Chapitre 113 : Sauver la vie
À ce moment, Lin Xuanzhi avait eu l’impression que le trésor qu’il chérissait tant était en train de s’éloigner de lui.
Lin Xuanzhi se rappela de sa vie précédente : après que Yan Tianhen ait cultivé la voie démoniaque, les méthodes qu’il pratiquait étaient trop sinistres et horribles, il fit une erreur qui se répercuta tout du long. Tous les jours, il dut endurer une souffrance extrême car il ne pouvait plus supporter le Qi démoniaque dans son corps.
L’esprit de Lin Xuanzhi fut aussitôt plongé dans le chaos alors que tous les souvenirs froids et impitoyables surgirent dans sa tête comme une éruption sur une terre aride. Son cœur se mit aussitôt à souffrir et une larme coula du coin de ses yeux.
Yan Tianhen était toujours en train de crier, mais il tourna la tête en cachette pour observer la réaction de son frère. Jamais il ne se serait attendu à voir Lin Xuanzhi pleurer !
Il en fut si apeuré que son visage pâlit et il crut presque qu’il avait des hallucinations !
« Grand frère ! »
Yan Tianhen se leva immédiatement du lit en s’aidant de ses mains et regarda le jeune homme avec impuissance. Il se tordit la bouche de remords et fit en reniflant :
« Je sais bien que j’ai eu tort. Quoi que je fasse désormais, je ne le cacherai plus à mon grand frère. Si tu es encore fâché, tu peux me frapper un peu plus.
– Ce n’est pas à cause de toi. »
Lin Xuanzhi leva une main pour ressuyer le visage baigné de larmes du garçon et ajouta :
« J’étais vraiment furieux à l’instant. J’espère que Ah Hen ne me déteste pas pour ça.
– Comment pourrais-je détester grand frère ? »
Yan Tianhen passa les bras autour de son cou et posa la tête sur son épaule en reniflant.
« J’ai plutôt peur d’avoir tellement déçu mon grand frère qu’il ne voudra plus de moi.
– Cela n’arrivera jamais. »
Lin Xuanzhi tapota le dos de son frère et ressuya doucement de son autre main la larme qu’il avait versée.
« Même si je deviens un grand démon un jour qui se fera haïr de tous ? demanda Yan Tianhen.
– Un grand démon n’est pas forcément haï de tous, sauf s’il a commis un acte au-delà de toute rédemption. »
Lin Xuanzhi saisit Yan Tianhen par la nuque pour le relever. Il plissa ensuite les yeux et demanda :
« Ne me dis pas que tu veux faire un bain de sang dans les Neuf Royaumes ? »
Yan Tianhen secoua aussitôt la tête et assura :
« Je disais juste ça comme ça, ne me prends pas au sérieux, ah. »
Lin Xuanzhi fit d’un ton léger :
« Même si Ah Hen voulait vraiment recouvrir les Neuf Royaumes de sang, ce devrait être parce qu’ils auraient été injustes envers toi. Dans ce cas, je serai de ton côté. »
Yan Tianhen en fut profondément ému et il contempla le visage d’une beauté saisissante de Lin Xuanzhi.
« Grand frère, comment se fait-il que j’ai l’impression que c’est en fait toi le dangereux qui veut faire un bain de sang dans les Neuf Royaumes ?
– ... »
Lin Xuanzhi demanda :
« Ah Hen, tes fesses te démangent à nouveau ? »
Le garçon recouvrit immédiatement son derrière de ses deux mains et secoua frénétiquement la tête.
« Non, non, je n’avais vraiment pas les idées claires à l’instant et j’ai dit n’importe quoi. Grand frère, ignore ça. »
Lin Xuanzhi vit l’attitude bizarre de son frère et perdit totalement l’envie de poursuivre sur le sujet. Il tendit la main et pinça les fesses du garçon. Il trouva ça rudement agréable.
« Très bien. Remets ton pantalon et va te laver le visage. »
Le visage de Yan Tianhen était devenu rouge. Quand son grand frère venait de lui pincer les fesses, cela avait été encore plus embarrassant que de devoir baisser son pantalon et de se faire fesser.
