Chapitre 58 : Profiter pour entrer dans un rêve la nuit
… De qui est-ce qu’il parle ? Jiu Zhideng ?
Xu Xingzhi ressuya les lèvres ensanglantées pour lui.
Il profita de la lueur du feu pour contempler son visage douloureux et tourmenté. Xu Xingzhi découvrit alors qu’il n’y avait que de la tendresse dans son cœur, comme s’il était un père qui avait élevé cet enfant depuis tout petit et qui, le voyant si triste, ne désirait que le cajoler pour lui redonner le sourire.
« Chongguang ? »
Meng Chongguang releva légèrement les sourcils mais ne se réveilla pas. Il continua à s’agiter et à se retourner, mal à l’aise. Les bras dont Xu Xingzhi venait de se libérer s’agitèrent pour le reprendre dans ses bras. Mais à mi-chemin, le jeune homme retira ses bras et les passa férocement autour de lui-même afin de les retenir de toutes ses forces, comme s’il avait peur de faire du mal à Xu Xingzhi.
Ce dernier fit claquer sa langue.
« Idiot. »
Il s’allongea de nouveau et prit fermement de sa main en bois Meng Chongguang, qui était recroquevillé sur lui-même. Il pressa son menton contre ses cheveux trempés de sueur. De son autre main, il déplia le Pinceau Libre, concentra son énergie spirituelle et le transforma tour à tour en plusieurs rouleaux de parchemin. De son index, il brisa le sceau en cire rouge, puis déroula le parchemin.
Il y avait de nombreux livres anciens et des méthodes de cultivation secrètes dans le Pinceau Libre. Comme Xu Xingzhi n’avait pu voir tous les souvenirs, il ne savait pas comment employer certaines techniques mais heureusement, il savait lire très vite. En parcourant le rouleau d’une main et en lisant dix lignes d’un coup, il trouva rapidement la technique pour entrer dans un rêve.
Il jeta le rouleau dans les airs, serra Meng Chongguang dans ses bras, puis concentra son énergie spirituelle. Il envoya lentement une petite quantité de lumière verte le long de ses méridiens.
Le rouleau redevint un éventail dans les airs et atterrit avec précision et en silence sur la taille de Xu Xingzhi.
Le rêve de Meng Chongguang commençait par une lumière d’un rouge agressif.
Le ciel et la terre ne faisaient qu’un, il était difficile de distinguer le haut du bas. Tout autour était enveloppé dans un épais brouillard uniforme, la fumée recouvrant tout. Xu Xingzhi regarda tout autour et eut l’impression qu’il était déjà venu ici. L’un des banians flétris en particulier semblait familier.
Il posa les doigts sur les branches mortes de ce banian et tenta d’activer son pouvoir spirituel.
Le monde changea subitement et ce qui apparut sous ses yeux fut un chemin sinueux de dalles.
Ébahi, Xu Xingzhi se rappela enfin de cet endroit.
— C’était là que l’avait emmené de force Huang Shanyue, une ancienne petite sœur martiale de sa secte.
Quand la brume disparut, une odeur cuivrée se manifesta, assaillant les narines.
Xu Xingzhi emprunta le chemin de dalles et plus il s’avança, plus l’odeur de sang se fit forte.
Le Pinceau Libre était aussi venu avec lui. Il le transforma en une épée courte qu’il dégaina à moitié pour se protéger. Il s’avança en silence jusqu’à la cellule secrète dans la montagne.
Au détour du chemin, il aperçut Meng Chongguang qui se tenait au centre de la cellule.
Il y avait plus d’une dizaine de cadavres gisant devant lui dont on ne pouvait même plus distinguer la forme humaine. Meng Chongguang était simplement assis parmi cette mer de cadavres et de sang. Il tournait le dos à Xu Xingzhi et il était impossible de voir s’il était heureux ou furieux, voire même s’il était vivant ou mort.
Traduction faite par Karura Oh. Lisez sur mon site http://karuraoh.free.fr ou sur Scan Manga. Si vous la voyez sur un autre site, c'est qu'ils ont volé cette traduction !
De dos, il ressemblait à un homme qui avait réussi à se suicider en s’ouvrant le ventre : les épaules affaissées, la tête penchée en avant, ses vêtements débraillés sur le côté et la moitié de ses épaules dénudées. Il ne se rendit pas compte de la présence de Xu Xingzhi.
