Chapitre 27 : Un peu trop tard
Hu Po et Ah Bai se regardèrent en même temps. Hu Po s'était déjà fait son propre avis sur Lin Xuanzhi. S'il n'avait pas été aussi minable, jamais Yan Tianhen n'aurait eu à vendre Hu Po. Du coup le tigreau voulut piquer une colère, sauter directement du carrosse et montrer ses fesses à Lin Xuanzhi mais à sa grande surprise, l'homme lui jeta directement un fruit de joie démoniaque !
Hu Po bondit en avant et avala le fruit d'une seule bouchée.
Puis il sauta joyeusement sur le siège du cocher comme s'il venait de jouir. Il s'assit proprement et feula à l'intention du cheval qui eut si peur que ses quatre pattes flageolèrent, lui ordonnant de rentrer rapidement.
Ah Bai se tapa le visage d'une patte et ne put supporter de regarder l'autre tigreau dans les yeux.
Ce petit-frère décevant, il s'était fait acheter par un simple fruit de joie démoniaque, il était vraiment irrécupérable !
Cependant Ah Bai oublia délibérément que lui aussi avait déjà été acheté par un fruit de joie démoniaque !
L'attelage se dirigeait lentement dans la longue rue vers la résidence des Lin.
Dans le carrosse, Lin Xuanzhi et Yan Tianhen ne dirent rien pendant un long moment.
Yan Tianhen était encore envahi par la tristesse de la mort de leur père, incapable de s'en extirper. Même Lin Xuanzhi pouvait clairement voir le regret et le reproche sur son visage.
Lin Xuanzhi lui laissa un moment pour calmer ses émotions avant de dire :
« Ah Hen, tu te souviens de ce qui s'est passé ce jour-là ? »
Ah Hen secoua la tête. Il se mordit la lèvre inférieure et fit :
« Je ne me souviens pas clairement. Je me rappelle seulement que Papa a été tué par des cultivateurs pendant qu'il me protégeait mais je ne sais plus quand nous étions sortis ce jour-là, pourquoi, où nous avons été chassés et attaqués et à quoi ressemblaient nos agresseurs... Mais Papa a bloqué leurs attaques pour me défendre puis il m'a renvoyé directement dans la résidence des Lin avec une formation qu'il a lancée. »
Li Xuanzhi fronça les sourcils et songea : Ah Hen ne se souvient pas clairement de ce qui s'est passé mais ses autres souvenirs sont normaux, ce qui veut dire que ces souvenirs-là sont forcément scellés par un expert.
Pourtant — Yan Tianhen avait été renvoyé par la formation de son père. Ces cultivateurs qui les avaient attaqués n'auraient donc pas eu le temps de manipuler les souvenirs du garçon. Cela voulait donc dire que la mémoire du Yan Tianhen avait sûrement été effacée après son retour...
À cette idée, Lin Xuanzhi rétrécit les yeux et tapota plusieurs fois ses doigts blancs comme du jade contre le coussin.
« Ce n'est pas grave si tu ne te souviens pas, fit Lin Xuanzhi en tapotant gentiment la main du garçon. Ces cultivateurs ne s'en sont pas pris à Papa et toi sans raison. Puisqu'ils ont attaqué une première fois, il y aura forcément une seconde fois. Un jour nous découvrirons qui ils sont et à ce moment, il sera toujours temps de se venger. »
Yan Tianhen leva subitement la tête et contempla Lin Xuanzhi avec incrédulité.
« Grand-frère, tu ne m'en veux pas et tu ne me hais pas ? »
L'homme secoua la tête et répondit :
« Je te l'ai dit, tu es mon seul parent proche désormais. Je te considère comme mon propre frère et tu me considères comme ton grand-frère. Ce qui est arrivé à Papa n'était qu'un accident, pas ta faute. À l'avenir, tu ne dois plus jamais penser ça, Ah Hen. »
La bouche du garçon devint une ligne puis il se jeta dans les bras de Lin Xuanzhi et se mit à sangloter et à pleurer amèrement.
Personne ne savait à quel point il s'était senti apeuré, impuissant et coupable après la mort de leur père. Il avait toujours considéré que Lin Zhan était mort par sa faute. Après tout, s'il n'avait pas eu un poids mort comme lui pour le ralentir, Lin Zhan aurait certainement pu s'échapper tout seul et indemne.
Son grand-frère le traitait avec froideur, la famille Lin lui menait la vie dure et le maltraitait, il avait été forcé de vendre Hu Po et Ah Bai... Bien qu'il ne soit pas très intelligent, il n'était pas non plus stupide. Il avait failli s'effondrer durant cette période.
Jamais il ne se serait attendu à ce que les choses changent un jour.
