Chapitre 83 : Des nouvelles de Zhige
Dans une certaine chambre du Pic de l'Épée Brisée dans la Secte du Ciel Mystérieux
Du Qiying, le jeune maître du Pic de l'Épée Brisée, examinait de long en large une épée à l'apparence luxueuse mais discrète. Il arbora un sourire satisfait et un peu obsédé. C'était l'épée Zhige qui appartenait au départ à Lin Xuanzhi. Cependant, après qu'il ait usé de toutes sortes de méthodes insidieuses pour que Lin Xuanzhi devienne un chien sans maître et se fasse exclure de la secte, cette épée Zhige lui était revenue à lui, Du Qiying.
« Grand frère martial Du. »
Tong Le toqua à la porte et entra.
« Te voilà. »
Du Qiying déposa l'épée sur la table et agita la main vers lui.
« Petit frère martial, viens voir. Comment faire pour effacer complètement l'empreinte spirituelle de Lin Xuanzhi sur l'épée Zhige pour que je puisse me l'approprier totalement ? »
Il s'avérait que malgré le fait que l'épée Zhige soit tombée entre les mains de Du Qiying, elle était un outil précieux de qualité supérieure alors il n'était pas facile d'effacer l'empreinte spirituelle laissée par Lin Xuanzhi. Celui qui voudrait effacer cette marque devrait être capable de forger un outil précieux.
Cependant, seule une poignée d'Artisan pouvait prétendre à un tel niveau.
Par conséquent, Du Qiying ne pouvait toujours pas se servir de cette épée.
Tong Le contempla cette épée divine qui ne servait plus que de décoration et il fit :
« Cette épée a suivi Lin Xuanzhi et a absorbé beaucoup de bienfaits. Elle semble posséder une conscience sur le point de se réveiller. Je crains que si nous forcions cette épée à reconnaître un nouveau maître, elle s'autodétruirait et deviendrait juste un bout de ferraille. »
Du Qiying fronça les sourcils et fit d'un air mécontent :
« Alors que dois-je faire ? Ne me dis pas qu'après tout ce que j'ai fait pour récupérer cette épée, je ne peux pas m'en servir ?
– Pas nécessairement, fit Tong Le en plissant les yeux. La meilleure chose à faire est de faire d'abord fondre Zhige puis de la reforger en une nouvelle épée. Ainsi la conscience de l'épée disparaîtra, tout comme l'empreinte spirituelle de Li Xuanzhi. »
Du Qiying contempla Tong Le avec un sourire sur son beau visage.
« Petit frère martial Tong, je suppose que dans toute la Secte du Ciel Mystérieux, tu es le seul à pouvoir faire ça, non ? »
Tong Le eut un léger sourire.
« Oui, bien sûr que je peux mais il faut encore un stylet à graver efficace pour ça. »
Du Qiying hocha la tête et son regard se posa sur l'épée pénible qui l'irritait.
« Un outil de choix mérite effectivement un bon stylet à graver. Si mon petit frère martial est intéressé par l'un d'eux, tu n'as qu'à me le dire et je trouverai le moyen de te l'avoir.
– Grand frère martial, le stylet qui m'intéresse est celui qui est exposé au Pavillon des Outils Cachés. Avec ce stylet, même si je n'arrive pas à forger des outils précieux, je peux compenser ces défauts avec lui. Après tout, ce stylet possède un très fort feu spirituel. »
Du Qiying vit de quel stylet il s'agissait et il grimaça.
« Ce stylet à graver n'est pas donné. J'ai entendu ma petite sœur martiale dire une fois qu'il coûtait cent mille pièces d'or.
– L'argent n'est pas le problème, fit Tong Le en fronçant les sourcils et en secouant la tête. J'ai interrogé quelqu'un qui a déjà tenté d'acheter ce stylet à forger. Il m'a dit qu'il avait proposé un million de pièces d'or mais que le jeune maître du pavillon avait pourtant refusé de le vendre.
– Hé, le jeune maître du Pavillon des Outils Cachés ne se prend pas pour n'importe qui. »
L'expression de Du Qiying se fit glaciale.
