Child of the Night 111

Chapitre Cent onze : Des zones d'ombre


L'an de grâce 1892
L'abbaye de Carfax


Refusant de lâcher Jonathan, Dracula conduisit le jeune homme vers un canapé pour qu'ils puissent s'asseoir côte à côte. Ils s'installèrent et Dracula conserva un bras autour des épaules de Jonathan. Après avoir été séparé de son amour pendant aussi longtemps, il répugnait à renoncer au moindre contact. Il prit la main de Jonathan et la porta à ses lèvres pour l'embrasser tendrement. Jonathan l'observa avec un petit sourire amusé.

« Personne n'avait encore fait ça.

- Cela te dérange ? demanda Dracula. Je sais que les Anglais sont réservés du côté physique, même avec ceux à qui ils sont promis. Je parierais que tu n'as jamais été vraiment proche de Mina — pas comme un amant. »

Jonathan rougit.

« Nous nous sommes embrassés plusieurs fois mais un gentilhomme n'essaie pas d'en avoir plus.

- Même avec celle avec qui il va se marier ? »


Il secoua la tête.

« Eh bien... J'y ai pensé mais j'ai toujours eu l'impression qu'elle n'aurait pas aimé. Oh, je ne pense pas qu'elle m'aurait giflé ni même repoussé. Mais si elle devait simplement me supporter...

- Oui, ce serait douloureux. Alors tu n'as jamais été intime avec elle ?

- Non, pas physiquement. »

Jonathan réfléchit un moment puis fit d'une voix grave.

« Ni de quelque autre façon que ce soit, je suppose.

- Jonathan, j'ai bien peur d'être sur le point de t'embarrasser mais sache que ce n'est pas pour te mettre mal à l'aise. Il y a des choses que j'ai besoin de savoir. Tu ne connais pas Mina intimement — mais tu as déjà été avec d'autres femmes ? »

Jonathan le fixa.

« Je suis d'accord qu'une telle question est trop personnelle mais j'ai besoin de juger ton expérience. »

Il caressa la joue de Jonathan et le jeune homme tourna instinctivement la tête pour s'appuyer contre la caresse.

« Je ne voudrais pas faire quoi que ce soit qui puisse t'effrayer ou te bouleverser. »


Jonathan déglutit.

« On dirait que tu veux faire beaucoup de choses.

- J'espère, fit doucement Dracula. Je sais que bien que les contacts entre couples sont limités dans les classes moyennes, certains hommes vont satisfaire leurs besoins charnels avec des femmes volontaires — des professionnelles ? »

Jonathan rougit un peu.

« Des prostituées, fit-il d'un ton rigide. Non. Je ne l'ai jamais fait et je ne le ferai jamais. Ce serait tirer profit des malheureuses. Je ne doute pas que la plupart d'entre elles aient été forcées de choisir cette vie. Et cela dégraderait quelque chose qu'on devrait considérer comme spécial. »

Dracula voulut secouer la tête mais il fit simplement :

« Et voici une autre preuve que tu es vraiment mon Nicolae réincarné. Il répugnait à jeter la faute à quelqu'un, même pour les choix qu'il avait fait et il ne se serait jamais donné à quelqu'un qu'il n'aimait pas profondément. Tu n'as donc jamais été avec une femme. Et les hommes ? »


Jonathan se mordit la lèvre en baissant rapidement les yeux, ses joues soudain rouges. Dracula sentit un pincement au cœur mais il s'était juré que peu importait la vie que Jonathan avait vécue avant qu'ils ne se rencontrent — ce serait un nouveau départ.

« Mon cher, tu ne dois pas hésiter à m'en parler. Je ne t'en voudrai pas. Tu es quelqu'un de chaleureux et de généreux avec un cœur tendre. Tu as vraiment besoin d'amour et d'être aimé, et tu as été seul pendant de nombreuses années. Tu n'as fait que soupçonner notre lien avant aujourd'hui. Si tu as trouvé quelqu'un d'autre pour te réconforter...

- Tu me pardonnerais ça ? »

Dracula le regarda profondément dans les yeux en prenant en coupe le visage de Jonathan dans ses mains.

