Chapitre 94 :
Ne pas naître dans le même lit
Début d’une citation d’un opéra de Wang Xhifu : L’histoire du pavillon d’Occident. La citation complète est : ne pas naître dans le même lit mais être enterrés ensemble. (1)
Après un long moment, Xu Xingzhi prit conscience qu’il était toujours en vie et qu’il occupait le lit de Lu Yujiu pour se reposer.
Le problème, c’était que ce lit avait été fabriqué pour s’adapter à la taille de Lu Yujiu. Du coup, Xu Xingzhi était un peu à l’étroit dedans et il devait plier les genoux pour pouvoir s’allonger dessus. Les gens autour de lui discutaient de quelque chose et il parvint à reconnaître vaguement des mots comme ‘Livre du Monde’, ‘fragments’, ‘les autres Artefacts’ et ainsi de suite.
Un pouvoir spirituel circulait en continu dans son corps et il avait l’air très familier. Xu Xingzhi réfléchit un moment : ce genre de pouvoir spirituel aussi vaste que l’océan ne pouvait qu’appartenir à Meng Chongguang.
Il entendit Zhou Beinan demander avec anxiété :
« … Tu ne peux pas l’extraire ? »
Meng Chongguang ne répondit pas, mais le pouvoir spirituel circulant dans le corps de Xu Xingzhi se fit plus invasif. Après avoir circulé de la tête aux pieds, le pouvoir se retira, signe que l’extraction ne s’était pas bien passée.
Xu Xingzhi soupira intérieurement : s’il y avait un moyen de retirer le Livre du Monde de son corps, pourquoi son maître et son oncle martial se seraient donnés tant de mal autrefois à le prendre comme disciple et à lui offrir la clochette ?
Il avait seulement l’impression que son corps était aussi lourd qu’une montagne. Il lui fallut un effort colossal pour se redresser sur le lit. Aussitôt que son corps se souleva un peu, une paire de bras le recueillit et lui fit boire un peu d’eau.
Le visage de Xu Xingzhi était aussi pâle qu’un linge. Malgré ça, il eut un léger rire avant de commenter :
« Ce truc est plutôt puissant, ah.»
Après les indices, ce simple test et la réaction de Wen Xuechen, il avait confirmé qu’il avait bien un fragment du Livre du Monde dans son corps et que ce qui se trouvait dans les trois bourses en brocart devant lui était sans nul doute des fragments des trois autres Artefacts : le Miroir de la Triste Séparation, l’Épée Limpide et l’Arc du Cosmos.
Ces Artefacts provenaient du même fourneau. Il existait donc une certaine sensibilité mutuelle entre eux, assez pour leur permettre de se sentir à distance. Tant qu’ils n’étaient pas réunis, ils faisaient les choses à leur manière et ne se mêlaient pas des affaires des autres. Mais aujourd’hui, les quatre fragments avaient été réunis, alors l’effet avait été plutôt extraordinaire.
Sauf que cet effet extraordinaire était vraiment trop horrible. Xu Xingzhi avait encore l’impression d’être un gant qu’on avait retourné. L’impression que sa peau se trouvait à l’intérieur tandis que ses os étaient à l’extérieur le faisait encore trembler d’effroi.
Après avoir vu à l’instant la lumière bourdonnante sur la table ainsi que le corps de Xu Xingzhi qui avait aussi émis de la lumière, plus personne ne doutait des paroles du jeune homme.
Zhou Beinan se retint un long moment avant de dire :
« C’est pour ça que maître Qing Jing avait fait une exception pour t’accepter comme disciple en chef de la Montagne de la Tombe du Vent… »
Xu Xingzhi hocha la tête.
« Il semble à présent que ce n’est pas parce que je suis trop beau. »
Zhou Beinan resta à court de mots un moment. Son cœur était tellement rempli de colère qu’il se trouva une table pour en faire un punching ball et tapa du poing dessus.
« Tout ça pour un foutu morceau de livre inutile, maître Guang Fu n’a pas arrêté de te soupçonner et il t’a brisé la main ?