Peu importait pourquoi Lin Xuanzhi s'était mis à bien le traiter du jour au lendemain. Aussi longtemps que son grand-frère ne le haïssait pas et qu'il ne le chassait pas de leur maison, il arriverait à survivre bravement. Peu importait qu'il soit la vache ou le cheval Être prêt à tout faire pour quelqu'un, servir volontairement une personne. (1) de Lin Xuanzhi !
L'atmosphère à l'extérieur et à l'intérieur du carrosse n'était absolument pas la même.
Hu Po et Ah Bai conduisaient l'attelage à l'extérieur et étaient extrêmement excités. Bien que le cheval avait eu si peur de ces deux bêtes spirituelles naturellement oppressantes et s'était déjà pissé dessus tout le long du chemin, il n'osait pas ne pas avancer. Alors de ses quatre sabots tremblants, il tirait le carrosse jusqu'à la résidence Lin.
Deux personnes, deux tigres et un cheval.
Cet ensemble était devenu le plus grand spectacle dans la cité de Qing.
Peu de temps après que Lin Xuanzhi et Yan Tianhen soient partis, Han Yuran et sa sœur s'avancèrent d'un pas nonchalant vers le marché aux bêtes démoniaques.
Dès qu'ils furent proches, Han Yanran se pinça le nez et fronça les sourcils. Elle fit d'un ton dégoûté :
« Ça pue vraiment ici. C'est l'odeur des bêtes démoniaques. Grand-frère, tu es sûr que ce vilain monstre a bien vendu les bêtes démoniaques ici ?
– Oui, affirma Han Yuran avec assurance. J'ai déjà envoyé nos gens se renseigner. Hier cet idiot est bien venu ici avec deux tigreaux pour les vendre. C'est un cultivateur vêtu de turquoise et avec un éventail qui les a achetés. »
La majeure partie des bêtes démoniaques vendues ici était de pauvre pedigree et de qualité inférieure. De plus l'endroit était petit et contenait pourtant de nombreuses bêtes démoniaques, alors naturellement l'odeur était des plus désagréables.
Quand Han Yuran voulait une bête démoniaques, il se rendait plutôt dans un commerce de haute qualité alors il ne se souciait pas du tout de ce genre de marché local — il avait l'impression de s'abaisser rien qu'en s'approchant de ce genre d'endroit.
Quoi qu'il en soit, il était le premier jeune maître de la famille Han, l'Artisan numéro un des Han alors naturellement il avait un noble statut.
Han Yanran fit la moue.
« Grand-frère, tu pourrais simplement laisser des serviteurs aller les chercher, nous n'avons pas besoin de les suivre. »
Han Yuran y songeait également. S'il ne s'agissait pas de ces deux tigreaux rares et précieux, il ne se serait pas déplacé en personne.
Le jeune homme s'arrêta et fit aux deux serviteurs derrière lui :
« Vous deux, allez chercher celui qui a acheté les deux tigreaux. Quand vous l'aurez trouvé, amenez-le moi ainsi que les tigreaux. »
Après que les deux serviteurs soient partis, un jeune homme à l'air folâtre vêtu d'une tenue colorée et éblouissante et tout couvert de trésors magiques regarda dans cette direction et s'approcha.
Dès que Han Yuran le vit, il prit un air glacial.
« Oh, le jeune maître Han, c'est rare de te voir ici, ah. »
Duan Yuyang se tint devant Han Yuran avec désinvolture. Ses yeux se posèrent ensuite sur Han Yanran à côté de son frère et il la dévisagea sans aucune retenue, se concentrant surtout sur le renflement de sa poitrine d'un œil lubrique. Puis il renifla de moquerie et fit :
« J'aurais pensé que ce genre d'endroit souillerait les yeux de ce jeune maître Han alors pourquoi être venu en personne aujourd'hui ? Se peut-il que tu sois venu récupérer ton bon à rien de fiancé, Lin Xuanzhi ? Oh non, tu es sûrement venu voir si ton fiancé a été battu à mort, pas vrai ? »
Han Yanran se cacha vite derrière son frère.
Bien que Duan Yuyang soit beau, sa réputation tombait en miette autant qu'un vieux chiffon. Les rumeurs à son sujet pouvaient faire pleurer les enfants et dissuader les femmes de sortir de chez elles.
Il y a avait trois grandes familles de cultivateurs dans la cité de Qing : les Lin, les Han et les Duan. Parmi eux, les héritiers des Lin et des Han rivalisaient de talent et d'élégance. Par contre le fils aîné des Duan était un enfoiré pourri jusqu'à la moelle.
