Child of the Night 95

Partie Quatre-vingt-quinze : Responsabilité



L'an de grâce 1892
Le sanatorium Seward



Le sanatorium Seward avait l'air aussi placide qu'une maison ordinaire en Angleterre — vu de l'extérieur. À l'intérieur... Le terme 'chahut' était utilisé depuis longtemps pour décrire la confusion et le tapage. Le fait que le sanatorium soit un autre asile d'aliénés le rendait encore plus approprié.

Un cri occasionnel pouvait être entendu à travers les murs épais. À l'intérieur, le babillage des voix allait au-delà de la cacophonie habituelle. Les sons étaient renvoyés amplifiés par la grande pièce ouverte et haute de trois étages. Les internés tournaient en rond, certains s'aventuraient dans les passages qui bordaient la pièce. Quelques-uns d'entre eux se tenaient là, les doigts enfoncés dans le grillage qui recouvrait les passages, regardant la confusion en-dessous.


Deux des gardiens, avec des cages d'acier autour de leurs têtes, se tenaient près des escaliers et observaient les internés d'un air morose. Prosser poussa un soupir et murmura :

« Je déteste quand il y a de l'orage. Cet endroit ressemble à une fourmilière dans laquelle on a donné un coup de pied. »

Bamford acquiesça en grimaçant légèrement lorsque le bord de sa cage heurta sa nuque.

« Ouais, mais les fourmis sont plus intelligentes. »

Il éleva la voix pour crier.

« FERMEZ-LA, BANDE D'IDIOTS. »

Il n'y eut même pas d'accalmie.

« Merde. Je sais même pas pourquoi j'essaie. Quand ils sont comme ça, rien peut les calmer sauf un bâillon et un bon coup sur la tête.

- Ou une dose de ce que le docteur garde près de son lit, » fit sournoisement Prosser.

Les deux hommes ricanèrent.

« Et en parlant du lit du docteur... »

Bamford donna un coup de coude à son ami en désignant l'un des internés.


Robert Renfield était un îlot de calme dans la foule agitée des patients. L'ancien commis de loi était assis sur l'un des bancs lourds qui étaient rivés au sol au centre de la pièce. Son visage pâle était levé, ses yeux sombres fixés sur la petite fenêtre juste sous le toit. Elle était au milieu d'un mur qui n'était pas en face des cellules des patients et puisqu'elle était trop haute pour qu'on y accède, on n'avait pas jugé nécessaire d'y mettre des barreaux.

« Seward ne l'a jamais pris dans son lit. »

La voix de Prosser était sévère mais il y avait plus de titillement que de désapprobation dans son ton.

« 'Sûr que non. »

Bamford sourit en montrant plusieurs dents manquantes. Il était dur de dire ce qui avait causé ce manque — la négligence ou la violence.

« Pas dans son LIT, mais j'pense que la couchette de ce zinzin a vu un peu de sport. J'ai vu Seward aller dans sa chambre plusieurs fois et toujours tard la nuit. Tu sais que le docteur ne s'occupe pas des patients le soir, sauf si l'un d'eux a une sorte de crise. Eh ben, le petit mister Renfield n'avait même pas piaillé mais le docteur est venu et il est resté un bout de temps.

- Chien, fit familièrement Prosser.

- Bah, il en a besoin, comme nous tous. Y risque pas d'obtenir ça à la porte d'à côté, hein ?

- Ouais. Mais il aurait pu choisir parmi ces pétasses simples d'esprit. »


Bamford indiqua de la tête une femme qui les dépassa en murmurant. Elle avait l'air d'avoir au moins soixante ans. Ses cheveux ressemblaient à une toile d'araignée et ses yeux étaient humides. Une odeur aigre et viciée flotta vers eux alors qu'elle s'éloignait.