– Ai, qu’est-ce que tu traites de foutu et d’inutile, ah ? »
Xu Xingzhi préféra économiser ses forces. Après avoir confirmé qu’il pouvait bouger les orteils, il balança ses jambes lourdes comme du plomb au bord du lit. Meng Chongguang prit la relève, tapotant et massant ses jambes alors que Xu Xingzhi les étirait avec un soupir d’aise.
« Ces Terres Sauvages ont sans doute été créées à partir des quatre Artefacts. Je ne sais pas pourquoi il n’est plus resté que le Livre du Monde dans notre monde, mais il a retranscrit par ma main les lieux où on peut obtenir des informations sur les fragments. Il faut juste qu’on aille à la Mer du Décapité et qu’on trouve le fragment du Livre du Monde, et puis on pourra quitter cet endroit. »
De sa main gauche, il pressa le poignet amputé de sa main droite et le caressa.
À en juger par la douleur terrifiante à l’instant, le Livre du Monde avait déjà fusionné avec tous ses méridiens au fil des années. S’il voulait le faire sortir de son corps, la seule solution était de se tuer.
Traduction faite par Karura Oh. Lisez sur mon site http://karuraoh.free.fr ou sur Scan Manga. Si vous la voyez sur un autre site, c'est qu'ils ont volé cette traduction !
En songeant à ça, Xu Xingzhi prit un air un peu plus abattu.
« Si seulement on avait ma main droite coupée. Ce doit être bien plus facile de récupérer le fragment d’une chose morte. »
Zhou Beinan agita la main.
« Inutile de parler pour ne rien dire. Allons plutôt tout de suite à la Mer du Décapité. »
Yuan Ruzhou eut un léger soupir.
« La Mer du Décapité est vaste et infinie, et il est impossible de flotter dessus. Chercher un fragment là-bas, ne serait-ce pas comme chercher une aiguille dans la mer orientale ?
– Comment tu sais qu’il est impossible de flotter sur la Mer du Décapité ? demanda Zhou Beinan avec curiosité.
– Tu as oublié ? Tao Xian et grand frère martial Qu viennent de là-bas. Tao Xian a dit qu’il y a du brouillard en permanence sur la Mer du Décapité et que même une feuille d’arbre n’arrivait pas à flotter. À l’époque, grand frère martial Qu a presque épuisé tout son pouvoir spirituel pour les sortir tous les deux de là. »
Après ça, la conversation reprit et personne n’aurait pensé que les deux personnes citées avaient quelque chose à voir avec le fragment de la clef.
Zhou Beinan se tourna vers Xu Xingzhi, une lueur passant dans son regard :
« Tu ne peux pas te servir du Livre du Monde pour trouver plus précisément l’emplacement du fragment ? »
Xu Xingzhi ne savait pas s’il devait en rire ou en pleurer.
« Gros Zhou, tu t’imagines quoi ? Si ce Livre du Monde pouvait m’obéir, j’aurais déjà dessiné une porte des Terres Sauvages pour nous faire sortir au lieu de nous envoyer dans la mer ! »
Après ça, il avait presque recouvré ses forces. Le Pinceau Libre s’ouvrit dans sa paume gauche, dévoilant son joli tissu fleuri.
« … Cela dit, il existe un moyen de gagner du temps et de s’épargner des efforts. »
Naturellement, Zhou Beinan s’empressa de demander :
« Lequel ? »
Xu Xingzhi fit avec assurance :
« Couper un de mes orteils et voir si on ne peut pas le transformer en… »
Avant qu’il ne puisse achever sa phrase, il se fit frapper de tous les côtés.
Seul Lu Yujiu était bien trop respectueux pour oser réagir. Mais Yuan Ruzhou le frappa sur l’épaule, Meng Chongguang lui pinça la taille et Zhou Beinan le frappa à la jambe de sa lance. Avec cette attaque venant de trois côtés, Xu Xingzhi fut poussé en avant et en arrière.
… Heureusement, aucun coup ne fit vraiment mal.
Le visage de Meng Chongguang était si orageux que de l’eau en coulait.
