Ils disent tous que j'ai vu un fantôme 17


Qu'est-ce qui lui avait pris de descendre du train pour rentrer en covoiturage ?

Après réflexion, j'appelai Xiao Ning mais là, je n'avais pas la moindre barre de réseau. La couverture de cet hôpital abandonné devait être sporadique.

« Dos à dos, c'est si confortable. Dos à dos, c'est si chaud. »

La voix de Tan Xiaoming ne s'arrêtait pas. Je ne pus m'empêcher de me redresser sur un coude et de demander :

« Xiao Ming, tu veux qu'on dorme dans le même lit ? »

Mais dès que je me redressai, il se tut. Il était timide ?


Honnêtement, je ne tenais pas spécialement à partager le lit avec Tan Xiaoming. La plupart du matériel de la morgue avait déjà été débarrassé. Il ne restait que quelques lits en piteux état, entre 90 cm et un mètre de large. C'était déjà un peu étroit pour un adulte, ne parlons même pas de deux personnes.

Si Tan Xiaoming voulait partager mon lit, nous serions obligés de dormir très près... Oui ! C'était justement la position "dos à dos" qu'il avait décrite, ou bien je devrais le tenir dans mes bras.

Imaginez un adulte attiré par les hommes et qui dort dans un lit d'une personne avec un garçon de treize, quatorze ans dans les bras ; c'était presque la même chose qu'un professeur de vingt-six ans qui couchait avec une collégienne... Cette image était vraiment trop horrible. Cela n'allait pas du tout !


Je ne pus que dire :

« Xiao Ming, ce n'est pas convenable de partager le même lit que ton professeur. Si tu as froid, allons chez moi. La chambre est vide et elle a un lit. »

Sous ces circonstances pressantes, je voulais bien payer un taxi. Xiao Ming était si frêle, il ne pourrait pas faire le chemin à vélo comme moi.

Tan Xiaoming ne me répondit pas. Je pris son silence comme un refus. Les adolescents pouvaient aisément rentrer dans une phase de rébellion et avec une situation familiale comme la sienne, ce serait difficile pour lui d'accepter un nouvel environnement.


C'était mon premier jour officiel en tant qu'enseignant. Entre Tan Xiaoming et Mu Huaitong, j'avais vraiment l'impression que ce n'était pas une tâche facile. Quand j'étais élève, je ne supportais pas mes professeurs. Je trouvais qu'ils n'arrêtaient pas de nous embêter.

Mais à présent que j'en étais un, je trouvais que c'était vraiment compliqué de gérer les élèves, les empêcher de prendre une mauvaise route, s'inquiéter de leurs études et de leurs vies.

C'était vraiment un long et ardu chemin...

Je songeai soudain que même si je ne pouvais pas dormir avec Xiao Ming, je ne pouvais sûrement pas le laisser continuer à rester dans son coin. Je devais l'aider à rejoindre la société et devenir un jeune homme actif et sain, au lieu de quelqu'un qui va se cacher dans une morgue pour faire peur à son professeur.


Je jetai mon téléphone sur le lit, me levai et gagnai le coin où Tan Xiaoming dormait. En m'approchant, je fis avec prudence :

« Xiao Ming, ce n'est pas grave si tu n'arrives pas à dormir. Je vais te tenir compagnie. Mais je ne peux pas dormir dans le même lit que toi. Alors toi, tu dors ici et moi, je m’assois près du lit pour te tenir compagnie. »

Quelle importance si je devais passer la nuit assis par terre ? Du moment que c'était pour le bien de mes élèves !

Toutefois quand je m'approchai, je ne vis qu'un lit vide. À un moment donné, le garçon avait dû sortir de son lit en douce. Bien entendu, cela avait dû se produire pendant que je discutais avec Xiao Ning. J'étais alors si concentré en attendant les réponses de Ning Tiance que je n'aurais rien remarqué de ce qui se passait autour.

J'avais fait preuve de négligence dans mon devoir.

Est-ce qu'il s'était enfui ou bien se cachait-il toujours dans la pièce ?


« Xiao Ming ? Xiao Ming ? »

Je murmurai son nom dans la morgue pendant un moment sans obtenir de réponse. Je me rendis à la porte et vis que la poignée avait été bloquée de l'intérieur par un morceau de bois. Cela n'avait pas pu se faire de l'extérieur, ce qui voulait dire que personne n'était passé par cette porte pour sortir.

Comme l'hôpital était à l'abandon, il y avait des rubans en plastique qui scellaient les fenêtres. Tous les scellés étaient intacts et ne montraient aucun signe de dommage. Cela voulait dire que Tan Xiaoming était encore dans la pièce.

Où pouvait bien se cacher ce gamin ?

Je tournai dans tous les sens pendant un bon moment sans le trouver, puis me rallongeai sur le lit et regardai mon portable d'un air confus. Il n'y avait toujours pas de réseau ; le dernier message était celui où Xiao Ning parlait de rentrer en covoiturage.

