Esprit Malin 9

Chapitre 9 : Mettre tous ses œufs dans le même panier


Chi Yan poussa un soupir de soulagement. Il ne put s'empêcher de saisir la bouteille en porcelaine et de la porter à ses lèvres.

Il devinait que c'était en quelque sorte le troisième jeune maître Ye qui lui avait à nouveau sauvé la vie.

En retour, l'ombre noire embrassa son lobe d'oreille sans un bruit.

Chi Yan prit son portable pour le consulter. Il n'était que 1:14. Cela ne faisait pas longtemps qu'il s'était réveillé pourtant la peur qu'il avait ressentie donnait l'impression que le temps s'était étiré. Bien qu'il ait dormi moins de trois heures et qu'il était mentalement épuisé, Chi Yan n'avait plus du tout envie de dormir ou plutôt il avait peur de s'endormir à cause de la terreur restante. Il alluma la lumière, mit ses écouteurs et commença à regarder un film sur son téléphone en restant couché au lit.


À la fin du film, Chi Yan s'était peu à peu détendu. Il allait retirer ses écouteurs pour s'endormir mais ce fut alors qu'il entendit du bruit en bas. Au même moment, il y eut des gens qui couraient et parlaient dans les couloirs. Il put discerner vaguement les mots "va sauter du toit" et "en face".

La chambre de Xu Jiang possédait un petit balcon. La porte-fenêtre qui donnait sur le balcon était fine alors ce n'était pas très isolé au niveau du son. Bien qu'étant au sixième étage, si on ouvrait la porte-fenêtre on pouvait clairement entendre les voix des étudiants plus bas. Et même avec la porte fermée, on ne pouvait pas totalement isoler les sons de l'extérieur. Mais en général après 22:00 en hiver, peu de gens se trouvaient encore dehors et encore moins à trois heures du matin où la plupart des gens dormaient déjà.


Chi Yan descendit du lit, mit son manteau et ouvrit la porte-fenêtre pour se rendre sur le balcon. Il faisait noir plus bas et il put vaguement voir des gens sous l'éclairage, cependant il ne voyait pas ce qui se passait dans la nuit.

Il leva la tête et regarda le bâtiment en face. C'était le dortoir des premières années. Les lumières étaient toutes éteintes à cause du couvre-feu. Aucune chambre n'était éclairée et seules les toilettes de chaque étage étaient visibles grâce à une rangée de lumières blanches. En faisant le lien avec ce qu'il avait entendu plus tôt, il avait déjà deviné en gros ce qui s'était passé et son regard continua à monter jusqu'au toit d'en face.


Les bâtiments dortoirs avaient sept étages mais le dernier était plus étroit et était seulement divisé en quatre chambres. Aussi Chi Yan put voir clairement la scène sur le toit en face depuis le balcon du sixième étage de ce côté — quelqu'un se tenait au bord du toit et tomberait au moindre pas en avant. Il y avait plein de gens derrière lui à une certaine distance et on pouvait voir une petite lumière qui semblait provenir d'un portable ou d'une torche. Ces gens devaient être des employés ou des professeurs, en tout cas ils n'osaient pas s'approcher de trop près.

Chi Yan en resta figé en voyant clairement ce qui se passait de l'autre côté. La sueur froide qui avait séché se mit à couler de nouveau abondamment.


Il y avait tellement de gens de l'autre côté mais personne ne vit qu'il y avait quelque chose qui se tenait derrière l'étudiant sur le point de sauter du toit. La chose tenait fermement la nuque du jeune homme avec ses deux mains d'une lividité cadavérique et sa longue et douce langue léchait encore et encore la pointe de l'oreille du jeune homme.

Chi Yan n'avait pas tout de suite repéré la chose mais il la vit tout à coup lorsque la chose tourna la tête du côté de Chi Yan avec ses yeux injectés de sang — elle l'avait vu, elle l'avait trouvé et elle le regardait à présent.

Chi Yan avait entendu parler une fois de la théorie des substituts.

Quand quelqu'un mourait dans des circonstances tragiques, il donnait naissance à un fantôme. Cette chose hantait l'endroit jour après jour à la recherche constante d'un substitut pour le mort. Les jeunes gens, les faibles d'esprits, surtout les gens aux tendances suicidaires les attiraient tout particulièrement et étaient susceptibles de devenir des substituts.