« Grand frère martial ! Ne plaisante pas là-dessus ! »
Zhou Beinan se montra plus direct :
« Tu as de l’eau à la place de la cervelle ou quoi ?! »
Xu Xingzhi toussota et se cacha le visage de son éventail. Avec un rire jaune, il fit :
« Je disais juste ça comme ça, juste ça comme ça. »
Mais Meng Chongguang ne fut pas dupe de son air nonchalant.
Le troisième fragment qu’ils avaient obtenu du Territoire Hors du Monde, on aurait pu croire que cela avait été facile mais en fait, ils avaient simplement eu de la chance. En plus, Lin Haoxin avait dit que lorsqu’ils avaient trouvé le fragment, cela faisait déjà bien treize ans qu’ils vivaient dans le marais.
S’ils n’arrivaient pas à trouver le dernier fragment, étant donné le tempérament de son grand frère martial, allait-il vraiment rester là à les regarder perdre encore treize années dans les Terres Sauvages sans rien faire ?
À ce moment, si son grand frère martial était vraiment déterminé à leur permettre de quitter les Terres Sauvages et qu’afin de récupérer tous les fragments, il se coupait un doigt ou un orteil, Meng Chongguang serait-il vraiment capable de l’en empêcher ?
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Le cœur de Meng Chongguang s’affola, alors il chercha à prendre la main de Xu Xingzhi en cachette. Cependant, ce dernier le devança et saisit sa paume contre la sienne en la pressant d’un air rassurant.
Pendant que tous les autres continuaient à débattre des mystères absolus qui entouraient les Artefacts, Xu Xingzhi murmura à Meng Chongguang :
« Ne t’en fais pas. Quoi que je décide de faire, j’en parlerai d’abord avec toi. »
Sa voix rauque se glissa dans l’oreille de Meng Chongguang, grattant son lobe jusqu’à ce qu’il soit un peu rouge :
« Fais-moi confiance, d’accord ? »
Zhou Beinan tourna la tête et vit ces deux-là en train de chuchoter entre eux et l’air très proche. Il regarda alors automatiquement Lu Yujiu avec des yeux très chaleureux et le vit assis gentiment au bord du lit en train de regarder lui aussi Meng Chongguang et Xu Xingzhi qui se comportaient sans la moindre gêne. Son regard était un peu envieux. Après les avoir observés un moment, il jeta un regard en coin à Zhou Beinan, prudent comme un petit mulot qui tentait de dérober une courge en cachette.
Aussitôt, les yeux du petit mulot croisèrent ceux de sa courge.
Des yeux écarquillés fixèrent un moment l’autre regard plus calme, puis le petit mulot s’enfuit aussitôt, la queue entre les jambes.
Zhou Beinan se gratta les joues qui étaient un peu chaudes, puis il interrompit les chuchotements de Meng Chongguang et Xu Xingzhi de manière franche, impolie et quelque peu jalouse :
« Vous deux, vous flirterez plus tard. Bon, assez discuter. Quand est-ce qu’on part ? »
Xu Xingzhi referma son éventail et joua avec la poignée en bambou du bout des doigts.
« Je pense que cette fois, nous n’avons pas à nous précipiter. Il y a certains points que je voudrais clarifier : nous avons capturé Xuechen, qu’allons-nous faire de lui ? Quand Jiu Zhideng découvrira qu’il est retenu prisonnier, est-ce qu’il va envoyer des gens à son secours ? Allons-nous diviser nos forces ou bien partir tous ensemble ? Nous devons discuter soigneusement de ces questions. En plus, Xiao Lu a été blessé il y a quelques jours, et pas qu’un peu. Alors autant reprendre tous des forces. Pas de hâte, pas de hâte.