« Le choix est pas vraiment génial. C'est typique de ces gens. »

Prosser étudia Renfield. Le petit homme était une incongruité dans l'asile — il était presque fastidieux pour son hygiène personnelle. Il se lavait tous les jours, endurant l'eau froide qu'on lui fournissait, et il parvenait à garder ses vêtements propres et relativement frais. Ses cheveux avaient un peu poussé durant son séjour (étant donné le caractère excitable de la plupart des patients, on ne leur coupait pas souvent les cheveux — personne ne voulait manipuler des ciseaux autour d'eux). Une mèche de cheveux lui retombait sur le front, recouvrant à moitié ses yeux, mais il n'en semblait pas conscient.

« Tu sais, il a l'air beaucoup mieux que ces vaches. »

Prosser lui lança un regard incrédule.

« Il est fou, et si tu continues à parler comme ça, j'vais aussi croire que tu l'es. »


Ils n'entendirent pas la porte s'ouvrir derrière eux — le bruit des lunatiques masquant le son.

« J'disais juste, continua Bamford, que si quelqu'un VOULAIT s'amuser un peu avec lui, où serait le mal ? Si tu réfléchis aux histoires qu'il raconte déjà, personne n'irait l'écouter s'il disait que...

- Écouter quoi ? »

Bamford se raidit en se retournant rapidement pour voir le docteur Seward refermer la porte qui conduisait à la partie publique de l'asile.

« Ce fichu bruit, monsieur. Je vais finir par devenir sourd.

- Et alors pourquoi ne les avez-vous pas conduits dans leurs chambres ? Vous savez très bien que le mauvais temps les rend agités. Vous auriez dû les faire rentrer dès que la tempête s'est levée.

- Vous avez raison, monsieur, fit Prosser. On va le faire tout de suite.

- C'est inutile maintenant — l'orage est presque passé. Mais bon, allez-y. Ils vont probablement mettre une éternité à se calmer pour dormir. »


Seward prit un sifflet de sa poche et siffla deux coups perçants. Le bruit autour d'eux ne s'arrêta pas mais il décrût sensiblement alors que la plupart des internés se tournaient vers lui. Il éleva la voix pour dire :

« C'est l'heure de se coucher ! Retournez tous dans votre chambre. »

Il y eut des protestations et il fit fermement :

« Pas de discussion ! »

Il regarda les gardiens.

« Occupez-vous de les déplacer et tâchez de le faire gentiment. »

Il ouvrit la porte qui conduisait à ses propres appartements et entra.

Prosser et Bamford poussèrent un soupir presque à l'unisson. La plupart des internés avaient commencé à se rendre dans leur chambre. Prosser monta et commença à fermer les portes derrière eux, laissant Bamford presser les retardataires en les poussant et les giflant. La pièce s'était vidée et Bamford fit rapidement le tour en regardant dans la fente de chaque porte pour s'assurer que la cellule était occupée avant de la verrouiller. Finalement, il jeta un regard rapide à la pièce pour s'assurer que personne n'avait été oublié.

« Bien, bien, bien. »


Renfield n'avait pas bougé de sa place sur le banc. Il regardait toujours fixement la fenêtre. Bamford s'avança derrière lui en se déplaçant silencieusement. Il n'avait pas pris la peine d'être furtif — Renfield était plutôt absorbé. Bamford étudia la façon dont les mèches de cheveux sombres et légèrement irrégulières tombaient sur la nuque de Renfield. Cela semblait presque... délicat. Bamford le tapa dans le dos un peu plus gentiment que les autres.

« J'ai horreur de te le dire, Renfield, mais la Reine ne va pas débarquer pour le thé à cette heure-ci. »

Renfield tourna légèrement la tête en lui lançant un regard dédaigneux du coin de l'œil avant de regarder à nouveau la fenêtre. Bamford n'aimait pas qu'on l’ignore. Il tapa à nouveau, un peu plus fort cette fois.

« T'as entendu le docteur. C'est l'heure d'aller se coucher.

