Chapitre 77 : Le stylet à graver
Yan Tianhen se tourna pour faire face à son frère mais hésita et finalement ne dit rien.
Lin Xuanzhi agita sa cravache pour faire galoper son cheval et il partit devant, ignorant totalement les cris de Duan Yuyang derrière. Il emmena son frère dans une forêt tranquille sur la montagne.
Le cœur du garçon avait presque atteint sa gorge.
« Grand frère, aujourd'hui je...
– Écoute-moi d'abord, l'interrompit Lin Xuanzhi. Je n'avais pas le droit de te crier dessus aujourd'hui. »
Yan Tianhen se pinça les lèvres, pencha la tête et reconnut :
« C'est moi qui ai mis Grand frère en colère. »
Lin Xuanzhi marqua une pause puis fit :
« Je t'ai tellement négligé auparavant que je n'ai pas compris tes véritables pensées. Je ne ferai plus cette erreur désormais. »
Yan Tianhen cligna des yeux.
Lin Xuanzhi poursuivit :
« Ah Hen, peu importe ce que je pourrais te dire ou te promettre, tu n'y croirais probablement pas. Alors je ne vais pas parler mais te le prouver concrètement. Cependant à l'avenir, Ah Hen ne doit plus dire des choses comme ne vivre que quelques décades ou bien quitter son grand-frère un jour ou l'autre. »
Yan Tianhen fit, les yeux rouges :
« Ça ne me plaît pas plus qu'à toi, ah, mais cela ne dépend pas de moi. »
Lin Xuanzhi le serra contre lui et déposa un baiser sur son front. Puis il soupira :
« Mais quand tu dis des choses pareilles, ça me rend triste. »
Tellement, tellement triste. On dirait que le trésor que je chéris le plus au monde va me quitter de son propre gré.
Yan Tianhen se figea un moment puis renifla.
« À vrai dire, ça m'a aussi rendu triste de dire ça. »
Il baissa la tête et murmura :
« Grand frère, je te demande pardon. Je ne recommencerai plus. »
Lin Xuanzhi eut un léger sourire et fit :
« D'accord, alors cette histoire est réglée. Ah Hen ne doit plus en vouloir à son grand frère.
– Non, je ne t'en veux jamais, assura Yan Tianhen. En fait après m'être disputé avec toi, je n'ai pas arrêté de songer en chemin à quel point tu me traites bien.
– Toi, ah... » soupira Lin Xuanzhi.
Ils étaient à présent réconciliés.
Après avoir recueilli un oiseau aussi laid que lui, Yan Tianhen obtint un nouveau camarade de jeu qui pouvait tenir dans la paume de sa main. Il s'amusa soudainement bien mieux sur la route et le long trajet lui parut nettement plus court.
Après cinq jours de voyage, Lin Xuanzhi et son groupe atteignirent enfin les portes de la Cité Mystérieuse.
La Cité Mystérieuse était la capitale du Continent Est et le siège de la Secte du Ciel Mystérieux. Par conséquent, les portes de la ville étaient plus grandes et splendides que celles de la cité de Qing, et elles semblaient très imposantes.
Il y avait évidemment bien plus de cultivateurs dans les rues. Une fois que le groupe eut franchi les portes de la cité, ils ne purent voir un seul mortel.
C'était la première fois que Yan Tianhen venait à la Cité Mystérieuse. Ses yeux étaient grands ouverts et il n'arrêtait pas de regarder les magasins de pilules et d'herbes spirituelles autour de lui, sa curiosité étant sans limites.
Duan Yuyang soupira aussi et fit :
« C'est la seule cité du Continent Est où il n'y a pas de mortel. Prends n'importe qui dans la rue et ce sera sûrement une seconde génération de cultivateurs. Et il y en a plein d'autres qui ont une identité et une famille pour les soutenir. »
Lin Xuanzhi hocha la tête mais nuança :
« Cependant, l'endroit où on trouve le plus de secondes générations de cultivateurs est le Continent Central.
