Esprit Malin 35

Chapitre 35 : Un second fantôme


Pourquoi y avait-il encore eu un accident terrible ?

Chi Yan se rappela de ce qui s'était passé la nuit précédente et un frisson le parcourut subitement. Après avoir regardé des deux côtés, il poussa sa couverture et se redressa. Il sortit du lit pour allumer la lumière. Il ne savait pas où et quand Ye Yingzhi était parti.

Il descendit du lit et s'avança vers la table pour boire de de l'eau. Avant de pouvoir allumer la lumière, il entendit le bruit de la porte qui s'ouvrait.

Il crut que c'était Ye Yingzhi qui revenait. Il avala son eau et fit :

« Yingzhi, tu es rentré ? »

Il n'entendit aucune réponse de la part de l'autre personne.


Chi Yan fut alors pris d'un léger doute et il tourna la tête pour voir. Il fit face à une paire d'yeux exorbités d'un blanc laiteux.

Il y avait une chose qui se tenait à la porte et qui le regardait. Son visage était cadavérique et elle n'avait pas de bras. Chi Yan baissa les yeux... il ne pouvait pas non plus voir ses pieds En Chine, les fantômes n'ont pas de pieds et/ou pas d'ombre. (1).

Son cœur fit soudain un baboum. Il en oublia de respirer, n'osa pas fermer les yeux ou tourner la tête. Il resta simplement là à regarder cette chose droit dans les yeux.

Il ne bougea pas, cependant la chose le fixa du regard.

Chi Yan la vit ouvrir et fermer la bouche, émettant un vague sifflement — comme une vieille radio qui ne captait pas.


Il n'aurait su dire combien de temps dura ce face à face. Chi Yan pouvait sentir la sueur froide imprégner son T-shirt peu à peu. À son réveil, il s'était rendu compte qu'il ne portait plus les mêmes vêtements, seulement un T-shirt ample. Il avait été bien bordé au lit. Il devina que c'était Ye Yingzhi qui lui avait retiré ses vêtements qui puaient l'alcool.

Tout à coup la chose disparut.

Chi Yan vit Ye Yingzhi à la porte qui le regardait tranquillement.

« Qu'est-ce que tu fais là avec la porte ouverte et sans vêtement ? »

Chi Yan le regarda, les lèvres tremblantes, et avait perdu toute capacité à réagir.


Ye Yingzhi se retourna pour fermer la porte puis s'avança vers lui. Il mit son manteau sur son bras gauche et semblait revenir du dehors. Il portait un sac en papier brun dans sa main droite. Il le déposa sur la table et agita la main devant le visage de Chi Yan.

« Ah Yan, que se passe-t'il ?

– Il y a... il y a... »

Le mot fantôme resta coincé sur sa langue. Il avait tellement peur qu'il n'osait pas le prononcer.

Chi Yan tendit la main pour saisir le bras de Ye Yingzhi.

« … Je me suis réveillé et j'ai vu sur le net que quelqu'un d'autre était mort. Et puis je l'ai vu encore... pas de bras, de pieds... »

Il leva la tête et lança un regard rempli de terreur à Ye Yingzhi.


Ye Yingzhi le tira par le bras pour le faire s'asseoir sur une chaise à table. Il tapota son épaule sans rien dire pour le rassurer et attendit que Chi Yan se soit calmé pour ouvrir calmement le sac en papier et en sortir des boîtes à repas. Il y avait du porridge aux fruits de mer, des petits pains vapeur à la crevette, des côtes de porc, des pignons de poulet, des brioches fourrées à la crème et aux noix. C'était la nourriture la plus populaire et elle semblait particulièrement appétissante en cet instant. En plus Ye Yingzhi les avait pris dans un restaurant cantonais très apprécié du coin.

Ye Yingzhi ouvrit les boîtes une par une. L'odeur et la vapeur en surgirent d'un coup et Chi Yan ne put s'empêcher d'avoir faim. Il posa le regard sur la nourriture sur la table.

La nourriture apportait un sentiment de sécurité instinctif chez les gens.


Ye Yingzhi prit les baguettes et les plaça dans la main de Chi Yan.

« Dépêche-toi, mange d'abord et nous parlerons ensuite. Tu n'as rien mangé à midi alors je me suis dit que tu aurais faim à ton réveil.

– … Merci, » fit Chi Yan d'une petite voix avant de se mettre à manger lentement.

Tandis que les pains vapeur à la crevette finissaient dans son estomac, la chaleur du monde se répandit peu à peu dans ses membres, réchauffant son corps qui avait été engourdi par la terreur.


Ye Yingzhi alla dans la salle de bain pour se laver et en sortit vêtu d'un peignoir. Il se rendit au lit de Chi Yan et prit ses oreillers et sa couverture pour poser le tout sur son lit.

Chi Yan était en train de manger le porridge. En voyant ça, il écarquilla les yeux. Il se dépêcha d'avaler sa gorgée de porridge et s'écria :

« Ye Yingzhi... ? »

Les cheveux encore humides, il s'assit à côté de Chi Yan.

