Esprit Malin 107

Chapitre 107 : Réchauffer


La famille Xu avait prévu des logements pour les maîtres célestes qui étaient venus des quatre coins du monde pour participer au Sacrifice de Rétribution. Cependant, Ye Yingzhi retourna directement dans la demeure familiale avec Chi Yan. Ce n’était plus le Bieyuan où il s’était soigné mais la demeure principale de la famille Ye. Les résidences des Ye et des Xu n’étaient pas très proches mais elles n’étaient pas non plus très éloignées. Elles se trouvaient dans la même zone et il fallait environ trente minutes en voiture pour y arriver. Comme ce n’était pas là que Ye Yingzhi avait vécu autrefois, Chi Yan n’avait pas le souvenir d’être venu souvent là, hormis les quelques fois où il avait participé ici à des activités avec la famille Chi.


Le ciel était complètement noir désormais. La voiture roula le long de la route. Par la fenêtre du véhicule, on ne pouvait voir que la silhouette noire d’un bâtiment à l’extérieur et des lanternes oranges pendus sous les auvents. Le silence enveloppait toute la demeure des Ye.

« Pourquoi je ne peux voir personne… ? ne put s’empêcher de murmurer Chi Yan en regardant par la fenêtre.

– Après la mort de mes deux grands frères, leurs familles ont quitté la demeure principale. Les branches annexes ne vivent pas ici alors plusieurs pavillons sont inhabités, » expliqua Ye Yingzhi.


La voiture roula jusque dans la cour interne et s’arrêta devant un bâtiment de deux étages. Ye Yingzhi sortit du véhicule avec Chi Yan, ouvrit la porte et entra.

« Alors maintenant, Yingzhi Gege vit seul ?

– En, répondit l’autre homme en enlevant son manteau. Je dois éviter le bruit alors je vis ici tout seul. Le majordome, les serviteurs et le médecin vivent dans la cour externe. »

Chi Yan songea à la maladie de Ye Yingzhi. Il était vrai qu’il devait éviter le bruit, ne devait pas se mettre en colère, être trop heureux et devait conserver une humeur stable. Il ne devait pas se fatiguer et faire des activités trop épuisantes. Voilà pourquoi il avait résidé autrefois dans le Bieyuan afin de se soigner.


Ye Yingzhi avait déjà retiré son manteau. Il se tourna et conduisit Chi Yan par la main à l’étage. Il ouvrit la porte d’une chambre et resta à l’entrée. Il posa l’autre main sur la taille de l’autre jeune homme et baissa les yeux vers lui.

« Ah Yan occupera cette chambre aujourd’hui. Va d’abord prendre une douche puis viens voir ton Gege. Ma chambre se trouve juste à côté. »

Chi Yan hocha la tête et répondit d’une toute petite voix :

« Okay. »

Il vit Ye Yingzhi plisser les yeux et sourire. L’homme lui lâcha la main et entra dans la chambre voisine.


La chambre donnait l’impression de n’avoir jamais encore servi, mais elle était très propre. Chi Yan n’avait rien à faire alors il se rendit directement dans la salle de bain pour se doucher. Ses valises se trouvaient toujours dans la résidence des Xu, ce n’était pas prévu qu’il revienne avec Ye Yingzhi alors il n’avait pas ramené de vêtements de rechange. Il avait donc l’intention de remettre les vêtements qu’il portait déjà mais en sortant de la salle de bains, il vit une chemise proprement pliée sur le lit. Il n’eut pas besoin de réfléchir pour savoir à qui elle appartenait.


Chi Yan ne sut s’il devait en rire ou en pleurer. Ye Yingzhi le considérait vraiment toujours comme un enfant. Il était vrai qu’il avait été très jeune : bien qu’objectivement parlant, il n’avait que cinq ans de moins que Ye Yingzhi, il faisait beaucoup plus jeune que ça. Quand Chi Yan avait neuf ans, Ye Yingzhi était déjà un adolescent en pleine croissance. Le temps que Chi Yan grandisse peu à peu et entre dans l’adolescence à son tour, Ye Yingzhi ressemblait déjà à un adulte.

