Esprit Malin 184

Chapitre 184 : Partie 3


Depuis ce jour, Ye Yingzhi vécut dans la maison temporairement louée par Chi Yan et il mena vraiment une vie de couple normale avec lui.

La dynastie Yong était ouverte à l’homosexualité et bien qu’il n’y ait que peu de cas où un homme prenait un autre homme pour épouse, ce n’était pas non plus une source d’étonnement. Les voisins avaient donc vu Ye Yingzhi et les serviteurs de la famille expliquèrent aimablement qu’il s’agissait de dame Chi.

Chi Yan était terrorisé au départ. Toutes les nuits quand il se faisait enlacer par Ye Yingzhi, il n’osait pas bouger ou faire trop de bruit. Mais il n’osait pas non plus refuser ce que voulait faire l’autre homme, alors tout finit par suivre les désirs de Ye Yingzhi. Par la suite, Chi Yan s’y habitua lentement et ne fut plus aussi nerveux et tendu qu’au début : son corps se détendit. Mais il ne se montra plus aussi collant et intime que durant leur nuit de noces.

Parfois, Ye Yingzhi soupirait et déposait des baisers sur son front et ses yeux pendant que Chi Yan dormait. Mais il savait qu’il n’y avait rien à faire, il devait simplement laisser le temps à Chi Yan de se faire à la situation à son propre rythme.


* * *


L’examen officiel s’était achevé au cinquième mois, Chi Yan avait pris son poste au sixième mois et Ye Yingzhi l’avait rejoint peu de temps après. Le Ministère des Revenus avait plein d’affaires en charge alors comme Chi Yan arriva comme nouvel officiel, il fut très occupé. Durant le jour, il traitait les affaires du gouvernement et la nuit, il devait satisfaire les requêtes de Ye Yingzhi. Il avait ainsi l’impression que les jours défilaient à toute vitesse et que ce serait bientôt la fin de l’année.

Mais il se passa plusieurs choses durant cette année.

Après trois ans de longue maladie, l’empereur finit par succomber à la fin du dixième mois. Il n’avait que peu de descendants, seulement un fils qui n’avait pas encore cinq ans.

Bien entendu, un enfant de quatre ans ne pouvait certainement pas régner. Le chaos s’abattit sur la Cour un bon moment. Après que tous les camps aient lutté ouvertement et secrètement, il fut finalement décidé d’inviter le prince Hen à venir diriger la nation en tant que régent.


Chi Yan venait juste d’entrer dans la fonction et il n’avait que peu de poids. Il n’était même pas qualifié pour se rendre à la Cour tous les jours. Il ne prenait pas l’initiative de se démarquer au risque de s’attirer des ennuis, et même un événement aussi majeur que le décès d’un empereur et les luttes de pouvoir n’avaient rien à voir avec lui. Il entendit juste quelques commérages mais continua simplement son travail.

Il paraissait que le prince Hen et le défunt empereur étaient en fait frères. De plus, le prince Hen était le fils de l’impératrice, donc le seul et unique héritier direct. En toute logique, le trône aurait dû lui revenir, sauf qu’il avait toujours été frêle depuis l’enfance et avait passé plusieurs années à l’extérieur pour récupérer. Plus tard, pour diverses raisons, c’était son frère aîné né d’une concubine qui était devenu empereur. Quant aux raisons cachées de la lutte pour le pouvoir de la génération précédente, pourquoi l’empereur qui jouissait toujours d’une excellente santé était subitement tombé malade il y avait trois ans et pourquoi le prince Heng, qui n’était pas revenu à Beijing depuis des années, avait été promu régent de l’empire, ce n’étaient pas les affaires de Chi Yan. Un petit fonctionnaire comme lui n’était pas apte à connaître ce qui s’était passé durant cette période et il n’était pas suffisamment intéressé pour poser des questions. Et même s’il avait voulu savoir, il n’était pas habilité à se renseigner sur ce genre de choses.


À la fin de l’année, il était indispensable d’entretenir de bonnes relations avec les grands officiels. Toutefois, Chi Yan n’avait pas beaucoup d’argent de côté et il ne pouvait guère compter sur sa famille pour le soutenir, alors il ne put offrir que quelques pitoyables cadeaux. Quand les intendants généraux de plusieurs demeures d’officiels virent ses cadeaux, le mépris put se lire manifestement dans leurs regards.

Mais Chi Yan n’en avait cure. Depuis tout petit, il avait été pratiquement élevé par son précepteur alors il était inévitablement un peu terre à terre. Il n’était pas non plus très doué dans ces histoires de rechercher des connections, il préférait simplement faire son devoir de son mieux et compter uniquement sur sa diligence.

Traduction faite par Karura Oh. Lisez sur mon site http://karuraoh.free.fr ou sur Scan Manga. Si vous la voyez sur un autre site, c'est qu'ils ont volé cette traduction !

À la fin de l’année, le Ministère des Revenus vérifia également les comptes et découvrit qu’il manquait de l’argent. Au départ, Chi Yan crut que cette histoire n’avait rien du tout à voir avec lui et et continua à faire son travail comme d’habitude. Contre toute attente, quand il se rendit au travail un matin, il vit un groupe d’officiels qui attendaient dans son bureau. Chi Yan se fit jeter en prison avec plusieurs officiels du même département, tous accusés d’avoir détourné des fonds au Ministère des Revenus.

Chi Yan avait plusieurs amis dans la capitale, il en avait rencontré la plupart en préparant le concours officiel. L’un d’eux, Xu Feng, était originaire de la capitale et venait d’une famille assez noble. Après avoir réussi le concours, il avait eu un petit emploi au Ministère des Revenus et invitait souvent Chi Yan à sortir en petit groupe.