« Il n'y aurait rien à pardonner mais je dois savoir afin de pouvoir être tendre là où il le faut. »

Il pressa très légèrement et il y avait une étincelle de chaleur dans ses yeux qui entraîna en réponse une chaleur en Jonathan.

« ... et fort lorsque cela te plaira le plus. »


Jonathan tendit la main pour prendre l'une des mains de Dracula.

« Il n'y a eu qu'une seule fois et ce n'était pas... J'avais seize ans. C'était mon anniversaire et l'un des garçons avait proposé un jeu stupide — un jeu où on s'embrassait. »

Le regard de Jonathan quitta celui de Dracula alors qu'il se confessait.

« Il m'a embrassé dans le couloir. Pas un simple baiser. Il... il... Je n'avais pas compris que les gens faisaient ça avec leurs langues et il s'est pressé contre moi. »

Dracula garda sa voix neutre bien que songer que quelqu'un d'autre ait pu embrasser ainsi Jonathan le rendait furieux.

« C'est tout ?

- Oui. Je pense qu'il voulait faire plus mais les autres nous appelaient déjà. J'étais content qu'il ne revienne pas à l'école le semestre suivant bien que ce fut... intéressant. Mais ce n'était pas correct. Je ne savais vraiment pas pourquoi alors, mais je ne cessais de penser : 'ce n'est pas lui, je ne lui appartiens pas'. »

Jonathan tourna des yeux surpris vers Dracula.

« Je suppose que je t'attendais déjà à ce moment. »


Dracula poussa un soupir.

« Je m'étais dit que cela n'avait pas d'importance mais je suis content que tu m'aies attendu, mon doux. »

Jonathan tenta de détourner les yeux mais Dracula ne le laissa pas faire.

« Cela t'embarrasse ? Mais je VAIS te donner des petits surnoms, Nicu. Je vais t'appeler mon précieux, mon chéri, mon doux amant. Tu es toutes ces choses pour moi et je ne le cacherai pas. »

Il s'adoucit en souriant légèrement.

« Mais je ne le ferai pas devant les autres si tu ne le souhaites pas.

- Je pense que ce serait mieux. »

Il y avait une pointe d'ironie dans la voix de Jonathan.

« Je n'imagine pas la réaction de Mina ou de mister Westenra si un autre homme m'appelait 'chéri'. »


Il garda le silence un moment en étudiant Dracula puis fit doucement :

« Alors j'étais avec toi.. il y a longtemps ?

- Très, très longtemps.

- Des décennies ? »

Il émit un son frustré.

« Bien SÛR des décennies. Ce doit être avant ma naissance... Oh, cela semble si étrange et pourtant normal. Des décennies ? »

Dracula hésita. Jonathan semblait avoir accepté la situation mais jusqu'à quel point ? Si on lui présentait des choses trop contradictoires avec ses croyances, pourrait-il tout nier ? Mais Dracula ne voyait pas d'autre moyen que de lui dire la vérité.

« Des siècles, Jonathan. Je t'ai rencontré pour la première fois en 1460. »

Jonathan pâlit et fit faiblement :

« Aussi longtemps ? »

Dracula acquiesça.

« Je suis né en 1429.

- Comment est-ce possible ? »

Et je dois encore prendre un risque, mais peut-être pas entièrement.


« Ce n'est pas impossible — pas pour quelqu'un qui n'est pas normal.

- Cela a un rapport avec tes mains froides et le fait que tu évites la lumière du jour ?

- Oui.

- C'est quelque chose de congénital, comme l'hémophilie qu'ont certains membres de la royauté européenne ? »

Dracula eut un léger rire.

« Quoi ?

- Je suis désolé. Je ne ris pas de toi mais l'hémophilie... »

Il rit à nouveau.

« Un jour, tu comprendras cette ironie. As-tu d'autres souvenirs clairs ?

- Laisse-moi réfléchir. »

Il ferma les yeux pour se concentrer.

« Un homme aux cheveux blonds. Je crois qu'il m'a traité gentiment mais j'ai l'impression de l'avoir vu récemment, pas... »


Ses yeux s'ouvrirent brusquement et il regarda Dracula d'un air surpris.

« Simion ?

