Chapitre 108 : Un phénomène étrange
Au début, Ye Yingzhi apprécia simplement la douceur en laissant Chi Yan se berner tout seul avec son histoire de le réchauffer avec ses propres lèvres et sa langue sans la moindre technique. Après s’être retenu un bon moment, il finit par craquer et se tourna pour presser Chi Yan sous lui. Il l’embrassa. Après un long moment, il s’écarta avec réticence et murmura :
« … Mon Ah Yan est si délicieux. »
Le visage de Chi Yan devint aussitôt rouge. Il le fixa de ses yeux écarquillés, ne sachant comment réagir.
Ye Yingzhi se pencha de nouveau pour le presser contre le matelas.
Cette fois, tout devint hors de contrôle et les deux hommes restèrent longuement enlacés avant de s’endormir dans les bras l’un de l’autre.
Chi Yan eut l’impression d’être revenu dans son enfance. À l’époque, même s’il avait eu sa chambre attitrée au Bieyuan, il n’y avait passé jamais une seule nuit. Du moment qu’il restait au Bieyuan, il dormait dans la même chambre que Ye Yingzhi.
C’était vraiment un sentiment incroyable. Ils avaient été tous les deux clairement séparés pendant des années et avaient énormément changé, pourtant dès leurs retrouvailles, c’était comme s’ils ne s’étaient jamais quittés. Même la sensation d’être dans les bras de l’autre était si familière. Xu Rui avait eu tort : son Yingzhi Gege était resté sans aucun doute son Yingzhi Gege.
Chi Yan serra fort l’autre homme contre lui, se rappelant vaguement de ce qu’avait dit son grand-père :
« … C'est au garçon de prendre l'initiative, sinon tu laisseras filer ta chance. »
Yingzhi Gege est resté célibataire pendant toutes ces années mais il veut bien se montrer si affectueux avec moi. Alors si je tente le coup, je pourrai le faire mien ? Mais il y avait une trace de manque d’assurance au fond de son cœur qui lui susurrait des propos décourageants sans fin. Chi Yan fit de son mieux pour ne pas écouter ces paroles alors il hésita entre passer à l’action ou hésiter devant les difficultés, incapable de se décider. Il s’endormit peu à peu ainsi.
Dans un état à moitié réveillé et à moitié endormi, il entendit une voix qui venait du couloir, à travers la porte. La chambre était sombre, la lumière avait déjà été éteinte mais le couloir était éclairé et un peu de lumière passait par la fente de la porte. Au même moment, il entendit des gens parler ainsi que des bruits de pas.
Il entendit une voix qu’il crut reconnaître comme celle de l’oncle Fu :
« … maître Ye, le vieux maître Chi ne sera bientôt plus. Désirez-vous que le jeune maître Chi retourne le voir ? »
Il y avait aussi la voix froide et indifférente de Yingzhi Gege :
« Qu’y a-t’il à voir ? Ah Yan a-t’il encore un lien avec eux maintenant ? »
Puis ces voix disparurent.
Ye Yingzhi rentra dans la chambre et referma la porte à clef. Chi Yan sentit ensuite une main froide sur son front qui glissa ensuite le long de sa joue. Il sentit un souffle froid s’approcher et un baiser glacial se fit sentir au coin de ses yeux.
L’homme s’allongea à côté de lui et le prit dans ses bras.
Chi Yan se nicha contre lui et se rendormit.
Il y avait cependant un léger doute et une légère inquiétude dans son cœur. Je ne sais pas quel est l’état de santé de Yingzhi Gege actuellement. Je n’ai pas l’impression qu’il est malade mais son corps est vraiment très froid. Je ne me souviens pas qu’il avait le corps si froid, même quand il était malade…
Il connut un sommeil sans rêve et quand il se réveilla tôt le lendemain matin, il se sentit ragaillardi. Ye Yingzhi était encore assis à côté de lui et lisait le livre de la veille au soir. Quand il vit qu’il était réveillé, il se pencha pour l’embrasser sur le front.
« Ah Yan, va te laver. Ton petit-déjeuner va refroidir si tu ne te dépêches pas. »
Le porridge aux fruits de mer était délicieux et les boulettes de crabe dégageaient une odeur délicieuse. C’étaient les plats favoris de Chi Yan et dès qu’il y goûta, il sut que c’était Ye Yingzhi lui-même qui avait cuisiné. Il ignorait quand l’autre homme s’était levé pour préparer son petit-déjeuner. Enfant, Chi Yan n’était pas avisé. Comme il adorait la cuisine de Ye Yingzhi, il faisait souvent le bébé et lui demander de lui faire à manger sans se soucier de la santé de l’autre. À présent, il avait le cœur serré dès qu’il y repensait.