Dans toute la Secte du Ciel Mystérieux, c'était Lin Xuanzhi qui était autrefois le plus célèbre ; et en dehors de la Secte du Ciel Mystérieux, le plus célèbre de toute la Cité Mystérieuse était ce jeune maître qui ne se montrait pratiquement jamais.
Du Qiying aurait cru qu'après le départ de Lin Xuanzhi, il serait devenu le numéro un de la Secte du Ciel Mystérieux mais qui aurait pensé que la renommée de ce jeune maître surpasserait encore la sienne ?
De l'avis de Du Qiying, quelqu'un qui n'osait jamais montrer son visage n'était pas digne d'apparaître en public.
Tong Le manifesta de l'engouement et hocha la tête.
« Oui ah, il est en effet très puissant et si riche. Alors il n'a que faire de cette petite somme ridicule, hein ? »
Du Qiying : « ... »
« Dis-moi, petit frère martial, fit-il d'un ton glacial, tu es sûr que c'est convenable de le louer autant en ma présence ? »
Tong Le sourit et s'approcha de lui. Il se pencha pour l'embrasser puis fit d'un ton minaudier :
« Grand frère martial, pourquoi tu bois ce vinaigre Vous devez connaître cette expression à force : cela veut dire être jaloux. (1) ? Quand grande sœur martiale He Cailing est devenue ta fiancée, je n'ai rien dit. »
De toute manière, Du Qiying et lui étaient ensemble juste pour obtenir ce qu'ils voulaient de l'autre, alors il n'y avait pas lieu d'être jaloux.
Du Qiying étira les lèvres et saisit le menton de Tong Le. Il attira le jeune homme dans ses bras et demanda :
« Tu veux ce stylet à graver ?
– Bien sûr, répondit-il en hochant sincèrement la tête. C'est le meilleur stylet à graver que j'ai jamais vu. Dès que je l'aurai, je pourrai aussitôt t'aider avec l'épée Zhige. C'est faire d'une pierre deux coups.
– Je vois. Je dois d'abord te poser la question. Qu'est-ce qui compte le plus pour toi : le stylet ou ce jeune maître ? demanda Du Qiying avec un sourire étrange.
– Le stylet à graver bien entendu, répondit Tong Le sans même y réfléchir. Le jeune maître, pour être franc je suis juste intrigué. Bien sûr qu'il ne peut pas être plus important que le stylet à graver.
– Bien, on dirait que ton cerveau fonctionne toujours, fit Du Qiying avec un sourire. Dans ce cas, je vais user de moyens particuliers pour que ce jeune maître t'offre lui-même ce stylet à graver à deux mains.
– Quoi ? »
Tong Le le fixa avec surprise.
Du Qiying faisait la tête de quelqu'un qui avait la victoire entre ses mains mais ne dirait pas comment il avait fait.
Tong Le ne posa pas plus de questions. Il savait que l'identité et les origines de Du Qiying n'avaient rien d'ordinaires et qu'il devait avoir un lien avec quelqu'un de haut placé dans la Secte. Sinon, comment aurait-il pu concevoir un plan pour nuire au cultivateur de génie qu'on pouvait presque considérer comme la lumière du Ciel Mystérieux ? Les Aînés de la Secte n'auraient jamais laissé passer ça si aisément.
Seulement, Tong Le ne parvenait pas à déterminer les origines spécifiques de Du Qiying.
Bien entendu, il n'avait pas à le savoir. Tout ce qu'il lui suffisait de savoir, c'était que Du Qiying pouvait lui apporter des bénéfices incomparables. Cela suffisait largement.
Tong Le fit alors avec un sourire :
« Dans ce cas, j'attendrai la bonne nouvelle de mon grand frère martial. »
Du Qiying lui pinça la joue puis passa à un autre sujet :
« Comment s'est passée ta vente quand tu es descendu de la montagne aujourd'hui ?
– J'en ai tiré un bon prix, comme toujours, mais il s'est passé quelque chose d'important au pied de la montagne. »
À ce moment, le visage de Tong Le prit un air sérieux et il fit :
« Grand frère martial, devine qui j'ai rencontré au Pavillon des Outils Cachés ?