- Encore quelques minutes, murmura Renfield sans le regarder. Il n'est pas loin — je peux le sentir.

- Oh, j'parie que tu le sens, parfait, renifla Bamford, mais il ne va pas te faire un câlin ici. »

Il saisit Renfield par le bras et le mit debout.

« Allez, viens. »


Renfield ne se débattit pas alors qu'il fut traîné vers sa chambre mais il protesta :

« Mais il vient pour moi !

- Bah, désolé, Cendrillon, mais ton Prince Charmant est parti se coucher et il va pas venir ici ce soir. »

Tout en parlant, il ouvrit la porte de la cellule de Renfield en le poussant dedans. Il s'arrêta en penchant la tête pour regarder les étages supérieurs. Prosser était en train de fermer une porte en haut et il allait probablement rester là un moment pour s'assurer que les patients étaient bien rentrés. Puis il regarda à nouveau dans la chambre de Renfield, ses yeux spéculateurs.

Renfield se tenait au centre de la petite pièce, les bras croisés, son menton baissé comme un enfant irritable. Il tournait le dos à Bamford aussi le gardien ne voyait pas que ses yeux étaient levés vers la fenêtre qui était presque à hauteur du plafond. La croix de papier attachée aux barreaux était un peu de guingois, ramollie par la pluie. Une autre nuit, il se serait demandé pourquoi Prosser n'avait pas tout simplement claqué la porte derrière lui mais ce soir, il avait d'autres choses en tête.


« Ne reste pas là, Renfield. Va au lit. »


Renfield lança un regard à Bamford puis alla s'asseoir sur la couchette.

« Pas comme ça, idiot. J'ai dit au lit, pas sur le lit. »

Renfield tendit la main vers sa couverture.

« Pas comme ça ! Tu n'es pas civilisé ? »

Il désigna la pile de coton dur sur le fin oreiller.

« Retire tes fringues et mets ta chemise. »

Renfield hésita.

« Très bien. J'aimerais un peu d'intimité, si ça ne vous gêne pas.

- Ça me gêne. Je dois m'assurer que tu te changes. C'est contre le règlement de dormir dans tes vêtements.

- Vraiment ? je ne me rappelle pas d'une telle règle.

- Ben, j'te le dis maintenant, pas vrai ? »

Il fit un geste en direction de Renfield.

« Déshabille-toi. »


Renfield se leva et déboutonna lentement sa chemise pour la retirer. Il prit le temps de la plier proprement et de la placer sur une chaise bancale. On l'enviait pour cette chaise. Il l'avait gagnée en restant calme et docile pendant la plus grande partie de son séjour. Il n'avait pas de chemise de corps et l'air froid et humide le poussa à croiser instinctivement les bras sur son torse.

Bamford regardait. Renfield avait le corps le plus lisse qu'il ait jamais vu sur un homme ayant passé la puberté. Sa peau paraissait pâle et douce.

« Continue. »

Sa voix fut un peu rauque.

Renfield retira les chaussons (tous les internés y avaient droit) pour les poser à côté de sa couchette. Il tendit la main vers sa braguette puis s'arrêta en fronçant les sourcils en direction du gardien.

« Tournez-vous.

- Moi, tourner le dos à un zinzin ? Tu peux rêver.

- Je n'aime pas que vous me regardiez. »


Bamford eut un sourire mauvais.

« Pas de chance, princesse. C'est mon devoir de garder un œil sur toi pour m'assurer que tu sois en sécurité et que tu te comportes bien. Maintenant comporte-toi bien et retire ce pantalon. Ou bien faut-il que je le fasse pour toi ? J'ai dû déshabiller un type plus grand que toi pour qu'il se baigne ou pour que le docteur le voit. »

Il sourit.

