Child of the Night 98

Remarques pour l'histoire : Dans les précédents chapitres, j'ai indiqué que le manoir Westenra, l'asile Seward et l'Abbaye n'étaient qu'à quelques heures à cheval de Londres. Un lecteur m'a fait remarquer qu'en fait, cette région était à une journée de train. *hausse les épaules* Je n'ai jamais été forte en géographie. Je corrige ça ici. Si vous pouvez croire à des vampires gays, des serviteurs éternels, des fous mangeant des cafards et la réincarnation, alors une simple modification spatiale ne devrait pas vous décontenancer. :)


Partie Quatre-vingt-dix-huit : Nouveaux venus


L'an de grâce 1892
Le manoir Holwood


Les caisses avaient été apportées rapidement à la taverne et Simion put, pour un bon prix, louer une charrette et l'un des hommes. L'homme était curieux de savoir ce qui était si important pour que cela ne puisse pas attendre le lendemain dans l'écurie, mais il n'était pas enclin à poser des questions. Simion avait payé d'avance.

Il paya bien aussi car cet homme n'appréciait pas l'idée de se rendre à l'Abbaye en pleine nuit. Il y avait toujours des histoires sur les vieux endroits, bien qu'elles soient variées selon la personne à qui vous parliez. Certains disaient qu'une nonne avait été emmurée vive et était morte de faim, un autre disait qu'un noble libertin s'était repenti de sa mauvaise vie et avait rejoint les ordres juste avant de mourir, et qu'il marchait toujours pour faire pénitence. Cet homme savait que les animaux sauvages avaient tendance à favoriser les bâtiments abandonnés et c'était suffisant pour qu'il ne soit pas enchanté à l'idée de s'y rendre.

Le conducteur était prêt à refuser d'entrer dans le bâtiment mais il n'en eut pas l'occasion. Le bohémien vint à leur rencontre et en peu de temps, les caisses furent débarquées à la porte. Le conducteur était impatient de partir et bondit sur son siège dès que la dernière caisse fut débarquée.


Simion héla :

« Attends ! Donne-moi cette barre à l'arrière de ta charrette. Je vais en avoir besoin pour les ouvrir. »

L'homme l'ignora en levant les rênes, prêt à les claquer sur le dos du cheval. Le bohémien s'avança rapidement et saisit le licou du cheval en lançant un regard dur à l'homme.

« J'vais pas rester ici pendant qu'vous prenez l'temps d'l'utiliser.

- Non, c'est vrai. »

Simion jeta une pièce sur le siège près de l'homme. C'était suffisant pour payer une douzaine d'outils. L'homme lança la barre à Simion en la lui jetant presque. Il fut un peu surpris de voir l'agilité avec laquelle l'homme la rattrapa comme s'il ne s'agissait que d'une branche sèche. Simion fit un signe de tête à Salazar et le tzigane libéra le cheval en reculant avec une révérence ironique. Le cocher fit rapidement claquer les rênes et le cheval se mit en route. Des soirs plus tard, après plusieurs pintes à la taverne, il remarquerait que ces deux-là avaient eu l'air de se sentir comme chez eux dans une maison hantée.


Dès que la charrette fut hors de vue, Simion se rendit directement près d'une caisse. Il posa une main sur le couvercle et fit :

« Rill ? »

On tapa légèrement à l'intérieur. Simion coinça aussitôt le bout fin de la barre contre le bord du loquet et commença à pousser avec des coups impatients. Les clous s'arrachèrent et en quelques instants, Simion jeta le levier pour saisir avec hâte le couvercle et il le souleva.

Son impatience de libérer son amant le rendit cependant imprudent et l'un des clous s'enfonça dans sa main. Il le remarqua à peine, trop inquiet de s'assurer que Rill était en sécurité. Le jeune vampire cligna des yeux puis fronça le nez.

« Je n'aime pas être enfermé comme ça quand je me réveille, se plaignit-il.

- Je suis désolé. »

Simion tendit la main pour l'aider à se relever.

« Oh, tu n'as pas à être désolé, fit Rill en se levant et en sortant de la caisse. Je sais que c'était nécessaire. Je ne faisais que constater. »


Il y eut un son sourd et des jurons étouffés.