- Oui. C'était ton ami à cette époque et il le sera encore maintenant, s'il le souhaite.

- Mais il me semble qu'il s'est passé quelque chose entre. Il se trouvait au château Draculea en Transylvanie lorsque j'y suis allé ?

- Oui, fit doucement Dracula. Simion s'est occupé de moi pendant toutes ces années — nous n'avons jamais été séparés. »

Jonathan fit une grimace.

« J'aurais dû le savoir mais cette période est si vague.

- Tu étais blessé. Seul le temps peut guérir de telles choses. Mais je pense que maintenant que tu sais, les souvenirs vont s'éclaircir.

- Oui, fit Jonathan d'un ton décisif. Je me souviens de mieux en mieux. »

Il sourit.

« Rill et ses soldats, et il aime tellement les chevaux. Sinn avait envie d'entendre parler de la mode et... et... »

Sa voix trébucha, la couleur commença à se retirer de son visage.

« Il y avait quelqu'un d'autre... » murmura-t-il.


Dracula le prit dans ses bras.

« Chhh.

- Non, il y avait quelqu'un de dangereux. Il... Je ne suis pas lâche mais il me terrifiait. Je crois qu'il voulait me tuer.

- Mon amour, faut-il que tu t'en rappelles maintenant ? C'est douloureux et nous avons tant de temps devant nous. Nous venons juste de nous retrouver. Ne pourrions-nous pas rendre ce petit moment aussi paisible que possible ? »

Il embrassa à nouveau Jonathan en utilisant leur lien de sang pour l'apaiser et le distraire de ces souvenirs troublants.

Jonathan saisit les épaules de Vlad en commençant à se noyer dans ces sensations. Mais il avait compté sur l'ordre dans sa vie et il voulait comprendre les parties de sa vie qu'il ne connaissait pas jusqu'à cet après-midi. Il recula la tête en haletant légèrement.

« Des yeux bleus, mais plus sombres que les tiens — et durs. Cruels. Il... »

Vlad devait arrêter le flot de souvenirs. L'épreuve de Jonathan avec Rock était en grande partie responsable de sa condition actuelle et il ne pensait pas que Jonathan était prêt à affronter cette horreur. Quand il serait plus sûr de qui il était vraiment — de qui ILS étaient tous les deux — alors là. Mais il montrait cette pointe d'obstination qui avait été une telle surprise chez Nicolae. Il fallait prendre des mesures. Vlad posa ses mains sur les cuisses de Jonathan pour les caresser fermement.


Jonathan se sentit soudain faible, ne songeant à rien d'autre excepté la caresse de Dracula.

« Que fais-tu ? » murmura-t-il.

La voix de Dracula fut presque aussi basse.

« Il faut que je te touche, Nicu. Il le faut. J'ai aimé ton esprit qui s'est réincarné mais j'ai aussi aimé le corps qui l'abritait. Si tu dois te souvenir de quelque chose maintenant, souviens-toi de ça. »

Ses mains glissèrent plus haut.

« Souviens-toi de cette sensation. »

Il embrassa à nouveau Jonathan et cette fois sa langue se glissa dans la bouche du jeune homme.

« Souviens-toi de mon goût. »

Il enfouit son visage dans le cou de Jonathan.

« Tu as dit que tu aimais l'odeur de ma peau. Je sais que j'ai aimé la tienne. »

Une grande main recouvrit l'aine de Jonathan et Dracula eut un sourire secret contre l'épaule de son bien-aimé quand il découvrit un monticule chaud et grandissant. Il pressa gentiment mais fermement.


Jonathan gémit et fit d'un ton essoufflé :

« Nous ne pouvons pas faire ça. Quelqu'un peut entrer à tout moment. »

Dracula frotta en disant :

« Mes gens sont intelligents, Nicu. Aucun d'entre eux n'essaiera d'entrer ici tant que je ne les aurai pas appelés.

- Quincy... »

Dracula rit.

« Mister Morris est avec Sinn. Crois-moi, Nicu — Sinn peut paraître élégant mais il a la morale et la libido d'un chat féroce. Il va occuper Quincy un moment. Nous avons un peu de temps devant nous. Je peux te toucher ? »

Jonathan n'avait jamais connu vraiment d'expériences qui se rapportaient au sexe — pas consciemment. Il se demanda s'il devait avoir honte que cet obstacle soit si simple à franchir.

