Chapitre 11
Le jour de la nouvelle année était arrivé.
Chaque année, le duché de Magnus organisait un festival du Nouvel An. Il n’était pas de grande ampleur car le froid était tel que tout était gelé, mais cela restait une tradition.
Durant le jour, quand le soleil brillait, un petit festival était organisé dans les rues gelées, le premier depuis des mois. Le soir, les familles se réunissaient pour partager un bon repas ensemble.
Il en était de même au manoir du duc. Toutefois, la taille de la famille était bien plus grande que pour les gens du commun. Alors que tous ces gens se réunissaient, on était naturellement passé d’un dîner à un banquet. Parmi les nombreux membres de la famille de Magnus, seule une poignée était invitée au manoir pour assister à ce banquet.
En tant que fils unique du duc, Nigel était également obligé d’y assister.
« Je ne veux pas y aller.
– Jeune, jeune seigneur…
– Je disais juste ça comme ça. »
Nigel haussa gentiment les épaules pour son valet Danil, qui était un peu perturbé. Cependant, Danil était bien trop nerveux pour apprécier sa plaisanterie.
Il se mit à boutonner la tunique de Nigel avec des mains tremblantes, à tel point qu’il lui fallait trente bonnes secondes pour un seul bouton. Ces derniers temps, il s’était un peu détendu avec Nigel, mais il était toujours aussi nerveux lorsqu’il s’agissait de le servir.
« Danil, tu peux m’apporter une paire de gants ?
– Hum, lesquels ?
– Les violets. »
Pendant que Danil recherchait les gants violets de Nigel qu’il n’avait encore jamais vus, ce dernier termina de boutonner sa tunique et vérifia son apparence.
En temps normal, cela aurait été Inas qui se serait chargé de le préparer pour le banquet. Inas semblait apprécier énormément le fait d’habiller et de parer Nigel de la tête aux pieds. Quant à Nigel, il appréciait aussi les soins de l’adolescent. Il ignorait même le mécontentement de son père et s’était entêté pour que seul Inas le serve.
Que pouvait bien faire Inas en ce moment ?
Avec son statut actuel, il n’aurait pas le droit d’entrer dans la salle Orchidée, là où avait lieu le banquet, alors il serait certainement de garde à l’extérieur. Cela dit, cela n’aurait rien de bizarre s’il se faufilait dans la salle, mais…
Nigel ferma les yeux fermement avant de les rouvrir, ses pensées ayant de nouveau dérivé vers Inas. C’était toujours comme ça quand il était seul, il finissait par penser à des choses qu’il n’aurait pas dû. Mieux valait encore être entouré de monde dans la salle de banquet bondée.
« Danil ! »
Juste au moment où Nigel allait lui dire de lui ramener des gants noirs s’il ne trouvait pas les violets, il entendit le bruit de quelque chose qui tombait.
« Que se passe-t’il ? »
Nigel se dirigea vers la commode. En peu de temps, tout était en désordre : les tiroirs étaient sens dessus dessous, leur contenu éparpillé un peu partout.
« Je-je suis désolé… Je-je n’arrive même pas à retrouver ces gants.
– Non, ce n’est rien. En fait, je n’ai jamais eu de gants violets.
– Quoi ? »
Danil fut choqué par les paroles de Nigel. En réalité, si ce dernier lui avait demandé de lui rapporter quelque chose qu’il n’avait pas, c’était parce qu’il s’était dit que ce serait plus simple d’inventer une excuse pour éloigner Danil, plutôt que de lui dire franchement qu’il allait se charger de s’habiller lui-même puisque Danil était incapable de s’en occuper.
Traduction faite par Karura Oh. Lisez sur mon site http://karuraoh.free.fr ou sur Scan Manga. Si vous la voyez sur un autre site, c'est qu'ils ont volé cette traduction !