Tout rougissant, il remit son pantalon et bondit du lit. Il alla chercher une bassine d’eau pour se laver le visage.
Au même moment, on toqua à la fenêtre.
Yan Tianhen se mit aussitôt sur ses gardes et se tourna vers la fenêtre.
Lin Xuanzhi lança un filament de pouvoir spirituel. La fenêtre s’ouvrit et un jeune adolescent vêtu de rouge entra d’un bond léger.
Yan Tianhen écarquilla les yeux en voyant l’adolescent qui souriait.
« Lin Yan, qu’est-ce que tu fais ici ? »
Lin Yan lui tapota la main.
« C’est à ton grand frère que tu devrais poser la question. »
Yan Tianhen se tourna donc vers Lin Xuanzhi.
Ce dernier demanda plutôt :
« Où as-tu caché le cadavre ?
– Dans la chambre de ton petit frère, » répondit Lin Yan avec un clin d’œil.
Yan Tianhen en resta stupéfait.
Lin Xuanzhi se contenta de fixer Lin Yan d’un air profond. Ce garçon doit sûrement l’avoir fait exprès.
Lin Yan partit de deux ha ha et expliqua :
« Je me suis dit que vous seriez plus tranquilles s’il était sous votre nez. »
Mais ce qu’il pensait en lui-même était : Ne va pas croire que ce jeune maître ne t’a pas entendu malmener Yan Tianhen dans tous les sens jusqu’à le faire pleurer et gémir sans arrêt. Je n’ai même pas besoin de réfléchir à la nature de votre relation tant cela va sans dire. De toute façon, cela ne te dérangera pas de dormir dans le même lit que lui alors même si la chambre de Yan Tianhen est prise par le cadavre, cela ne devrait pas poser de problème.
Yan Tianhen était clairement perdu. Il regarda Lin Yan, qu’il venait juste de rencontrer aujourd’hui, puis Lin Xuanzhi.
« Grand frère, est-ce que Lin Yan et toi vous vous connaissez déjà ?
– On peut dire que le sort nous a réunis plusieurs fois, répondit le jeune homme.
– Non, non, non, tu m’as sauvé la vie, expliqua aussitôt Lin Yan en agitant les mains. Notre famille est une branche annexe de la famille Lin. Il y a quelques années, mes parents ont obtenu par pur hasard un manuel de cultivation de qualité supérieure et de niveau Mystérieux. La nouvelle s’est malheureusement répandue et cela a suscité la convoitise de pas mal de gens. Mes parents n’ont alors pas eu d’autre choix que d’envoyer une lettre à la famille pour demander de l’aide et ils étaient même prêts à donner ce manuel à la famille. Ce fut le père de frère Xuanzhi qui vint nous aider mais il arriva un peu trop tard : il ne put sauver que moi. »
Arrivé à ce point, le visage de Lin Yan s’assombrit visiblement mais il se reprit :
« J’ai d’abord cru que je ne pourrai jamais conserver cet héritage de mes parents mais à ma grande surprise, le chef de famille m’a demandé de garder la méthode et de la pratiquer tout seul en secret. Il annonça aux autres que la méthode avait été volée par ceux qui nous avaient attaqués, puis il me prit avec lui dans la demeure des Lin. Je n’en suis parti que lorsque la paix et la tranquillité furent revenues chez moi. »
Tandis que Lin Yan racontait cela, il regardait Lin Xuanzhi avec des yeux remplis de gratitude.
Lin Xuanzhi intervint :
« Quand mon père était encore vivant, il a plus d’une fois regretté d’être arrivé trop tard. »
Lin Yan avait déjà accepté son sort. Il agita la main et fit :
« La vie et la mort sont gouvernés par le destin. Mes parents ont également raté l’occasion de s’enfuir, tout ça pour me protéger. Je pense que tant que je vis bien, ils seront soulagés. »
Yan Tianhen eut une révélation subite et il hocha la tête en déclarant :
« Il s’avère donc que, Lin Yan, tu es venu pour rembourser cette dette de gratitude ? »
Lin Yan se frotta le menton.