– Sûrement pas Lin Xuanzhi, » fit l'autre jeune homme pour plaisanter.
Tong Le fit une drôle de tête.
En voyant ça, Du Qiying en resta bouché bée un moment puis fit :
« Tu veux vraiment dire que Lin Xuanzhi est revenu dans la Cité Mystérieuse ?
– Il est vraiment revenu, » affirma Tong Le avec un rire amer.
Du Qiying renifla et fit :
« Comment ose-t'il ? Il est vraiment culotté. Il n'a pas la moindre gêne ou quoi ?
– Non seulement il est sans gêne, mais il n'est pas venu les mains vides, renchérit Tong Le. Il a sorti aujourd'hui un outil magique de qualité supérieure, ce qui m'a fait de l'ombre. Il a aussi délibérément manigancé pour que j'offense le gérant He.
– Quoi, un outil magique de qualité supérieure ?! »
Du Qiying faillit faire un bond.
« Comment peut-il encore en avoir un ? Ils n'avaient pas dit que tous les bons objets laissés par son père à la vie courte étaient quasiment dilapidés ? »
Tong Le secoua la tête avec un sourire amer.
« Je ne sais pas non plus ce qui se passe. J'ignore si c'était le seul outil magique de qualité supérieure qu'il lui restait. En plus, il est délibérément venu à la Cité Mystérieuse pour le vendre en faisant des milliers de li pour ça. Je ne sais pas ce qu'il a en tête. »
Ce qu'il avait en tête ?
Quoi d'autre pouvait-il bien avoir en tête ?!
« Hé, les autres ne connaissent pas bien ce Lin Xuanzhi mais moi, oui. »
Une haine profonde fit briller les yeux de Du Qiying.
« Il aime simplement être le centre de l'attention générale partout. Il a eu peur qu'après une si longue absence, les gens qui le flattaient autrefois l'avaient oublié. »
Tong Le réfléchit un moment puis hocha la tête.
« Il est en effet vraiment le centre de l'attention générale. J'ai bien peur qu'à l'heure qu'il est, toute la Cité Mystérieuse sait qu'il est de retour avec un outil magique de qualité supérieure. »
Du Qiying perdit soudain toute envie de titiller Tong Le. Il réprima sa colère et s'enquit :
« À part Lin Xuanzhi, qui d'autre l'accompagne ?
– Juste un montre hideux qui n'a pas l'air d'un cultivateur. Ce doit être un valet de pied qu'il a acheté.
– Seulement ces deux-là ?
– Oui. »
Du Qiying plissa les yeux et fit d'un ton vicieux :
« Tu as refusé la route directe vers le Ciel mais tu t'es lancé dans l'Enfer dont les portes sont closes Une expression signifiant : tu l'as bien cherché alors que tu aurais pu l'éviter. (2). Qu'importe si tu es le centre de l'attention générale ! La dernière fois, j'ai eu la bonté de l'épargner mais il n'aura pas cette chance cette fois. »
Tong Le renchérit en souriant :
« Quand grand frère martial l'aura tué, j'aimerais bien récupérer seulement deux des outils magiques en sa possession.
– Cela peut se faire. »
Du Qigying rit en tapotant le nez de l'autre jeune homme, puis il se mit à songer au moyen de se débarrasser de Lin Xuanzhi.
Yuan Tianwen quitta la maison de Su Mo avec Han Yuran.
La brise était fraîche la nuit et elle soufflait agréablement.
Han Yuran avait la mine sombre. Il gardait la tête blessée et on voyait tout de suite qu'il était de mauvaise humeur.
Il fit :
« Frère Tianwen, je crois que Papa ne m'apprécie pas vraiment. »
Yuan Tianwen lui prit la main et en caressa le dos du bout des doigts pour le rassurer.
« Papa se montre toujours un peu froid avec les gens qu'il ne connaît pas mais en réalité, je dirais qu'il est assez content de toi.
– Vraiment ? »
Han Yuran releva la tête et lança un regard rempli d'espoir à l'autre jeune homme.
