Child of the Night 89

Partie Quatre-vingt-neuf : Poursuite



L'an de grâce 1892
Château Draculea, Transylvanie



Le Rom qui prit le cheval de Simion avait une plaie récente sur sa nuque, et les deux qu'il croisa dans la grande salle aussi. Cela inquiéta Simion, mais seulement un peu. Aucun homme ne semblait bouleversé physiquement ou émotionnellement, aussi le prince ne devait-il pas avoir pris plus de quelques gorgées sur chacun, mais cela faisait depuis tellement longtemps que Draculea ne s'était pas nourri chez un humain. Cela ne s'était pas produit durant la vie de ces hommes mais servir le prince était héréditaire — ils savaient à quoi s'attendre. Vlad connaissait leur valeur et était reconnaissant de leur loyauté féroce. Durant toutes ses longues années de servitude, les Roms n'avaient jamais perdu un homme à cause de la colère du prince ou de son imprudence. Mais Draculea n'avait jamais été aussi près d'atteindre le désir de son cœur.


Simion se rua dans la chambre de Draculea. Quand il entra, le prince était penché sur le cou d'un autre Rom. La tête du serviteur était rejetée en arrière, ses dents dénudées en un mélange de plaisir et de douleur alors que son maître se nourrissait. Simion hésita en se demandant s'il devait intervenir. Ce ne fut pas la peine. Après un moment, Draculea releva la tête en se léchant les lèvres. Un fin filet de sang s'échappa de la blessure en se frayant un chemin sous le col effiloché de l'homme. Draculea sortit son mouchoir en lin fin et le pressa contre les piqûres. Le serviteur ne bougea pas et Draculea fit doucement :

« Cela suffit, mon bon serviteur. »

L'homme secoua légèrement la tête, ses yeux s'éclaircissant. Il tendit la main pour prendre le linge et se rendit compte de ce dont il s'agissait.

« Domn, je ne peux pas... »


Vlad l'interrompit :

« Tu as honorablement récolté cette blessure. Je te remercie. »

Même après sa récente perte de sang, l'homme rougit de fierté à la louange de Draculea. En s'inclinant, il quitta la pièce. Simion sut que le mouchoir serait tendrement préservé et probablement transmis au fils de cet homme.

Simion avança plus dans la chambre et fit :

« Mon cœur est lourd de chagrin, mon seigneur. »

Draculea avait le dos tourné à Simion et il ne se retourna pas. D'une voix basse, il fit :

« Tu n'as pas besoin de me le dire, Simion. Il n'est pas avec toi.

- Les villageois ont agi rapidement, Domn.

- Bien sûr. Ils protégeaient un innocent du démon. »


Son ton était plat mais teinté d'ironie. Une main se leva pour se poser lentement sur le montant du lit en bois sombre.

« J'aurais une meilleure opinion d'eux si c'était tout, Simion. Mais je ne peux m'empêcher de penser — est-il possible que ce qui les conduit à de telles mesures est plus l'envie de me refuser ce que je désire si clairement ? »

Quelque chose de très étrange arrivait alors que Draculea parlait. L'air dans la pièce sembla chargé comme si des étincelles pouvaient jaillir à tout moment, et Vlad était le centre de cette énergie invisible. Puis Simion remarqua ses cheveux.

Ils pendaient le long du dos du prince, échappés de leur tresse habituelle. Ils avaient été blancs pendant de nombreuses années. Depuis que Jonathan était venu au château et que Draculea avait recommencé à boire du sang humain, Simion avait remarqué qu'ils avaient un peu foncé. Ils étaient passés de blancs à gris acier, avec des mèches noires aux tempes. Simion n'était pas sûr de ce qui avait provoqué le changement — la nourriture du corps — ou de l'esprit. Mais il avait été clair que Draculea regagnait un peu de la vitalité perdue durant son ennui. Alors que Simion regardait d'un air émerveillé, il sembla que des rubans noirs se mêlaient aux cheveux de Draculea, du scalp jusqu'aux pointes devant ses yeux. En quelques instants, les cheveux étaient poivre et sel. Et sa main...