« Oui. Je le veux.

- Mon doux garçon. »


Des doigts assurés et agiles s'occupaient déjà de la braguette de Jonathan, défaisant les boutons avec plus d'aisance que lui-même. Puis la main se glissa dans l'ouverture pour se refermer sur l'érection naissante de Jonathan, séparée de sa propre chair par une simple couche de vêtements. C'en fut trop. Jonathan poussa un cri, ses hanches se soulevant un peu alors que son orgasme le prit par surprise. Il sentit le rouge lui monter aux joues alors qu'il haletait :

« Oh, Seigneur ! Je suis vraiment désolé. Je... »

Dracula pressa ses lèvres contre celles de Jonathan.

« Ne t'excuse jamais pour ça, Nicu. Il n'y a aucune honte à apprécier le contact de ton amant et je suis ravi d'avoir pu te faire plaisir. »

Il se rassit un peu puis sortit un mouchoir de sa poche et le lui tendit.

« Je te nettoierais bien moi-même... »

Son sourire se teinta d'une promesse qui fit frémir Jonathan.

« ... mais je crains que la méthode que je choisirais serait un peu trop dure à accepter pour toi pour l'instant. »


Jonathan utilisa le linge pour se nettoyer puis examina le devant de ses sous-vêtements. Il avait été rapide et il n'y avait qu'une petite tache à peine humide. Il pourrait refermer son pantalon sans avoir à craindre que cela ne traverse et n'annonce au monde son badinage. Quand il eut fini, il fixa le mouchoir souillé, ne sachant que faire avec. Dracula le prit sans un mot, caressant son poignet en même temps, et le plaça dans sa poche.

« Je sais que je t'ai choqué mais je n'avais vraiment pas le choix, Jonathan. Je devais te toucher. Nous avons été séparés pendant si longtemps. J'ai toujours su au plus profond de mon cœur que nous allions nous retrouver mais... »

Il haussa les épaules.

« Je suis un homme et l'homme est esclave de sa chair — même les plus forts d'entre nous. »


Jonathan s'appuya en silence contre Dracula en posant sa tête sur l'épaule de l'autre homme.

« Ça ne va pas être facile. »

Dracula le prit dans ses bras.

« Peu de choses dans la vie sont faciles.

- Je veux dire, la société est contre ce genre de choses. »

Il inclina la tête pour regarder Vlad à travers ses cils.

« Le même genre ensemble. Bien que les femmes ont plus de chance que les hommes. Tu sais que la relation entre deux femmes n'est même pas illégale juste parce que la reine refuse de croire qu'une telle chose puisse exister ?

- C'est l'un des moments où l'ignorance obstinée d'un monarque peut profiter à ses sujets. Je comprends qu'il y ait des difficultés. Il y en aurait même si tu étais une jeune fille anglaise ou si j'étais une comtesse au lieu d'un comte. La société semble passer la majeure partie de son temps à édicter des lois, des règles et des obstacles. Leur passe-temps favori est de dicter aux autres leurs façons de vivre. C'est pourquoi je veux que tu reviennes en Transylvanie avec moi. »

Jonathan se rassit brusquement.

« Vlad, je NE PEUX PAS ! Ma vie est ici. Mon travail, mes amis, ma fiancée... »


Sa voix mourut.

« Mina n'est plus vraiment une raison, je suppose. Je ne peux plus l'épouser maintenant que je sais... à propos de nous. À propos de moi. Il y a eu une rumeur sur l'un des professeurs à l'école. Il était marié et avait deux enfants — un garçon et une fille — et il semblait plutôt heureux de sa vie. Mais à la fin de la semaine... Les autres garçons disaient qu'il se rendait à un endroit appelé le Joli Sifflet et qu'il y avait des garçons à peine plus âgés que nous qui se maquillaient comme les femmes dans la rue. Ils laissaient les hommes leur payer à boire et puis ils allaient dans leurs chambres et... et les autres garçons s'arrêtaient toujours là, en se lorgnant et en se donnant des coups de coude, et j'ai toujours hoché la tête comme si je savais ce qu'ils voulaient dire. Tu sais, maintenant je ne suis plus si sûr qu'ils SAVAIENT quelque chose — pas vraiment.