Le visage pâlot de Danil ne lui rappelait rien. Nigel ne se rappelait bien évidemment pas des visages de tous les domestiques, mais il reconnaissait au moins de vue ceux qui étaient restés au manoir un certain temps. Nigel devina que l’adolescent avait dû se faire renvoyer car il n’arrivait pas à effectuer le travail demandé.
Nigel aurait dû normalement le disputer pour le bazar qu’il avait mis, mais Danil tremblait tellement qu’il n’osa pas lui dire quoi que ce soit de rude. Nigel soupira et Danil trembla de plus belle.
« Alors c’est… c’est…
– Ne t’en fais pas. Ne range pas ça toi-même, fais venir quelqu’un d’autre. La prochaine fois, fais plus attention.
– Bien… » marmonna Danil d’un air morose.
Après avoir donné ses consignes, Nigel quitta la chambre. Le visage de Danil, qui était couvert de larmes jusqu’au départ du garçon, grimaça soudain quand la porte se referma. Danil contempla la porte fermée en se pinçant les lèvres. Son regard était furieux, mais cela ne dura pas. Danil baissa rapidement la tête.
« … »
Et l’ombre qui avait observé les deux adolescents disparut à son tour, suivant Nigel.
Quand Nigel entra dans la salle de réception, tous les regards se braquèrent sur lui. Jusqu’à l’an dernier, cela avait été Etna, l’héritier, qui avait été le centre de l’attention générale. Quant à Nigel, le cadet maladif, il n’avait intéressé personne. Sauf qu’à présent, il était l’unique enfant du duc et beaucoup de gens étaient venus le voir, comme si les rumeurs au sujet de la révélation s’étaient répandues.
N’importe quel enfant noble aurait tremblé nerveusement dans une telle situation, mais l’esprit de Nigel était celui du duc de Magnus. Il n’allait pas devenir anxieux juste parce qu’il attirait un peu l’attention. Pourtant, Nigel était pétrifié, mais pour une toute autre raison.
D’après la quête de Glarus, c’était aujourd’hui qu’Etna allait revenir à la vie. La gorge de Nigel était sèche parce qu’il ne savait si son grand frère allait ressusciter dans la salle de réception sous les yeux de tous, ou bien s’il allait revenir discrètement. Alors qu’il regardait tout autour, le visage pâle, Luther lui jeta un regard inquiet.
« Nigel, si tu ne te sens pas bien, repose-toi un peu.
– Alors je vais m’asseoir. »
Nigel se dirigea vers un coin sans la moindre hésitation. Heureusement, grâce à l’œil vigilant de son père, personne ne vint l’importuner. Nigel s’assit tranquillement et attendit la résurrection d’Etna.
Mais cela ne se produisit pas aussi rapidement qu’il l’aurait pensé. Il s’était imaginé que dès qu’il allait entrer dans la salle, Etna ferait une apparition grandiose grâce au pouvoir de Glarus dans une explosion de lumière, comme si un dieu était descendu sur terre. Comme il n’en fut rien, Nigel se détendit un peu et il s’assit confortablement, regardant tout autour.
La salle Orchidée était faite en pierres finement sculptées une par une et elle était décorée d’or. Tout brillait intensément où que se portait le regard. Nigel examina soigneusement la tapisserie qui représentait l’histoire des ducs de Magnus. Le premier duc de Magnus avait résolument levé une armée pour affronter le dieu du mal, le dragon de lumière et les autres monstres. L’histoire du duché avait commencé à la pointe de l’épée et s’était poursuivie sur les champs de bataille. Nigel observa une par une les scènes délicatement brodées, puis il tourna la tête.
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La salle Orchidée était remplie, même si le nombre d’invités avait été limité. Tout le monde semblait bien s’amuser. Bien sûr, chacun avait ses propres soucis mais ils ne se concentraient que sur le présent, ignorant tout de ce monde, du système ou du surnaturel absurde.
En temps normal, Nigel se serait joint à eux pour s’amuser bêtement, ou bien aurait tué le temps en boudant dans un coin.