La manche de la robe de Draculea était remontée et découvrait son poignet. Le poignet était fin avec des tendons proéminents et la main paraissait presque trop grande pour lui. Elle était un peu anguleuse, les jointures enflées, et était recouverte de taches de vieillesse. Les marques disparurent alors que la peau qui avait été lâche et finement ridée, comme du papier de soie, se resserra et s'adoucit. Mais ce n'était pas que la peau se resserrait, c'était la chair en-dessous qui se raffermissait et remplissait l'espace.

La main ne semblait plus trop large pour un membre frêle. Il semblait à nouveau fort et capable. Les ongles, qui avaient jaunis et s'étaient incurvés comme ceux d'un mandarin, étaient à nouveau courts et rationnels. Draculea se tourna vers Simion. Avec ce simple mouvement, il sembla gagner plusieurs pouces.


Nicolae avait connu Draculea dans sa prime jeunesse. Jonathan Harker avait rencontré un homme âgé. Ce qui se tenait devant Simion était à présent un intermédiaire — un homme vigoureux dans la trentaine. Nicolae le reconnaîtrait parce qu'il avait rêvé de passer sa vie avec Vlad. Il était cependant incertain que Jonathan le reconnaîtrait.

Simion tenta de parler mais sa voix lui fit défaut. Draculea sourit.

« Ai-je tant changé, mon vieil ami ? Je l'ai senti me parcourir. Pendant longtemps, je ne me suis pas senti chez moi dans ce corps — mon esprit a habité inconfortablement ma chair — mais maintenant... »

Il serra son poing en baissant les yeux et en réfléchissant.

« Je n'avais aucune raison de poursuivre cette vie fictive. Maintenant que j'ai une raison, la vie me revient. Tout va bien. »

Simion acquiesça. Beaucoup d'autres hommes se seraient retournés et seraient partis rapidement mais Simion connaissait Draculea et savait que son ami n'en penserait pas moins de lui pour les larmes qui coulèrent sur son visage.

Rill se réveilla dans un cocon de chaleur et il sourit, les yeux fermés. Il se nicha plus contre le corps robuste derrière lui et sentit des bras forts se resserrer contre lui.

« Simion, murmura-t-il.

- Oui, mon doux garçon. »

Simion caressa les cheveux de Rill.

« Tu as faim ?

- Mmm. »

Simion caressa l'arrière de sa tête en poussant le visage du garçon contre sa gorge. Il frémit alors que Rill le renifla puis le lécha délicatement. Il sentit le bord des dents de Rill, mais pas la pointe de ses canines. Il y eut un bref pincement puis Rill retira les mains de Simion et s'assit. Il baissa les yeux vers son amant et fit :

« Non, tu as nourri le prince de nombreuses fois ces derniers jours. »


Simion tendit la main pour la faire glisser sur la joue de Rill.

« Je suis fort, mon amour. »

Rill prit son poignet et embrassa la paume de sa main.

« Je sais. Et je sais que tu me laisserais te vider si j'en avais besoin, mais je n'en ai pas besoin. Je vais visiter les écuries sous peu. »

Les chevaux du château étaient nés et élevés au château. Ils avaient connu les Nosferatu durant toute leur vie et ils n'avaient pas peur d'eux. Ils se tenaient calmes si l'un des vampires qu'ils connaissaient avait besoin d'un repas. Mais ils avaient toujours de faibles traces du sang des chevaux de combat. Quiconque n'était pas familier — naturel ou autre — prenait un risque en les approchant.

Il se tourna pour s'asseoir sur le bord du lit et fit :

« Tu ne l'as pas retrouvé.

- Ils l'avaient fait partir avant que nous n'arrivions. »


Rill regarda le plafond, son attitude étant celle de quelqu'un qui écoutait attentivement. À nouveau, Simion songea que bien que Rill soit considéré comme simple selon les normes du monde, il avait toujours eu plus de sensibilité que le monde 'normal' n'aurait jamais. Rill tourna la tête pour le regarder et son expression était soulagée.

« Le prince... j'avais peur pour lui si tu ne ramenais pas Jonathan. Mais il... il n'a pas sombré dans le désespoir comme avant.

- Non. »

Simion se déplaça derrière Rill en passant ses bras autour de la taille du garçon et en posant son menton sur son épaule.

« Je le craignais aussi, Rill. Je ne l'aurais pas cru mais cela semble l'avoir revitalisé.

- Il a un but à présent, fit Rill. Il va retrouver Jonathan.