« Ne t'en fais pas, mange lentement. Tu dormiras avec moi cette nuit. »

Son ton était très plat, comme s'il parlait de quelque chose de trivial. Il n'expliqua pas ses raisons cependant Chi Yan savait que ce devait être parce qu'il avait vu son apparence effrayée qu'il avait pris l'initiative d'une telle proposition.


Il hocha la tête et fit :

« Merci. »

C'était la quatrième fois qu'il remerciait Ye Yingzhi et il ne savait pas quoi dire d'autre. Je ne sais pas ce que j'ai fait de mal pour voir toutes ces choses mais j'ai effectivement de la chance d'être tombé sur un si gentil colocataire.

Ye Yingzhi plissa les yeux et sourit.

« Inutile de me remercier, n'importe qui en ferait autant. »

Les gens biens sont toujours comme ça. Ils disent "n'importe qui en ferait autant" même si ce n'est pas leur problème, songea Chi Yan. Il suivit Ye Yingzhi au lit.


* * *


Tout se passa bien le lendemain. Chi Yan rencontra son directeur de thèse comme d'habitude. Ce dernier lui apprit qu'il devait partir dès ce week-end à l'étranger afin d'assister à plusieurs conférences universitaires. Il ne reviendrait pas avant un mois alors Chi Yan devait continuer à travailler et le contacter par e-mail s'il avait des questions.

En sortant du bureau de son directeur de thèse, Chi Yan reçut un appel de son père. Le contenu de cet appel mit fin à sa bonne humeur pour la journée.


Chi Zhongyuan lui demanda d'abord les dernières nouvelles sur ses études et sa vie à la fac. Ensuite il fit à l'autre bout du fil :

« Fils, ton oncle Le cousin de son père. (2) Du Lin a appelé. Il a dit que tu n'es pas allé les voir depuis longtemps alors il t'invite à dîner ce week-end. Ce n'est pas convenable de ne plus te montrer là-bas. Prends le temps d'y aller ce week-end.

– ... »

Chi Yan se figea et hésita un bon moment avant de dire :

« Papa, désolé. Je voudrais bien y aller mais mon directeur de thèse m'a demandé de l'assister sur un projet. Je viens à peine de commencer. Tout le groupe travaille du matin jusqu'au soir et même les week-ends. La maison de mon oncle se trouve à plus d'une heure de la fac. Même si je vais juste dîner, cela me prendrait la moitié de la journée. Ce ne serait pas juste de demander congé maintenant. Je vais appeler mon oncle et lui dire que j'irai leur rendre visite quand je serai libre... »


Il mentait. Son directeur de thèse partait à l'étranger ce week-end et lui avait laissé le champ libre pendant un mois. Il n'y avait aucun projet qui nécessitait qu'il travaille autant. Cependant il n'avait trouvé que ça pour se défiler.

L'ancienne génération estimait toujours que les études étaient ce qui comptait le plus. En entendant ça, Chi Zhongyuan arrêta comme prévu d'insister pour qu'il y aille. Il lui fit simplement.

« D'accord, mais n'oublie pas d'appeler ton oncle. C'est ta famille aussi et il pense souvent à toi. Quand tu auras fini ton projet, achète un petit quelque chose pour ton oncle, ta tante et ta grande-tante quand tu iras les voir.

– En, en, » acquiesça plusieurs fois Chi Yan avant de raccrocher.


L'oncle Du Lin mentionné par son père était le fils de sa grande-tante.

Sa grande-tante était la petite sœur de sa grand-mère. D'après son père, il jouait souvent avec son oncle quand il était jeune et ils s'entendaient très bien. Mais quand il fut au lycée, ils déménagèrent dans la ville de A parce que le mari de sa grande-tante avait été transféré là-bas pour son travail. Malgré cela, les deux familles continuèrent de communiquer. Ils s'appelaient souvent pour se souhaiter la bonne année ou pour les autres fêtes. L'oncle Du Lin allait également souvent les voir dès qu'il passait par la ville de H. Chi Yan avait ainsi rencontré son oncle quand il était petit.

Ensuite Chi Yan fut admis à l'université de A et ses parents s'en réjouirent. Pendant les vacances d'été de son année de terminale, ses parents l'avaient emmené dans le voisinage pour repérer les lieux et ils s'étaient arrêtés chez son oncle en cours de route. À cette époque, le mari de sa grande-tante était décédé et son oncle était enfant unique. Il y avait donc la grande-tante, l'oncle et son épouse ainsi que leur fils qui venait juste d'entrer au lycée. Une famille de quatre vivait dans une maison de trois étages.


Leur maison était relativement récente. Le mari de sa grande-tante avait fait jouer ses relations et avait pu acheter le terrain avec la maison vingt ans plus tôt. Le style architectural et l'agencement des pièces était plutôt démodé. Sur bien des points, on pouvait voir que cette maison était ancienne. Le seul avantage était que les pièces étaient bien espacées, contrairement aux maisons actuelles où on vivait les uns sur les autres. C'était donc très tranquille avec une touche d'indépendance.