– Le Continent Central est véritablement le centre des Cinq Continents, fit Duan Yuyang avec un air d'envie. Il y a plein de grandes familles là-bas et autant de sectes que de grains de sable sur une plage. Si j'ai un jour l'occasion d'aller dans la Secte du Pic Céleste, je pourrai mourir sans regrets. »
Lin Xuanzhi sourit d'un air évasif.
Duan Yuyang avait eu effectivement affaire à la Secte du Pic Céleste dans sa vie précédente mais le sort en décida autrement et il ne parvint pas à l'intégrer. Dans cette vie, qui sait quel destin il aurait ?
Duan Yuyang chevaucha jusqu'à l'Auberge du Monarque pour y prendre des chambres. Ce jeune maître qui ne se privait jamais de rien avait dû passer des jours sur la route, à manger et dormir en plein air. Qui sait quelle quantité de poussière il avait avalée. Il n'avait qu'une envie : se plonger dans de l'eau bien chaude et se récurer soigneusement de la tête aux pieds.
Quant à Ah Bai et Hu Po, Lin Xuanzhi leur ordonna de suivre Duan Yuyang dans la chambre d'auberge pour les y attendre. Après tout, c'étaient des bêtes spirituelles, pas des bêtes démoniaques ordinaires. Lin Xuanzhi craignait que les deux tigreaux ne soient identifiés par des gens puissants dans la Cité Mystérieuse et qu'ils ne se fassent enlever.
Quant à l'oiseau déplumé, il s'était endormi après avoir suffisamment joué. Il dormait à présent profondément dans le col de Yan Tianhen. Ce dernier avait beau le changer de position, l'oiseau n'ouvrit pas les yeux. Apparemment il allait dormir pendant des jours.
Lin Xuanzhi savait que le phénix, cette antique bête divine qu'ils avaient recueillie par pur hasard, était probablement en train d'absorber le pouvoir de cette pilule de niveau Terrestre. Il lui faudrait un certain temps avant de se réveiller.
C'est vraiment une grande chance ah, ne put-il s'empêcher de soupirer intérieurement.
Dans la large rue, Lin Xuanzhi menait le cheval par les rênes tandis que Yan Tianhen était assis sur l'animal.
Le garçon regarda des deux côtés un moment puis se renfrogna et fit :
« Grand frère, j'ai l'impression que plein de gens ici te regardent.
– Laisse-les regarder, ce n'est pas comme si ça nous faisait perdre quelque chose, » répondit Lin Xuanzhi avec indifférence.
Cela faisait longtemps qu'il avait l'habitude de ce genre de regards.
Quand il était encore le Huarong de Jade de la Secte du Ciel Mystérieux, ces gens se ruaient pour acheter ses portraits et les prix pouvaient parfois atteindre des sommets. Il y avait plein de gens qui lui déclaraient leur amour dans les rues tous les jours, cela n'étonnait plus personne.
Cependant après qu'il soit devenu inapte, ces regards admiratifs avaient été remplacés par des regards de dégoût. Quand il avait été renvoyé de la secte, il avait été placé sur un carrosse ouvert et tiré par un cheval jusqu'aux portes de la Cité Mystérieuse. Ceux qui lui déclaraient autrefois sans cesse leur amour l'évitèrent comme la peste et n'avaient qu'une envie : que Lin Xuanzhi parte le plus loin possible.
On pouvait considérer que la majorité des cultivateurs dans la Cité Mystérieuse étaient des disciples de la Secte du Ciel Mystérieux et peu d'entre eux ignoraient à quoi ressemblait Lin Xuanzhi.
Alors à présent que Lin Xuanzhi marchait dans la rue, cela ne pouvait qu'engendrer de vives discussions.
« Ce ne serait pas Lin Xuanzhi du Pic de l'Épée Brisée de la Secte du Ciel Mystérieux ? Je ne me trompe pas ?
– Avec cette apparence et ce tempérament, qui d'autre cela pourrait-il être ?