- Oui. Nous ne savons pas où il est pour l'instant mais nous savons où on va l'emmener. Ils vont s'assurer qu'il rentre en Angleterre. Avant d'aller me coucher, j'ai envoyé du courrier à la firme de Jonathan en Angleterre pour autoriser l'achat de plusieurs propriétés. Quelques-unes sont dans Londres, près de son lieu de travail. Une autre se trouve près de l'endroit où vit sa fiancée. Ils vont l'amener dans un de ces endroits. À mon avis, ce sera la campagne. J'ai lu ses lettres. Sa Mina reste chez une amie fortunée — une dame. Elle voudra l'avoir près de lui pour s'occuper de lui. »


Rill marmonna :

« Le prince ne va pas aimer ça. »

Simion sourit dans son dos.

« Non, c'est vrai. Il souhaite que Jonathan reçoive les meilleurs soins, mais pas de quelqu'un qui a l'audace de croire qu'il lui appartient.

- Il ne devrait pas être jaloux. Jonathan croit qu'il l'aime... »

Il se renfrogna.

« Non, ce n'est pas vrai. Il pense qu'il devrait l'aimer. Mais une partie de lui sait à qui il appartient. »

Rill se tourna vers Simion pour l'enlacer.

« Simion, Robert est en Angleterre.

- Oui.

- Je sais que le prince va aller en Angleterre pour trouver Jonathan. Pourrais-je venir aussi et chercher Robert ?

- Rill, ce va être un long voyage et il y aura du danger. Le prince n'aura pas le temps de chercher Robert.

- Je sais, c'est pour ça que je veux venir. Je peux aller à sa recherche pendant que le prince et toi cherchez Jonathan.

- Tout seul ? »

Cette idée horrifia Simion. Rill avait été protégé durant toute sa non-vie, jamais sans protection.

« Je peux rester près du prince et toi mais explorer de mon côté. »


Il se tourna dans les bras de Simion pour l'embrasser.

« Ce n'est pas juste, ce qui est arrivé à Robert. Je n'en veux pas au prince — il ne voulait pas que Robert soit blessé. Mais c'est arrivé et il est tout seul désormais. Je t'en prie, Simion, c'est mon ami.

- Je vais lui demander, Rill, mais c'est lui qui va décider.

- Je comprends. Dis-lui que je ne vous gênerai pas. Je suis fort et rapide. Je ne le ralentirai pas.

- Je sais, Rill. Tu n'as jamais été une gêne.

- Je le veux, Simion. »

Rill le regarda dans les yeux, son expression sérieuse. Il n'amadouait pas ou ne cajolait pas, il exprimait un désir sincère et direct.

« Il a besoin de moi. Je peux prendre soin de lui. »

Simion sentit son cœur se serrer. Avec tous les abus et l'exploitation qu'il avait connu dans sa jeunesse, Rill avait développé une certaines affection pour toutes les choses vulnérables. C'était le doux champion des chatons ; il soignait les Roms stoïques lorsqu'ils étaient blessés. Simion se souvenait encore de sa tendresse mélancolique avec le bébé que Sinn avait sauvé des mains de cette sorcière, il y avait si longtemps.


Bien que Rill ne doutait pas de l'amour de Simion, il savait que Simion n'avait pas besoin de lui — pas de façon pratique. Renfield était une autre histoire. L'Anglais n'avait jamais été fort — physiquement ou émotionnellement, et il était à présent détruit. Rill avait raison — il avait besoin de QUELQU'UN. Il avait besoin qu'on le chérisse, qu'on ne lui fournisse pas simplement les nécessités de base dans la vie. Simion avait le sentiment qu'il n'allait pas obtenir ce dont il avait besoin en Angleterre.

«  Je verrais ce que je peux faire, Rill. »

Rill sourit brillamment puis battit des mains.

« Je vais aller en Angleterre ! »

Simion rit mais c'était un peu contrit. Quelle chose extraordinaire et terrible d'avoir quelqu'un qui lui faisait confiance.

D'après le journal du docteur Jack Seward

Renfield est rapidement devenu mon cas le plus fascinant. Les illusions de cet homme sont élaborées — à cheval sur le baroque. Juste quand je pense avoir atteint les profondeurs de sa folie, une nouvelle couche de fantasme se révèle. Il croit à présent qu'il communique avec quelqu'un en Transylvanie — le pays où il s'est effondré.

