Cent façons de tuer un prince charmant 34

Chapitre 34


Quand Murong Xiu fut parti, Shen Jue remit ses vêtements en place. Il s'assit sur le lit un bon moment puis alla à l'armoire et y trouva une sorte de tunique extérieure qui ne couvrait pas grand-chose. Il l'enfila avant de gagner la porte.

Dès qu'il ouvrit la porte, les deux gardes postés là se tournèrent vers lui.

Les yeux de Shen Jue se baissèrent.

« Je veux sortir, vous allez m'en empêcher ? »

Les deux gardes échangèrent des regards puis l'un d'eux au visage plus pâle fit :

« Si le jeune seigneur veut se promener dans le palais, nous devons le suivre.

– Peu importe. »

Shen Jue cracha ces deux mots froidement et s'avança.

Cela faisait plus d'un mois qu'il moisissait dans cette chambre et là, Murong Xiu était enfin parti. Il voulait prendre l'air hors de cette pièce.


Durant sa promenade, Shen Jue vit Feng Qingbao par accident.

Ce dernier ne l'aperçut pas. Il portait une tunique noire d'eunuque et parlait à une servante. Après un moment, il sortit quelque chose de sa manche et le tendit à la jeune fille. Le visage de la servante devint subitement tout rouge. Elle prit rapidement l'objet de Feng Qingbao et partit en courant.

Après son départ, Feng Qingbao contemplait avec hébétude la direction dans laquelle la servante était partie.

Caché derrière les fleurs, Shen Jue vit cette scène et ne put retenir un sourire. Apparemment Feng Qingbao s'en sortait bien dans cette vie.


Au moment où Shen Jue allait faire demi-tour et s'en aller, Feng Qingbao parut se sentir observé et il se tourna soudain. En voyant Shen Jue, il fut manifestement surpris comme s'il se demandait qui cela pouvait bien être.

Shen Jue vit que Feng Qingbao ne réagissait pas plus que ça en le voyant alors il se tourna et s'éloigna.

Feng Qingbao vit Shen Jue sur le point de partir et il fit instinctivement un pas vers lui mais ce faisant, il put voir clairement les deux hommes derrière l'adolescent.

C'étaient les hommes de confiance de Murong Xiu qu'on ne devait absolument pas offenser, et il paraissait qu'ils avaient même déjà tué des gens.

Feng Qingbao ne put que s'arrêter.


Après que Shen Jue ait pris l'air un moment, Murong Xiu apparut. Il s'avança vers Shen Jue et les deux soldats derrière l'adolescent ne purent que s'éloigner rapidement en voyant ça. Quand Murong Xiu le rejoignit, il ne restait plus qu'eux deux dans les environs.

Shen Jue avait maintenant cessé de feindre toute amabilité avec Murong Xiu alors quand il le voyait, non seulement il faisait la tête mais il n'usait même plus de son titre. Murong Xiu semblait être de mauvaise humeur. Il jeta un regard sombre à Shen Jue mais peu après, il se mit à rire.

Il saisit la main de l'adolescent et fit gentiment :

« Ça doit être étouffant de rester ici, pas vrai ? Je vais t'emmener en voyage. »

Shen Jue le dévisagea et comprit qu'il avait dû se passer quelque chose.

« Où ça ? »

L'expression de Murong Xiu ne varia pas.

« Je vais conduire des troupes pour attaquer le pays de Yong. Je ne veux pas m'inquiéter du fait que tu restes tout seul à la capitale alors tu viens avec moi. »


Shen Jue n'aurait jamais cru que Murong Xiu allait d'une main conclure une alliance avec le pays de Yong et de l'autre envoyer des troupes les attaquer. Cependant même si Murong Xiu souriait actuellement, ce sourire n'atteignait pas ses yeux ce qui prouvait qu'il ne se réjouissait pas de devoir attaquer le royaume de Yong. Par conséquent il était très probable que cette attaque ne soit pas de sa volonté mais qu'il y soit contraint.

Shen Jue ne put que penser à Ni Xinyan dans le royaume de Yong.

Ni Xinyan était le genre de personne qui pouvait survivre même dans les situations les plus périlleuses. Il avait pu le faire dans les vies précédentes alors peut-être qu'il y était également parvenu dans cette vie.