– … Comment ça, pas de hâte ? marmonna Zhou Beinan. Tu as dit aussi que ce que le Livre du Monde t’a fait écrire n’est pas l’emplacement exact des fragments, mais des endroits où on peut obtenir des informations à leur sujet. Que ferons-nous si le fragment est bel et bien apparu avant dans la Mer du Décapité mais qu’il a ensuite été emporté ailleurs ? »
Xu Xingzhi fit d’un ton nonchalant :
« Que le fragment ait été emporté ou qu’il soit toujours dans la Mer du Décapité, nous pourrons en tout cas toujours obtenir des informations utiles en allant là-bas. »
Comme c’était le Livre du Monde qui leur avait indiqué ça, il n’y avait nul doute à avoir.
Quand Tao Xian sortit en titubant de la tour comme une âme en peine, il ressemblait à un homme beau et fragile comme du papier. Il semblait flotter, comme si ses pieds ne touchaient pas le sol et que le moindre coup de vent pourrait l’emporter.
La petite pagode de Qu Chi avait déjà atteint une belle taille. Afin d’ajouter plus de couleurs, il avait couru à plusieurs dizaines de mètres de là pour déterrer de la boue jaune. Zhou Wang s’était diligemment accroupie à côté de la pagode construite par son parrain au cas où un petit animal sauvage surgirait sur le côté et en mordrait un bout. En même temps, elle prit également les figurines qui représentaient Qu Chi, Tao Xian et elle avec de l’eau dans une main et de la boue dans l’autre. Elle continua de les modeler, ses gestes un peu rudes. On aurait dit qu’elle voulait oublier certaines personnes ou certaines choses en se concentrant sur son travail.
Tao Xian s’approcha d’elle à pas légers et fit lentement d’un ton presque somnolent :
« Ah Wan, tu devrais plier quelques jolies branches de saules pour décorer, ça ferait plus beau. »
Zhou Wang entendit à sa voix qu’il y avait un problème. Elle leva les yeux et sans plus se soucier de la figurine qu’elle tenait, elle le saisit par le bras et retint son corps fragile qui vacillait au vent.
« Marraine ! »
Tao Xian avait beau être chancelant, il se tenait en fait fermement debout et n’allait pas tomber.
Un autre souffle de vent passa et les vêtements voletant soulignèrent clairement les côtes de son torse.
Zhou Wang ne savait pas si elle s’imaginait des choses : entre le bref moment où Tao Xian avait fait l’aller-retour entre le ruisseau et la tour, il avait tellement maigri que son menton étroit ressortait davantage.
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Mais hormis le fait qu’il était un peu plus pâle, Tao Xian se comporta comme d’habitude. Il eut même le cœur à lui montrer un sourire chaleureux, ce qui renforça les doutes de Zhou Wang qu’il n’allait pas bien.
« Va ramasser quelques branches de saule. J’ai juste un léger vertige, ne t’en fais pas. »
Tao Xian avait toujours eu une santé fragile. Ces dix derniers années, il avait été malade en continu, que ce soient des petites ou grandes maladies. Il souffrait d’un asthme assez grave et l’état de ses poumons et de son cœur n’était pas très bon. Souvent quand il marchait, il s’essoufflait très vite. Zhou Wang crut qu’il était de nouveau malade alors quand elle le vit faire semblant d’aller bien, elle s’inquiéta davantage. Elle l’aida d’abord à s’asseoir sur une pierre près du ruisseau et lui posa son propre manteau sur ses épaules. Après l’avoir soigneusement enveloppé dedans, elle courut chercher Qu Chi.
Tao Xian baissa la tête et regarda d’abord ses pieds, puis son ombre toute malingre. Puis une ombre plus large recouvrit la sienne, comme de la résine de pin.
Quand Qu Chi le prit dans ses bras, ses gestes furent très doux et légers, presque comme s’il traitait Tao Xian comme un objet fragile.
« Tu ne te sens pas bien ? »
Le front de Tao Xian était couvert d’une fine couche de sueur glacée. Qu Chi sortit un mouchoir de ses mains propres et ressuya son front en nage. Le cœur de Tao Xian frémit devant cette scène précieuse pour lui.
Il saisit la main de Qu Chi.