– Ce n'est plus qu'un bon à rien à présent. Ça fait deux ans qu'il ne s'est plus montré, comment ose-t'il venir ici pour chercher un sens à sa vie ?
– Et qui est assis sur le cheval ? Son visage est si laid que j'ai envie de vomir au premier regard !
– Ah ah ah, c'est peut-être son amant ! Ces deux-là vont bien ensemble. »
Lin Xuanzhi entendit tout cela mais s'en moqua bien. Il ne s'embêtait plus avec ce que pouvait bien dire ce genre de personnes insignifiantes.
Yan Tianhen leur lança un regard féroce, profitant de son visage qui semblait avoir été arraché puis recousu. Après avoir fait peur à ces gens, il se tourna d'un air satisfait vers son frère.
« Grand frère, dans quel magasin allons-nous chercher des outils magiques, ah ?
– Nous allons dans le plus grand magasin de la Cité Mystérieuse.
– C'est le Pavillon des Outils Cachés ? s'écria le garçon avec des yeux étincelants.
– Évidemment que c'est le Pavillon des Outils Cachés, fit Lin Xuanzhi en hochant la tête. Le patron et moi nous connaissons. S'il est là, cela nous fera gagner du temps. »
Yan Tianhen plissa les yeux et hocha vigoureusement la tête.
« J'ai entendu dire qu'il y a plein de trésors rares et exotiques dans le Pavillons des Outils Cachés. Il suffit d'en piocher un au hasard et c'est un trésor unique dans le monde entier !
– C'est vrai qu'il y a d'innombrables trésors mais ils ne sont pas tous aussi extraordinaires que le prétendent les rumeurs, fit Lin Xuanzhi avec un sourire. Il y a dix étages dans le Pavillon des Outils Cachés. Les cinq premiers ont des outils ordinaires, des matériaux et des pierres forgées. À partir du sixième étage, plus tu montes et plus tu trouves des méthodes de haut niveau et des outils magiques rares. »
Yan Tianhen cligna des yeux et fit d'un ton d'envie :
« Je me demande combien notre pichet de vin va rapporter !
– Il a bien moins de valeur que toi, en tout cas, » fit Lin Xuanzhi avec un sourire.
Yan Tianhen en resta un moment stupéfait puis soupira :
« Alors c'est fichu, il ne va rien rapporter du tout.
– ... »
Ce que Lin Xuanzhi avait voulu dire, c'était que son Ah Hen était un trésor inestimable qu'il n'échangerait pour rien au monde. Cependant, son Ah Hen ne semblait pas avoir une haute estime de lui-même, ah, et il se trouvait même très inférieur !
Lin Xuanzhi voulait rectifier sa façon de penser mais il savait bien que cela ne se ferait pas en une journée, alors il prévit en secret d'améliorer l'image que Yan Tianhen avait de lui un petit peu tous les jours. Comme ça, le jour viendrait où le garçon aurait pleinement confiance en lui.
Bien que le Pavillon des Outils Cachés n'avait que dix étages, à cause de l'effet d'un sceau magique de Touche Ciel, on ne pouvait en voir le sommet quand on regardait du rez-de-chaussée, comme si le bâtiment était infiniment haut.
Lin Xuanzhi entra avec son frère et ils virent de splendides outils présentés soigneusement à l'intérieur comprenant des outils d'attaque, de défense et d'assistance — il y avait de tout, c'était vraiment éblouissant et on n'avait pas assez de temps pour admirer toutes ces belles choses.
Il y avait plusieurs disciples de la Secte du Ciel Mystérieux en train de choisir les outils et les matériaux dont ils avaient besoin.
En plus afin d'augmenter leurs chiffres de vente, les vendeurs pouvaient se lancer dans l'énumération des avantages de ces matériaux et outils, à tel point que cela donnait l'impression aux gens qu'ils le regretteraient s'ils ne les achetaient pas.