« Ça ne me gênerait pas. »

Renfield tremblait légèrement et ce n'était pas à cause du froid. Il déboutonna son pantalon en silence et le retira pour le plier. Alors qu'il tendait la main vers la chemise de nuit, Bamford fit :

« Et les sous-vêtements. Je ne sais pas pourquoi on vous laisse en porter — ça fait juste plus de lessive. »

Renfield fronça les sourcils dans sa direction.

« Vous avez un esprit pervers, Bamford. »

Il prit sa chemise.

« Je les enlèverai APRÈS avoir mis ma chemise. »


Renfield enfila rapidement la chemise par-dessus sa tête puis retira ses sous-vêtements. Il se tourna pour les déposer sur la chaise puis cria de surprise lorsqu'une grande main saisit sa nuque et le poussa contre le mur.

Un corps large et lourd se pressa contre lui en le clouant contre la pierre froide.

« Alors comme ça, je suis un pervers, hein ? siffla Bamford à son oreille. Tu crois que je sais pas ce que le docteur et toi vous faites ? »

Le poids qui le clouait au mur était dur mais le sentiment d'être sans défense lui coupait le souffle. Ça, et les souvenirs confus de douleur et d'humiliation qui commencèrent à surgir dans son esprit.

« Lâchez-moi !

- Qu'est-ce qui ne va pas, zinzin ? Un manuel n'est pas assez bon pour toi ? Tu veux quelqu'un avec un col propre et joli et des manchettes, hein ? Quelqu'un avec des mains douces et lisses ? »


Bamford souleva le bas de la chemise de Renfield. Il tenait toujours Renfield d'une main à sa nuque mais de l'autre, il tapa les fesses de l'autre homme — durement. Renfield gémit sous l'effet du coup cinglant et Bamford saisit un globe doux et pâle en le serrant brutalement.

« Je devrais t'apprendre un peu plus de respect pour les hommes du commun. »

Renfield sentit la main de l'homme se refermer encore plus, des doigts rudes s'enfonçant dans sa fente tendre.

« Je vous en prie, non ! gémit Renfield. Pas encore. Oh, je vous en prie, pas encore !

- Bamford ! »

Renfield fut brutalement relâché et il tomba à terre en sanglotant. Il entendit l'homme faire d'un ton morne :

« Il agissait bizarrement, Prosser, et je vérifiais juste qu'il avait pas caché une arme.

- Dans son cul ? Sors de là, espèce d'idiot. Tu as vu ce qui est arrivé aux deux autres que le docteur a coincé en train de fricoter avec les patients. Ils sont partis et avec une mauvaise note dans leurs références. Ils devront quitter la région pour espérer retrouver du boulot — tu veux finir comme eux juste pour un câlin rapide ? »


Prosser entra dans la cellule pour se rendre près du petit homme blotti à terre.

« Là, fit-il d'un ton bourru. Ce n'est pas si dur que ça, hein ? »

Il aida Renfield à se relever.

« C'était juste une blague un peu crue. »

Toujours tremblant, Renfield se ressuya le visage.

« Je suis content que vous soyez arrivé avant la chute de l'histoire. »

Prosser lança un regard mauvais à son collègue.

« Bamford ne voulait pas faire de mal.

- J'ai été submergé par ton charme, » fit Bamford en traînant la voix.

Prosser fut surpris de voir une haine franche dans les yeux de Renfield lorsqu'il regarda Bamford. Il y avait encore de la crainte mais il y avait une colère froide aussi.

« Je vais lui demander de vous tuer. Il pourrait le faire pour moi. Il le pourrait. »


Cela mit Prosser mal à l'aise. Renfield ne s'était quasiment jamais montré violent depuis son arrivée et il n'avait jamais été agressif envers le personnel. Bien sûr, il ne pouvait pas blâmer cet homme — les intentions de Bamford avaient été très claires.

« Ne t'en fais pas pour ça. »

Il guida Renfield vers sa couchette, le fit s'allonger puis remonta la couverture jusqu'à son menton.