- Les sous-entendus et les soupçons à moitié formés sont tout ce qu'ont certaines personnes de nos jours, Jonathan. Mais tu vois, en Transylvanie tu n'auras pas besoin de t'inquiéter de ça. Ma sphère d'influence s'est réduite là-bas mais ce que je possède, je m'y accroche FERMEMENT. Maintenant comme tu l'as dit, Mina n'est plus une raison valable pour rester ici. Quant à ton travail — Jonathan, un employé était déjà revenu fou et pourtant ils t'ont envoyé juste après. Cela indique de l'inquiétude ou l'appréciation de ta valeur ? Et qu'en est-il des amis ? »

Il leva un doigt.

« Et je parle de VRAIS amis — pas juste des connaissances. »


Jonathan réfléchit... et réfléchit, puis fit lentement :

« Je n'ai jamais été vraiment proche de mes camarades d'école — il y avait un trop grand fossé entre nous. Je ne me suis pas adapté dans le groupe de Lucy et de Mina, mes propriétaires sont des gens décents, mais des amis... ? Il ne reste que le travail et il n'y a qu'une personne là-bas... »

Il ferma les yeux en signe de tristesse.

« Il n'y AVAIT qu'une seule personne là-bas. Renfield était si bon avec moi. Il m'a pris sous son aile, m'a aidé même quand il n'y était pas obligé et il était toujours content de m'écouter ou de me parler. Je suppose que c'est le seul véritable ami que j'ai jamais eu.

- Je connais Renfield et je pense qu'il ressent la même chose.

- Mais il est fou à présent, du moins c'est ce qu'ils disent, fit tristement Jonathan. Je veux lui rendre visite mais j'en suis juste arrivé au point où ils me laissent sortir de la maison sans une infirmière. »


Il se mordit les lèvres.

« Et tu es la première personne que je suis allé voir au lieu de lui. Je ne suis pas sûr que ça fasse de moi un bon ami.

- Crois-moi, Jonathan — Robert comprend. Tout ce qu'il veut, c'est que tu sois heureux et en sécurité.

- Je veux la même chose pour lui mais je ne vois pas comment cela pourrait être possible. Oh, les méthodes pour traiter les lunatiques se sont beaucoup améliorées et sont plus humaines mais il y a encore peu de chance que quelqu'un guérisse quand on le place dans un institut comme l'Asile Seward.

- Pourtant des gens en sont sortis et ont vécu une vie heureuse. Tu n'as pas besoin de t'inquiéter pour ça. Laisse-moi m'en charger, Jonathan. Je n'abandonnerai pas Robert. Il est entré dans notre petite famille lorsqu'il est resté avec nous en Transylvanie. Rill serait anéanti si nous le laissions en arrière.

- Tu parles comme si tu étais là aussi, durant le séjour de Renfield — et le mien.

- Oui.

- Mais je ne me rappelle pas de toi. Si tu étais là, je ne vois pas comment j'aurais pu l'oublier.

- Dis-moi ce dont tu te souviens.

- Eh bien, comme je l'ai dit, il y avait Sinn, Rill, Simion et... et cet autre homme. »


Il déglutit.

« Il était dur et son nom l'était aussi. Pierre ? Non — Rock. Rock. Quel nom étrange. Il y avait eux et quelques tziganes dont je n'ai jamais vraiment compris les noms — et le prince. »

Jonathan émit un son de compréhension.

« Bien sûr ! tu es apparenté au prince. La lignée doit être très proche.

- En effet.

- Il ressemble à ton grand-père. »

Jonathan eut un rire bref et il y avait un timbre nerveux derrière ce rire.

« Ou bien tu lui ressembleras dans quarante, quarante-cinq ans. Quel est exactement son lien de parenté avec toi ?

- Les autres vont bientôt revenir. J'aimerais t'embrasser à nouveau — juste une fois encore. »

Jonathan cligna des yeux à cause du changement brutal de sujet. Il voulait la réponse à sa question mais l'occasion d'être à nouveau embrassé était une forte distraction.