* * *

Après que Murong Xiu ait appris à Shen Jue qu'il allait attaquer le pays de Yong, il ordonna à ses gens de faire les préparatifs. Trois jours plus tard, Murong Xiu emmena Shen Jue et ils partirent pour rejoindre la frontière entre les deux pays. Durant le trajet, Shen Jue fut contraint de manger et de dormir avec Murong Xiu. Ce dernier ne dissimula jamais sa relation intime avec Shen Jue devant qui que ce soit et si quelqu'un s'avisait de regarder Shen Jue trop longtemps, le prince lançait alors à l'autre un regard indiquant qu'il était prêt à le déchiqueter à mains nues.

Avec le temps, le cœur de tous les hommes de l'armée se brisa en morceaux.

Pour eux le sixième prince Murong Xiu était comme la lune brillant dans le ciel mais cette lune brillante était non seulement descendue dans le monde des mortels mais elle s'était entichée d'un adolescent banal qui semblait n'avoir aucun mérite, ne pas aimer Murong Xiu et lui faire toujours la tête.

C'était à vous briser le cœur, vraiment.


Peu importait ce que les autres pensaient, Murong Xiu ne pensait qu'à Shen Jue. Quant à Shen Jue, il pensait lui aussi à Murong Xiu : il pensait à quand il pourrait le tuer.

Il était allongé sur le dos sur la banquette du carrosse et fronçait les sourcils d'impatience. Après un moment il inspira un grand coup, saisit les longs cheveux de l'autre d'un air agacé et retira de force le visage de son torse.

« Toi, tu n'en as pas encore eu assez ? »

Les lèvres de Murong Xiu étaient rosées et ses yeux encore plus étincelants. Il tendit sa langue rouge et se lécha lentement les lèvres.

« Pas assez. N'oublie pas ta promesse d'hier : si je dormais hors de la tente cette nuit, tu ferais tout ce que je voudrais. »

Au souvenir de la nuit dernière, l'agacement de Shen Jue brilla plus fort dans ses yeux.


La nuit précédente, il s'était endormi mais avait été soudain réveillé par la personne à côté de lui. Tel un chien géant, Murong Xiu s'était soudain pressé contre lui, ses deux mains remplies de vilaines intentions. Shen Jue en fut grandement agacé et voulut repousser l'autre homme en le frappant. Cela se termina par un combat dans la tente mais Shen Jue ne put gagner. Au lieu de ça, il finit en haletant et avec la plupart de ses vêtements retirés.

Quand il vit Murong Xiu rire agréablement et même se pencher pour l'embrasser, Shen Jue devint agacé et furieux. Il n'avait quasiment pas eu une seule bonne nuit de sommeil de toute le voyage. À présent qu'il était mortel, Shen Jue devenait grognon quand il manquait de sommeil. Il fut encore plus écœuré par le comportement que Murong Xiu mais il savait parfaitement qu'il ne pouvait pas le battre alors il n'avait pu que négocier avec lui à voix basse.

D'où la scène actuelle.


Shen Jue repoussa Murong Xiu et se rassit. Il remonta sur ses épaules les vêtements qui étaient descendus jusqu'à ses coudes puis pencha la tête pour remettre de l'ordre dans sa tenue.

Murong Xiu l'observa pendant qu'il faisait tout cela. Il se dit simplement que l'autre adolescent était misérable et adorable. Il eut un léger rire et se pencha de nouveau en avant pour se coller contre lui.

« Tu te rhabilles maintenant mais je vais te les retirer plus tard, pourquoi t'embêter alors ? »

La main de Shen Jue s'immobilisa soudain à sa ceinture. Il leva les yeux et lança un regard glacial à Murong Xiu.

Ce dernier souriait au départ mais quand il vit le regard de Shen Jue, tout amusement disparut progressivement de son regard.

Ils se regardèrent en silence un moment et finalement Murong Xiu détourna le regard le premier. Il se redressa et s'assit de l'autre côté du carrosse. Dès que Shen Jue le vit partir, il continua à se rhabiller mais avait bien du mal à ignorer la sensation poisseuse sur son torse.