J'ai rencontré beaucoup de patients qui croyaient être en communication avec Dieu, le Diable, des démons ou des anges. La plupart des patients se plaignent de voix appartenant à de mystérieux 'autres' — des gens invisibles qui leur murmurent à l'oreille.

Ce qui est étrange, c'est que ces 'communications' ne bouleversent pas Robert. Après cet incident dans mon bureau, il s'est montré beaucoup plus calme.


Jack Seward posa son stylo et prit une gorgée de cognac. Calme, oui — mais loin d'être sain d'esprit. En dépit de ses meilleurs efforts, cet homme continuait toujours à ingérer de façon répugnante tous les insectes et araignées qu'il pouvait capturer. Et les gardiens avaient dit qu'ils lui avaient confisqué une souris. Renfield avait protesté avec véhémence qu'il s'agissait d'un animal de compagnie et en effet, la petite créature était remarquablement replète. Jack avait déjà vu les souris de l'asile et ils s'agissait de petites créatures faméliques. Jack avait demandé à Renfield si peut-être il avait engrossé la petite bestiole. L'homme était soudain devenu morose puis avait souri d'un air rusé et avait dit que c'était une bonne chose — les souris et les rats convenaient. Même le maître en avait mangés.


Seward ferma les yeux en se rappelant de ce sourire. Il avait été presque sauvage mais il y avait une intelligence brillante et dérangeante derrière lui. C'était effrayant — songer à un fou intelligent. Il était certain que Renfield ne représentait un danger pour personne sauf pour lui-même, mais il y avait toujours un risque. Seward avait commencé à se demander s'il avait le droit de passer autant de temps avec ce patient en particulier. Mais Renfield était un cas si fascinant...

Enfer, personne n'est là pour voir, alors pourquoi ne pas l'admettre ? Mes intérêts vont depuis longtemps plus loin que l'intérêt clinique. C'est personnel.

Seward s'occupait des complexités de l'esprit. Il s'était admis depuis longtemps que, bien que sa préférence aille aux femmes, il pouvait de temps en temps considérer un homme avec une admiration sensuelle. Mais pourquoi Renfield ? Dieu savait qu'il n'était l'homme le plus beau physiquement qu'il ait rencontré. Il était petit et pâle, mince presque au point d'être famélique. Son visage n'était que pointes et angles avec de grands yeux sombres.


Ces yeux... Cela en faisait partie. Les yeux de ses patients étaient le plus souvent remplis de confusion ou vide de toute étincelle de conscience. Les yeux de Renfield montraient beaucoup plus. Ils étaient tour à tour blessés, songeurs et amusés. C'était peut-être cet amusement qui intriguait le plus Seward. Au nom du Ciel, qu'est-ce que cet homme pouvait trouver d'amusant dans sa situation grave ? Parfois, Jack soupçonnait qu'IL était la source de l'hilarité secrète de Renfield — que ce petit homme regardait les tentatives de Seward pour l'analyser et qu'il le trouvait ridicule.

Ce n'était sans doute pas aussi étrange que ça qu'il trouve Renfield séduisant. Après tout, il aimait Lucy et ELLE le trouvait ridicule. Oh, elle était presque douce quand elle s'ennuyait. Quand il n'y avait personne d'intéressant autour. Et chaque fois qu'il était prêt à tirer sa révérence, à admettre finalement que son amour pour elle était sans espoir, elle tournait à nouveau son attention taquine sur lui et il était à nouveau piégé. Une partie de lui profondément enfouie comprenait que ce n'était qu'un jeu pour elle — qu'elle le garderait en laisse aussi longtemps que possible tout en cherchant quelqu'un qui convenait mieux à ses goûts — et qu'ensuite il serait brutalement relâché. Non, il n'aurait jamais Lucy. Il vida son verre de cognac et s'en servit un autre.


Il ne savait pas exactement combien de verres il avait bus — plus que d'habitude, plus qu'il ne le fallait pour sa santé. Il n'eut même pas conscience d'être ivre avant de se retrouver à marcher à l'étage principale en jouant avec le jeu de clefs dans sa main.

Le gardien qui patrouillait dans les niveaux supérieurs s'arrêta et regarda le docteur par dessus la balustrade. Seward s'arrêta devant une porte et la regarda en vacillant légèrement. C'était curieux. Seward ne rendait pas des visites nocturnes aux internés, sauf s'il était appelé pour une urgence. Puis Seward bougea, une main se baissant pour caresser sa cuisse et le gardien sourit.

