaussons silencieux sur le sol de pierre. Les yeux du garçon étaient fermés et ses lèvres remuaient en prière alors qu'il faisait glisser les perles d'un rosaire à travers ses doigts. Rahazad se reput du beau visage pâle, si paisible alors qu'il faisait ses dévotions. Il laissa son regard glisser le long de la colonne forte et lisse de la nuque de Nicolae, puis tourna la tête pour suivre la longue ligne droite de son dos jusqu'au renflement tentant de ses fesses. Incapable de résister, il tendit la main pour toucher les cheveux dorés par la lumière des chandelles.


Nicolae sentit le contact et sourit. C'était typique de la part de Draculea de le surprendre ainsi. Ils avaient été séparés toute la journée et c'était peut-être encore plus dur que de supporter l'absence de Draculea. Ils se voyaient mais avec les yeux des autres posés sur eux, ils ne pouvaient pas se toucher. Il pencha la tête contre la main qui caressait délicatement ses cheveux tandis qu'il finissait sa prière, puis il murmura amoureusement :

« Maître.

– Esclave. »

Un choc parcourut Nicolae et ses yeux s'ouvrirent. Au lieu de son bien-aimé, il vit penché sur lui l'envoyé turc qui l'avait accosté dans la bibliothèque le matin. La main de l'homme était dans ses cheveux et l'intimité de ce contact le révolta. Il commença à se retirer mais Rahazad resserra sa prise vicieusement, souriant au léger cri de douleur du jeune homme


« Alors, je te retrouve à genoux, Nicolae. »

Sa voix était pâteuse et l'odeur aiguë de l'alcool étouffa presque Nicolae.

« Domn, vous êtes ivre ! Laissez-moi partir. »

De son autre main, Rahazad caressa le visage de Nicolae.

« Pas ivre au point de ne pas pouvoir te prendre, mon doux. »

Nicolae attrapa le bras du Rahazad, essayant de forcer le Turc à le libérer mais la prise se fit plus insistante. Il grinça des dents.

« Je vous l'ai dit, je ne suis pas libre, et même si je l'étais, je vous refuserai ! »

Rahazad rit.

« Ah, alors comme ça, tu choisirais ? »

Il secoua Nicolae.

« Fier esclave. Il faudra qu'on brise cette attitude. Ce sera un plaisir pour moi que de t'enseigner un comportement plus approprié. »


Il tomba à genoux, tirant Nicolae à terre jusqu'à ce que le jeune homme soit forcé de rester à quatre pattes. Il tendit la main sous lui, cherchant les cordes de ses braies.

« Non ! »

Il hurla presque alors que la prise de Rahazad sur ses cheveux devint agonisante. Nicolae n'avait pas connu une pareille douleur depuis la dernière fois où son père l'avait battu et ce souvenir le fit paniquer. Il essayer de repousser son adversaire mais il ne pouvait pas utiliser ses bras sans ajouter plus de poids à la prise de Rahazad, s'infligeant plus de douleur. Son éducation avait éloigné Nicolae des jeux rudes et des bousculades avec d'autres garçons et sa vie recluse au monastère l'avait protégé de la violence qui faisait partie de la vie quotidienne de tant de gens à son époque. Il n'était donc malheureusement pas prêt à se défendre.


Rahazad s'arrêta dans sa fouille pour donner un coup presque distrait à Nicolae, puis retourna à ses activités premières.

« Tu peux te débattre si tu le souhaites, mon mignon, mais ce n'en sera que plus douloureux pour toi. »

Il tira sur les cordes pour les dénouer et tira sur les braies de Nicolae. Il parvint à les retirer le long des hanches du jeune homme, exposant à moitié les globes de ses fesses.

« Ah, une telle beauté ! Si pâle. »

Rahazad abattit le dos de sa main sur l'une des fesses, le coup résonnant avec un craquement aigu et faisant crier Nicolae de douleur et de panique naissante. Il regarda avec admiration une tache rosée apparaître sur la peau blanche. Attrapant la hanche de Nicolae, Rahazad se pencha rapidement pour mordre la chair qui semblait délicieuse, le pinçant fort. Nicolae cria plus fort.

« Mmm, le banquet de ton prince n'a pas fourni de la viande aussi douce et tendre. »


Il commença à bouger, essayant de se mettre en position derrière le jeune homme.