Il fut le premier à réagir quand il apprit ce qui s’était passé au Ministère des Revenus. Il s’empressa de faire jouer ses relations pour aller voir Chi Yan en prison. Il murmura pour le convaincre :

« Frère Chi, tu es dans de sales draps. Dans cette affaire, c’est forcément quelqu’un de plus haut placé qui cherche à couvrir celui qui a vraiment détourné ces fonds, alors il veut trouver un bouc-émissaire au Ministère des Revenus. Tu as bien vu que les gens arrêtes cette fois ne viennent d’aucune grande famille et n’ont aucun soutien, et ils n’ont pas les faveurs des grands officiels de Beijing. Mais ce n’est pas pour autant désespéré : je vais informer ta famille, trouver des officiels à qui ils pourront s’adresser et agir aussi vite que possible afin de te sortir de cette situation. »


Chi Yan comprenait bien sûr que ce que venait de dire Xu Feng était plus que certainement la vérité et qu’il disait ça pour son propre bien. Mais pour commencer, il était vraiment innocent dans cette affaire et il conservait encore le maigre espoir que la justice allait triompher. Deuxièmement, il n’avait vraiment aucun contact digne de ce nom dans la capitale alors même s’il voulait contacter des gens, cela n’aurait sans doute aucun effet.

Voyant qu’il hésitait visiblement, Xu Feng devina ce qui pouvait l’inquiéter. Il soupira et martela :

« Frère Chi, il ne s’agit pas d’une petite somme qui a disparu. Le prince régent a déjà lancé une enquête et compte s’en charger personnellement. Peut-être que tout cela n’est qu’un plan pour débusquer celui qui est derrière tout ça. Les gens responsables de tout ça vont naturellement s’empresser de trouver un bouc-émissaire. Quand ta vie est en jeu, de quoi tu t’inquiètes encore ?! Même si tu ne t’es jamais beaucoup intéressé à te faire des relations, il n’y a que deux mots qui comptent quand les gens communiquent entre eux : l’amour et les intérêts. Le réseau de relations de la plupart des gens n’est pas assez intime pour qu’on puisse parler d’amour, alors seuls les intérêts et l’argent ouvrent les portes. Si tu envoies suffisamment d’argent, quelqu’un s’avancera forcément pour te protéger ! »


En entendant ça, Chi Yan fut encore plus silencieux. Il ne gagnait pas grand-chose et c’était sa belle-mère qui gérait l’argent de la famille, alors elle ne lui donnait que rarement un soutien financier. Ces six derniers mois, c’était lui qui avait assuré la nourriture et le logement des siens, alors il n’avait pas pu mettre d’argent de côté. À présent qu’il y avait urgence, même s’il écrivait une lettre à sa famille pour demander de l’aide, il serait sans doute trop tard.

Xu Feng était en fait un ami très loyal. Il fit directement à Chi Yan :

« Ne t’en fais pas pour l’argent. Tu peux m’en emprunter si tu n’as pas assez. Tu pourras toujours me rembourser plus tard. »

Craignant que Chi Yan ne sache pas à quels officiels s’adresser pour cette affaire, Xu Feng dressa une liste pour son ami.

« Seuls ces grands officiels peuvent intervenir. Je vais en informer ta famille et me rapprocher de ces grands officiels. »

Chi Yan hocha la tête, reconnaissant au-delà des mots. Il répondit doucement :

« Merci pour tout ce que tu fais, frère Xu. »


* * *


Comme promis, Xu Feng se rendit personnellement dans la demeure de Chi Yan pour apprendre la nouvelle à l’oncle Zheng. Or le vieil homme ne s’y connaissait pas vraiment et Xu Feng avait dit qu’il s’agissait d’une affaire très grave. Si Chi Yan était vraiment reconnu coupable, il risquait une correction ou même la décapitation. Quand l’oncle Zheng entendit ça, il faillit défaillir.

Après le départ de Xu Feng, le vieux serviteur courut se présenter au bâtiment principal pour demander une entrevue avec la dame. L’oncle Zheng savait combien Chi Yan gagnait : une fois qu’on retirait les dépenses courantes pour la famille, il ne restait plus grand-chose. La maîtresse n’utilisait pas non plus le salaire du jeune maître pour ses dépenses, alors tout l’argent était confié à l’oncle Zheng. Chi Yan était un officiel intègre et le vieux serviteur tenait soigneusement les comptes tous les mois sans pouvoir mettre beaucoup d’argent de côté. Il était impossible d’impressionner ces chacals, loups, tigres et panthères cupides jusqu’à la moelle avec leur peu d’argent.


Alors l’oncle Zheng comptait demander de l’aide à la maîtresse. Il savait que la famille de l’épouse était riche et comme disait le dicton : ‘si tu épouses un poulet, tu dois le suivre’. Une épouse devait partager les malheurs de son époux. Si le jeune maître était impliqué dans une affaire qui pouvait lui coûter la vie, il était impossible que son épouse reste assise à ne rien faire.

Après avoir entendu l’oncle Zheng, le visage de Ye Yingzhi s’assombrit. Il demanda au vieil homme de lui répéter tout ce qu’avait dit Xu Feng, puis il réfléchit un moment.

« Quand je suis arrivé, j’ai demandé à Xing Yu d’apporter cinq cents mille taëls d’ argent en billets. Je me demande si cela suffira pour sauver la vie d’Ah Yan. »

L’oncle Zheng fut choqué en apprenant ça. Il savait que la famille de sa maîtresse était riche, mais il n’aurait jamais pensé qu’il aurait apporté cinq cents mille taëls comme ça en venant ! De toute sa vie, il n’arriverait même pas à imaginer une somme pareille !

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Le visage de Ye Yingzhi s’adoucit et il se tourna vers lui pour faire d’un ton rassurant :

« Je te laisse le soin de gérer cette affaire, oncle Zheng. Quelle que soit la somme dont tu as besoin, demande-la simplement à Xing Yu, ne te gêne pas. J’ai également quelques relations dans la capitale, alors je ne laisserai rien arriver à Ah Yan. »

L’oncle Zheng fut ainsi grandement rassuré par sa maîtresse. Il s’empressa d’aller voir la plus jeune servante Xing Yu pour retirer l’argent. Comme c’était une histoire de la plus haute importance, il n’osa pas laisser quelqu’un d’autre s’en occuper. En compagnie de Xing Yu, il alla personnellement visiter les officiels que leur avait recommandés Xu Feng pour leur offrir des présents.