Ce dernier appela avec hésitation :
« Chongguang ? »
Les épaules de Meng Chongguang tressaillirent et il tourna lentement la tête vers lui.
Ce faisant, Xu Xingzhi put enfin voir clairement qu’il y avait une forme humaine dans les bras de l’autre jeune homme.
La raison pour laquelle il qualifiait ça de forme humaine, c’était parce que la chose était en bouillie. La peau et les muscles de son corps avaient été arrachés par ce qu’on aurait dit être des cordes de chanvre trempées dans de l’eau. Il était donc impossible de distinguer le visage de cette forme.
« … Grand frère martial ? »
Dès que Meng Chongguang fut en vue de Xu Xingzhi, ce dernier sentit sa gorge se serrer.
Meng Chongguang était du genre à jouer la comédie, se comporter comme un enfant gâté et jouer les victimes. Il aimait verser des larmes pour tout et n’importe quoi mais en cet instant, ses yeux étaient secs. Malgré ça, le cœur de Xu Xingzhi se serra de douleur comme s’il venait de se faire frapper par la foudre.
« Grand frère martial… »
La voix de Meng Chongguang semblait lancer un appel au secours, comme s’il était un voyageur en train de glisser au bord d’un profond ravin, avec un mince rayon d’espoir en vue.
Xu Xingzhi fit quelques pas vers lui. De son côté, Meng Chongguang se leva aussi en titubant et courut vers lui.
Il était couvert de sang sur tout le devant de sa tunique.
C’était le sang des autres, pas le sien. Mais pour une raison étrange, Xu Xingzhi avait presque l’impression que ce sang coulait directement de son cœur.
Meng Chongguang se jeta dans ses bras et ses deux mains couvertes de sang s’agrippèrent fermement à ses vêtements.
« Grand frère martial, tu étais où ? »
Comme il semblait très perturbé, Xu Xingzhi n’eut pas d’autre choix que de le réconforter :
« Je suis là, je ne suis allé nulle part.
– Vraiment ? Alors… Chongguang a dû rêver à l’instant. »
Le regard de désorientation à l’état pur du jeune homme lui donna froid dans le dos.
« Grand frère martial, Chongguang a eu tort. Ne fais plus peur à Chongguang dorénavant. »
Xu Xingzhi avait la sensation que s’il suivait ce rêve, il allait découvrir quelque chose. Alors il serra le jeune homme dans ses bras pour le guider patiemment et systématiquement :
« Entendu. Mais d’après ce que tu as dit, en quoi tu as eu tort ?
– Je suis juste allé au pont bleu… Je voulais cueillir des orchidées pour grand frère martial afin de décorer notre maison. Le seul endroit des Terres Sauvages où poussent des orchidées… Je n’aurais jamais pensé qu’ils te feraient une chose pareille… »
Comme pour souligner ses paroles, Meng Chongguang pointa du doigt les cadavres éparpillés au sol, une lueur d’espoir innocent brillant entre ses cils.
« Regarde, grand frère martial, je t’ai vengé. »
Xu Xingzhi fronça les sourcils et observa les cadavres. Il ne put que se baser sur les lambeau de vêtements encore accrochés aux corps que Huang Shanyue et l’homme à la peau de bête, le maître du Mont Scellé, se trouvaient parmi eux.
… Pourquoi Meng Chongguang rêvait-il d’avoir massacré les gens du Mont Scellé ?
Un léger frisson glacé parcourut le cœur de Xu Xingzhi.
Il leva la tête et regarda en direction du corps que Meng Chongguang avait serré contre lui. La carcasse gisait à présent au sol. Son visage était indistinct, mutilé, mais en tout cas cette personne avait rendu son dernier souffle.
Avec de telles blessures, même si on l’apportait à Yuan Ruzhou, il ne pourrait pas s’en remettre. Aucune pilule médicinale ne pourrait le sauver non plus.
Toutefois, Xu Xingzhi se sentait de plus en plus choqué en l’observant.
Quel que soit l’angle sous lequel il regardait la silhouette de cet homme gisant au sol, il trouvait ça familier, et c’était le genre de familiarité qui lui serrait la gorge.
Traduction faite par Karura Oh. Lisez sur mon site http://karuraoh.free.fr ou sur Scan Manga. Si vous la voyez sur un autre site, c'est qu'ils ont volé cette traduction !
Conscient que le regard de Xu Xingzhi avait changé, Meng Chongguang saisit timidement un pan de ses vêtements et lui bloqua la vue.