Quelle genre d'urgence avait bien pu le pousser à descendre du train et à revenir en vitesse dans la ville de H ? Il avait oublié quelque chose ? Dans ce cas, il aurait pu me demander de le lui envoyer par la poste, non ?


Après avoir roulé un moment dans le lit en relisant ma conversation avec Ning Tiance, j'entendis de nouveau la voix de Tan Xiaoming :

« Dos à dos, c'est si confortable. Dos à dos, c'est si chaud. »

Cette fois, je ne me précipitai pas hors du lit mais tendis l'oreille pour déterminer l'origine de la voix.

La morgue était vaste et vide, ce qui créait un fort l'écho. Il me fallut un moment avant de me rendre compte que la voix venait d'en-dessous.

Je bondis hors du lit, saisis la lampe que j'avais laissé au chevet, l'allumai, m'accroupis et éclairai le dessous du lit. Comme je m'y attendais, je vis Tan Xiaoming qui me regardait, pendu sous la planche de lit. Son visage était rouge et il avait les yeux qui lui sortaient de la tête, sûrement à cause de la gravité. Cela n'avait pas du tout l'air confortable.

Comment cela pourrait-il être confortable de s'attacher à une planche de lit et de rester accroché là ?


Je vis rouge. Je fis à Tan Xiaoming :

« Pourquoi tu as fait une chose pareille, mon garçon ? Même si tu veux faire peur à ton professeur, tu ne dois pas négliger ta santé pour autant ! Regarde-toi un peu. Tu t'es attaché si serré que tu as coupé ta circulation sanguine. Tu deviens tout bleu ! »

Quand je me penchai pour défaire la corde qui retenait Tan Xiaoming, il fit doucement :

« Après le départ de maman, il ne restait plus qu'un lit à la maison. Au début, j'ai dormi avec mon père. Ensuite il s'est mis à me frapper. Il disait que je prenais trop de place. Après les coups, il m'attachait à la planche sous le lit. Dos à dos, c'est si confortable.

– Confortable mon cul ! »

Je voulais vraiment aller botter les fesses de son père !


Les liens de Tan Xiaoming étaient trop serrés. J'ignorais comment il avait réussi à s'attacher ainsi. Dans le noir, je n'arrivai pas à défaire le nœud et je n'avais pas de ciseaux sur moi. Je constatai que ses yeux se révulsaient et que sa langue sortait de sa bouche.

La prochaine fois, je penserais à prendre des ciseaux ou un couteau. Ces élèves étaient vraiment incroyables !

« Xiao Ming, ne t'en fais pas. Ce n'est pas un peu de corde qui va m'arrêter ! »

Moi, Shen Jianguo, en plus d'avoir fait l'université, avait une autre bonne qualité : j'étais fort et en pleine forme. Ce n'était qu'une planche, pas vrai ? Je n'avais qu'à la retourner.

La planche de lit de Tan Xiaoming faisait un mètre sur deux. C'était pile poil la bonne taille pour la sortir de ce lit vide. Je me levai, saisis les deux bords de la planche et la soulevai de son cadre d'acier. D'abord je mis la planche de lit debout pour que Tan Xiaoming ait la tête en haut. Puis je retournai la planche de lit, la soulevai et la remis sur le cadre. Cette fois, Xiao Ming était au-dessus.


Il regarda le plafond, les yeux dans le vague, et fit :

« Professeur Shen, j'aime bien dormir sous le lit. Laissez-moi dormir dos à dos avec vous.

– Et puis quoi encore ?! »

Je me servis de mes dents pour défaire la corde de ses liens, libérant ainsi Tan Xiaoming.

Après tout ça, il était déjà quatre heures du matin. Je massai les membres de Tan Xiaoming ; une fois la corde enlevée, sa peau regagnait des couleurs et ses yeux ne lui sortaient plus de la tête. Il allait mieux, de toute évidence.

« Va dormir. »

Je retirai ma veste pour la poser sur lui. Je m'assis par terre à côté de lui, utilisant le cahier du professeur Liu comme un coussin. Je tapotai la tête de Tan Xiaoming.

« Je t'aiderai à déménager demain puis j'irai voir un avocat et un psychiatre pour savoir comment porter plainte contre ton père.

– Inutile, répondit Tan Xiaoming en me jetant un regard. Il est mort. »


Je tressaillis. Il n'y avait aucune tristesse sur le visage de Tan Xiaoming ; il arborait un sourire étrange.

« Il était ivre. Il s'est réveillé au milieu de la nuit et m'a entendu. Il a regardé sous le lit et quand il m'a vu, il est mort de peur. Ha ha ha ha ! »

Dans la morgue, le rire de Tan Xiaoming avait un timbre de chagrin.

Je le tapai sur le bras, énervé.

« Ne dis pas une chose pareille ! Il n'est pas mort de peur en te voyant. Il avait trop bu et il avait le cœur fragile, c'est ça qui l'a tué ! Comment pourrait-on mourir de peur en te voyant ? Je n'ai pas eu peur, moi. Ne te mets plus ce genre d'idée en tête. Dors maintenant et tu déménageras demain. Je serai avec toi. »

Je continuai à le tapoter gentiment pour l'aider à s'endormir.