* * *


Chi Yan n’avait rien à faire en prison. Il ne pouvait que rester là et attendre des nouvelles. Xu Feng était le seul à pouvoir obtenir des informations de première main de la Cour et à pouvoir lui rendre visite en prison.

Le jeune homme avait tellement de choses dans la tête qu’il n’arrivait pas à dormir. Cette nuit-là, il était allongé sur le lit de pierre froid et dur de sa cellule et somnolait les yeux fermés. Entre le sommeil et l’éveil, il sentit alors quelque chose de froid se coller dans son dos et souffler de l’air glacial sur sa nuque.

Chi Yan sursauta, pensant que la cellule était peut-être hantée. Quand il ouvrit les yeux rapidement, il vit Ye Yingzhi allongé derrière lui et qui l’enlaçait. Dès que l’autre homme le vit ouvrir les yeux, il posa vite une main sur sa bouche et murmura à son oreille :

« Ah Yan n’est pas gentil. Comment ose-il ne pas rentre à la maison la nuit, laissant son époux tout seul dans notre chambre vide ? »


Chi Yan débordait déjà d’humiliation et de ressentiment pour s’être fait accuser à tort alors quand il entendit ça, il se sentit encore plus victime d’une injustice et se tourna pour lui lancer un regard amer.

Ye Yingzhi fut amusé par ça et eut un léger rire. Il embrassa sa nuque et murmura :

« Bébé, tiens le coup encore un peu. Ne fais pas de bruit, cela pourrait faire venir des gens… Mon chéri a souffert injustement, laisse ton époux prendre bien soin de toi. »

Chi Yan se fit ainsi tourmenter toute la nuit en prison et n’osa pas faire le moindre bruit. Même le moindre bruit à la porte de sa cellule le rendait nerveux, tant il craignait qu’ils se fassent découvrir. Ce ne fut que bien après qu’il se rendit compte que Ye Yingzhi avait dû utiliser une sorte de magie pour les couvrir, voilà pourquoi leurs actions effrénées ne furent pas découvertes au bout du compte.

Le lendemain matin quand il se réveilla de nouveau, Ye Yingzhi avait déjà disparu. Cependant, Chi Yan se sentit rafraîchi et pas du tout fatigué. Il ne savait pas quelle technique Ye Yingzhi avait employé pour le revigorer.


* * *


Ce fut ainsi que Chi Yan passa dix jours en prison, mais il ne souffrit absolument pas de son séjour. Après tout, tous les gens arrêtés étaient des fonctionnaires alors ils avaient droit à des cellules individuelles et il n’y avait pas de torture. Chaque matin et soir, un jeune diablotin au visage vert et aux dents saillantes sortait d’un trou dans le mur pour lui apporter un repas sans dire un mot. Il déposait le panier repas et s’en allait, puis revenait chercher la boîte un ou deux shichen après. Les plats apportés étaient cuisinés par le plus grand chef du meilleur restaurant de la capitale. Quand Chi Yan s’endormait le soir, Ye Yingzhi venait en personne et il lui faisait toujours l’amour plusieurs fois sans aucune retenue. Du coup, leur vie de couple normale ne fut pas mise en pause à cause de son emprisonnement.

Une fois, Chi Yan ne s’endormit pas après et découvrit que Ye Yingzhi employait un sort après avoir fini avec lui : il l’emmenait dans un manoir vraiment splendide pour le baigner dans un bassin d’eau chaude incrusté de jade noir. Puis Ye Yingzhi le portait dans un lit moelleux couleur lotus avec une tenture de soie dorée. Il le cajolait pour l’endormir et à l’aube du lendemain, il le ramenait dans sa cellule.


L’oncle Zheng finit par aboutir à ses fins. Un soir, un homme qui ressemblait à un intendant vint voir Chi Yan et fit avec un sourire :

« Seigneur Chi, vous êtes un homme intelligent. Mon seigneur veut bien vous aider. Il va y avoir un interrogatoire demain et le seigneur Chi ne va pas avoir grand-chose à faire. Vous n’aurez qu’à désigner Liu Su, qui travaille dans le même bureau que vous, et dire que le dixième jour du premier mois, il s’est rendu tout seul au bureau la nuit. »

Chi Yan se renfrogna intérieurement et demanda en tâchant de rester le plus calme possible en apparence :

« Qui est votre seigneur ? »

L’intendant sourit et trempa le doigt dans une petite tâche d’eau sur la table pour écrire le mot Yun dessus, avec un certain air de fierté sur le visage.

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Le nom de famille Yun n’était pas très répandu. La seule famille Yun connue à laquelle Chi Yan pouvait penser, c’était la famille maternelle du défunt empereur. À l’époque, la famille Yun avait apporté son soutien pour faire monter le précédent empereur sur le trône. Après que la fille soit devenue l’impératrice, ses deux frères devinrent l’un le premier ministre et l’autre un général, et ils jouirent d’un grand pouvoir pendant longtemps. Bien que l’empereur soit à présent décédé, son héritier était le fils de l’impératrice alors le pouvoir de la famille Yun était indubitable.

Malgré tout, la famille Yun avait formé un groupe en secret pour manipuler le gouvernement et persécuter les conseillers de la cour. Bien que personne n’osait les offenser ouvertement, les gens n’en pensaient pas moins. Hormis la famille Yun, il n’y avait que peu de fonctionnaires au gouvernement dont les gens se plaignaient.


Naturellement, Chi Yan avait entendu parler des méfaits de la famille Yun. Il regarda l’autre homme et réfléchit un bon moment avant de faire lentement :

« Mais bien que j’étais de garde le dixième jour du premier mois, je n’ai pas vu le seigneur Liu revenir au bureau. »

Le visage de l’intendant changea légèrement d’expression et il fit d’un ton grave :

« Cette affaire n’a rien de léger, le seigneur Chi ne s’en est-il pas déjà rendu compte ? Mon seigneur a la bonté de bien vouloir aider le seigneur Chi, mais ce dernier doit comprendre de quoi il en retourne exactement. Ne venez pas gâcher les durs efforts de votre famille. »

Chi Yan comprit alors que c’était effectivement les efforts de l’oncle Zheng et des autres qui avaient payé. Il ignorait combien le vieux serviteur avait dû donner pour convaincre l’autre partie, mais on lui demandait de mentir pour piéger un de ses collègues ; c’était quelque chose qu’il était hors de question qu’il fasse.