C'était donc pour ça. Le docteur avait renvoyé ces deux autres gardiens pour avoir dérangé les internés et maintenant il allait faire lui-même un peu de sport. Ah, bon — il ne serait pas dur avec ces pauvres créatures, pas comme les deux autres, alors où était le mal ? Il se retourna et reprit sa ronde.

Il s'arrêta devant la cellule de Renfield et quelque part, n'avait-il pas su que c'était sa destination ? Il se tint immobile en regardant la porte blanche avec sa fenêtre fermée. Il tenta de s'obliger à faire demi-tour et à retourner dans ses appartements. Une dose de laudanum ferait disparaître ces sentiments noués. Puis il entendit le murmure de l'autre côté.

« Pourquoi attendez-vous, Docteur ? »

Jack cilla. Comment a-t-il su ? Comment a-t-il su que quelqu'un était là et qu'en plus c'était moi ? Puis il secoua légèrement la tête. Il a dû deviner. Il est peut-être fou mais il est encore intelligent.

« Je vous en prie, entrez. Je vous ferais bien entrer moi-même, mais... »


Il eut un léger rire et Seward sentit ses cheveux se hérisser sur sa nuque. Pourtant, il mit la clef dans la serrure. La cellule était faiblement éclairée par la lumière de la lune qui coulait à travers les barreaux de la fenêtre ouverte. Vêtu de la chemise de nuit grossière donnée à tous les patients, hommes ou femmes, Renfield était assis au bord de son lit de camp.

Ses mains étaient proprement posées sur ses genoux. Il eut un sourire cordial et mis à part ses vêtements et la lueur dans ses yeux, cela aurait pu être n'importe quel homme assis dans son propre salon en recevant un invité.

« J'ai bien peur de ne pas pouvoir allumer la lumière — pas de gaz, voyez-vous. Et pas de lampe ou de bougie. »

Il rit à nouveau et Seward put entendre la pointe de folie sous ce son jovial.

« J'aimerais bien me plaindre du logement mais quand je réfléchis au fait que je ne paie pas de loyer, cela ne me paraît pas très reconnaissant. En tout cas, je crains fort... »

Il désigna la fenêtre.

« ... que vous ne deviez faire avec la lumière ambiante. »

Il haussa un sourcil.

« À moins que vous n'aimeriez laisser la porte ouverte ? »


Seward entra dans la chambre en refermant la porte derrière lui.

« Non, je me disais bien que non. »

Seward glissa les clefs dans sa poche. Renfield tapota le matelas à côté de lui.

« Veuillez vous asseoir. J'ai bien peur que je ne puisse vous offrir mieux. »

Il baissa le menton et leva les yeux vers Seward en murmurant :

« Je sais que cela semble terriblement familier, mais que peut-on y faire ? »

Seward s'assit à côté de Renfield et Robert fit :

« Eh bien. Comme c'est agréable d'avoir un visiteur imprévu. Que me vaut ce plaisir ?

- Je... Je suis juste venu voir...

- Oui ?

- J'ai pensé que je ferais mieux de m'assurer que les cauchemars n'étaient pas revenus. »

Par intervalles, Renfield avait été troublé par des rêves hideux, des cauchemars dont il se réveillait en hurlant et en pleurant. Ils s'étaient raréfiés ces derniers jours.


« Ah, les cauchemars. Non, pas depuis deux nuits. »

Renfield posa ses coudes sur ses genoux puis son menton dans ses mains. Il lança un regard en coin à Seward.

« Je fais des rêves, oui. »

Il sourit et Seward fut choqué de voir le bout de sa langue pointer entre ses dents.

« Mais pas des rêves déplaisants — oh que non. Aimeriez-vous les entendre ? »

Seward garda le silence.

« Cela fait partie de votre travail, n'est-ce pas ? »

Seward se racla la gorge.

« Si cela peut vous aider.

- C'est un rêve très simple. Je suis ici, dans ma propre petite chambre, et il fait nuit, comme maintenant. Si sombre et si calme. Et puis quelqu'un est de l'autre côté de ma porte. Je ne sais pas qui c'est mais comme je me sens seul, je lui demande d'entrer. On doit inviter certains visiteurs à entrer. Ils sont soit trop timides pour prendre l'initiative ou bien... »

Sa voix mourut et pendant un moment, ses yeux étaient vagues.