Ce geste épuisa tout son courage. Autrefois, il avait vénéré Qu Chi dans tous les sens du terme mais n’avait jamais osé rechercher un contact physique de lui-même. Alors en cet instant, il avait l’impression de tenir une flamme brûlante.
Qu Chi lui prit la main avec son bon tempérament et fit :
« Tes mains sont si froides. Les miennes sont chaudes. Alors sers-les fort pour te réchauffer. »
Il avait mal compris : il croyait que Tao Xian avait saisi sa main juste pour se réchauffer. Tao Xian ne le détrompa pas.
Quant à Zhou Wang, après avoir fait venir Qu Chi, elle se plia aux conseils de Tao Xian et alla ramasser des branches de saule.
… Après tout, avec son parrain avec lui, sa marraine allait forcément se sentir mieux, quel que soit son état. Pourquoi serait-elle restée à part pour être la cinquième roue du carrosse ?
Tao Xian serra donc ce feu et il avait si chaud que ses larmes se mirent à couler.
« Grand frère martial Qu, vous me traitez si bien. »
Qu Chi vit que Tao Xian ne se comportait pas tout à fait comme d’habitude, mais il ne trouvait pas le bon mot pour décrire ça. Alors il ne put que répondre :
« Pas assez. »
Il se disait qu’il n’en avait pas assez fait et qu’il pouvait encore mieux faire.
… Cela engendrait des regrets indescriptibles en lui.
Le sourire de Tao Xian se fit plus grave.
« Pourquoi est-ce que grand frère martial Qu me traite si bien ? »
Cette question était bien trop compliquée pour Qu Chi. Cependant, il devait répondre aux questions de Tao Xian, sinon ce ne serait pas bien.
Alors il pencha la tête sur le côté et réfléchit dur pendant longtemps.
« Il y a besoin d’une raison pour ça ?
– Vous n’en avez donc pas ? »
Tao Xian avait les larmes aux yeux, mais son sourire était très chaleureux. Il était facile de faire abstraction de son visage gelé, pâle et maladif.
Qu Chi trouva finalement une raison.
… Une raison qui lui avait trotté longuement en tête depuis qu’il avait rampé sur la plage de la Mer du Décapité avec Tao Xian dans ses bras.
« Tu es très important, » fit-il.
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Très vite, Qu Chi se rendit compte que sa réponse n’avait pas plu à Tao Xian car ses épaules se mirent à trembler et de grosses larmes rondes coulèrent de ses yeux. Elles s’écrasèrent sur la boue molle du ruisseau. Comme elle était déjà saturée d’eau, elle ne put absorber les larmes alors cela laissa des petits trous.
Qu Chi s’affola aussitôt :
« … Ne pleure pas. Pourquoi tu pleures ? »
Tao Xian éclata en sanglots.
« Je suis très important. Pourquoi, ah ? »
Mais il connaissait la réponse à cette question.
Tao Xian n’avait jamais été stupide. Au contraire, il était bien plus sensible que la plupart des hommes, voire même des femmes, parce qu’il avait toujours été détesté et harcelé depuis son enfance.
Depuis qu’ils avaient été jetés dans les Terres Sauvages, le comportement protecteur et attentionné de Qu Chi à son égard l’avait toujours rendu à la fois heureux et inquiet. Il se disait toujours que Qu Chi était trop bon envers lui, si bon que cela l’emplissait de panique.
Et quand il s’était effondré devant la porte de la chambre de Lu Yujiu et avait vu avec effroi de la lumière dorée émise de son torse, quand il était resté allongé par terre devant la porte, incapable de bouger, endurant la terrible douleur dans son cœur et qu’il avait entendu les autres dans la chambre parler des fragments des Artefacts, il avait déjà deviné de leurs dires une vérité qui ne concernait que lui, Tao Xian.
— Le jour où grand frère martial Qu avait été sévèrement frappé puis jeté dans les Terres Sauvages, bien que Tao Xian avait oublié de nombreux détails, il se rappelait d’un homme en fauteuil roulant qui avait soudain pointé du doigt grand frère martial Qu après avoir discuté avec un bel homme richement vêtu. Cet homme avait ordonné qu’on fouille grand frère martial Qu, comme s’il possédait quelque chose d’important.