Yuan Tianwen hocha la tête puis révéla avec un léger sourire :
« Bien sûr que c'est vrai. Papa ne t'a-t'il pas donné son Pigeon Spirituel Transmetteur de Son comme cadeau pour votre première rencontre ? »
Un Pigeon Spirituel Transmetteur de Son volait extrêmement vite et il avait un corps petit et agile. On le remarquait rarement quand il volait alors c'était un moyen idéal de transmettre des informations.
Ce n'était pas facile d'élever un Pigeon Spirituel Transmetteur de Son parce que ce genre de pigeon ne reconnaissait que les routes et les endroits qu'il avait déjà vus.
Cependant, ce pigeon-ci avait accompagné Su Mo durant ses voyages du nord au sud quand il était jeune. On pouvait même le considérer comme le témoin des voyages de Su Mo. D'après ce dernier, le pigeon spirituel pouvait atteindre n'importe quel recoin des Cinq Continents.
Cependant, quand Su Mo avait offert ce pigeon à Han Yuran lors de leur première rencontre, il n'avait rien dit de tout cela.
Han Yuran toucha le pigeon blanc perché sur son épaule et révéla un sourire joyeux et un peu timide.
Bien qu'il n'ait pas rencontré le père de Yuan Tianwen ce soir, il avait entendu dire que Su Mo était en réalité aux commandes de la famille Yuan.
Et pour être honnête, sa rencontre avec Su Mo s'était plutôt bien passée. L'homme n'était pas si difficile qu'il l'avait imaginé. Après juste quelques questions, Su Mo n'avait pas tenté de le mettre dans l'embarras.
Il était évident que Su Mo choyait énormément Yuan Tianwen. Même si la famille Han n'était qu'une petite famille, cela ne dérangeait pas du tout Su Mo.
Qui plus est, Su Mo était vraiment généreux. Comparé à Lin Xuanzhi qui était du genre à se taper les joues pour qu'elles enflent et se donner l'air imposant, la différence était radicale.
« Yuran, puisque nous avons chacun rencontré les parents de l'autre et que ton père et ma famille pense que nous avons une connexion propice pour le mariage, alors nous n'avons plus qu'à fixer une date pour la cérémonie de compagnons de Dao. Marions-nous, qu'en dis-tu ? »
Yuan Tianwen contempla le jeune homme avec un regard brûlant et un fort désir entre ses sourcils.
Han Yuran fut pris au dépourvu un moment puis devint nerveux.
Naturellement, il aurait préféré faire encore traîner les choses le plus longtemps possible mais... Calmé, Han Yuran hocha la tête et fit :
« Je n'avais pas encore réglé toutes mes affaires avant, voilà pourquoi je retardais cette histoire. Mais à présent que frère Tianwen me le propose, je ne refuserai plus. »
Les yeux de Yuan Tianwen s'illuminèrent et il ne put s'empêcher de saisir la main de l'autre jeune homme.
« Tu ne mens pas ? Tu acceptes de m'épouser ? Tu ne changeras pas d'avis ? »
Les yeux de Han Yuran exprimèrent également de l'amour. Il eut un sourire suave et fit :
« Bien sûr que j'accepte. Mais je ne sais pas si tu continueras à me traiter aussi bien une fois que nous serons mariés. »
Yuan Tianwen leva aussitôt trois doigts vers le ciel et jura solennellement :
« Moi, Yuan Tianwen, jure de ne jamais abandonner mon compagnon de Dao de toute ma vie. Nous serons liés dans la vie et dans la mort. Jamais je ne le tromperai ou le trahirai un tant soit peu. Si je brise ce serment, que je sois frappé par la foudre et que je perde toute chance de devenir immortel dans cette vie ! »
Note de Karura : Il est vraiment très bon, ce Han Yuran (je sais, je me répète !).
Pour une fois, je ne dirai pas que Yuan Tiawen est un imbécile sans cervelle puis qu'il a fait ce serment pour son compagnon de Dao, sans préciser le nom. C'est donc un imbécile sans cervelle qui a de la chance ! 😄
Notes du chapitre :
(1) Vous devez connaître cette expression à force : cela veut dire être jaloux.
(2) Une expression signifiant : tu l'as bien cherché alors que tu aurais pu l'éviter.
Commentaires :