« C’est bien ça. De toute manière, je soutiendrai toujours frère Xuanzhi. Je ferai tout ce qu’il me dira de faire… Ai, c’est juste que je n’aurais jamais pensé que la première chose qu’il me demanderait, ce serait de déplacer un cadavre ! »
Yan Tianhen se gratta le nez, un peu coupable.
« Ce cadavre est à moi. »
Lin Yan répliqua :
« Je sais qu’il est à toi. J’ai aussi entendu parler de toi : tu es clairement un bon à rien mais en très peu de temps, tu as bondi au cinquième rang de Raffinage du Qi. Si tu n’avais pas cultivé la voie démoniaque, alors je ne sais pas comment tu aurais pu faire. »
Les cultivateurs démoniaques progressaient toujours très rapidement au début mais par la suite, plus ils avançaient, plus leur progression était lente.
Yan Tianhen adressa un sourire gêné à l’adolescent.
Lin Xuanzhi intervint :
« Je suppose que dans ta Méthode de l’Empereur Cadavre, il faut pas mal de matériaux pour raffiner un corps. Puisque tu as désormais de l’argent, allons en acheter une partie, qu’en dis-tu ? »
Yan Tianhen hocha la tête puis inspira profondément avant de faire :
« D’accord. »
Ce fut ainsi que Yan Tianhen et Lin Xuanzhi, plus Lin Yan qui avait insisté pour visiter la cité de Qing afin d’élargir ses horizons, profitèrent tous les trois qu’il fasse déjà nuit mais que la cité n’était pas encore fermée pour se rendre en ville, dans la rue commerçante dédiée aux cultivateurs.
Selon les demandes de Yan Tianhen, Lin Xuanzhi acheta la queue d’un scorpion venimeux de trois cents ans, le rhizome du Champignon Vénéneux de deux cents ans et l’huile de cadavre d’une lampe éternelle qui brûlait depuis plus de mille ans, etc. Il y eut douze matériaux en tout.
Bien entendu, le mieux était d’acheter ces choses séparément. S’ils les achetaient ensemble, ce serait facile d’attirer les soupçons inutiles des autres. Par conséquent, Lin Xuanzhi n’hésita pas à passer par Duan Yuyang pour obtenir certains objets plus rares.
L’autre jeune homme demanda simplement pour qui c’était. Dès que Lin Xuanzhi répondit que c’était pour Yan Tianhen, Duan Yuyang cessa de poser des questions et en moins d’un bâton d’encens, il avait tout obtenu et l’avait livré à Lin Xuanzhi.
Il se montra si efficace que Lin Xuanzhi ne put s’empêcher de claquer sa langue.
Il se faisait tard. Lin Xuanzhi se tint à l’entrée de la rue marchande et demanda :
« Que nous manque-t’il encore ?
– Il me faut encore un Qi de cadavre, répondit Yan Tianhen.
– Comment on obtient ça ? »
Yan Tianhen hésita puis répondit :
« On peut seulement l’obtenir sur un cadavre. »
À ces mots, Lin Xuanzhi ne manifesta pas la moindre gêne. Il hocha la tête et fit d’un ton léger :
« Alors ce soir, allons faire un tour au charnier. »
À ces mots, les paupières de Lin Yan tressautèrent et il fit :
« Je n’irai pas avec vous dans ce genre d’endroit. »
Bien que cela ne le dérangeait pas particulièrement que Yan Tianhen utilise un cadavre pour cultiver, l’odeur des cadavres en décomposition et le fait d’aller dans un charnier rempli de Qi Yin le dérangeait énormément. Il préféra donc s’excuser.
Le même soir, à l’Académie des Bêtes Démoniaques.
Ah Bai et Hu Po étaient en train de nettoyer le nid du serpent démoniaque, l’air très misérable.