« On ferait mieux de faire sortir Sinn. Il sera vraiment de très mauvaise humeur s'il doit rester enfermé plus longtemps. »

Salazar prit le levier et se mit à libérer le Français. Rill émit un cri de détresse et prit le poignet de Simion.

« Simion ! »

Il y avait une petite coupure sur le bord de sa main et du sang en coulait.

« Tu t'es blessé. »

Il sortit un mouchoir de sa poche et nettoya la plaie, puis l'attacha autour.

Simion observa avec une gentille affection. Le garçon n'avait même pas songé à goûter au moins le sang, ce qui prouvait bien sa dévotion. Comme je guéris vite, cela ne vaut pas la peine de faire un bandage. Rill termina en nouant proprement le bandage fait-main puis leva les yeux vers Simion en souriant. Mais il veut s'occuper de moi alors je ne dirai rien et je vais le porter plus longtemps que nécessaire.

« Merci. »



Rill regarda autour de lui.

« Où est le prince?

- Il est en train d'explorer l'Abbaye. Elle n'est pas aussi grande que le château mais nous n'avons jamais eu BESOIN de tout cet espace. Il a été voir Renfield avant de venir ici. »

Les yeux de Rill s'illuminèrent.

« Robert ! Il va amener Robert ici ?

- Pas encore, mais il s'est assuré que ton ami va bien. Il faut te montrer patient. »

Sinn grommelait contre un Salazar impassible au sujet de son récent emprisonnement lorsque Draculea sortit de l'Abbaye.

« Simion, c'est de l'excellent travail, comme toujours. Nous serons bien installés avant l'aube.

- Oui, mon seigneur, bien que si cette pluie continue, nous n'aurons pas besoin de nous inquiéter pour l'aube.

- C'est vrai. Sinn, viens ici. J'ai quelque chose d'important à vous dire à tous. »


Quand les autres se furent réunis autour de lui, Draculea fit :

« Je pense que nous verrons plus nos voisins qu'en Transylvanie. Il ne faudra pas les manger. »

Il regarda Sinn en disant cela et Sinn haussa les épaules.

« Salazar, tu continueras à repousser les intrus mais tâche de le faire sans répandre le sang. Le policier de cette région ne me semble pas du genre à détourner les yeux. Et quand nous parlerons aux gens d'ici, je ne serai plus Draculea. »

Rill parut confus et Draculea lui caressa la tête.

« C'est un jeu, Rill. On fait semblant ? »

La compréhension illumina le visage du garçon et il sourit avec empressement. Il adorait faire semblant.

« À partir de maintenant, vous servez le comte Dracula, un parent lointain du prince Draculea. »

Sinn secoua la tête.

« Je ne comprendrais jamais. C'est clair que nous avons besoin d'une histoire différente — nous ne savons pas ce dont Jonathan se souvient. Mais passer volontairement d'un prince à un comte...

- Tu t'habitueras très bien à la société anglaise, Sinn, » fit sèchement Dracula.

Le lendemain


Arthur Holmwood sentit quelqu'un le secouer doucement par l'épaule. Sans ouvrir les yeux, il marmonna :

« Perkins, pourquoi diable me réveilles-tu au beau milieu de la nuit ?

- Monsieur, c'est votre heure habituelle — il est déjà sept heures trente. »

Arthur entrouvrit les yeux puis les referma rapidement.

« Fadaises. Ça ne peut pas encore être l'aube. Cette chambre devrait être abominablement lumineuse. Où est le soleil ?

- Je suppose qu'il est derrière les nuages, monsieur. L'orage est passé la nuit dernière mais il a laissé une bonne dose de pluie. »


Arthur ouvrit les yeux avec réticence. Il s'assit et le valet mit deux oreillers derrière lui pour qu'il puisse s'asseoir confortablement. Alors que le valet allait chercher un plateau sur la petite table près de la porte, Arthur regarda par la fenêtre. Les tentures étaient ouvertes et il pouvait voir pourquoi la pièce semblait si sombre. La seule lumière dans la chambre venait de deux lampes — il n'y avait pas de lumière ambiante.

« Bon, je présume que je n'irai pas chevaucher ce matin.