Alors parfois quand il vivait dans le Bieyuan et qu’il n’avait pas de vêtements de rechange, Ye Yingzhi lui prêtait une chemise comme pyjama. La nuit, ils n’étaient que tous les deux dans la chambre et il n’y avait personne d’autre, alors cela ne semblait pas trop étrange.

Bien que ce soir, il n’y ait à nouveau qu’eux deux dans cette petite maison, il était à présent un adulte et estimait que ce n’était pas très convenable. Chi Yan prit la chemise et hésita un moment avant de finalement l’enfiler, nourrissant quelques intentions secrètes qu’il n’aurait jamais osé avouer à voix haute — au plus profond de son cœur, il espérait être plus intime avec Ye Yingzhi.


La porte de la chambre voisine était fermée et on pouvait voir une chaude lumière orange par la fente sous la porte.

Chi Yan poussa doucement la porte et entra. Il resta sur le seuil, un peu dérouté pendant un moment, et ne sut même plus où regarder.

Ye Yingzhi était allongé dans le lit, vêtu d’un pyjama noir, et il lisait un livre. Quand il le vit se tenir à la porte, il leva la tête, sourit légèrement et tapota la place à côté de lui.

« Ah Yan, viens ici. Viens voir ton Gege. »

Chi Yan s’approcha docilement et s’installa dans le lit à côté de lui.


Quand on atteignait un certain âge, le passage des années se faisait moins sentir : il semblait n’y avoir pas tellement de différence entre l’âge de cinquante et cinquante-cinq ans. Mais quand on était encore jeune, rien qu’une année d’écart était très visible, alors ne parlons pas de cinq ans. Aux yeux de Chi Yan, son Yingzhi Gege avait toujours été le plus fort, quelqu’un qui pouvait le protéger et ne lui ferait jamais de mal. Alors quand il n’était encore qu’un petit poussin, il obéissait aveuglément à ce que disait Ye Yingzhi, comme un jeune animal ignorant dans la nature qui suivait un animal plus âgé. En plus, Ye Yingzhi était malade et Chi Yan l’aimait énormément, alors il n’osait pas le contrarier. Il se montrait donc toujours très obéissant devant lui.

Et cette habitude persistait dans le présent. Il continuait à suivre inconsciemment les instructions de Ye Yingzhi et il était même incapable de concevoir l’idée de s’opposer à lui.


Sa docilité plut apparemment à Ye Yigzhi. Il tendit la main pour l’attirer contre lui, puis ne put s’empêcher de lui caresser gentiment la nuque. Il fit :

« Ah Yan est vraiment très obéissant. »

Ses doigts étaient très froids et glacés. La nuque de Chi Yan le chatouilla et il frémit légèrement. Il voulut automatiquement éviter ça alors il recula un peu sur le côté. Cependant, en voyant Ye Yingzhi rétrécir les yeux, il arrêta et se rapprocha à nouveau de lui pour le laisser lui caresser la nuque.

Ye Yingzhi haussa les sourcils. Il prit le livre qui se trouvait sur ses genoux et le posa sur la table de chevet, puis il se pencha vers Chi Yan, continuant à caresser gentiment sa nuque puis son dos à travers la chemise.

« J’ai entendu dire que ce sont les deux jumeaux de la famille Xu qui t’ont fait venir ce soir ? Comment ont-ils fait ça ? »


Chi Yan évita inconsciemment son regard.

« En fait, ils m’ont laissé prétendre être le petit-ami de Xiao Xin, comme ça c’était normal que je les accompagne.

– Le petit-ami de Xiao Xin... » répéta doucement Ye Yingzhi.

Son ton était neutre et Chi Yan ne pouvait pas déceler ses pensées.