Nigel resta seul dans la salle de réception, bien que Luther venait souvent prendre de ses nouvelles. Se sentant abandonné dans l’immense salle, Nigel s’adossa contre le mur. Normalement, Inas aurait dû être à ses côtés mais là, il se sentait terriblement seul…
Tout à coup, sa vision se troubla. Puis subitement, la scène qu’il vit changea.
Nigel battit des cils. La salle Orchidée, qui était normalement si paisible, était à présent recouverte de sang. Les épaisse tapisseries qui recouvraient chaque mur étaient tellement ensanglantées qu’on n’arrivait même plus à en distinguer les motifs. Le sang coulait sur le sol de marbre telle une rivière. Les gens qui avaient ri, discuté et bu joyeusement il y avait encore quelques instants n’étaient plus que des cadavres gisants au sol.
Ce devait être une hallucination, comme d’habitude… Mais même en sachant que ce n’était pas réel, cela restait une vue écœurante.
Il n’y avait plus que deux personnes qui se tenaient debout dans la salle Orchidée couverte de sang.
Nigel et Inas.
Le corps d’Inas était complètement recouvert de sang, le sang coagulé de Dieu savait combien de personnes tuées. Cependant, Nigel était aussi propre que s’il avait été le seul à ne pas être présent lors du massacre.
Pourtant, son visage était terrifié, comme un homme qui avait assisté à la scène la plus horrible au monde.
« Sau-sauve-moi…
– Nigel. »
Inas s’approcha rapidement de lui. Craignant qu’il ne salisse Nigel avec le sang, il ne lui tendit pas la main. Ce fut Nigel qui saisit le bras d’Inas et se pressa contre lui.
« Sauve-moi, Inas. Aide-moi. Je t’en supplie, sauve-moi. Non, non, je déteste ça, je déteste ça !
– Nigel ! »
Quand Inas se mit à crier, Nigel tressaillit violemment. Ses yeux posés sur Inas perdirent leur focus et une larme solitaire en coula.
Inas saisit les deux bras de Nigel qui lâcha un léger cri. Il baissa ensuite la tête, l’air aussi hébété qu’une poupée. Son visage angoissé était pâle de terreur.
« Personne ne va vous faire du mal.
– Non, » marmonna Nigel en s’agitant, niant les paroles de son chevalier.
Ses faibles mouvements furent facilement maîtrisés par la poigne puissante d’Inas.
Au bout d’un moment, Nigel releva son visage misérable. Dans la pièce sombre, une ombre solide de terreur était projetée sur son visage.
« Inas, je t’en prie…
– Seigneur Nigel, je me dévouerai corps et âme pour vous protéger. »
La voix solide et sans hésitation semblait très digne de confiance au premier regard. Toutefois, Nigel grimaça en entendant ces paroles. Il jeta un regard furieux à Inas, puis éclata soudain de rire. Il rit comme un dément pendant un long moment, puis s’arrêta net. Une méfiance profondément enracinée en lui était affichée sur son visage aussi inexpressif qu’un masque.
« Menteur. »
La voix haineuse résonna froidement dans la salle Orchidée remplie de mort.
En même temps, tout autour de lui se mit à se teindre de noir.
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« Nigel ! »
La voix de Luther fit sursauter Nigel et lui fit reprendre ses esprits. Son corps tout entier était couvert de sueur froide, comme s’il venait de se faire extirper de la mer. Ses joues étaient également baignées de larmes.
La vision trouble, Nigel plissa les yeux pour voir où il se trouvait. C’était une petite salle de repos attenante à la salle Orchidée.
« Papa, je, que…
– Je t’ai amené ici parce que tu semblais faire un cauchemar… Tu tremblais dans ton sommeil comme si tu faisais une crise… Tu vas bien ?
– Oui, je vais bien. J’imagine que je suis juste encore un peu sous le choc.