« Grand frère martial… Ne regarde pas ça, c’est juste un faux. Retournons à la tour. »
Xu Xingzhi réprima de force les palpitations de son cœur et regarda droit dans les yeux le Meng Chongguang de son rêve :
« Nous sommes déjà allés au Ruisseau du Tigre Bondissant ? »
Tandis qu’il regardait Xu Xingzhi, le visage pâle de Meng Chongguang reprit des couleurs.
« … Grand frère martial, tu veux aller au Ruisseau du Tigre Bondissant ?
– On y est déjà allé ou pas ? »
Meng Chongguang saisit fermement la paume douce de l’autre jeune homme et retrouva son comportement normal. Il considéra le cadavre derrière lui comme un rêve de Nanke Une illusion éphémère. Plus d’informations sur ce site : http://chinese-shortstories.com/Chengyu_Reve_de_Nanke.htm (1) :
« Grand frère martial connaît quelqu’un au Ruisseau du Tigre Bondissant ? Peu importe où grand frère martial veut aller, Chongguang le suivra.
– … »
Dans le rêve de Meng Chongguang, ils ne s’étaient pas encore rendus au Ruisseau du Tigre Bondissant.
… En outre, il avait aussi déjà entendu Meng Chongguang parler d’un ‘pont bleu’.
Peu de temps après son arrivée dans les Terres Sauvages, quand l’homme à la peau de loup, le maître du Mont Scellé, avait tenté de l’enlever, il avait envoyé ses hommes surveiller Meng Chongguang. En apprenant que ce dernier s’était rendu au pont bleu, il avait osé se lancer à l’attaque mais avait été pris sur le fait par Meng Chongguang, qui avait rebroussé chemin en cours de route. Il avait fini par être totalement paralysé et avait quitté la scène en se faisant enfermer.
Le maître du Mont Scellé avait été autrefois connu sous le nom de Seigneur des Terres Sauvages, mais il n’était vraiment qu’un personnage secondaire sans le moindre intérêt. En plus, après avoir affronté Nan Li et les Géants des Origines, Xu Xingzhi ne se rappelait pratiquement plus ce que cet homme lui avait fait.
Par contre, Meng Chongguang semblait se soucier autant de cette histoire qu’il voulait massacrer de nouveau tout le Mont Scellé dans ses rêves ?
… Il devait sans doute avoir vraiment eu très peur que quelque chose lui arrive, pas vrai ?
En songeant ainsi, le cœur de Xu Xingzhi s’adoucit à l’extrême. Il prit Meng Chongguang dans ses bras et déposa un tendre baiser sur son front.
« … Tu fais vraiment des choses extrêmement stupides. »
Les lèvres de Meng Chongguang tremblèrent et il releva la tête avec incrédulité.
« … Grand frère martial ? Tu… »
Xu Xingzhi comprit alors que l’homme en face de lui était le Meng Chongguang qui n’avait pas encore reçu son ‘pardon’. En voyant son air rempli de surprise, son cœur fut un peu peiné.
Il se pencha et embrassa lentement l’arête de son nez couvert de sang.
« Si j’avais su que tu souffrais autant intérieurement, je l’aurais fait avec toi dès mon premier jour dans les Terres Sauvages. »
Meng Chongguang parut suffoquer. Il fixa l’autre homme droit dans les yeux et passa soudain à l’action. Il le fit se retourner et les vêtements dans le dos de Xu Xingzhi furent déchirés dans un sifflement.
Xu Xingzhi posa les mains sur le mur de pierres. Il tourna la tête sur le côté car il voulait encore jeter un autre coup d’œil au cadavre que Meng Chongguang avait tenu dans ses bras. Il voulait tenter de comprendre pourquoi ce visage lui faisait si froid dans le dos et l’effrayait.
Meng Chongguang ne lui en laissa pas l’occasion. Après s’être rendu compte de la direction qu’avaient pris les yeux de Xu Xingzhi, il le souleva dans ses bras comme on portait une princesse. Les vêtements déjà déchirés de Xu Xingzhi s’abaissèrent, comme un nuage de printemps.
Meng Chongguang s’éloigna à grands pas sans même un regard pour le corps gisant dans son dos.
… Ou peut-être qu’il n’osait pas regarder parce qu’il avait peur que le cadavre était réel tandis que la personne dans ses bras était fausse.