- Je ne vous le conseillerais pas, monsieur. »

Perkins déplia les pattes du plateau en le posant sur les jambes de son employeur. Il versa une tasse de thé puis ajouta du sucre.

« Bien que le temps puisse s'améliorer, je suppose. »


Arthur regarda Perkins mélanger le sucre dans le thé. Quand il eut fini, Arthur prit sa tasse et sirota, puis montra son approbation en hochant la tête.

« Où est le reste de mon petit-déjeuner ?

- Lady Holmwood demande à ce que vous vous joigniez à elle dans la pièce du matin, monsieur. »

Arthur reposa sa tasse en soupirant.

« Oh, enfer. Mère ne m'ennuie jamais avant midi à moins qu'elle ne veuille quelque chose. Qu'y a-t-il ?

- Je ne saurais le dire. »

Arthur lança à son valet un regard mauvais.

« Perkins, je sais très bien qu'ici, les serviteurs savent généralement les choses avant moi. Si je dois affronter ma mère l'estomac vide, je ne veux pas être complètement perdu. »


Perkins croisa les mains et fit judicieusement :

« Eh bien, monsieur, il semblerait que le commis du boucher a apporté quelque chose en plus de la viande ce matin. Il a apporté des nouvelles. Le personnel de la cuisine a entendu son histoire et vous savez comment les rumeurs se répandent dans les étages. Les valets de pieds l'ont entendue d'eux et les servantes l'ont entendue des valets de pied. Votre mère a entendu les servantes répandre la rumeur et elle a demandé au maître d'hôtel d'obtenir l'histoire complète d'elles. Puis elle m'a demandé que vous informer que votre présence était requise.

- Quelle formidable explication du téléphone arabe du manoir, Perkins, mais ça ne me dit précisément rien. Mère s'embête rarement à me transmettre les rumeurs des serviteurs. Qu'y a-t-il de si important cette fois ? »

Alors qu'Arthur finissait son thé, Perkins lui narra le mystère du bateau fantôme qui s'était échoué, désert excepté un corps mutilé et attaché à la barre.


« Oui, je comprends pourquoi cette histoire se répand si vite. Je parie qu'elle va bientôt dégénérer en une épouvantable histoire de fantômes. Bientôt, nous aurons des bateaux fantômes naviguant sous la pleine lune, avec des squelettes qui attireront les imprudents sur la plage. Mais c'est tout ? J'aurais cru que Mère aurait réservé cette histoire pour le déjeuner.

- Oui, monsieur. Je pense qu'elle souhaite vous parler du propriétaire de la marchandise du navire qui est arrivé peu de temps après que le bateau ait échoué et qui s'est installé dans l'ancienne Abbaye. Il semble, monsieur, qu'il fasse partie de la noblesse.

- Vraiment ? Je n'ai pas entendu parler d'une nouvelle famille qui emménagerait dans cette région.

- Ce n'est pas étonnant, monsieur. Ce gentilhomme n'est pas anglais. Il vient de Transylvanie — c'est un comte.

- Transylvanie ? »


Arthur semblait incrédule.

« Tout le monde brandit des titres aujourd'hui. Je pense que je peux deviner de quoi Mère veut m'entretenir. Au diable tout ça, il va quand même falloir que je sorte par ce temps.

- Oui, monsieur. Puis-je suggérer votre tweed brun ? Il est excellent pour protéger de l'humidité mais il a l'air bien pour accueillir un noble mineur.

- Bien. »

Il sourit en terminant son thé.

« Tu es encore plus snob que moi, Perkins.

- Oui, monsieur. »

Lady Jocelyn Holmwood leva les yeux alors que son fils entra dans la salle du petit-déjeuner et s'approcha d'elle. Elle tendit la joue pour qu'il l'embrasse.

« Bonjour, Arthur.

- Non, ce n'est pas un bon jour. Il fait mauvais dehors et je soupçonne que vous allez me demander de quitter mon nid douillet pour sortir.

- Ne soyez pas désagréable. »

Arthur haussa les épaules et commença à se remplir une assiette en se servant dans les plats couverts sur le buffet.

« Quelque chose d'intéressant s'est produit la nuit dernière.