« Yingzhi Gege, tu dois te reposer plus alors inutile de me préparer spécialement à manger. »
Cela avait dû lui prendre une à deux heures en cuisine. Chi Yan avait peur que le corps fragile de Ye Yingzhi ne puisse tenir le coup.
« Où est le problème ? »
Ye Yingzhi s’assit et le fixa en souriant.
« Si tu restes avec ton Gege, il cuisinera volontiers pour Ah Yan tous les jours.
– Alors comment se porte mon Gege actuellement ? Tu vas mieux ?
– En, murmura Ye Yingzhi après une légère hésitation, puis il sourit. C’est comme avant, je m’accroche toujours. En tout cas, je ne vais pas mourir dans l’immédiat. »
Plus Ye Yingzhi se montrait indifférent, plus Chi Yan était mal à l’aise. Il ne parvenait pas à imaginer qu’un jour, cet homme pourrait le quitter et disparaître de ce monde, qu’il ne pourrait plus le trouver nulle part et ne pourrait plus jamais le revoir.
« Interdiction de cuisiner dorénavant. »
Incapable de contrôler son ton, Chi Yan prononça ces mots de manière ferme.
« Mais juste un peu de cuisine, ce n’est vraiment pas un problème... »
Ye Yingzhi leva les yeux et regarda l’autre jeune homme. Il se tut aussitôt en voyant les yeux rouges de l’autre. Il ne semblait pas s’être attendu à ce que Chi Yan réagisse aussi fortement alors il tenta de changer de sujet :
« D’accord, d’accord, d’accord. Ah Yan a bien dormi cette nuit ?
– Très bien. »
Chi Yan se rendit également compte qu’il avait un peu trop réagi tout à l’heure. Il se dit alors qu’il allait garder un œil sur Ye Yingzhi afin de l’empêcher de faire des choses trop épuisantes et qu’il se repose bien.
En parlant de la nuit dernière, quelque chose lui revint.
« Je me suis réveillé à un moment au beau milieu de la nuit et il m’a semblé entendre que… mon grand-père est décédé ? »
En fait, comme il avait entendu Ye Yingzhi le dire, il n’avait vraiment plus rien à voir avec les Chi désormais et il n’éprouvait guère d’attachement pour le grand-père Chi. Et même s’il avait encore quelque chose à voir avec eux, ce serait surtout du ressentiment. Après avoir quitté la demeure des Chi, il ne s’était pas embêté à se plaindre, il avait seulement traité ces gens comme des étrangers.
Étonnamment, Ye Yingzhi prit un air surpris.
« Décédé ? Quand est-ce que tu as entendu ça, Ah Yan ? Le vieux Chi va bien, c’est juste qu’il est actuellement en retraite spirituelle et qu’il ne voit pas grand-monde. Si ça t’inquiète, je peux t’emmener chez les Chi pour voir.
– Mais je t’ai entendu discuter avec oncle Fu cette nuit… J’ai bien entendu oncle Fu dire “le vieux maître Chi ne sera bientôt plus”, puis il a parlé de moi. »
Chi Yan était un peu perplexe.
« Tu as mal entendu, fit Ye Yingzhi d’un ton calme. Oncle Fu était là pour m’apporter mes médicaments. Il a dit “les médicaments, on n’en a bientôt plus.” »
Chi Yan nourrissait encore quelques doutes intérieurement, mais comme Ye Yingzhi semblait si calme et sûr de lui, il ne put que garder ses doutes pour lui pour l’instant.
Après le petit-déjeuner, Chi Yan fut reconduit en voiture à la demeure de Xu par le même chauffeur qu’hier. Il promit à Ye Yingzhi qu’il reviendrait avant le dîner.
Après son départ, Ye Yingzhi se rendit dans la chambre seul. Il resta à la fenêtre pour regarder la voiture noire s’éloigner progressivement. Il ne put s’empêcher de sourire.
Son Ah Yan était enfin revenu à ses côtés.
Il se tourna et s’assit sur le lit. Il caressa l’endroit où Chi Yan avait dormi la veille et plissa les yeux.