– Je pense qu’on ferait mieux de faire venir le médecin.
– Je vais bien… »
Nigel regarda tout autour. La vue panoramique de la salle Orchidée remplie de sang qu’il avait vue dans sa vision ne voulait pas disparaître de son esprit. Il voulait donc imprimer dans sa vision la réalité sans la moindre anormalité.
Puis Nigel aperçut soudain des yeux qui l’observaient d’une petite fenêtre par derrière.
Des yeux dorés brillants luisaient de l’autre côté de la fenêtre, fixant attentivement Nigel.
« Ah, aaaaaah !
– Nigel ?
– Quel-quel-quelqu’un. Dehors… » fit Nigel en tremblant et en désignant la fenêtre.
Le visage de Luther se déforma sous l’effet de la colère. Il dégaina aussitôt son épée tout en tirant son fils derrière lui.
« Qui va là ?! »
Une main blanche ouvrit subitement la fenêtre. Nigel et Luther ne purent s’empêcher de se figer de surprise en voyant le visage qui apparut soudain.
« C’est moi, père. »
Le nouveau venu derrière la fenêtre qui se présenta de manière aussi informelle n’était nul autre qu’Etna.
Son apparence était étrange. Ses cheveux étaient complètement blancs, comme ceux d’un vieil homme, et ses yeux étaient d’une couleur dorée qui donnait un sentiment d’étrangeté chez un humain. Hormis ça, son apparence était la même mais à cause de ses couleurs de cheveux et d’yeux qui avaient changé, on aurait dit quelqu’un d’autre.
Pourtant, c’était bel et bien Etna qui se trouvait devant eux.
« … Que diable est-ce là ? » murmura Luther.
Bien que Nigel avait été prévenu à l’avance par Glarus, il fut tout de même surpris. Par conséquent, Luther fut encore plus choqué qu’il ne l’aurait imaginé. Le duc de Magnus, qui n’avait jamais attrapé ne serait-ce qu’un rhume malgré toute une vie sur les champs de bataille, tituba sous l’effet du choc.
« Papa !
– Père. Et aussi Nigel. Cela faisait longtemps. »
Etna ouvrit complètement la fenêtre et passa par là. Il salua Luther tout en le soutenant d’une main. Cependant, Luther le repoussa d’un air confus, puis il jeta un regard médusé à Nigel
« Nigel, vraiment. C’est vraiment…
– En effet, papa. Je vous l’avais bien dit, c’est grand frère. »
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Nigel jeta un regard en coin à Etna. Le statut de ce dernier était presque comme ce qu’il avait vu l’autre fois.
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Cependant, la profession avait changé pour devenir <Incarnation de Glarus>. Cela ne présageait rien de bon pour Nigel, qui n’appréciait guère le dieu.
Hormis ce que disait la fenêtre d’informations, il n’y avait rien de suspicieux chez Etna. Il était le même que de son vivant.
« Euh, que… ça n’est pas possible… »
À côté de Nigel, Luther était très perturbé. Il était choqué et stupéfait, comme s’il voyait un fantôme.
« Je comprends que vous n’y croyez pas, père. Parce que même moi, j’ai du mal à y croire.
– Etna.
– Mais je peux tout vous expliquer. »
Une voix claire et assurée, une attitude calme et un air rempli de confiance, une posture assurée et des manières se révélèrent lors de ces petits gestes. Ses yeux étaient doux et francs, on pouvait y sentir toute la compassion pour son père et l’affection pour son petit frère. Tout cela indiquait qu’il s’agissait d’Etna, car ce serait bien trop difficile à imiter aussi aisément.
Luther lui jeta un regard méfiant, encore confus. Son expression indiquait qu’il aurait bien voulu y croire, mais qu’il s’y refusait.
Puis sans prévenir, il brandit son épée vers Etna.
Note de Karura : Etna est enfin ressuscité, qu’est-ce que cela va apporter ?
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