« Ça ne me gênerait pas. »


Dracula sourit.

« Même si je voulais te faire un suçon ? Tu sais ce que — ?

- Bien sûr que oui. Je ne suis pas TOTALEMENT ignorant, tu sais. L'un des garçons les plus avancés avait l'habitude de se vanter en les montrant lorsqu'il revenait de vacances. Lui et ses cousines s'entraînaient à s'embrasser et il avait des taches très rouges-pourpres sur son cou et sa gorge. Cela semblait douloureux. »

Son ton était curieux et pas du tout effrayé.

« C'est ce que tu veux me faire ?

- Cela y ressemble, fit doucement Vlad, mais c'est plus sérieux et plus intense. Cela VA faire un peu mal mais c'est aussi incroyable et cela nous rapprochera encore plus. Mais je ne le ferai pas si tu n'es pas d'accord, Jonathan. Je l'ai fait plusieurs fois avec des gens qui ne représentaient qu'un moment fugitif de plaisir pour moi. Je ne le ferai pas avec toi tant que tu ne le VOUDRAS pas. Tu es d'accord ? »


Jonathan le regarda dans les yeux.

« Cela va me marquer ?

- Juste un peu. Si je fais attention, ce sera à peine remarquable. Cela pourra même être caché par ton haut col. Tu n'as pas à t'en faire pour ça...

- Je ne m'en fais pas. »

La voix de Jonathan était calme alors qu'il commença à déboutonner son col.

« J'aime l'idée que tu me marques, que tu laisses une trace visible de ton contact. »

Il ouvrit plusieurs boutons de sa chemise. La longue colonne ferme de son cou fut exposée.

« Qu'est-ce que je dois faire ?

- Rien, très cher. »

Dracula prit Jonathan dans ses bras et l'embrassa en murmurant contre ses lèvres.

« Détends-toi, mon Nicolae, mon Jonathan. Ferme les yeux et ne pense qu'à ce que tu ressens. Tu vas commencer à dériver dans un moment. Tu peux le sentir ?

- Oui. »

La voix de Jonathan était un murmure rauque.

« Chaud. En sécurité. »

L'étreinte de Dracula se resserra.

« Toutes ces choses. Aimé. Désiré. »


Sa bouche effleura un chemin le long de la joue de Jonathan et descendit juste en-dessous, derrière son oreille.

« Je sens ton pouls ici — lent et fort mais qui commence à s'accélérer. C'est pour moi, Nicu. Ton cœur bat plus vite pour moi. »

Il pressa sa bouche contre la gorge de Jonathan, juste au-dessus du pouls, et suça fortement un bout de peau.

Il y eut une sensation humide de tiraillement qui devint rapidement une douleur et une piqûre. Mais en même temps il y avait cette chaleur qui provenait de cet endroit. Jonathan gémit en sentant des dents et Vlad se mit tout de suite à lui caresser le dos, ses grands mains le caressant pour le réconforter. Quand Jonathan se fut à nouveau calmé, il entendit un murmure presque inaudible.

« Un peu de douleur, bien-aimé. »

Ce fut plus qu'un peu de douleur. Ce fut comme si quelqu'un avait planté des aiguilles dans sa gorge et il cria doucement en se raidissant. Les bras de Dracula se resserrèrent autour de Jonathan mais Jon ne tenta pas de s'enfuir ou de repousser Dracula. Il laissa sa tête retomber sur le côté en gémissant légèrement à cause de l'inconfort mais avec un plaisir naissant. Cela faisait mal, oui, mais la chaleur avait rampé vers le bas et s'était rassemblée dans son aine. Bien qu'il ait joui il n'y avait que quelques minutes, Jonathan sentit son intérêt charnel s'éveiller.