Duan Yuyang était non seulement un incompétent incapable de cultiver correctement, qui se reposait uniquement sur des pilules pour progresser et des armes magiques pour se battre, mais en plus il était particulièrement lubrique : comptant sur la protection de son père, le patriarche de la famille Duan, et de sa mère, une cultivatrice du niveau Primaire, il harcelait en général les hommes comme les femmes de toutes les manières possibles. Ce n'était pas rare pour lui de molester des gens en pleine rue.
Bien qu'il se soit un peu retenu suite aux plaintes publiques, il était seulement passé d'agir ouvertement à agir secrètement. Il paraissait qu'il avait déjà déshonoré de nombreuses femmes de bonne réputation et qu'il les conservait avec lui comme des concubines pour chauffer son lit.
Han Yuran fronça légèrement les sourcils et fit :
« Duan Yuyang, que veux-tu dire par là ?
– Ce que je veux dire, le jeune maître Han est le mieux placé pour le savoir, répliqua le jeune homme avec un sourire peu amical. Ce jeune maître pense que la raison pour laquelle le jeune maître Han continue d'inciter Lin Xuanzhi à se rendre à la Salle Martiale du Tyran Céleste, c'est parce que tu espères qu'un jour il se fera battre à mort dans l'arène par un adversaire que tu auras grassement payé et qu'il ne s'en relèvera pas, hein ?
– Quelles absurdités racontes-tu là ? »
Han Yuran fit claquer ses manches et lança un regard noir à l'autre jeune homme.
« Ne sème pas la discorde ici. Tu as déjà bien assez à faire avec tes propres affaires au lieu de venir me provoquer.
– Jamais je ne me permettrais. »
Duan Yuyang éclata de rire puis fit un clin d'œil à Han Yanran qui se cachait derrière son frère avant de faire demi-tour et de partir avec un sourire insouciant.
Une fois qu'il fut assez loin, Han Yanran fit, le visage sombre :
« Grand-frère, on ne pourrait pas trouver un moyen de le tuer ? Il n'arrête pas de reluquer ma poitrine et il a même demandé ma main à Père. Il est vraiment immonde et sans gêne ! »
Le visage du jeune homme se fit grave.
« Père a rejeté la demande de la famille Duan. Bien que ce Duan Yuyang a l'air dérangé, il n'est en aucun cas stupide. »
Encore maintenant le cœur de Han Yuran continuait à battre rapidement et cela parce que les paroles de Duan Yuyang étaient la vérité dans le fond — il avait effectivement incité délibérément Lin Xuanzhi, qui avait désespérément besoin de trouver un sens à sa vie et une identité, à combattre dans la Salle Martial du Tyran Céleste et tous ses adversaires avaient été payés par Han Yuran.
D'un côté, Han Yuran voulait presser Lin Xuanzhi de tous ses biens jusqu'à la dernière goutte. De l'autre côté, ce n'était pas entièrement faux qu'il voulait que Lin Xuanzhi trouve la mort dans la Salle Martiale.
Bien que Han Yuran était légitimement en droit de rompre les fiançailles, les gens pouvaient se montrer cruels et il y aurait bien quelqu'un pour commenter dans son dos qu'il était égoïste et pas assez compatissant.
Tandis que si Lin Xuanzhi risquait imprudemment sa vie et finissait par se faire tuer, Han Yuran conserverait sa bonne réputation tout en étant libéré de son engagement avec ce bon à rien.
Pourtant Han Yuran avait toujours agi en ce sens dans le plus grand secret. Il ne s'était jamais montré quand il avait engagé les combattants. Il n'aurait jamais pensé que Duan Yuyang, qui n'avait jamais rien eu à voir avec lui, allait intervenir d'un coup et le démasquer totalement !
Alors évidemment, Han Yuran était mal à l'aise et même paniqué.
Si quelqu'un d'autre avait entendu leur conversation, sa réputation serait ruinée !
« Grand-frère, qu'allons-nous faire ? »
Han Yanran plissa le front et ajouta d'un ton inquiet :
« Il semble savoir que c'est nous qui manipulons en secret les résultats des combats de ce bon à rien. S'il lui prend l'envie d'aller raconter ces absurdités un peu partout...
– Il n'en fera rien, répliqua Han Yuran en rétrécissant les yeux. S'il voulait que cela se sache, il aurait déjà répandu cette histoire depuis longtemps. Je pense que s'il est venu nous avertir aujourd'hui en privé, c'est parce qu'il veut en tirer des bénéfices. Dans ce cas, il viendra encore me voir. »
Note de Karura :
Voici l'apparition de Duan Yuyang, un de mes personnages préférés après Yan Tianhen. Vous verrez, ces deux-là ont leur façon de parler bien à eux !
Sinon, le frère et la sœur sont de plus en plus méprisables... et ce n'est pas fini !
Notes du chapitre :
(1) Être prêt à tout faire pour quelqu'un, servir volontairement une personne.
Commentaires :