Alors il plissa les yeux et fit d’un ton sec :

« C’est bien ça, je n’ai jamais vu le seigneur Liu. »

L’intendant comprit ses intentions et grimaça aussitôt. Il lâcha :

« Seigneur Chi, vous avez signé votre arrêt de mort ! »

Puis il se leva et partit.

Chi Yan eut un pauvre sourire. Il tenait à la vie et voulait également se sortir de là, mais il y avait des choses dans la vie qu’on pouvait faire et des choses qu’on ne pouvait pas faire.

« S’il convenait de chercher à amasser des richesses, fallût-il pour y parvenir remplir l’office de valet qui tient le fouet, je le remplirai. Mais tant qu’il ne convient pas de le faire, je poursuis l’objet de mes désirs Extrait des Analectes de Confucius. (1). »


Si on lui demandait de devenir le laquais de la famille Yun en échange de monter en flèche dans sa carrière comme les nuages émeraudes au ciel, la richesse, la noblesse et l’honneur, et de trahir pour ça la justice et la vérité qu’il chérissait dans son cœur, alors il refuserait. Si on lui demandait de faire accuser un collègue en échange de sa propre sécurité et son bonheur, il refuserait aussi. Sa relation avec Liu Su était sans plus et l’autre était même un peu dur avec lui. Malgré ça, c’était une question de principe : cela n’avait rien à voir avec le genre de personne qu’était Liu Su.

Bien entendu, il savait aussi qu’en se montrant ainsi ‘désobéissant’, non seulement la famille Yun ne l’aiderait pas mais pire encore, le seigneur de la famille Yun le haïrait et sa situation ne fera qu’empirer.


Xu Feng et lui étaient vraiment bons amis. Quand Xu Feng vint lui rendre visite en prison, il apprit ce qui s’était passé et ne put s’empêcher de taper sur la tête du jeune homme et de le disputer :

« La Règle, tu as une idée de ce que ça veut dire ? Si tu refuses d’obéir à la famille Yun, cela veut dire que tu es leur ennemi. Et si tu oses te rebeller contre eux, j’ai bien peur que cette fois, personne n’osera tenter de te sauver et que tu te feras sûrement accuser par eux ! »

Bien entendu, Chi Yan avait compris ça très tôt mais après que Xu Feng l’ait dit à voix haute, il se rendit compte que son avenir semblait plutôt compromis et qu’il n’avait plus aucun espoir de se faire libérer. Il lâcha un rire amer, baissa la voix et demanda d’un ton furieux :

« Comment cette famille Yun peut-elle agir au-dessus des lois et faire accuser des fonctionnaires ? N’y a-t’il donc personne pour les réprimer ?

– Bien sûr que si. »


Xu Feng n’avait pas apprécié que Chi Yan n’ait pas su s’adapter aux circonstances et qu’il se soit mis tout seul dans une impasse. Il renifla :

« Si son Altesse le prince régent veut bien te protéger, la famille Yun n’osera certainement pas s’en prendre à toi. »

Mais quel genre de personne était le prince régent ? Xu Feng savait parfaitement que bien que cela ne faisait pas longtemps que le prince Heng était revenu au palais, il en avait pris le contrôle. La famille Yun avait voulu profiter de l’occasion pour que l’impératrice douairière, à savoir la mère de l’empereur, dirige le gouvernement mais au bout du compte, ils ne purent l’emporter contre le prince. À présent, leur pouvoir était sérieusement amoindri. Cependant, le mille-pattes était mort mais pas encore raide. Le prince Heng était très occupé avec la frontière du nord-ouest alors il n’avait pas eu le temps de réprimer ces comploteurs. Il avait beau être le régent de nom, son pouvoir était en fait égal à celui de l’empereur. Mais si Chi Yan voulait tenter de contacter le Ciel pour qu’il l’écoute et que le prince régent intercède en faveur d’un petit officiel de septième rang, comment cela aurait-il pu être aussi facile ?

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Chi Yan comprenait certainement très bien ce que Xu Feng sous-entendait dans cette phrase. Pourtant, comme s’il avait trouvé sa planche de salut, il ouvrit sa tunique extérieure et déchira un bout de sa tunique intérieure. Il prit un morceau de paille de son matelas en paille, la trempa dans de la poussière noire au coin du mur et se dépêcha d’écrire. Sa tunique extérieure était déjà tachée mais sa tunique intérieure était restée blanche et propre. Chi Yan avait donc volontairement déchiré sa tunique intérieure pour ne pas se montrer irrespectueux.

Il se hâta d’écrire une lettre expliquant sa situation en détail. Il l’enroula et la tendit à son ami en le suppliant :

« Frère Xu, je t’en prie, aide-moi à faire parvenir cette lettre à son Altesse le prince Hen. Quant à savoir si le prince la lira ou pas, s’il agira ou pas après l’avoir lue, je m’en remets à la volonté du Ciel car j’aurais fait de mon mieux.

– Toi, tu cherches vraiment les ennuis ! » le gronda férocement Xu Feng.

Mais d’un autre côté, il ne pouvait pas refuser la requête ardente de son ami, alors il décida de l’aider à nouveau cette fois.


Cette nuit, Ye Yingzhi vint comme d’habitude tenir compagnie à Chi Yan en prison. Quand il le déshabilla, il se rendit compte qu’il manquait un morceau de sa tunique intérieure et aussitôt, son visage s’assombrit. Sa main gauche caressa le cou du jeune homme et il demanda d’une voix grave :

« Ah Yan, dis-moi qui a déchiré ton vêtement ici ? »

Cela faisait plusieurs jours d’affilée que Chi Yan se faisait impitoyablement tourmenter par lui alors il ne voulait pas lui expliquer. Il détourna la tête et garda le silence. Ye Yingzhi se servit de cette excuse pour le punir sévèrement.