« Il ne va plus t'ennuyer. »

Il lança un regard dur à Bamford.

« J'y veillerai. »

Renfield saisit sa main et lui sourit tendrement.

« Vous êtes bon. Vous devriez être en sécurité mais juste au cas où, je lui demanderai de vous épargner. »

Prosser se sentit énervé. Il caressa la tête de Renfield en faisant d'un ton maladroit :

« C'est un bon garçon, ça. »


Il suivit Bamford en dehors de la pièce, ferma et verrouilla la porte puis se tourna vers son compagnon.

« Par Jésus Christ et tous les saints, qu'est-ce que tu PENSAIS faire ? »

Bamford garda le silence.

« Oh, c'est vrai — tu ne pensais PAS ou du moins, tu pensais avec ton sexe ! C'est déjà mal de tripoter un patient mais c'est encore PIRE d'en tripoter un qui n'est pas du tout intéressé, et tripoter le jouet du docteur Seward va te mener à ta perte. Laisse-le tranquille, Bamford, ou bien je vais te cogner jusqu'à ce que tu retrouves la raison. Tu montes surveiller.

- Mais d'habitude, je...

- Je reste en bas ce soir. Tu seras loin de la tentation. »

En grommelant, Bamford monta les escaliers.

Dans sa chambre, Renfield regardait la fenêtre en murmurant :

« Je vous en prie, venez. »

La lumière de la lune qui passait à travers sa fenêtre disparut et Renfield vit du brouillard dehors. Il sentit ses poils se hérisser et sentit une traction au plus profond de lui. Excité, il s'assit en murmurant :

« Je vous en prie, je vous en prie, je vous en prie. »

Le brouillard s'éloigna.

« Non ! Ne partez pas, ne me laissez pas seul ! Pourquoi ne voulez-vous pas — ? Oh ! »

Renfield bondit sur ses pieds en tirant la chaise contre le mur et il grimpa dessus en babillant :

«  Désolé, désolé ! Ce n'était pas pour vous. »


Il tendit la main vers la croix de papier en lambeaux mais hésita. Il regarda la brume tourbillonnante et fit doucement :

« Il... Il n'est pas avec vous, hein ? »

Il y eut un silence mais une partie de son appréhension quitta son visage. Il tendit la main au-dessus de sa tête et déchira la croix fait-main en l'écrasant. Puis il recula et jeta la boulette de papier détrempé sous sa couchette.

La brume flotta à travers les barreaux puis s'abaissa. Alors qu'elle arrivait, elle s'épaissit et se rassembla en semblant rentrer en elle-même. En quelques secondes, elle se solidifia en prenant la forme d'un homme grand. En quelques instants, le prince Draculea se tenait dans la petite pièce sombre en baissant les yeux sur Renfield.


Renfield tomba à genoux en regardant le vampire et il murmura :

« Maître. »

Ses yeux s'écarquillèrent alors qu'il remarquait l'apparence revitalisée de Draculea. Sans le lien qu'ils partageaient, il l'aurait à peine reconnu.

« Maître ? »

Draculea lui sourit.

« Oui, Robert. Comme tu peux le voir, je me porte bien. Et toi ? »

Robert eut un rire bête.

« Ils disent que je suis fou.

- Ils ?

- Tous — le docteur, mes employeurs — tout le monde. »

Draculea renifla brièvement.

« Et il y a des gens qui pensent que Rill est simple d'esprit. »

Le visage de Robert s'illumina.

« Rill ! Il va bien ? Je... je lui manque ? »


L'expression sévère de Draculea s'adoucit un peu.

« Il s'inquiète pour toi, Robert. Je regrette de t'avoir renvoyé. Tu souhaiterais revenir en Transylvanie avec nous ? »

Renfield battit des mains, les yeux brillants, mais la peur s'insinua sur son visage.

« Je... je ne crois pas que je peux, Maître.