« ... ou bien ils ne peuvent pas, pour certaines raisons. »


Tout aussi soudainement, il fut de retour.

« Je l'invite et il accepte. Il entre et s'assoit à côté de moi.

- Qui est ce visiteur ? »

Seward pouvait à peine reconnaître sa propre voix. Elle semblait épaisse.

« Je ne sais pas, fit Renfield d'un ton pensif. C'est un étranger. »

Il baissa les cils.

« Mais un bel étranger. Je peux dire qu'il veut quelque chose mais il ne veut pas dire quoi. Peut-être qu'il ne peut pas le dire. Moi, je n'ai jamais pu le dire. Puis je me rends compte de ce que c'est. Il est excité, vous voyez. Comme ça. »

Seward se figea alors que Renfield souleva sa chemise de nuit autour de sa taille. Robert était excité, son membre rigide jutait entre ses cuisses écartées. Seward tenta de détourner les yeux mais découvrit qu'il en était incapable. Fasciné, il observa une goutte claire de fluide couler de la fente.


Puis les mains de Robert se posèrent sur sa braguette en défaisant les boutons. Seward saisit ses poignets et Renfield fit doucement :

« Mais docteur, vous ne voulez pas connaître la suite du rêve ? »

La prise de Seward se relâcha. Bon sang, il voulait connaître la suite.

Renfield tourna ses mains pour saisir les mains de Seward et les poser à ses côtés. Puis il recommença à ouvrir le pantalon de Seward.

« Comme je disais, il est excité et je sais qu'il est venu pour moi.

- Vous avez peur ? »

Le sourire de Renfield était doux.

« Oh non, non. Je sais qu'il va être doux avec moi — pas comme les autres. Il ne va pas me frapper ou me mordre. Il ne va pas... me faire faire la même chose. Je n'aime pas ça. Je veux seulement donner du plaisir et les deux autres ne m'ont pas laissé le faire. Mais lui, oui. »

La main de Robert glissa dans le creux qu'il avait créé et Seward ferma les yeux alors que des doigts chauds et doux trouvèrent sa chair brûlante.


Robert murmurait alors qu'il dénudait le membre de Seward :

« Vous voyez, je ne peux pas avoir celui que je veux. Je l'ai compris. Je n'ai jamais vraiment cru que ce serait possible. Je n'ai jamais osé espérer autant. Non, je ne peux pas l'avoir. »

Les mains de Renfield s'enroulèrent autour du membre de Seward en le caressant lentement et Jack retint un gémissement.

« Mais mon visiteur nocturne... Oui, je peux l'avoir. Ou plutôt, il peut m'avoir. Je pense qu'il sera tendre. »

La main de Renfield bougea lentement, son pouce caressant la tête humide.

La voix du fou était grave et séductrice et Seward se demanda vaguement si on n'était pas en train de l'hypnotiser. La voix froide et clinique de son esprit se moqua de ça. Rien de si scientifique, Seward. Tu es simplement ivre et embrouillé par le désir.



Renfield se masturbait alors qu'il caressait Renfield, et c'était une caresse — son contact était presque tendre. Puis les yeux de Seward s'ouvrirent brusquement alors qu'il sentit un souffle chaud sur son sexe. Il baissa les yeux pour voir Renfield penché sur ses genoux, les lèvres pincées.

« Que faites-vous ? »

Seward n'était pas vierge mais il n'avait jamais été qu'avec des prostituées ou les lingères de l'asile. Ces femmes étaient rapides et efficaces, l'excitant avec leurs mains et le laissant trouver son orgasme en quelques coups dans leur chair glissante. Leurs bouches... Il y avait eu un baiser eu deux mais cela avait sans conviction. Elles n'avaient jamais offert plus et il n'avait jamais osé le suggérer bien qu'il se soit posé la question.

« Je vous montre. Il me goûte — comme ça. »


La langue de Renfield jaillit et lécha presque timidement le gland de Seward. L'homme frémit à cette sensation en grognant profondément.

« Je pense qu'il me trouve doux parce qu'il recommence. »

Renfield répéta son action, sa langue agile s'enroulant autour du gland de Seward.