- Un vaisseau échoué, désert, un corps mutilé, un mystérieux propriétaire à l'Abbaye qui a besoin qu'on l'accueille. J'ai fait le tour de la question ? »

Lady Jocelyn était trop bien élevée pour sembler choquée par de l'inconvenance sociale, mais elle PARUT ennuyée.

« Vraiment, Arthur ! Vous avez encore écouté les ragots du personnel. »


Arthur s'assit à côté de sa mère et prit son couteau et sa fourchette.

« Comment avez-vous découvert ça, alors ?

- Si vous vous montrez impoli, je ne devrais peut-être pas vous demander de rendre visite au comte.

- Absurde. Vous savez très bien que je ne suis impoli qu'avec vous parce que vous m'aimez trop et que vous me pardonnez tout. Je suis plutôt charmant généralement. Demandez à n'importe qui. »

Il sourit en beurrant sa tartine.

« Même ce pauvre vieux Jack Seward vous le confirmera et je vais pourtant épouser la femme qu'il aime.

- Ne prenez pas ce ton si satisfait, Arthur. C'est terriblement commun. J'ai cru comprendre qu'il n'y avait pas de dame dans la maison du comte alors il ne serait pas correct pour moi de lui rendre visite tant que nous n'avons pas été présentés. Mais je veux que vous y alliez et que vous lui présentiez mes salutations. Une fois fait, je pourrai organiser un petit bal ou un dîner pour le présenter à la société locale.

- Très bien. Je le ferai mais il faudra faire vite, Mère. Vous savez à quel point Lucy veut être la première hôtesse. »


Les yeux de Lady Jocelyn se plissèrent.

« C'est une douce enfant mais elle est très ambitieuse pour son âge. J'ai horreur de dire ça, mais je crois qu'elle ne vous épouse principalement que pour votre position. »

Arthur haussa les épaules.

« C'est probable, mais en quoi cela la différencierait des autres débutantes en société ? Je l'épouse parce qu'elle est respectable, qu'elle est jolie, qu'elle se comporte bien en société et qu'elle va en fait ramener un paquet d'argent à notre manoir.

- Arthur ! Ne parlez pas d'argent. C'est si vulgaire.

- Alors grand-mère ne vous a jamais dit que c'est aussi facile de tomber amoureuse d'un homme riche que d'un pauvre ? »


Sa mère détourna les yeux, un peu de rouge à ses joues. Arthur connaissait tous les ragots locaux — les anciens et les nouveau — et on prétendait que sa mère avait été autrefois très amoureuse d'un jeune vicaire. Ses parents favorisaient le précédent lord Holmwood — le père d'Arthur. Quand le vicaire avait eu un coup de chance incroyable et avait été affecté à un poste très confortable à l'autre bout de l'Angleterre, cette romance naissante fut étouffée dans l'œuf et Jocelyn épousa son prétendant titré. Arthur eut pitié d'elle.

« Si je prends le brougham Un véhicule utilisé quotidiennement par les gens de qualité dans la dernière partie du siècle. C'était à l'origine un véhicule à deux roues mais dans la dernière moitié du XIX°s., il s'agissait plus souvent de véhicules à quatre roues. (1) au lieu du gig Un véhicule à deux roues prévu pour un seul cheval conduit par un propriétaire. (2), je peux m'arrêter chez les Westenra et voir si quelqu'un veut venir avec. Lucy sera ravie que je la laisse rencontrer les nouveaux éléments de la société locale. S'il est en plus présentable, ce sera la cerise sur le gâteau pour elle. Bon, s'il faut que je me présente à l'Abbaye sans avoir été présenté, je dois au moins savoir qui je vais voir. Quel est son nom ?

- Le comte Dracula.

- Dracula. »

Arthur renifla.

« Ce nom a une consonance plutôt barbare. »

Arthur Holmwood arriva au manoir Westenra juste après neuf heures. Mister Westenra était sorti plus tôt mais Mina le reçut dans le salon. Elle se leva d'un petit secrétaire pour le recevoir.

« Lord Holmwood, quelle surprise.

- Bonjour, Mina. Où est l'adorable Lucy ?

- Soit elle est encore au lit ou bien elle vient juste de commencer sa toilette, j'imagine. En tout cas, vous avez une bonne heure ou deux devant vous avant qu'elle ne descende. »

Il désigna la machine à écrire sur le bureau.