Yan Tianhen écouta un vendeur vanter les mérites d'une épée à un cultivateur et ne put s'empêcher de se frotter le menton. Il fit à Lin Xuanzhi :
« Grand frère, les clients sont très heureux à première vue, ah. Les vendeurs sont si éloquents que ça me donne envie d'acheter. »
Lin Xuanzhi sourit et expliqua :
« En effet, le Pavillon des Outils Cachés a des succursales dans tous les Cinq Continents. Les vendeurs ici se plient en quatre pour les clients et la qualité de service est excellente. Ils font tout ce qu'il faut pour que les clients viennent et repartent comblés. »
Yan Tianhen continua de regarder les outils autour de lui et eut même du mal à cligner des yeux.
Lin Xuanzhi demanda :
« Qu'est-ce que Ah Hen souhaite acheter ? »
Yan Tianhen vit alors un stylet à graver noir. Le stylet était placé dans une boîte de cristal transparente. Il se dégageait de cet objet couleur jade vert foncé une impression de mystère, de propreté et d'élégance. Cela semblait tout à fait convenir à Lin Xuanzhi.
Yan Tianhen désigna le stylet à graver et fit :
« Grand frère, ce stylet m'a l'air très bien. Tu devrais pouvoir t'en servir facilement. »
Un Artisan se devait d'avoir un stylet à graver. Ce genre de stylet servait à graver des motifs sur les outils et de modifier les rainures des textures. Si l'Artisan avait un feu spirituel puissant, il pouvait carrément infuser son pouvoir spirituel dans ces motifs et textures par le biais du stylet à graver, ce qui conférait des propriétés supplémentaires aux ouvrages.
De plus, ce genre d'outils avec un ajout de pouvoir spirituel était non seulement plus beau mais aussi plus efficace. Certains pouvaient même directement gagner un niveau de qualité.
Par contre, le prix d'un stylet à graver tournait autour des dix mille pièces d'or, ce qui était très cher. Lin Xuanzhi n'avait pas les moyens de s'en offrir un jusque là alors il avait toujours conçu des outils à mains nues et on ne pouvait pas y trouver le moindre motif dessus.
Bien entendu, il fallait un stylet à graver à Lin Xuanzhi, ce n'était qu'une question de temps.
« Déconne pas ! Achète vite ce stylet à graver ! »
La Perle Spirituelle s'était réveillée à un moment donné et elle était déjà en train de hurler dans la mer de connaissance de Lin Xuanzhi.
Ce dernier haussa un sourcil et fit :
« Je n'ai pas les moyens de l'acheter.
– Si t'as pas les moyens, alors trouve le moyen de le voler ! »
La Perle Spirituelle conseilla ainsi Lin Xuanzhi sans le moindre scrupule et le pressa :
« Espèce d'ignare, tu ne vois donc pas que le matériau pour ce stylet à graver est le seul et l'unique dans ce monde ? On peut le découvrir mais pas le chercher !
– Oh ? fit le jeune homme dont l'intérêt était piqué. Je n'arrive pas à déterminer le matériau utilisé. »
La Perle Spirituelle expliqua donc :
« C'est de l'essence concentrée laissée par un arbre parasol sacré qui a complètement brûlé par un feu tombé du ciel pendant mille ans. Qui est le bâtard qui a osé transformer un trésor si rare en un outil magique ?! C'est du gâchis, un véritable gâchis, ah ! »
La Perle Spirituelle se lamenta en se tordant les mains. Son ton et ses paroles exprimaient vraiment son désespoir amer.
Lin Xuanzhi était déjà bien agité intérieurement. Ses yeux restèrent fixés sur le stylet à graver noir qui avait des motifs rouge foncé à peine visibles. Son esprit s'agita.
Il se rappela enfin pourquoi ce stylet à graver lui semblait un peu familier. Durant sa vie précédente, il avait vu l'Artisan de génie qui allait ébranler les Cinq Continents dans un futur proche utiliser ce même stylet à graver.
Commentaires :