- Que veux-tu dire ? Rill serait très triste si tu refusais. Ça lui briserait le cœur.

- Mais maître... je ne peux pas... Si... S'IL... l'autre... »

Draculea ferma brièvement les yeux.

« Je suis désolé à ce sujet, Robert, mais Rock ne te fera plus jamais de mal. Il est mort. »

Draculea ouvrit les yeux pour voir Renfield pencher la tête en le regardant d'un air interrogateur.

« Vraiment mort, cette fois.

- Vous l'avez tué ?

- J'y ai pris part. Il a tenté de faire du mal à Jonathan... »


Renfield baissa la tête en se balançant de colère et de chagrin. Draculea le saisit par les épaules.

« Non, écoute-moi, Robert. Il n'y est pas arrivé. Rill l'a arrêté. »

Il eut un sourire sinistre.

« Rill a fracassé son crâne pourri en une pulpe sanglante et après que je lui ai arraché la tête, il a brûlé ce qu'il restait. Simion a jeté les ordures dans la rivière et maintenant, les cendres, les esquilles d'os et les morceaux de chair pourrie ont dû atterrir dans la mer. Il ne fera plus jamais de mal à personne. »

Renfield se calma puis déglutit et eut un sourire tremblant.

« Tout va bien, alors. Je peux revenir avec vous ? Je peux vivre au château avec Simion et Rill ?

- Oui. »


Ses yeux s'assombrirent.

« Est-ce que Sinn sera là ?

- Oui, mais je lui donnerai l'ordre strict de te laisser tranquille. Il obéira — il a toujours été intelligent lorsqu'il s'agissait de sa propre survie.

- Oui, maître. Je veux vraiment vous accompagner. Mais je ne suis pas sûr que le docteur Seward sera d'accord. »

Draculea regarda silencieusement Renfield puis haussa un sourcil. Renfield se remit à glousser.

« Je sais, je sais. C'EST amusant. Attendez ! »

Renfield se redressa et se rendit à sa couchette. Il retira le drap grossier et faufila sa main dans une fente du matelas fin. Un moment plus tard, il revint près de Draculea. En baissant la tête, il leva sa main vers le vampire. Une souris brune montra le bout de son museau au sommet de sa main, ses moustaches frétillantes.

« Ils ont trouvé l'autre mais j'ai caché celle-ci. Elle est jolie et grasse — pleine de sang. »


Les lèvres de Draculea frémirent mais il ne sourit pas. Il fit d'un ton solennel :

« Je te remercie, mais j'ai déjà bien mangé ce soir.

- Oh. »

Renfield tapota la tête de la souris avec un doigt. Elle tourna la tête et le pinça. Il haleta en voyant la petite traînée de sang laissée sur son doigt puis il mit le bout dans sa bouche et le suça.

« Si vous n'en voulez pas, je peux la manger ? Je n'ai pas réussi à attraper beaucoup d'araignées ces temps-ci.

- Laisse-la partir. »

Renfield se renfrogna, comme un enfant à qui on venait de refuser un cadeau mais il posa la souris par terre. Elle détala rapidement en passant sous la porte.

« J'ai quelque chose de meilleur pour toi. »

Il tendit la main.

« Viens ici. »


Renfield se rapprocha de lui en toute confiance. Il ne se souvenait pas clairement de ce qui lui était arrivé durant ses derniers jours au château Draculea mais toute sa peur et sa rage étaient centrées sur Rock. Il savait que Draculea l'avait aidé d'une manière ou d'une autre à surmonter l'enfer physique et émotionnel dans lequel on l'avait plongé et à travers ça, il avait fini par comprendre que le prince aimait Jonathan — l'aimait encore plus que Renfield. Renfield pouvait pardonner beaucoup de choses à cause de ça. Et à présent, Draculea lui offrait quelque chose qu'il n'avait jamais eu — un foyer, avec gens qui s'occuperaient de lui et l'AIMERAIENT.