* * *


Trois jours plus tard, Xu Feng revint apporter la bonne nouvelle. Il dit qu’il ne savait pas si le régent avait lu la lettre ou pas mais qu’en bref, il avait entendu parler de cette affaire au Ministère des Revenus et qu’il était très fâché. Il avait nommé un enquêteur spécial pour mener une enquête minutieuse et approfondie. Alors avec un peu de chance, Chi Yan serait reconnu innocent.

Effectivement, il ne fallut pas longtemps que cette affaire soit élucidée. Cela permit de mettre à jour un vaste réseau de corruption. Tous les gens impliqués furent arrêtés et punis, et tous les gens accusés à tort et emprisonnés injustement comme Chi Yan furent libérés et rétablis dans leurs fonctions.


Le jour de la libération de Chi Yan, Ye Yingzhi et l’oncle Zheng vinrent le chercher pour le ramener à la maison. Xu Feng vint lui rendre visite à domicile et lui fit durant le repas :

« La Règle, tu as pu éviter la catastrophe cette fois grâce au régent. Tu devrais donc lui demander audience pour le remercier. Même si tu ne peux pas voir le prince, tu pourras au moins lui écrire une lettre de remerciement. Bien que cet incident ne semble pas avoir affecté la famille Yun en apparence, le régent a quand même renvoyé Lu Xueyou, le coupable, pour purger sa peine, ce qui revient à priver la famille Yun d’un bras droit puissant. La famille Yun a toujours été du genre à se venger et ils vont certainement en concevoir une certaine rancune. Ils ne peuvent rien contre le régent mais s’ils découvrent la lettre que tu as écrite, ils vont détourner leur colère sur toi. En plus, tu as clairement refusé de leur obéir la dernière fois, alors j’ai bien peur que la famille Yun ne te laisse pas t’en tirer comme ça cette fois.


« Un chameau famélique est toujours plus gros qu’un cheval. Bien que la famille Yun a perdu de son pouvoir depuis l’arrivée du régent, ce sera toujours facile pour eux de se débarrasser de petits officiels comme nous, comme s’il s’agissait d’écraser une fourmi. Ils n’auront même pas à lever la main eux-mêmes : ce seront leur laquais qui vont devancer les intentions de leurs maîtres et te régler ton compte. Alors tu as maintenant deux options devant toi, la Règle : soit tu démissionnes de ton poste et tu retournes dans ta famille avant qu’ils ne passent à l’acte et tu restes loin de ces gens-là pour le restant de tes jours ; soit tu te rapproches de cette noble personne que la famille Yun n’ose pas offenser. Avec lui comme soutien, cela leur fera sentir que tu es un des hommes du régent et ils n’oseront pas s’en prendre à toi comme ça. »


Chi Yan avait étudié très dur pendant vingt ans et en était finalement arrivé là. Il ne voulait donc naturellement pas démissionner et retourner dans sa famille, et voulait encore moins faire face à sa belle-mère. Du coup, c’était effectivement la meilleure chose à faire que de rendre visite au régent pour lui exprimer toute sa gratitude.

Le prince Heng était un vrai jeune phénix engendré par le dragon et il dirigeait à présent toute la nation et le gouvernement. Ce ne serait certainement pas facile de l’approcher et de gagner ses faveurs.

Cependant, même ainsi, Chi Yan se devait d’essayer. En plus, c’était absolument vrai qu’il avait été sauvé cette fois grâce au régent alors il devait de toute façon l’en remercier.


* * *


Chi Yan n’espérait pas se faire recevoir par le prince régent. Il était seulement venu en personne apporter un cadeau et une lettre de remerciement au palais du prince régent. Après avoir vu l’intendant général et lui avoir donné tout ça, il se prépara à partir.

Contre toute attente, au moment où il allait franchir le portail, l’intendant lui courut derrière pour l’arrêter. Il s’inclina respectueusement et lui fit :

« Seigneur Chi, restez, je vous prie. Mon maître vous invite à entrer pour discuter. »

Chi Yan trouva ça étrange mais il devait obéir aux ordres du prince Heng, sans compter que c’était un immense honneur pour lui de pouvoir le rencontrer. Il fut inévitablement un peu effrayé et nerveux intérieurement, et suivit prudemment l’intendant général.


L’intendant le conduisit par un chemin sinueux à travers les couloirs et galeries, contournant un splendide étang pour finalement s’arrêter devant un palais grandiose et imposant. Il fit d’un ton respectueux :

« Seigneur Chi, mon maître est à l’intérieur. Veuillez entrer. »

Chi Yan se sentit un peu dépassé à l’idée de rencontrer un homme si important. Il s’empressa d’entrer à l’invite de l’autre en disant :

« Bien. »

Une fois à l’intérieur, il se rendit compte d’une certaine étrangeté. Le prince Heng voulait le voir, mais ce n’était pas dans un bureau, plutôt dans ce qui ressemblait à une chambre. Il songea aux rumeurs à la Cour et en ville qui disaient que le prince régent était extrêmement faible, malade en permanence et qu’il devait récupérer. Ce n’était donc guère surprenant qu’il reçoive des gens dans sa chambre.

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Pourtant, le mobilier et la décoration de cette pièce lui semblaient vaguement familiers.

Chi Yan regarda du coin des yeux le lit couleur lotus avec la tenture dorée qui pendaient et soudain, son cœur manqua un battement : il se rappela que c’était exactement le même endroit où Ye Yingzhi l’emmenait à chaque fois après lui avoir fait l’amour en prison !

Chi Yan eut une révélation en cet instant. Au même moment, une voix froide et familière se fit entendre à son oreille. En même temps, un air glacial l’enveloppa. Ye Yingzhi était apparu à un moment ou à un autre et l’avait enlacé par derrière. Il déposa un baiser sur sa tempe gauche et fit avec un léger rire :

« Nous sommes mari et femme depuis si longtemps, se peut-il qu’Ah Yan ne sache pas que Heng est le nom de courtoisie de Yingzhi, son époux ? »

Ye Heng, prince Heng… Ye Yingzhi était en réalité le régent de l’empire ?!