Shen Jue se renfrogna et voulut le frotter mais comme il ne voulait pas que Murong Xiu le voie faire, il se contenta de rester assis, le visage figé.


À la tombée de la nuit, l'armée installa le campement.

Dès que Shen Jue eut pris son dîner, il se rendit à une petite rivière à côté du campement. Il avait subi cet inconfort toute la journée et était parvenu à tenir le coup jusqu'à maintenant. Alors qu'il voulait retirer ses vêtements, il se tourna pour lancer un regard à Murong Xiu qui se trouvait non loin.

Ce dernier lui rendit calmement son regard comme s'il n'avait absolument pas l'intention de le déranger.

Le visage de Shen Jue s'assombrit.

« Je veux me laver.

– Alors lave-toi, » répliqua Murong Xiu.

Shen Jue grinça des dents mais vit que le prince ne comptait pas s'en aller. Alors il tourna la tête et continua de se déshabiller.


La lune était brillante cette nuit-là. Quand Murong Xiu vit le corps fin sous le clair de lune, ses yeux s'assombrirent progressivement. Et quand il vit le jeune homme prendre soigneusement de l'eau dans ses mains pour nettoyer l'endroit auquel il avait goûté durant la journée, il retint légèrement son souffle.

Il lâcha une longue expiration et après un moment, il se dirigea vers l'adolescent dans la rivière.

« Tu... lâche-moi ! » s'éleva la voix furieuse de l'adolescent.

Murong Xiu parut ne rien entendre.

« Murong Xiu ! »

La voix de l'autre contenait une touche d'embarras impossible à rater.


L'eau éclaboussa dans tous les sens et le clair de lune se répandit comme de l'eau sur les deux jeunes gens dans la rivière.

Shen Jue donna un coup de pied à l'autre pour le faire tomber puis il sortit de l'eau avec du mal. Dès qu'il se releva, l'autre homme le saisit par la cheville puis le tira de nouveau dans l'eau. Les longs cheveux de Murong Xiu étaient étalés tout autour de lui et son visage dans l'eau était devenu de plus en plus exquis, comme une naïade séductrice.

La naïade saisit dans ses bras le nageur imprudent.


* * *

Cette nuit-là, Shen Jue était si épuisé qu'il sombra dans un profond sommeil. Murong Xiu n'était guère en meilleur état. Il était assis à l'extérieur de la tente et appliquait soigneusement de l'onguent en se regardant dans un miroir de bronze. Le coin de ses lèvres était bleu, là où Shen Jue l'avait frappé. Il n'osait même pas se soigner dans la tente de crainte que l'odeur de l'onguent ne soit trop forte et ne réveille l'autre.

Tous les mâles de l'armée qui ne dormaient pas eurent de nouveau le cœur brisé en voyant Murong Xiu se soigner.

La beauté qui applique de l'onguent devant le miroir, c'était si pitoyable. Et le coupable dormait tranquillement, c'était trop !


* * *

Ils voyagèrent ainsi pendant plus d'un mois et atteignirent finalement la frontière entre les deux pays. La cité dont les habitants avaient été massacrés au départ était devenue la frontière du royaume de Yong. L'armée de Murong Xiu s'installa dans la cité de Yongle, la plus proche de cette ville.

Quand le gouverneur local avait appris que Murong Xiu en personne dirigerait les troupes, il avait déjà quitté son propre manoir pour laisser Murong Xiu s'y installer.

Dès que Murong Xiu arriva à la cité de Yongle, il fut occupé plus qu'il ne l'aurait cru et Shen Jue ne le voyait que la nuit. Par la suite il arrivait que Murong Xiu ne revienne même pas de toute la nuit mais dans ce cas, il envoyait toujours quelqu'un pour surveiller Shen Jue.


Une nuit tandis que Shen Jue dormait, il entendit soudain un bruit étrange près du lit. Il ouvrit des yeux ensommeillés et se dit vaguement que Murong Xiu était sûrement rentré mais quand les tentures du lit furent tirées, il se rendit alors compte que la personne qui se trouvait là n'était pas Murong Xiu.

Le nouveau venu portait un masque doré et contemplait d'un air grave Shen Jue sur le lit.