« Écarte les jambes, petite pute. Si tu es bien sage, je cracherai pour faciliter le passage quand je te monterai. »

Rahazad tirait la tête de Nicolae si fort en arrière que le jeune homme craignait que sa nuque ne se brise. Désespéré, il se tourna et frappa, ignorant la douleur sèche dans son crâne. Si Rahazad n'avait pas été aussi ivre, le coup n'aurait jamais pu porter mais le talon de Nicolae s'enfonça profondément dans son aine, s'écrasant contre son érection.

L'alcool que Rahazad avait bu ne fut pas suffisant pour atténuer la douleur qui explosa dans son aine. Il libéra sa victime, attrapant plutôt ses parties blessées. Tandis qu'il s'écroulait, Nicolae se redressa, remontant ses braies et les refermant tout en courant.


La porte s'ouvrit lorsque Nicolae l'atteignit et il rentra presque dans le père Mircea. Le prêtre attrapa le bras du jeune homme en le grondant :

« Mon garçon ! Une hâte si inconvenante dans la maison de notre Seigneur... »

Sa voix mourut lorsqu'il entendit un gémissement provenant du devant de la chapelle. Il vit un homme étendu à terre devant la Madone et reconnut un des Turcs en visite.

Ses yeux revinrent au jeune homme en face de lui. Il nota les yeux déchaînés et le filet de sang suintant de ses cheveux pour tacher son front. Il vit l'état désordonné de ses vêtements et sentit les tremblements dans le bras qu'il tenait.

« Nicolae, mon garçon ! Tu vas bien ?

– Je... Dieu était avec moi, mon père.

– Dans notre propre sanctuaire ? murmura Mircea, horrifié. Le prince va...

– Non ! »


Nicolae s'accrocha désespérément à lui.

« Vous ne devez pas lui en parler, mon père, je vous en prie !

– Mais Nicolae, réfléchis. Cet homme n'a pas seulement cherché à polluer de la terre sainte avec ses désirs, il a violé la confiance et l'hospitalité du prince de la manière la plus vile. »

Sa voix tremblait de colère.

« Et il s'en est pris à un bon jeune homme sans défense.

– Je ne causerai pas la mort d'un homme, mon père. S'il vous plaît. »

Il vit la détermination farouche dans les yeux de Mircea et prit le dernier recours qu'il lui restait.

« Pardonnez-moi, mon père, car j'ai péché. Cela fait un jour que je ne me suis pas confessé.

– Nicolae.. »

Mircea voyait ce que le jeune homme voulait faire.


Nicolae continua à parler.

« J'ai tenté l'invité de mon seigneur. Je l'ai conduit à...

– Non, Nicolae. »

Comme le jeune homme allait continuer, Mircea posa gentiment une main sur ses lèvres et fit fermement :

« Je n'écouterai pas de fausses confessions. Tu n'as commis aucun péché, Nicolae. Ne revendique pas ce qui n'est pas à toi. »

Il soupira.

« Je n'irai pas chercher Draculea. »

Nicolae attrapa le poignet de Mircea et embrassa sa paume avec ferveur.

« Dieu vous bénisse, mon père. La paix de notre peuple est plus importante que ma petite douleur. »


Il baissa les yeux.

« Et l'âme de Draculea est encore plus importante. Je ne voudrais pas qu'il cherche à se venger en mon nom. »

Son regard se porta anxieusement sur le visage du prêtre.

« Jurez-moi que vous n'irez pas le voir pour ça.

– Je le jure, Nicolae. »

Satisfait, le jeune homme hocha la tête et partit. Mircea regarda le Turc qui tentait à présent de se remettre debout. Il y avait une flaque de vomis sur le sol où il avait vidé son estomac. Il serait peut-être assez sobre à présent pour regagner sa propre chambre. Que Dieu me pardonne de t'avoir trompé, Nicolae. Je n'irai pas voir Draculea mais s'il vient me chercher, je ne retiendrai pas ma langue.



Notes du chapitre :
(1) NdT : Alors là, je suis un peu embêtée avec la traduction. Les deux mots anglais utilisés pour désigner une kippa sont skull-cap et yarmulka, qui se traduisent tous les deux par kippa. Je ne comprends pas pourquoi il y a deux mots distincts en anglais et en français pour désigner les kippa et du coup, je me demande lequel est vraiment un mot juif ^^;; J'ai donc fait une traduction plutôt libre ici afin de garder le sens du texte original.






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