« Je n'ai aucune affaire. Si vous prenez la planche de lit pour moi, cela suffira, fit Tan Xiaoming. Demain, j'ai quelque chose à faire dans la journée. Je viendrai le soir.

– Non, je t'emmène voir un psychologue demain, » fis-je d'un ton résolu.

Comme Tan Xiaoming ne parvenait pas à dormir, je me mis à réciter à voix haute les principes du Marxisme. À l'école, à chaque fois que je me les récitais, je m'endormais aussitôt. Tan Xiaoming réagirait sûrement de la même manière.


* * *


Ça ne manqua pas : à peine après avoir récité un peu, je m'endormis moi-même. Quand j'ouvris les yeux, il faisait jour.

Ma veste était sur le lit. Tan Xiaoming n'était plus là.

Ce sale gosse avait filé en douce pendant mon sommeil.

Je pris mon portable et vis une douzaine de nouveaux messages, dont un de la principale Zhang. Il datait de quatre heures du matin, juste après que je me sois endormi.

[J'ai déjà trouvé le meilleur psychologue de Chine pour l'élève Tan. À l'avenir il ira suivre son traitement le jour et reviendra à l'appartement la nuit. Vous n'avez pas besoin de vous en faire, professeur Shen.]

On pouvait toujours compter sur la principale Zhang. J'en fus soulagé.


Le reste des messages provenait de Ning Tiance. Il croyait que j'étais de nouveau tombé sur un fantôme et avait envoyé plein de messages à la suite :

[Je suis descendu du train dans une petite gare. Il n'y a pas de voiture au milieu de la nuit. Je vais devoir marcher jusqu'à la ville la plus proche à trente kilomètres pour louer une voiture. Tiens bon, j'arrive.]

[Tu en es où ?]

[Voici un talisman pour toi. Cela peut servir, même si ce n'est qu'une image. Si jamais tu es en danger, brandis ton téléphone.]

[Si tu vois ce message, réponds-moi. Je dois savoir si tu vas bien.]

[J'ai déjà couru vingt kilomètres le long de l'autoroute. J'ai croisé des voitures en route mais personne ne s'est arrêté. Je dois donc continuer à courir. J'ai suivi un bon entraînement, je serai bientôt là. Tiens bon.]

[Je suis arrivé à la ville. Je ne peux pas trouver de covoiturage la nuit. J'ai donc loué une voiture pour revenir à la ville de H. Je devrais arriver à l'hôpital vers dix heures du matin.]


Ce dernier message avait été envoyé à six heures du matin. Est-ce que Xiao Ning avait passé la nuit à courir le long de l'autoroute ?

Cela me fit chaud au cœur. Même si Ning Tiance se raccrochait à des croyances dépassées, il avait vraiment un cœur d'or. Il avait cru que j'avais vu un fantôme alors il était descendu du train au beau milieu de la nuit pour me rejoindre.

Quel gentil garçon. En dépit de ses superstitions médiévales, je ne pouvais que me sentir attiré par lui.

Tout en lisant ses messages, je sortis de la morgue, la planche de lit sur mon dos.


Il était 9:30. Xiao Ning était en route pour l'hôpital. À cause de motifs psychologiques si complexes que même moi je n'aurais su l'expliquer, je ne répondis pas à ses messages mais restai à l'attendre dans la cour de l'hôpital.

Pendant ce temps, je posai la planche de lit à plat au sol pour la sécher au soleil afin que Tan Xiaoming puisse dormir plus confortablement.

Après environ quarante minutes, une voiture s'arrêta devant l'hôpital. Ning Tiance, l'air fatigué de son voyage, en sortit et courut dans la cour. Quand il me vit, il s'arrêta net...

Le soleil illuminait son magnifique visage. À cet instant, je fus comme ébloui.

Moi, Shen Jianguo, tombai amoureux.

La parole à l'auteur :

Professeur Liu : Parce que Yuanyuan m'a demandé de prendre soin du professeur Shen, je me suis volontairement lié à mon cahier pour le protéger et empêcher les élèves de lui faire du mal. Résultat : aujourd'hui le professeur Shen m'a d'abord utilisé pour écraser des cafards, m'a collé plein de feuilles puis s'est servi de moi comme coussin pour ses fesses...

Yuanyuan, quand tu m'as dit que le professeur Shen était quelqu'un de bien, je t'ai cru. Mais tu ne m'avais pas dit qu'il était si bien.

En ce moment, je suis en train de pleurer sur le sol froid de la morgue.



Note de Karura : Ah, Xiao Ning, il suffit d'un mot de la part du professeur Shen pour que tu laisses tout tomber et cours le rejoindre au beau milieu de la nuit malgré les kilomètres qui vous séparent... Ne viens pas dire que ce n'est pas l'amour, ça !






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