Le cerveau ensommeillé de Shen Jue retrouva soudain toute sa lucidité. Il contempla l'autre homme et après un moment, il se redressa sur le lit.

« Ni Xinyan ? »

L'intrus ne lui répondit pas mais tendit soudain les mains pour le saisir. Il pressa directement les points d'acupuncture de Shen Jue puis le souleva sur son épaule. Bien que Shen Jue ne pouvait plus bouger, il restait conscient. L'autre personne l'emmena hors de la chambre et les gardes en poste à la porte étaient affalés par terre, peut-être vivants ou peut-être morts.


L'homme qui portait Shen Jue était très doué en arts martiaux : il pouvait le porter avec lui et même sauter par-dessus les murs comme s'il volait.

Finalement Shen Jue fut conduit dans un temple en ruine dans la ville. L'homme le déposa gentiment par terre avant de presser de nouveau sur ses points d'acupuncture.

Shen Jue vérifia que son corps bougeait de nouveau avant de se lever. Il lança un regard méfiant envers l'inconnu.

« Tu es Ni Xinyan ? »

L'homme garda le silence un moment puis hocha la tête. Il finit par dire :

« Quand les portes de la ville seront ouvertes, je te ferai sortir. »


Shen Jue n'aurait jamais cru que Ni Xinyan allait vraiment l'enlever. Il haussa un sourcil. S'il partait maintenant, aurait-il encore l'occasion de tuer Murong Xiu ? Cependant le fait de rester ne semblait pas non plus aider. Tandis que Shen Jue réfléchissait à ce qu'il devait faire, Ni Xinyan demanda subitement :

« Tu ne veux pas partir ?

– Je me demande juste si je devrais partir, » répondit Shen Jue en le regardant.

Les yeux de Ni Xinyan devinrent un peu glaciaux.

« Tu te poses encore la question ? »

Ses yeux se posèrent sur le col de Shen Jue : durant leur trajet, le col s'était un peu écarté. Il put ainsi voir les traces sombres sous le col et il serra tout à coup les poings sous ses manches.


Shen Jue ne se rendit pas compte du regard de Ni Xinyan. Il détourna légèrement la tête et ne voulut pas partager ses pensées avec lui.

Quand Ni Xinyan vit qu'il refusait de parler, il se mit en colère. Il avait consacré tant d'efforts pour s'infiltrer dans la cité de Yongle et avait risqué sa vie, mais celui qu'il était venu sauver ne semblait pas du tout se soucier de lui et était même réticent à l'idée de partir.

Ni Xinyan se rappela du départ de Shen Jue ce jour-là.

L'adolescent n'avait même pas hésité avant de partir avec Murong Xiu.

Ni Xinyan s'approcha de lui rapidement et le saisit par les épaules.

« Se peut-il que tu aimes ce Murong Xiu ? Tu le trouves beau ? »


Shen Jue plissa le front à ces mots. Il ne comprenait pas pourquoi Ni Xinyan se mettait à raconter n'importe quoi.

« Ce n'est pas le cas.

– Alors suis-moi. Je ne veux plus que Murong Xiu te voie, déclara Ni Xinyan.

– Non ! » refusa aussitôt Shen Jue.

S'il ne pouvait plus voir Murong Xiu, comment ferait-il pour le tuer ?

Ni Xinyan grinça des dents. Il tendit soudain la main et écarta complètement le col de l'adolescent. Quand il vit tout ce qui se cachait en dessous, ses pupilles se contractèrent légèrement et il fit d'un ton furieux :

« C'est pour ça que tu ne veux pas le quitter ? Si tu veux l'amour d'un homme, alors je m'en occupe. »


La parole à l'auteur : Ouah, quel sang de chien Du mélodrame. (1), hein ?


Note de Karura : Vas-y Ni Xinyan, déclare-toi ! J'approuve à mille pourcents !

Sinon, le masque qu'il porte fait penser à celui qu'il voulait offrir à Murong Xiu dans la vie précédente, juste après que ce dernier ait été défiguré. Les rôles sont inversés dans cette vie, dirait-on.


Notes du chapitre :
(1) Du mélodrame.






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