« Ah Yan s’entend bien avec eux ? Vous êtes restés en contact depuis toutes ces années ?

– Non, pas du tout. Je suis juste retombé par hasard sur eux une fois, » fit doucement Chi Yan en baissant la tête.

Sous son angle de vue, la clavicule exposée par le col du pyjama noir de Ye Yingzhi semblait luire doucement sous la lumière jaune de la lampe de chevet. Il n’osa pas regarder davantage et détourna les yeux. Cependant, pour un observateur extérieur, on aurait dit qu’il se sentait coupable de quelque chose.


« Je vois. »

L’expression et la voix de Ye Yingzhi restèrent calmes mais sa main pressa plus fortement et quand il la glissa vers la taille, il pinça un peu la chair douce.

« Tu as joué les petits-amis alors que tu es retombé sur eux par hasard. Dans deux jours, ta petite comédie allait devenir réalité et déboucher sur un mariage, hein ? Tu te serais au moins rappelé d’envoyer une invitation à ton Gege le jour de ton mariage ? »

Petite fripouille, tu as l’air frêle de l’extérieur. Ce n’est que là quand je te touche que je me rends compte que tu as encore un peu tes rondeurs d’enfant.


Chi Yan eut mal à force de se faire pincer par lui. Il releva la tête pour regarder Ye Yingzhi. Puis il tendit la main pour soulever la bas de la chemise et voir l’endroit où l’autre homme l’avait pincé à la taille, côté droit. Il releva ensuite la tête vers lui.

« … C’est rouge. »

Ye Yingzhi ne put supporter son regard et la tête qu’il faisait, comme s’il venait de le tourmenter. Il ne put s’empêcher d’avoir envie de le prendre dans ses bras et de le tourmenter pour de bon. En réalité, il n’avait fait là que soulager un peu la passion qui dévorait son cœur et n’avait pas usé trop de force.

« C’est ma faute. Sois gentil, viens ici. Ton Gege va frotter ça pour toi. »

Il fut bien obligé de faire un compromis.

Chi Yan émit un son d’assentiment nasal et cette fois, cela parut tout naturel de se nicher dans les bras de Ye Yingzhi et de passer tranquillement un bras autour de sa taille.

J’ai déjà plus de vingt ans mais je me comporte encore comme un enfant de neuf ou dix ans. Je ne manque vraiment pas d’air. Bah, je peux bien me faire un peu dorloter un moment. Cela fait presque huit ans que je ne l’ai pas vu. N’est-ce pas normal de se montrer chaleureux quand on se revoit de nouveau après une longue séparation… ?


Chi Yan déglutit et refoula la petite voix confuse au plus profond de son cœur. Il expliqua :

« Je ne voulais pas te le cacher, Yinzghi Gege, mais je ne pouvais pas te trouver à l’extérieur et je ne pouvais pas te contacter non plus. Alors je n’ai pas eu d’autre choix que de demander de l’aide à Xu Rui et Xu Xin. Il n’y a vraiment rien entre Xu Xin et moi, nous sommes juste de bons amis. Elle ne m’aime pas et je ne l’aime pas non plus. Si je n’avais pas eu peur de la colère de leurs parents, j’aurais pu tout aussi bien laisser Xu Rui m’aider et faire semblant d’être son petit ami.

– “Laisser Xu Rui t’aider et faire semblant d’être son petit ami”… Ah Yan est vraiment très demandé. »

La main de Ye Yingzhi s’arrêta et il ricana.

« Alors tu peux être en couple avec vraiment n’importe qui, hein ?

– Nous sommes juste des amis, vraiment. »


Chi Yan hésita un moment puis murmura :

« Je ne cacherai jamais rien à Yingzhi Gege. Si… Si j’avais vraiment quelqu’un que j’aime, je te le dirais, sois-en sûr. »

Toutefois, au vu de la situation actuelle, il ne serait plus du tout capable d’aimer quelqu’un d’autre.