Les deux jeunes hommes copulèrent joyeusement comme dans la source chaude au palais de Nan Li, et ils roulèrent quasiment tout le long du chemin dallé.
Pendant que Xu Xingzhi était en train de suer et de haleter, il rester un soupçon de doute dans son cœur : si le cadavre était la projection illusoire de la peur de Meng Chongguang, pourquoi n’avait-il pas disparu quand Meng Chongguang avait vu Xu Xingzhi ?
Qui était ce corps mutilé gisant à terre que Meng Chongguang serrait contre lui ? Comment se faisait-il qu’il semblait si familier ?
Meng Chongguang ne sembla pas content de le voir distrait, alors il s’agita dans son corps comme un poisson qui remuait sa queue. Cela fit pâlir Xu Xingzhi qui faillit briser en morceaux les rochers qu’il serrait entre ses mains.
« Espèce d’enfoiré de petit… »
Meng Chongguang arbora l’air entêté de celui qu’on accusait à tort :
« Ce n’est pas vrai. »
Traduction faite par Karura Oh. Lisez sur mon site http://karuraoh.free.fr ou sur Scan Manga. Si vous la voyez sur un autre site, c'est qu'ils ont volé cette traduction !
Xu Xingzhi ne savait tout bonnement plus s’il devait en rire ou en pleurer.
Un peu plus tôt encore, il avait laissé cette petite canaille agir à sa guise en dehors de la grotte. Contre toute attente, Xu Xingzhi était aussi venu de son propre chef dans son rêve pour se faire baiser.
Après s’être bien amusés pour commencer, les deux couchèrent ensemble pour de bon. Meng Chongguang tenait fermement les chevilles de son partenaire et son membre exquis cracha son sperme.
Après cet amusement, Xu Xingzhi avait encore de l’énergie à revendre. Au contraire, Meng Chongguang semblait avoir perdu son corps et sa chair. Il était allongé mollement sur le sol, murmurant quelque chose avec le regard dans le vide.
En dépit de la douleur, Xu Xingzhi se releva lentement. Ses longs cheveux d’un noir de corbeau, sans le guan, retombèrent sur ses épaules.
Il appela doucement :
« Chongguang ? »
Meng Chongguang ferma les yeux à moitié et tomba dans un nouvel état hystérique. Il gémit d’une voix rauque :
« Grand frère martial… je dois te retrouver… Tu n’as pas le droit d’aller nulle part, je peux te retrouver où que tu ailles… Je cours, cours très vite… »
Ses propos étaient décousus mais rien qu’en entendant le ton de sa voix, Xu Xingzhi ressentit un peu de compassion. Il embrassa son front couvert de sueur.
Au moment où ses lèvres touchèrent le front de l’autre, il eut soudain une idée.
… Il pouvait peut-être lire dans les souvenirs de Meng Chongguang tant qu’il y était ?
Quand il avait lu tout à l’heure la méthode pour entrer dans un rêve, il avait aussi jeté un coup d’œil à cette autre technique.
Xu Xingzhi inspira plusieurs fois et harmonisa les six esprits qui régnaient sur les organes vitaux. Il rassembla son pouvoir au bout de son doigt et tapota lentement le centre du front de Meng Chongguang.
À sa grande stupeur, à peine fut-il entré qu’une tristesse aussi immense que l’océan le frappa de ses vagues déchaînées. Cela lui donna la nausée et il ne put supporter ça plus longtemps, un mal de crâne explosant dans son cerveau.
Instinctivement, Xu Xingzhi se retira presque aussitôt de la mer de connaissances de Meng Chongguang.
Malgré ça, les conséquences d’avoir lu cette mer de connaissances firent que le visage de Xu Xingzhi vira au bleu et au jaune. Il se leva en vacillant et s’éloigna de quelques pas. Il finit par s’appuyer contre le mur de pierre et vomir.
Quand cela lui passa, il s’adossa contre la paroi, haletant.
… Il les avait à peine effleurés et il n’en pouvait déjà plus, alors… comment Meng Chongguang, qui semblait dormir paisiblement à côté de lui, pouvait supporter ces souvenirs jour après jour ?
Note de Karura : Quel est donc ce rêve étrange ?
Notes du chapitre :
(1) Une illusion éphémère. Plus d’informations sur ce site : http://chinese-shortstories.com/Chengyu_Reve_de_Nanke.htm
Commentaires :