Draculea passa un bras autour du dos de Renfield. De l'autre, il déboutonna sa chemise.

« Tu es mortel pour l'instant, Robert — fragile. Rill sait que nous sommes différents des autres hommes mais c'est dur pour lui de l'accepter lorsqu'il s'agit des gens qu'il aime. Pendant des années, il n'a connu que notre groupe. Sinn et moi sommes... »

Il haussa les épaules.

« ... ce que nous sommes. Simion ne vieillit pas. Les Roms ne sont avec nous que pendant quelques années — ils quittent mon service quand ils commencent à vieillir. Cela ferait de la peine à Rill de te voir vieillir et mourir mais je peux empêcher ça. »

Il écarta les pans de sa chemise. Les ongles de sa main libre étaient devenus longs et pointus et il en passa un sur son torse. Une petite fente s'ouvrit et du sang en coula librement. Draculea pressa Renfield de s'approcher en le guidant.

« Bois. »


Renfield gémit puis saisit les bras de Draculea et pressa sa bouche sur la plaie suintante. Il suça en avalant des gorgées sur liquide sucré-salé et chaud. Renfield ferma les yeux d'extase. Oui ! C'était ce qu’il avait recherché lorsqu'il avait dévoré les petites créatures qu'il avait attrapées dans sa cellule. Il pouvait sentir la vie, la chaleur et la force couler en lui. Il commença à pousser inconsciemment son bassin contre Draculea.

Renfield enjamba la jambe de Draculea tout en buvant et le prince sentit la bosse dure de l'érection de l'homme contre sa cuisse. Il sourit. Partager le sang causait souvent cette réaction. De nombreuses fois, il avait cédé aux désirs de celui qui donnait, ou recevait, en le touchant jusqu'à ce qu'il jouisse. Quand Renfield s'arqua contre lui, Draculea libéra sa prise sur la nuque de l'homme. En baissant les deux mains, il prit les fesses de Renfield en coupe sous sa chemise en pressant gentiment. Renfield miaula doucement. Il lécha les dernières gouttes de sang, ses hanches bougeant rapidement pour se frotter contre le corps du vampire. Puis il trembla et Vlad sentit une humidité chaude contre sa jambe alors que Renfield atteignait son orgasme.


Le petit homme posa sa joue sur le torse de Draculea. Puis il roula la tête en regardant prudemment à travers les cheveux qui lui étaient tombés sur les yeux. Draculea remit ses cheveux en arrière.

« Tout va bien, Robert, » fit doucement Draculea.

Il le fit reculer et dit :

« Je dois y aller à présent. »

Renfield saisit sa manche.

« Mais vous avez promis !

- Et je tiendrai ma promesse mais tu ne peux pas m'accompagner pour l'instant. Je dois retrouver Jonathan et il faudra ensuite que je lui fasse comprendre. Cela peut prendre du temps. Jusque là, tu dois rester ici.

- Je ne pourrais pas partir et rester avec Rill et Simion ? Ils pourraient s'occuper de moi.

- Pas encore. Si je t'emmenais avec moi, ça ne passerait pas inaperçu. Ils retourneraient toute la campagne pour te retrouver, Robert, et j'ai besoin de temps et de calme. »


Robert s'apaisa.

« Je comprends. Vous ne pourriez pas vraiment bien le courtiser si tout le monde dans le comté courrait dans tous les sens à la recherche d'un lunatique en cavale.

- Je SUIS désolé. »

Renfield lui sourit.

« Vous allez bientôt revenir me chercher. Vous avez promis et vous tenez toujours vos promesses.

- C'est vrai. »

Draculea se tourna en levant les yeux vers la fenêtre, prêt à repartir.

« Maître ? »

Draculea lança un regard interrogateur à Renfield. Renfield sourit.

« Donnez-lui du chocolat. Il adore les sucreries. »







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