Chi Yan en resta hébété un bon moment. Il se souvient de tout ce qui s’était passé depuis son arrivée ici : le vieil intendant qui l’avait conduit ici avait clairement une ombre et il n’y avait jamais eu de rumeur dans tout l’empire disant que le régent était décédé… Alors Ye Yingzhi… C’était un humain ou un fantôme ? Ou bien avait-il réussi à tromper tous les ministres militaires et civils de l’empire ainsi que le monde entier ?!

Tremblant, il se tourna pour regarder Ye Yingzhi. L’autre homme était magnifique et pâle, et ses lèvres avaient une teinte bleuâtre. Ses yeux étaient d’une profondeur insondable et tout son corps était glacial. Même sous le soleil de midi, il n’y avait que l’ombre de Chi Yan à leurs pieds. Sans parler de tout ce que Ye Yingzhi avait fait… Si on lui disait qu’il était humain, Chi Yan n’y croirait pas de toute manière.

Alors la seule explication était qu’il était mort, mais que la nouvelle de son décès n’avait pas été révélée. En plus, Ye Yingzhi lui-même était très puissant : non seulement il pouvait tout à fait vivre dans le monde des vivants, mais il pouvait même berner tout le monde.


Le cerveau de Chi Yan fonctionnait à plein régime, mais Ye Yingzhi ne se soucia guère de ça. Il saisit le poignet de Chi Yan et le pressa contre la table en bois de santal qui se trouvait devant eux. Son Ah Yan était venu se présenter personnellement à sa porte, il n’y avait pas de raison qu’il n’en profite pas.

Chi Yan était trop pris par ses pensées et il ignora un bon moment les agissements de l’autre homme. Quand il réagit, il était déjà trop tard et il ne put que se débattre un peu de manière symbolique avant de demander dans un souffle, comme un gémissement :

« Alors pourquoi tu as demandé à me voir… ? »

Ye Yingzhi mordit un peu sa clavicule et ses yeux s’assombrirent. Il répondit d’une voix rauque :

« Bien entendu, c’est pour te demander de devenir ma princesse… »


* * *


Bien entendu, on était jamais aussi bien que chez soi. Comparé au palais, la résidence d’officiel que Chi Yan louait semblait trop étroite et miteuse.

Comme de toute manière, son identité avait été dévoilée, Ye Yingzhi trouvait qu’il avait autant ne plus se priver, alors il demanda à Chi Yan de venir vivre dans le palais du prince.

Comment Chi Yan aurait-il pu lui dire non ? Avant ça, il avait déjà peur de lui car ce n’était pas quelqu’un du monde des vivants mais à présent, même en oubliant ça, c’était tout à fait comme le disait le dicton : ‘un officiel de haut rang pouvait écraser les gens’. Ye Yingzhi n’était pas juste un fantôme, c’était un fantôme haut placé. Il pouvait parfaitement écraser de son autorité un petit fonctionnaire de septième rang comme Chi Yan alors bien sûr, ce dernier n’eut pas d’autre choix que de se plier à ses désirs.


Le problème, c’était que s’il entrait au palais tous les jours, cela lui vaudrait inévitablement des critiques. Chi Yan n’osait pas révéler impunément en public sa relation avec Ye Yingzhi alors afin d’échapper aux yeux et aux oreilles des autres, il retournait d’abord dans sa propre demeure après avoir quitté son bureau, sortait discrètement par la porte arrière pour prendre un palanquin et se rendre au palais en passant par la porte arrière. Quand il était l’heure de se rendre au travail le lendemain matin, il revenait chez lui pour prendre ses affaires et partait pour son bureau en passant cette fois par la porte principale de sa demeure.

Mais aucun mur ne pouvait empêcher le vent de passer. En plus, étant donné qu’il s’agissait du prince régent, il y avait de nombreux yeux qui l’observaient en secret.


Du coup, des rumeurs se mirent bientôt à circuler comme quoi un misérable officiel du Ministre des Revenus du nom de Chi Yan avait payé de sa personne dans le but de grimper les échelons et était devenu le petit chéri du régent.

Au départ, peu de gens crurent à cette rumeur. Mais ce n’était pas qu’ils ne croyaient pas que les officiels de la Cour étaient incapables de faire une chose pareille — en fait, la majorité des gens qui entendaient cette rumeur ne connaissaient même pas ce Chi Yan, c’était plutôt qu’ils ne croyaient pas que le régent pouvait prendre un amant.

Jusqu’à une certaine fois.


Hu Jian, l’assistant du ministre des Revenus, appartenait au camp de la famille Yun. À la base, le ministre des Revenus était aussi un membre de la famille Yun mais à cause de cette récente affaire de détournement de fonds au Ministère des Revenus, le ministre avait été mis en cause avec d’autres personnes, reconnu coupable et condamné : il avait été renvoyé en région frontalière pour purger sa peine de prison. Comme c’était le prince Heng qui était derrière tout ça, la famille Yun n’avait pas osé protester. Le ministre des Revenus nouvellement nommé n’était pas un partisan de la famille Yun, il était discret et modéré. Alors naturellement, Hu Jian ne pouvait plus autant prendre ses aises dans le Ministère des Revenus et tyranniser les autres.

Il savait très bien tout ce qui s’était passé au moment de cette affaire. Il avait beau grincer les dents de haine, il n’y avait rien qu’il puisse faire au sujet du prince Heng et de son nouveau chef. Sachant que la famille Yun en voulait également à cet homme du nom de Chi, il reporta donc sa colère sur Chi Yan. Toutefois, le premier ministre Yun avait spécifiquement recommandé à ses partisans de ne pas faire de vagues pour le moment, alors Hu Jian n’agit pas de manière très flagrante. Mais après tout, cela faisait plus de vingt ans qu’il était fonctionnaire, alors il connaissait quelques petits vilains tours pour pourrir discrètement la vie d’une personne.

Traduction faite par Karura Oh. Lisez sur mon site http://karuraoh.free.fr ou sur Scan Manga. Si vous la voyez sur un autre site, c'est qu'ils ont volé cette traduction !

Le hasard avait fait que Chi Yan travaillait sous ses ordres alors il s’arrangea pour lui donner plein de tâches insignifiantes mais très pénibles, et avec des délais très serrés. On ne pouvait pas sortir les registres de comptes du Ministère des Revenus hors du bâtiment officiel. Chi Yan devait donc vérifier les comptes dès qu’il arrivait le matin, il n’avait même pas le temps de boire ou de manger, et il devait souvent rester tard le soir avant de repartir en vitesse pour ne pas enfreindre le couvre-feu.