« Je fuie et il le traite comme du nectar. »

Le bout de la langue de Renfield s'enfonça dans la fente de Seward. Quand elle passa, une lourde perle de fluide clair coula en se mélangeant avec la salive que Renfield avait laissé. Renfield lapa doucement plusieurs fois, puis il murmura :

« Il me traite comme un morceau de choix. »

Il glissa le gland entre ses lèvres en suçant.

« Oh, Seigneur, » gémit Seward en laissant sa tête retomber contre le mur alors que Renfield le dévorait lentement.


Il n'y avait aucune hâte dans les actions de Renfield, rien de furtif. Il lécha et suça en savourant de façon évidente, s'arrêtant de temps en temps pour informer Seward de ce qu'il allait faire ensuite, tenant le pénis rigide et crachant contre sa joue tout en parlant. Au début, Seward aurait pu se dire qu'il laissait faire Renfield uniquement pour avoir une meilleure idée de la maladie de cet homme. Mais quand Renfield fouilla plus loin dans le pantalon du docteur en racontant que son amant nocturne était descendu plus bas pour concentrer son attention sur ses sacs, Seward s'était surpris à écarter les jambes avec empressement pour lui offrir un meilleur accès.

La douce bouche chaude suça et pinça bientôt la peau douce et veloutée de ses testicules. Une éraflure de ses dents envoya un frisson de terreur dans le dos de Seward — mais il resta excité. Cette éraflure fut vite calmée avec des baisers prodigués puis l'une de ses boules fut engouffrée dans la caverne chaude de la bouche de Renfield tandis que la main du lunatique bougea fortement sur son membre tendu.


La voix de Renfield était essoufflée.

« Et quand il se rend compte que je suis proche de l'orgasme, il me prend complètement. »

La tête de Renfield se pencha et Seward cria alors qu'il était engouffré en entier. La main de Renfield se resserra sur ses sacs, les ongles piquant légèrement, et il fit travailler les muscles de sa gorge. Seward haleta profondément en poussant plus profondément et en sentant le petit homme s'étouffer. Mais Renfield ne recula pas. Il tint bon en suçant fortement. Seward eut l'impression de se dissoudre alors que son orgasme le balayait. Sa semence jaillit, épaisse et forte, et Renfield avala le tout avec avidité.

Seward ne perdit pas vraiment conscience mais pendant un moment, il n'eut plus tout à fait conscience de ce qui se passait. Quand il revint à lui, Renfield avait laissé son membre ramolli sortir. Il le léchait avec de petits coups de langues langoureux pour retirer toute goutte de sperme, ses doigts malaxant les cuisses de Seward, presque comme un chat repu.


Seward remarqua que son partenaire avait dû jouir lui aussi. Le sexe de Renfield était seulement à moitié dur, penché, et il y avait une nouvelle flaque luisante sur le sol. Seward fut soudain dégrisé et froid. Il était assis dans une cellule de l'asile, le pantalon ouvert, avec un lunatique qui le caressait de façon obscène.

Il repoussa Renfield et le petit homme retomba mollement. Il ne semblait pourtant pas offensé. Il s'étira puis rabaissa sa chemise alors que Seward se levait et se rendait à nouveau présentable. La voix de Renfield fut complaisante.

« Et puis il s'en va. Il a eu ce dont il avait besoin, vous voyez. Mais je pense qu'il reviendra.

- Non. »


La voix de Seward tremblait autant que ses mains. Renfield haussa les épaules mais il ne sembla pas convaincu. Seward se dirigea vers la porte mais se retourna pour regarder Renfield et il fit simplement :

«  Pourquoi ? »

Renfield se redressa sur une épaule et son regard était direct, sans aucune mignardise.

« Parce que le sang n'est pas le seul liquide qui contient l'essence de la vie. »

Il sourit et se lécha les lèvres.

Seward frémit et se rappela soudain des mains de Renfield sur son corps. Il fouilla frénétiquement sa poche et sentit une bouffée de soulagement lorsque ses mains se refermèrent sur les clefs. Le soulagement disparut lorsque Renfield gloussa et fit :

« Non, je n'ai pas fouillé dans vos poches. Pourquoi irais-je voler vos clefs ? »

Il se rallongea en fermant les yeux.

« Après tout, ils vont bientôt venir me chercher... »







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