« Vous fricotez encore avec cet engin ? »

Elle sourit.

« Je veux pouvoir aider Jonathan avec son travail. Je deviens très bonne à ça. Je peux taper, oh, au moins quarante mots par minute à présent.

- Autant que ça ? Quel démon de la vitesse vous faites.

- Nous vous voyons rarement avant midi et j'aurais cru qu'aujourd'hui... »


Elle désigna la fenêtre. Il faisait presque aussi sombre qu'en pleine nuit, avec de la pluie battante.

« Oui, ce temps EST affreux. Mais Mère a eu vent d'une nouvelle arrivée dans la société locale et je dois faire couler le sang en premier en l'accueillant avant tout le monde. Je suis venu voir si Lucy et vous aimeriez passer devant les autres dames en m'accompagnant. »

Quincy Morris entra dans la pièce en regardant autour de lui.

« Oh, excusez-moi, miss Mina. Je ne savais pas que vous aviez de la compagnie. Je cherchais juste miss Lucy. »

Mina nota avec un amusement ironique la façon dont les hommes réagirent. Ils s'inclinèrent tous les deux rigidement avec à peine un murmure poli. Pas tout à fait comme deux chats se disputant un territoire, mais pas loin.



« Je disais juste à Lord Holmwood qu'elle n'est pas encore descendue. Lord Holmwood a aimablement proposé de nous emmener voir notre nouveau voisin. Je peux aller lui demander si elle veut venir, mais je ne suis pas sûre de sa réponse. Elle pourrait vouloir attendre de faire une grande apparition. Qui est-ce ?

- Un noble mineur européen, venant d'un de ces petits pays qui sont si minuscules et désorganisés qu'on est surpris d'apprendre qu'ils ont vraiment un gouvernement — la Transylvanie, fit Arthur. Son nom est comte Dracula et... Mina, vous avez une expression bien étrange.

- Jonathan était allé chez un prince Draculea en Transylvanie quand... quand ce qui est arrivé arriva. Je me demande s'il y a un lien ? »

Arthur haussa les épaules.

« Possible. Pour ce que nous en savons, le nom Dracu-truc pourrait très bien être aussi répandu que Smith ou Jones ici. Dites, si Lucy va mettre aussi longtemps, je pense que je vais partir. Je tiens à ce que cette visite soit rapidement finie.

- Attendez un moment. Je suis sûre qu'elle voudra venir. »

Alors que Mina se précipitait hors de la pièce, elle songea : Elle viendra même s'il me faudra la tirer par les cheveux.

Une telle violence ne fut pas nécessaire. Un mystérieux aristocrate européen était justement le genre de choses qui piquait la curiosité de Lucy. Elle fut habillée et en bas en moins d'une demi-heure — un exploit pour elle. Il fut décidé que Quincy les accompagnerait. Ou plutôt Lucy le décida — Arthur acquiesça plutôt que de se quereller avec elle en public. Quand Quincy était dans les environs, Arthur n'était plus AUSSI sûr de posséder Lucy et il n'aimait pas du tout ça.

Il pleuvait toujours et il faisait aussi sombre qu'au crépuscule alors qu'ils se dirigeaient vers l'Abbaye. Quand ils arrivèrent devant la porte d'entrée, ils restèrent à l'intérieur pendant que le cocher bondit à terre et alla toquer à la porte. Naturellement, les gens de qualité n'allaient pas sortir sous la pluie tant qu'ils n'étaient pas certains d'être reçus.


« La porte fut ouverte par un homme basané à l'aspect rude. Lucy haleta :

« Un bohémien ! Père a eu beaucoup de fil à retordre avec eux au printemps dernier. Les poulets disparaissaient de la ferme des locataires et quand il ordonna à l'officier de les chasser, la fille du fermier est partie avec eux. Honteux.

- Que fait-il dans cette maison ? fit Mina avec inquiétude. Ils auraient très bien pu l'avoir squatté quand elle était vide mais s'ils ont trouvé quelqu'un qui vivait ici, qui sait ce qu'ils ont pu lui faire ? »

Le cocher parlait au bohémien très lentement, très distinctement et très fort. Il désigna le carrosse.