Son oncle et sa tante furent ravis de les voir et les reçurent chaleureusement. Malheureusement durant le dîner, Chi Zhongyuan reçut un appel disant qu'il y avait un problème au travail et qu'il devait revenir s'en charger sur-le-champ. Chi Zhongyuan avait prévu au départ de faire visiter le coin à son fils avec son épouse en attendant que la fac commence et de l'envoyer se présenter. Hélas, ce plan fut complètement chamboulé.


L'oncle Du Lin suggéra aussitôt :

« Si tu as un problème au boulot, cousin, ramène d'abord ton épouse et laisse Xiao Yan ici avec moi. On a plein de chambres vides de toute façon. Xiao Yan pourra aider son cousin pour ses devoirs. Quand la fac débutera, je l'y emmènerai. Xiao Yan est un grand garçon à présent, il peut se débrouiller tout seul et cela t'épargnera le trajet. »

Chi Yan voulait absolument voir à l'époque une exposition sur les sciences et la technologie aérospatiales dans la ville de A. L'exposition se terminait deux jours plus tard alors il accepta de rester chez son oncle.


La maison était supposée compter trois étages mais en fait le dernier étage était plus petit. Une des plus petites chambres servait de rangement, une avec une fenêtre servait de chambre d'ami et la troisième était aménagée en temple bouddhiste par sa grande-tante qui était très croyante. Il y avait un autel au centre sur lequel se trouvaient une statue de Bouddha et du Bodhisattva ainsi que des encensoirs, des fruits et des offrandes. Sur les murs se trouvaient des rouleaux dépeignant Bouddha dans le Paradis de l'Ouest, "Hanshan demande à Shide " Hanshan demanda une fois à Shide (poète de la dynastie Tang) : Si quelqu'un dans le monde disait du mal de moi, me maltraitait, m'insultait, se moquait de moi, me rabaissait, me détestait et me trompait, que devrais-je alors faire ?
Shide répondit : Tu n'as qu'à le tolérer, le laissait gagner, le laisser faire, l'éviter, être patient avec, lui respecter, ne pas lui prêter attention et attendre quelques années avant de le revoir !
(3), etc.

Son oncle et sa tante, son cousin et sa grande-tante avaient tous leur chambre au premier alors Chi Yan occupait le deuxième étage. Il avait tout un étage pour une seule personne. La taille de la chambre était correcte, il y avait un grand lit, une salle de bain et un balcon. Il était plutôt content.


Il venait de finir les examens d'entrée à l'université et les cours débuteraient dans quelques jours. C'était l'époque la plus insouciante. Ses parents étaient partis la nuit d'avant. Il avait bien dormi tout seul chez son oncle. Le lendemain il alla voir l'exposition avec son cousin puis passa beaucoup de temps à faire du shopping. Il ne rentra pas avant le dîner, ce qui lui convenait tout à fait. Son cousin non plus n'avait pas encore repris les cours car c'étaient les vacances d'été, et ils s'entendaient bien tous les deux. Après une folle journée de jeux, il était épuisé. Il prit une douche puis s'endormit dès que sa tête toucha l'oreiller. Il dormit à poings fermés et même si quelque chose de bizarre se produisit, il ne remarqua rien.


Une fois réveillé le matin, il reçut un coup de fil de son père qui lui demanda de bien se comporter chez son oncle. Il resta donc sagement à la maison ce jour-là : après le petit-déjeuner, il alla dans la salle Bouddhiste pour réciter des sutras à sa grande-tante qui avait une mauvaise vue, il aida sa tante à faire des raviolis chinois à midi et donna un cours particulier à son cousin l'après-midi. Après le dîner, il alla jouer au badminton avec son cousin sur un terrain voisin et ils ne rentrèrent pas avant vingt-deux heures.

Il dormit tout seul la nuit et se réveilla vers minuit, un peu confus. Il eut l'impression que la clim était en panne car l'air dans la chambre était chaud et sec, comme s'il ne circulait plus. Dans cette atmosphère étouffante, il pouvait parfaitement sentir quelque chose de froid l'enlacer étroitement par derrière.


Note de Karura : Tiens, tiens, je me demande ce que cela peut être... ou qui cela peut être 😋


Notes du chapitre :
(1) En Chine, les fantômes n'ont pas de pieds et/ou pas d'ombre.
(2) Le cousin de son père.
(3) Hanshan demanda une fois à Shide (poète de la dynastie Tang) : Si quelqu'un dans le monde disait du mal de moi, me maltraitait, m'insultait, se moquait de moi, me rabaissait, me détestait et me trompait, que devrais-je alors faire ?
Shide répondit : Tu n'as qu'à le tolérer, le laissait gagner, le laisser faire, l'éviter, être patient avec, lui respecter, ne pas lui prêter attention et attendre quelques années avant de le revoir !






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