La suite avait été chaotique et renversante. Dans le chaos, Tao Xian avait senti comme si on lui enfonçait une torche dégoulinante d’huile de pin dans le cœur et qu’un brasier monstrueux s’était alors déclenché. Cela avait été si douloureux qu’il avait à peine eu le temps d’entendre le ‘non’ de Qu Chi à son oreille avant de sombrer dans de profondes ténèbres.
Et ce qui s’était passé tout à l’heure avait confirmé à Tao Xian que le corps de grand frère martial Xu ainsi que le sien contenaient des fragments de la clef des Terres Sauvages.
Quant au moment où les fragments étaient entrés dans son cœur, ce devait sûrement être quand il avait ressenti la douleur brûlante.
Quand on pensait à tout ça, il était vraiment très important pour grand frère martial Qu.
— C’est parce que j’ai des fragments du Livre du Monde en moi, ah.
Les soins attentionnés de Qu Chi envers lui, sa tendresse et sa considération, tout cela avait désormais une raison.
Les larmes se rassemblèrent dans les yeux de Tao Xian mais ses lèvres étaient ornées d’un sourire.
Durant toutes ces années, il s’était toujours senti honteux et coupable d’avoir un corps aussi fragile et d’être un poids pour tout le monde. Aujourd’hui, il avait enfin un rôle à jouer.
Mais en même temps, il nourrissait le faible espoir que grand frère martial Xu et les autres arrivent à trouver le fragment dans la Mer du Décapité et que tout se passe aussi bien que pour les trois premiers fragments.
À ce moment-là alors, ni grand frère martial ni lui n’aurait à se sacrifier pour cette clef. Tout le monde serait heureux et ce serait merveilleux.
Tao Xian ne voulut pas trop y penser : il était fort possible que lorsque le Livre du Monde avait prophétisé que ‘le dernier fragment de la clef des Terres Sauvages pouvait s’obtenir en se rendant dans la Mer du Décapité’, il avait voulu en fait parler de lui. Il serra la main chaude de Qu Chi et son cœur se remplit densément de désirs et d’attentes qui s’entremêlèrent ensemble comme des lianes.
Même s’il était une fleur à moitié fanée, hideuse et inutile, il voulait rester planté aux côtés de Qu Chi afin de pouvoir le voir tous les jours et de lui tenir compagnie.
C’était son humble souhait le plus secret, il ne voulait le partager avec personne d’autre, ah.
Ces derniers jours, les gens de la tour avaient discuté sur de nombreux points l’un après l’autre et jusque là, une seule chose n’avait pas encore été décidée.
— Que faire de Wen Xuechen ?
Fallait-il laisser des gens à la tour pour garder un œil sur lui, de crainte qu’il ne s’enfuie ?
Que se passerait-il s’il s’échappait de la tour et quittait les Terres Sauvages pour informer Jiu Zhideng de leurs projets ? Dans ce cas, cela pousserait Jiu Zhideng à les poursuivre jusqu’à la Mer du Décapité, voire même de se battre contre eux pour obtenir le fragment, non ?
Toutefois, tous ces doutes prirent fin quelques jours plus tard avec un cri tôt dans la matinée :
« Wen Xuechen s’est enfui ! »
Le premier à découvrir que le Wen Xuechen assis dans le fauteuil roulant n’était qu’une marionnette fabriquée à partir de mauvaises herbes attachées ensemble fut un disciple du Pic du Yang Vermillon venu lui apporter de l’eau et des fruits. Il s’était rendu compte que cela faisait longtemps que Wen Xuechen n’avait pas bougé et avait craint qu’il n’ait eu une autre attaque cardiaque. Alors il s’était avancé pour le secouer prudemment mais à sa grande surprise, l’illusion se rompit dès qu’il le toucha et sa véritable apparence fut révélée : ce n’était qu’un substitut.