Quand il était encore jeune, le prêtre taoïste qui avait lu son destin dans les traits de son visage lui avait caressé la tête et avait dit à sa grand-mère :

« Cet enfant est né avec une faible constitution et sera très facilement hanté pour devenir un substitut. Tâchez de le garder loin des rives où sont morts des gens, des routes où il y a souvent des accidents de voitures et des maisons où des gens sont morts. Ne vous attardez pas en ces lieux si vous devez y passer, baissez la tête et éloignez-vous aussi vite que possible. »

À l'époque Chi Yan était encore ignorant mais quand il vit la scène actuelle, non seulement son cœur se glaça un moment mais il se souvint aussitôt de la scène et des paroles qui s'étaient estompées dans sa mémoire. Plus il y songea, plus son cœur battait à toute allure. Il saisit par réflexe la bouteille en porcelaine sur son torse à travers ses vêtements. Il ignorait ce qu'il avait bien pu faire pour avoir autant la poisse ces temps-ci, il n'arrêtait pas de rencontrer ce genre de choses.


La chose le regarda puis lâcha soudain ses mains autour de l'homme comme si elle voulait rejoindre Chi Yan. Chi Yan savait bien que même s'il semblait y avoir une distance considérable entre eux, ces choses n'étaient pas comme les gens ordinaires. Elle pouvait apparaître derrière lui en un instant, serrer son cou de la même manière et le forcer à sauter du balcon avant qu'il n'ait eu le temps de sentir quoi que ce soit.

Cette certitude rendit son corps tout rigide.

À ce moment il entendit une porte qui s'ouvrit et un jeune homme grand et fin avec des lunettes à la monture noire sortit de sa propre chambre sur la droite.

Les balcons des chambres étaient joints et uniquement séparés par une grille en fer au dessus de laquelle on pouvait facilement passer.


Le jeune homme vit aussi un inconnu à côté de lui et sursauta légèrement devant ce visage étranger. Puis il inclina poliment la tête pour le saluer.

Chi Yan le salua également avec réticence et raideur.

À cause de cette interruption, quand Chi Yan ramena son regard sur le toit d'en face, il se rendit compte que la chose avait disparu. L'étudiant qui avait tenté de se suicider s'était effondré sans connaissance sur le toit. Les gens qui s'étaient tenus derrière lui se précipitèrent pour le transporter loin du bord.

Chi Yan sentit soudain un frisson dans le dos. Ce n'était pas parce qu'il y avait pensé tout à l'heure que cette chose s'était vraiment attachée à lui, pas vrai ?


Il hésita puis finit par tendre la main pour toucher sa nuque. Ce qu'il sentit sous ses doigts, ce fut sa peau froide à cause de la brise nocturne. Quand il frotta un peu, la peau se réchauffa. Chi Yan tourna la tête pour regarder derrière lui et il n'y avait que la chambre avec la lumière allumée.

Absolument rien d'autre.

Chi Yan ressentait toujours un certain malaise pourtant la chose avait bel et bien disparu et rien indiquait qu'il était hanté. L'heure affichée sur son portable indiquait déjà presque quatre heures du matin. L'étudiant avait été sauvé et le danger avait été écarté. Les gens qui s'étaient rassemblés se dispersèrent dans l'ordre et les bruits se calmèrent. Après une période d'agitation, l'espace sombre et en plein air avait retrouvé son calme et il ne restait plus que quelques personnes pour nettoyer et régler les choses.


Chi Yan décida de retourner se coucher.

Il n'osa pas éteindre la lumière. Il resta sous le lit et après un moment de réflexion, il prit la tablette qui se trouvait sur le bureau et la serra contre lui. Il monta sur le lit avec, se glissa sous les couvertures et ferma les yeux pour tenter de dormir.

Cette fois il ne mit pas longtemps à s'endormir d'un sommeil profond et il ne fit aucun cauchemar ou rêve étrange. À moitié conscient, il sentit qu'il y avait quelqu'un allongé dans son dos qui avait passé ses bras autour de lui. La silhouette paraissait grande et pouvait le serrer complètement dans ses bras, comme un ange gardien. Chi Yan se sentit étrangement rassuré. Il se retourna et rendit son étreinte à cette silhouette imaginaire. Un sourire perdu depuis longtemps apparut sur ses lèvres.