« Des visiteurs pour le comte. Lord Holmwood. Très important. »


Salazar le regarda avec un air ennuyé. Il regarda le carrosse sans que son expression ne varie. Puis il grogna et fit un geste pour dire 'restez ici' en refermant la porte.

« L'audace de cet homme ! fit Lucy. Nous laisser là...

- Lucy, il est probablement parti chercher quelqu'un qui comprendra mieux ce qui se passe, fit Mina. Et on ne laisse pas rentrer comme ça un groupe d'étrangers chez soi, non ?

- Mais Mina — nous sommes respectables, » protesta-t-elle.

Mina lui sourit.

« Contrairement à ce que tu peux croire, on ne peut pas toujours se fier aux apparences. »

La porte s'ouvrit à nouveau. Cette fois, un homme blond et trapu s'inclina en regardant les passagers du carrosse.

« Mon maître, le comte Dracula, vous souhaite la bienvenue et vous demande d'entrer afin de vous montrer son hospitalité.

- Ça me plaît plus, » fit Arthur avec satisfaction.


Des châles furent disposés au-dessus des têtes de Lucy et de Mina alors qu'ils se hâtaient d'entrer. Une fois à l'intérieur, l'homme s'inclina en disant :

« Je suis Simion, l'intendant du comte Dracula. Si vous voulez bien me suivre, le comte et ses compagnons vont bientôt vous accueillir. »

Ils furent conduits dans un grand salon sombre. Le sol était poussiéreux mais la pile de draps dans un coin de la pièce avait empêché les sièges de se salir. Les nombreuses chandelles et le grand feu crépitant dans la cheminée n'arrivaient pas à égayer la pièce.

Simion partit et les deux filles s'assirent dans un petit canapé près du feu. Arthur marcha dans la pièce en l'examinant d'un œil critique et fit :

« Il a du travail devant lui avant de rendre cet endroit vivable.

- Je pourrais peut-être lui proposer de rester chez nous, fit Lucy.

- Oh, Lucy, tu NE PEUX PAS ! fit Mina. Tu demanderais à un parfait étranger de rester chez toi sans la permission de ton père ? Je sais qu'il te laisse beaucoup de libertés, mais je suis sûre que ce serait la goutte d'eau qui ferait déborder le vase.

- Miss Murray a raison, fit Quincy. Je sais que vous avez simplement un cœur généreux, mais vous ne connaissez pas ces gens.

- Vous avez raison, jeune homme. »


Ils levèrent tous les yeux. Un homme grand d'apparence royale se tenait sur le pas de la porte. Il entra lentement.

« On ne doit pas accueillir une vipère en son sein, du moins pas tant que les présentations n'ont pas été faites. »

Il s'inclina légèrement.

« Je suis le comte Vlad Dracula, de Transylvanie. J'ai cru comprendre que j'avais le plaisir de rencontrer Lord Holmwood ? »

Arthur s'avança pour lui serrer la main et les présentations furent faites. Après avoir serré la mains des filles, il fit :

« Que voici deux charmantes dames. »

Ses yeux se fixèrent sur Lucy.

« Lucy est un joli nom mais dites-moi, miss Westenra — auriez-vous un deuxième prénom ? Je sais que c'est souvent la coutume parmi les gens bien nés. Mon propre second prénom est en hommage d'un ancêtre — Tepes.

- Ma foi, oui, fit Lucy. C'est Elena. »

Lucy savait que les jeunes filles bien élevées ne devaient pas gigoter mais elle voulait terriblement le faire. Le regard de cet homme était si intense.

Draculea regarda Mina.

« Et vous, miss Murray ?

- C'est Elizabeth. »

Draculea les regarda puis hocha la tête.

« Elena et Elizabeth. Comme c'est... approprié. »



Notes du chapitre :
(1) Un véhicule utilisé quotidiennement par les gens de qualité dans la dernière partie du siècle. C'était à l'origine un véhicule à deux roues mais dans la dernière moitié du XIX°s., il s'agissait plus souvent de véhicules à quatre roues.
(2) Un véhicule à deux roues prévu pour un seul cheval conduit par un propriétaire.






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