Dès qu’ils apprirent la nouvelle, Xu Xingzhi et les autres se précipitèrent dans la cellule. Xu Xingzhi poussa le fauteuil roulant et découvrit qu’il y avait un cercle magique de changement d’apparence tracé avec du sang sous le fauteuil roulant. Le sang était vieux et tâchait le sol en sable comme une fleur brun foncé.
Le visage de Meng Chongguang s’assombrit.
« Il est retourné dans le monde ? »
Xu Xingzhi observa la pile de mauvaises herbes et secoua la tête.
« Je ne pense pas. »
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Les méridiens de Wen Xuechen étaient scellés. Il lui avait fallu plusieurs jours d’efforts intenses pour seulement se libérer d’un léger emprisonnement. Ce peu d’énergie ne suffirait pas à le conduire bien loin, alors ne parlons pas de quitter les Terres Sauvages.
Il n’y avait qu’une seule clef des Terres Sauvages et elle se trouvait entre les mains de Jiu Zhideng. Aucune transmission de son n’était possible depuis les Terres Sauvage. Le seul outil précieux capable de communiquer avec le monde, le Miroir d’Étang Spirituel, Xu Xingzhi et les autres ne l’avaient jamais retrouvé sur Wen Xuechen après sa capture.
Cela signifiait aussi que ni Wen Xuechen, ni eux n’avaient la possibilité de contacter Jiu Zhideng à l’extérieur.
Même si Wen Xuechen s’était échappé, il ne pouvait que se cacher quelque part dans les Terres Sauvages.
Xu Xingzhi fronça les sourcils un moment, puis déclara :
« Allons-y.
– Où ça ? » demanda Zhou Beinan.
Sans attendre, Xu Xingzhi se dirigeait déjà vers l’extérieur.
« Là où il est sûrement allé. »
Meng Chongguang ne comprenait pas non plus ce dont voulait parler Xu Xingzhi, mais il le suivit malgré tout sans discuter.
« Grand frère martial, où penses-tu qu’il soit allé ? »
Xu Xingzhi s’arrêta un moment.
« Tu lui as dit où est enterrée Xiao Xian’Er ? »
Zhou Beinan en resta sans voix.
Il lui avait effectivement parlé de ça alors qu’il était dans une rage incommensurable. Il avait tout raconté, pourquoi Xiao Xian’Er était morte et où ils étaient morts. Il avait raconté tout ça à un Wen Xuechen complètement insensible mais n’avait pas pu tirer la moindre réaction de lui. Cela avait rendu Zhou Beinan à la fois furieux et impuissant.
D’après le tempérament sérieux de Wen Xuechen pour n’importe quel sujet, si on supposait qu’il était incapable de quitter les Terres Sauvages, il y avait de fortes chances pour qu’il se rende à cet endroit afin de vérifier si ce que tous ces gens lui avaient dit était vrai.
« Quand on cultive un cadavre réveillé de haut niveau, il est plus facile de lui faire oublier son passé afin de mieux le contrôler, fit Xu Xingzhi en s’avançant à grands pas vers l’extérieur de la tour. Cependant, il y a dans la vie des choses très difficiles à oublier. Si c’est trop difficile à inverser, le raffineur de cadavres se retrouve contraint de réprimer tout souvenir personnel en plaçant des scellés. »
À ce moment-là, tout le monde comprit en gros ce qui s’était passé.
… Un cadavre réveillé, tout comme ce que faisait toujours le Dao Démoniaque, devait être ensorcelé et hypnotisé. Wen Xuechen avait oublié quasiment tout au sujet de Zhou Xian, mais c’était également la partie de ses scellés la plus facile à ébranler.
Note de Karura : Même si les chapitres sont courts, il y a beaucoup de révélations et rebondissements.
Le pauvre Tao Xian a une belle désillusion concernant les sentiments de Qu Chi envers lui… ou peut-être pas ?
Qui va devoir se sacrifier pour sortir des Terres Sauvages ?
Notes du chapitre :
(1) Début d’une citation d’un opéra de Wang Xhifu : L’histoire du pavillon d’Occident. La citation complète est : ne pas naître dans le même lit mais être enterrés ensemble.
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