Dame Chi ne fut naturellement pas contente de voir son époux rentrer tard tous les soirs. Mais Chi Yan ne voulait pas qu’il fasse des siennes, alors Ye Yingzhi se força à se retenir. Mais après avoir enduré ça deux fois, il ne put plus se retenir.


Ce jour-là, Chi Yan travaillait une fois de plus au bureau. Ce serait bientôt la période des festivités du Nouvel An, alors les autres étaient déjà rentrés tôt, comme les autres jours. Seul Chi Yan restait toujours tard. Ce jour-là ne fit pas exception : Chi Yan n’avait pas encore quitté son bureau que les officiels de garde pour la nuit étaient déjà arrivés.

Le bureau de Hu Jian se trouvait dans l’aile principale, celui de Chi Yan et de ses collègues se trouvait dans l’aile est, tandis que le reste des fonctionnaires et hauts fonctionnaires se trouvaient ailleurs. Tout à coup, les gens purent voir un homme d’âge moyen vêtu comme un eunuque entrer dans le ministère. Les gens présents qui avaient un peu de connaissances savaient que cet homme n’était pas n’importe qui — il s’appelait Fu Hai. Il avait servi le prince Heng autrefois, quand ce dernier était encore le prince héritier. Par la suite, quand le prince Heng avait quitté le palais pour récupérer de sa maladie, Fu Hai était resté en arrière. Il paraissait qu’il avait été très opprimé dans le palais après l’accession au trône du précédent empereur, mais qu’il avait tenu bon. Et à présent que le prince Heng était revenu au pouvoir, le statut de Fui Hai au palais avait également monté avec la marée et il était devenu le plus puissant eunuque en chef du palais.

Toute personne avec un minimum de discernement savait que cet homme était l’homme de confiance du prince régent.


Les gens qui travaillaient dans le même bureau que Chi Yan savait que ce dernier était nouveau et ne venait pas d’une grande famille, alors il ignorait pas mal de choses. Ils vinrent exprès lui expliquer discrètement que Fu Hai était au service du prince régent et qu’il ne fallait absolument pas l’offenser.

Le cœur de Chi Yan trembla en entendant que cet homme était au service de Ye Yingzhi. Il rassembla tout son courage pour le regarder et se sentit soudain infiniment soulagé : heureusement, bien que le soleil tombait déjà vers l’ouest, il pouvait encore voir une ombre aux pieds de cet eunuque. Il s’agissait donc bien d’une personne vivante.

Tout en sachant que la vaste majorité des diablotins sous les ordres de Ye Yingzhi n’oseraient pas lui faire de mal, Chi Yan ne pouvait s’empêcher de ressentir de l’appréhension à chaque fois qu’il avait affaire à l’un d’eux.


À cet instant, Hu Jian se précipita également pour accueillir Fu Hai mais ce dernier ordonna au petit eunuque qui l’accompagnait d’ouvrir la porte de l’aile est. Il fit au haut fonctionnaire à côté de lui :

« Je suis en charge des affaires internes du palais et non des affaires politiques, alors je ne suis pas là pour une raison officielle. C’est juste que cela fait des jours que le seigneur Chi s’épuise au travail. Son Altesse le prince Heng se fait du souci pour lui alors il m’a demandé de lui apporter de la soupe nourrissante pour lui. »

Les gens présents en furent tous choqués. Ils savaient tous qui était Fu Hai. Si Fu Hai disait que le prince Heng lui avait ordonné d’apporter de la soupe, cela ne pouvait pas être un mensonge.

Il a dit que le prince Heng se faisait du souci ? Mais le prince Heng et Chi Yan n’ont aucune relation, alors pour quelle raison il se ferait du souci ?

Mais quand ils repensèrent aux rumeurs précédentes, tout le monde comprit intérieurement de quoi il en retournait.


Le haut fonctionnaire se sentit encore plus irrité intérieurement. Il était le plus haut officiel du ministère alors il était naturellement au courant des agissements de Hu Jian. Mais comme il avait toujours été du genre modéré, il se disait qu’il était inutile d’offenser Hu Jian et la famille Yun, tout ça pour un petit officiel sous ses ordres. Alors il avait fermé les yeux et fait comme s’il n’était au courant de rien. Il n’aurait jamais cru que comme ça, il allait offenser le prince régent ! Si le prince régent avait été jusqu’à envoyer l’eunuque en chef, c’était qu’il devait être vraiment mécontent.

Après que Fu Hai ait apporté la soupe à Chi Yan, il partit en souriant. Mais qui aurait laissé Chi Yan continuer à travailler au bureau dans ces circonstances ? Même le haut fonctionnaire le pressa de rentrer chez lui.

Chi Yan fut donc bien obligé de s’en aller, mais il sentit depuis ce jour que la manière dont les autres le regardaient avait changé.

Ye Yingzhi avait agi ainsi. Bien que cela embêtait un peu Chi Yan, il n’avait pas le cœur à réprimander l’autre homme pour ça parce qu’en fin de compte, il savait que Ye Yingzhi avait fait ça pour son bien. Alors Chi Yan n’en parla pas en rentrant ce soir-là et les autres jours se déroulèrent comme avant, sauf qu’il revenait plus tôt à la maison.


* * *


Malgré tout, cette histoire continua à se répandre de plus en plus. Même un Xu Feng incrédule vint voir Chi Yan pour lui demander confirmation. Les fonctionnaires qui ne le connaissaient pas avant le saluaient toujours très poliment quand ils le croisaient, et son traitement était radicalement différent par rapport à avant.

Chi Yan ne put alors s’empêcher de se plaindre quand Ye Yingzhi le pressa dans le lit et le tourmenta de nouveau cette nuit-là :

« … Aux yeux de mes collègues, je suis devenu un serviteur de la chair qui profite de sa bonne fortune. »

Ye Yingzhi s’empressa de le réconforter :

« Comment Ah Yan pourrait-il être un serviteur de la chair ? C’est plutôt moi, le serviteur de la chair. Le seigneur Chi n’a pas besoin de me servir, c’est moi qui dois au contraire faire de mon mieux pour le servir toutes les nuits. »

Chi Yan devint gêné et agacé par ses paroles sans queue ni tête, et ses yeux devinrent même rouges.