« En, fit Ye Yingzhi en se rallongeant, ses yeux s’assombrissant. Alors qui Ah Yan aime-t’il ?

– … Je n’aime personne. »

Chi Yan ferma les yeux et saisit inconsciemment le pyjama de l’autre homme, le serrant fort.

« J’aime déjà Yingzhi Gege. »

Petit menteur, petit menteur qui sait seulement plaire aux autres avec ses belles paroles. Est-ce avec ses belles paroles qu’il a réussi à convaincre les jumeaux Xu de l’aider de bon cœur en jouant les amoureux ? Il songeait à ça intérieurement mais extérieurement, son expression se détendit et il fit d’un ton léger :

« … En. »


Chi Yan ouvrit les yeux en silence pour jauger la réaction de Ye Yingzhi. Il fit l’autre homme allongé sur le dos, les yeux mi-clos, et ses longs cils baissés. Il n’y avait aucune réaction manifeste, Ye Yingzhi n’avait pas dû le prendre au sérieux.

Tout en sachant que c’était une réaction normale, Chi Yan ne put s’empêcher d’éprouver de la déception. Il se redressa et se mit à genoux, puis se pencha pour déposer un léger baiser sur les lèvres de Ye Yingzhi.

Ce dernier rouvrit les yeux pour le fixer. Ses yeux noirs ne contenaient pas vraiment d’émotion, cependant il avait l’air visiblement surpris.

« Ah Yan ? »

Chi Yan flancha subitement. Il ignorait où il avait trouvé le courage de faire ça. Paniqué, il se remit à genoux à côté de lui et chercha des excuses :

« … Euh, Yingzhi Gege est trop froid. Ah Yan voulait juste réchauffer son Gege. »


Cela avait été l’excuse de la chose dans le temple du dieu Nuo l’autre jour, elle lui avait demandé de le réchauffer. Voilà pourquoi cela venait d’échapper à Chi Yan. Cela dit, Ye Yingzhi avait vraiment le corps trop froid, même ses lèvres étaient gelées.

Chi Yan resta assis à genoux, observant en cachette la réaction de l’autre homme du coin des yeux. Après tout, il était déjà dans la vingtaine. Il était un jeune homme normal et plus une petit bébé innocent et adorable. Il ne savait pas si c’était à son avantage de feindre l’ignorance comme ça, ou bien si cela allait agacer l’autre homme.

Ye Yingzhi leva les yeux vers lui. Il étira les lèvres en un sourire.

« Vraiment ? Alors Ah Yan peut encore réchauffer son Gege, qu’en dis-tu ? »

Son ton indiquait qu’il continuait à se montrer indulgent et à le gâter.


Chi Yan leva subitement la tête en écarquillant les yeux. Bien sûr qu’il savait qu’il n’était plus un enfant depuis longtemps et que ce n’était plus de son âge de se montrer mignon et obéissant. Le fait d’appeler l’autre ‘Yingzhi Gege’ et surtout de se référer à lui-même par ‘Ah Yan’, cela le faisait rougir de honte — cela dit, tout cela était largement déterminé par cet homme. Si Ye Yingzhi voulait bien le gâter et se montrer indulgent envers lui, alors peu importait l’âge de Chi Yan, peu importait ce qu’il devenait, Ye Yingzhi continuerait à le traiter comme avant.

En présence de Ye Yingzhi, Chi Yan pouvait toujours rester le Ah Yan qui tendait les bras pour un câlin, il n’avait pas besoin de grandir.

Chi Yan baissa donc la tête pour se rapprocher du visage de l’autre. Il tendit sa petite langue douce et chaude pour lécher gentiment les lèvres froides de Ye Yingzhi.

« … Bien. »


Note de Karura : Quelque part, Ye Yingzhi doit vraiment encore le considérer comme un enfant pour ne pas comprendre ce qu’il veut dire. Mais bon, cela ne va pas durer !







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