* * *


Il ne rêva pas de toute la nuit. À son réveil, il avait la couverture dans ses bras. Bien qu'il ait dormi moins de trois heures cette fois, il se sentait très énergique. Il descendit du lit en tenant la tablette et le portable. Il nettoya la pièce et partit avec son sac comme la veille après sa toilette. Il laissa la clef de la chambre au concierge au rez-de-chaussée puis s'en alla.

Il était seulement sept heures du matin alors et le ciel était encore gris. Les premiers cours démarraient à huit heures donc les dortoirs étaient encore silencieux et personne ne bougeait. Chi Yan quitta la zone des dortoirs pour regagner sa voiture. Il était tout seul dehors et soudain il sentit quelque chose s'accrocher en bas de son pantalon.


Il se dit que ce devait être un chat errant sur le campus ou bien une branche d'un des buissons qui débordaient sur le bord de la route alors il n'y prêta pas attention sur le coup. Il fit plutôt attention à ne pas déchirer son pantalon. Il n'aurait pas le temps de rentrer se changer avant d'aller au travail.

Il baissa les yeux derrière lui et se figea tout à coup.

Ce qui avait accroché à son pantalon était une main pâle à la lividité cadavérique.

Dans la nuit, il avait vu cette même main autour du cou d'une personne pour la forcer à sauter du toit.


Chi Yan se força à remonter du regard le long de cette main. La chose de la nuit précédente rampait par terre, toujours avec ses yeux exorbités et son terrifiant visage sans aucun trait. Cependant, comparé à la nuit dernière, elle avait perdu tout le bas de son corps et semblait avoir souffert d'un coup terrible.

Ces yeux sans vie le contemplaient, remplis de malfaisance.

Chi Yan comprit aussitôt que cette chose voulait désespérément le tuer : si elle le tuait, elle pourrait être libre. Sinon elle ne tiendrait sans doute pas le coup dans cet état jusqu'à ce qu'elle trouve un autre substitut. Quand il était plus jeune, le prêtre taoïste avait dit qu'avec sa constitution, il était plus susceptible d'être choisi comme substitut et qu'on pouvait le tuer facilement.


Dans des moments de crise, les gens pouvaient être soudain remplis d'une énergie extraordinaire.

En cet instant critique de vie ou de mort, Chi Yan surmonta ainsi sa peur de ce monstre inconnu. Quoique tremblant, il serra les dents et retira la bouteille en porcelaine autour de son cou. Il la tint dans sa paume et l'abattit contre la main accrochée à sa cheville.

Avant que la bouteille en porcelaine ne la touche, la main le lâcha subitement comme si elle avait senti une immense menace, et elle se retira. Au même moment, de la fumée noire s'éleva du corps de la chose.

Chi Yan n'osa pas regarder ou rester plus longtemps. Il courut vite le long du chemin en tenant la bouteille de porcelaine jusqu'à voir des gens qui passaient. Seulement là il poussa un soupir de soulagement. Il trouva ensuite sa voiture, ouvrit la portière et s'installa derrière le volant. Il s'effondra alors. Ses mains toutes tremblantes s'ouvrirent. Après plusieurs tentatives à deux mains, il put remettre la corde sacrée avec la bouteille de porcelaine autour de son cou.


Il remit la bouteille en porcelaine sous sa chemise et sentit le froid léger. Son cerveau était bloqué. Quand la bouteille de porcelaine fut réchauffée par son corps, il avait retrouvé la capacité de penser.

Il murmura en lui-même :

« Troisième jeune maître Ye, merci de m'avoir sauvé à nouveau. »

Ces incidents successifs lui avaient permis de s'assurer que bien que les cendres de Ye Yingzhi ne puissent pas complètement repousser la malice de ces choses et qu'elles ne les empêchaient pas de se concentrer sur lui, elles pouvaient cependant lui sauver la vie en cas de danger.

Le prêtre Zhang ne lui avait pas menti.

Les choses avaient peur de lui.


Notes de Karura : Ye Yingzhi, ta femme doute de tes capacités !

Ye Yingzhi : Peu importe, j'ai tout le temps de lui montrer de quoi je suis capable.

Chi Yan : … Je préfère encore affronter les choses. ⊙﹏⊙∥







Commentaires :


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Koko a écrit le jeudi 08 février 2024 à 1:41
man, our poor shou can't take a break 💀

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