Traduction faite par Karura Oh. Lisez sur mon site http://karuraoh.free.fr ou sur Scan Manga. Si vous la voyez sur un autre site, c'est qu'ils ont volé cette traduction !

Ye Yingzhi ne ressentit que l’amour et de la tendresse en voyant ça, alors il n’osa pas continuer dans ses absurdités. Il prit Chi Yan dans ses bras et l’embrassa plusieurs fois. Une fois l’autre apaisé, il fit après un moment de réflexion :

« Ah Yan, j’ai bien peur que dans la situation actuelle, les ministres s’opposeront à l’idée que je t’épouse. Alors du coup, nous n’avons qu’à dévoiler simplement notre relation au grand jour et faire savoir à tous que tu es la princesse que moi, Ye Yingzhi, ait officiellement épousé. Ça te convient ? »

Naturellement, Chi Yan refusa de rendre leur relation publique et Ye Yingzhi n’insista pas plus. Il se contenta de le serrer dans ses bras avec un léger rire.


* * *


Cependant, Chi Yan allait bientôt avoir l’occasion d’éviter temporairement les rumeurs et ragots de la capitale. En effet, il avait dix-huit jours de congé pour le Nouvel An et pour retourner chez lui afin de prier ses ancêtres. Il pouvait donc rentrer dans sa ville natale pour le Nouvel An.

À la base, Chi Yan ne souhaitait pas du tout rentrer dans sa famille mais il avait réussi l’examen officiel et était devenu un officiel à la Cour impériale. Aux yeux des aînés de son clan, c’était une immense bénédiction de leurs ancêtres alors il devait revenir leur rendre hommage. En plus, il s’était marié en dehors de la famille alors selon la tradition, il devait également amener son épouse dans sa famille afin qu’elle prie également les ancêtres.

Chi Yan n’avait plus aucun attachement pour son père et sa belle-mère, mais il avait étudié dans sa famille depuis tout petit. Par la suite, afin de poursuivre ses études, il avait compté principalement sur le soutien de sa famille. Il n’était pas du genre ingrat. Plusieurs aînés du clan lui écrivirent tour à tour pour lui demander de revenir, alors il devait le faire même s’il n’en avait aucune envie.


Il n’y avait qu’une seule chose qui l’inquiétait, alors Chi Yan servit Ye Yingzhi particulièrement bien la veille de leur départ. Quand l’autre homme fut de très bonne humeur, il lui fit :

« J’ai déjà écrit à ma famille pour les informer que j’ai épousé un homme. Alors tu n’as qu’à me suivre quand nous irons là-bas. Si quelqu’un te crée des problèmes ou te manque de respect, tu dois surtout penser à sauver ma face. C’est moi qui te défendrai. »

Ye Yingzhi ne fut pas très content d’abord, mais quand il entendit que Chi Yan le défendrait, il se sentit bien mieux alors il répondit doucement pour le ménager.


Toutefois, la scène qui l’attendait le jour de leur départ fut au-delà de ce que Chi Yan aurait bien pu imaginer. Il avait prévu à la base deux petits carrosses avec deux cochers, peu de bagages et une légère escorte. Il n’y aurait dû y avoir que Ye Yingzhi, lui-même, l’oncle Zheng et deux serviteurs pour les accompagner.

À sa grande stupéfaction, ce furent trois grands carrosses avec leurs attelages qui les attendaient à l’extérieur du palais. Celui du milieu était de très haute qualité, en bois de santal rouge et décoré d’or et de jade, et un long rideau de laine fine pendait à l’extérieur, ce qui lui donnait un air très noble et luxueux. Autour du carrosse, il y avait plus d’une dizaine de gardes en armure qui montaient des chevaux noirs. Leur vue était impressionnante. Devant et derrière le convoi, plus d’une vingtaine de soldats de la cavalerie attendaient en position.


Chi Yan jeta un regard surpris à Ye Yignzhi. Ce dernier lui lança aussi un regard en coin avant d’expliquer :

« Ne sois pas si naïf, Ah Yan. Le prince régent et sa princesse retournent dans leur ville natale pour rendre visite à la famille et prier les ancêtres. C’est une longue route en montagne et les bandits seront nombreux sur le chemin. Notre identité n’est pas ordinaire, alors nous ne pouvons pas prendre ça à la légère. »

Chi Yan fut ainsi bloqué par lui et en resta sans voix. Il se dit ensuite que Ye Yingzhi n’avait pas tort et il finit par accepter les arrangements de l’autre homme. Mais il avait oublié que son prince Heng n’était même pas un humain, alors en quoi aurait-il redouté quelques bandits ?


Chi Yan se sentit de nouveau entraîné dans un cauchemar et se dirigea vers le carrosse avec Ye Yingzhi, hébété. Il se fit tourmenter par lui, ne résistant que de temps en temps, puis finit par s’endormir d’épuisement. Ce ne fut qu’en se réveillant qu’il se rendit compte de quelque chose et demanda en regardant Ye Yingzhi :

« Tu, tu comptes venir avec moi en tant que prince Heng ? »

L’autre homme répondit d’un ton d’évidence :

« Bien sûr, tu ne voudrais pas que je prenne une autre identité ? Sinon, comment expliquer mes origines à ta famille ? »

Chi Yan en resta sans voix, mais Ye Yingzhi continua à lui faire la morale d’un ton sincère :

« Le mariage est un événement important dans une vie. Est-ce que Ah Yan a l’intention de cacher notre relation pour le restant de nos jours ? »

Chi Yan songea intérieurement : Comment les vieilles personnes comme toi peuvent encore parler du restant de nos jours ? Mais au final, il ne répliqua pas.


Note de Karura : La dernière partie arrive, mais on n’a toujours pas vu de renard spirituel !


Notes du chapitre :
(1) Extrait des Analectes de Confucius.






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