Ah Bai tenait des douces plumes dans sa gueule et il les déposa dans le nid. Puis il lança un pei et fit :
« Hu Po, tu parles d’un serpent démoniaque. Pourquoi il dort dans une si grande cave au lieu d’avoir son nid dans un arbre ? »
Hu Po prit aussi une poignée de plumes dans la gueule. Il fit d’un ton furieux :
« C’est parce qu’il en a envie, pardi. Qu’est-ce que ça peut bien te faire ? »
Ah Bai hocha la tête et poursuivit :
« Ce serpent, il n’aurait pas un trouble obsessionnel compulsif par hasard ? Les plumes de son nid doivent être du blanc le plus pur.
– Comment tu veux que je le sache ?
– Hu Po, je crois que…
– Pourquoi tu poses autant de questions, et cent mille pourquoi, ah ? » rugit Hu Po.
Ah Bai en resta stupéfait un moment puis fit d’un ton chagriné :
« Hu Po, je trouve que ton caractère est de pire en pire ces temps. Surtout avec moi, tu perds très vite patience.
– Je ne t’en veux pas en particulier, répondit Hu Po d’un ton déprimé.
– Si, tu m’en veux. »
Ah Bai se pinça les lèvres de tristesse et s’allongea par terre.
Hu Po vit son frère avoir l’air si fragile et misérable, et il ressentit soudain un peu de culpabilité.
Il s’avança et tendit une patte pour tapoter le corps d’Ah Bai.
« Hé, tu es vraiment fâché ? »
Ah Bai lui lança un regard accusateur de ses grands yeux améthyste puis il tourna la tête pour faire face au mur rocheux, ignorant l’autre tigreau.
Le sentiment de culpabilité de Hu Po se fit plus lourd.
« Je ne voulais pas me défouler sur toi, c’est juste que… on doit faire leur nid tous les jours, on se fait battre, on n’a pas assez à manger. Alors je me sens déprimé et je n’ai nulle part pour souffler un peu, murmura Hu Po d’une voix ronronnante pour le cajoler. Grand frère, ne sois pas fâché, allez. »
Ah Bai se releva et s’avança vers lui. Il pressa son front contre le sien et fit :
« Hu Po, si ça t’embête tellement de faire tout ça, je m’en occuperai. Mon seul souhait, c’est que tu sois toujours heureux. »
Hu Po baissa la tête et fit d’un ton frustré :
« Je ne peux pas être heureux, je crois que je suis vraiment trop faible.
– En effet, vous êtes très faibles, ah. »
Le serpent démoniaque entra en rampant, son corps ondulant, puis s’appuya nonchalamment contre la paroi rocheuse. Elle prit une posture gracieuse et sa langue rouge s’agita.
« Vous êtes manifestement des tigres, et pourtant vous ressemblez à des carlins. Cette grande dame n’en peut plus de voir ça. »
Hu Po se hérissa aussitôt et fixa le serpent démoniaque de ses yeux clairs remplis d’hostilité.
Le serpent démoniaque ricana, renifla puis fit :
« Oh oh oh, tu oses me défier du regard ? Je vous avais laissé jusqu’à l’heure du repas pour nettoyer mon nid. On va bientôt manger mais cet endroit est toujours sale alors vous n’aurez rien à manger ce soir.
– Grrrrroar — »
Hu Po rugit d’un air furieux à l’attention du serpent démoniaque.
Ce dernier plissa ses yeux à la fente verticale et le nargua :
« Quoi, tu n’es pas content ?
– De quel droit tu nous interdis de manger ? ragea Hu Po.
– Du droit que je suis plus forte que vous, répondit le serpent démoniaque sans se hâter. Parmi les bêtes démoniaques, les forts font la loi. On s’en fout que votre lignée soit noble est puissante. »
À cet instant, un ourson démoniaque, qui avait le ventre d’une femme enceinte depuis dix mois, entra dans la grotte en se dandinant. Il fit d’une voix caverneuse :
« Les deux petits, quand vous aurez terminé ici, allez directement chez maître Ours pour nettoyer. »
Ah Bai arbora un air désespéré.
Note de Karura : Les pauvres petits tigreaux ! 😥
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