Si doux, si chaud. Dracula sentit plutôt qu'entendit le ronronnement grave qui provenait de sa propre gorge. Il se donne avec tant de confiance. Je pourrais le drainer en un instant. Il a déjà goûté mon sang deux fois. Cela suffirait-il ? Je pourrais boire jusqu'au bout puis le nourrir et boire à nouveau. Cela DEVRAIT fonctionner. Mais si je me trompais ? Et si c'était moi qui le tuais cette fois ? Je marcherais alors en plein jour et je prendrais une croix dans mes bras. Je demanderais à Simion de me couper la tête, de m'arracher le cœur, de brûler mon corps puis de disperser les cendres. Ce que j'ai connu durant les derniers siècles n'était pas vraiment vivre, mais je ne voudrais même pas de ça si je le blessais. Non, peu importe si ce serait facile, je dois attendre.

Si cela avait continué plus longtemps, Jonathan aurait été à nouveau excité et qui sait alors ce qui aurait pu arriver ? Mais cela se termina rapidement. Il sentit Dracula lécher l'endroit douloureux. Cette bouche formidable et froide se retira un moment, assez longtemps pour que Jonathan sente un filet chaud sur sa peau. La langue revint pour lécher le filet humide. Quand Dracula se rassit, il y avait déjà une sorte de démangeaison que Jonathan avait toujours associée à une plaie qui commençait à cicatriser.


Dracula se rassit et commença à reboutonner la chemise de Jonathan tandis que le jeune homme vacillait légèrement, un air ébahi sur son visage. La main de Jonathan se leva pour toucher l'endroit sensible sur son cou mais Dracula saisit sa main.

« Non, n'y touche pas. Ta mère t'a sûrement déjà dit de ne pas toucher à une blessure ? »

Jonathan eut un sourire vague.

« Je pense que toutes les mères doivent dire la même chose.

- La plupart, mais pas toutes. Certaines femmes sont des louves plutôt que des mères. »

Il posa la main sur la joue de Jonathan en le regardant dans les yeux.

« Jonathan ?

- Mm ?

- Jonathan, réveille-toi. »


Jon cligna des yeux, perplexe.

« Tu t'es assoupi. Le vin et la chaleur du feu, je suppose. »

Il sourit.

« Et peut-être ma conversation aride.

- Oh, non ! Non, tu es un merveilleux compagnon, Vlad. Je ne sais pas ce qui m'a pris. Je déteste devoir l'admettre, mais peut-être que je SUIS plus faible que je ne le pensais.

- Je suis certain que c'est juste temporaire. Un bon repas ou deux, une bonne nuit de repos, et tu seras comme avant.

- Comme avant, » répéta-t-il en regardant dans le vague.

Puis il prit les mains de Dracula.

« Je suis seulement en train de l'apprendre, fit-il en haussant les épaules. J'ai beaucoup de choses à apprendre sur moi.

- Comme la plupart des hommes, Jonathan. Il est sage de s'en rendre compte et de l'accepter. »


Ils entendirent la porte d'entrée s'ouvrir et le bruit de pas sur le plancher nu. Ils furent accompagnés de deux voix — l'accent traînant de Quincy et la voix plus aiguë et taquine de Sinn. Les deux hommes apparurent dans l'encadrement de la porte en s'arrêtant juste dans la pièce. Quand Quincy vit que Jonathan Harker et le comte Dracula étaient assis très près l'un de l'autre, ses sourcils se haussèrent mais il ne fit aucun commentaire. Étant donné ce qu'il venait juste de faire, il sentait qu'il n'avait pas le droit de faire des remarques sur le niveau d'intimité entre deux autres hommes.


Sinn sourit modestement au couple sur le canapé.

« Je suis désolé que nous ayons mis tant de temps. Il a fallu que je montre à Quincy la grange à foin. »

Il tendit la main pour retirer un brin de paille des cheveux noirs du Texan.

« Et alors il s'EST montré espiègle. »

Sinn brossa ses propres vêtements pour enlever un peu de menue paille.

« Dieu merci, je ne portais pas mes bons vêtements. Je les adore mais ils peuvent poser tant de problèmes. C'est dur de les garder immaculés. »

Ses yeux glissèrent vers Quincy.

« Et tous ces boutons. On pourrait se sentir plutôt étranglé. »

Quincy se pencha et murmura assez bas pour que seul Sinn puisse l'entendre :

« J'en connais un qui va vraiment avoir ses fesses tannées s'il continue comme ça. »

Le sourire que lança Sinn en réponse fut angélique.

« On peut toujours rêver. »






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