Ah Yan avait dit qu’il l’aimait et l’avait embrassé de son propre chef. Ye Yingzhi se rappela de la manière dont il avait embrassé Chi Yan la veille alors qu’ils étaient allongés à cet endroit même. Le visage de l’autre jeune homme était rouge, ses yeux très brillants et un peu larmoyants. Il avait l’air d’un petit animal domestique qui le regardait avec affection. En voyant ça, le cœur de Ye Yingzhi s’était adouci et l’avait chatouillé. Il mourait d’envie de saisir l’autre jeune homme entre ses mains et de le caresser.
C’était également un baiser mais cela n’avait rien à voir avec celui qu’il avait échangé avec Ah Yan au temple du dieu de Nuo l’autre nuit.
Son Ah Yan était ignorant mais il avait beau être ignorant, après tant d’années passées dans la société extrêmement variée à l’extérieur, comment aurait-il pu ne pas savoir la signification d’un baiser ? Comment pourrait-il ignorer ce qu’un baiser aussi intime et affectueux pouvait bien vouloir dire ? À en juger par sa réaction au temple du dieu Nuo, il en avait parfaitement conscience.
Petite fripouille, tu as fait exprès de jouer les malheureux pour me séduire.
Le cœur tout entier de Ye Yingzhi flottait comme sur un nuage. En songeant que son Ah Yan avait dit alors “J’ai déjà quelqu’un que j’aime” d’un ton sérieux et droit en se référant à lui, même si ce n’était qu’une possibilité qu’il ait voulu parler de lui… Il ferma les yeux et se força à calmer son état ivre de bonheur. S’il était encore le même qu’autrefois, il serait sûrement tombé malade à cause de son agitation.
Il eut un léger sourire et se calma progressivement. Petite fripouille, stupide Ah Yan, Gege va attendre de voir ce que tu veux faire.
Après que Chi Yan soit revenu dans la résidence des Xu et ait vu Xu Rui, il ne put s’empêcher de demander :
« Il est arrivé quelque chose dans la famille Chi cette nuit ? Il est arrivé quelque chose à mon grand-père ? »
Si le grand-père Chi était bel et bien mort, même s’il se trouvait dans un état critique, la nouvelle se serait forcément répandue et Xu Rui et les siens seraient obligatoirement au courant. Il était impossible de garder secret une chose pareille.
Xu Rui fut étonné par sa question subite. Il réfléchit soigneusement puis répondit :
« Non, je n’ai rien entendu. Qu’est-ce que tu as entendu ?
– J’ai cru entendre que mon grand-père était décédé cette nuit. Ça avait l’air très réel mais Yingzhi Gege a dit que j’avais mal entendu. »
Xu Rui le taquina :
« Tss, tu l’appelles encore Yingzhi Gege. Mais tu dois vraiment avoir mal entendu. Une nouvelle aussi grave, ça se saurait forcément. En plus, le grand-père Chi a toujours eu une santé de fer et il est actuellement encore en retraite spirituelle. Alors c’est peu probable qu’il décède subitement. Mais toi, jeune maître Chi, que s’est-il passé entre ton Yingzhi Gege et toi hier ?
– Que veux-tu qu’il se soit passé ? Nous avons juste parlé du passé. »
Il songea au baiser de la veille et se sentit coupable, alors il ne répondit que vaguement.
Xu Xin les rejoignit sous peu. Les trois amis discutèrent un bon moment. Comme le second maître Xu et son épouse étaient sortis pour s’occuper de quelque chose, ils dînèrent tous les trois le soir.
Les jumeaux Xu ne manquèrent pas une occasion de taquiner Chi Yan. À leurs yeux, c’était vraiment amusant de voir Chi Yan, qui était pourtant un adulte, continuer encore avec ses Yingzhi Gege par ci et Yingzhi Gege par là. C’était à croire qu’il ne changerait décidément jamais.
Xu Xin se plaignit :
« Jeune maître Chi, dis-moi un peu comment je vais pouvoir désormais regarder mes parents et amis en face, hein ? Tout le monde a pu le voir : le petit-ami que j’ai ramené de l’extérieur a attiré l’attention du chef de la famille Ye puis le soir-même, il est monté dans la voiture du troisième jeune maître Ye et est resté chez lui jusqu’au lendemain avant de se faire ramener chez nous par la voiture des Ye. Comment tu veux que j’explique ça ? Maintenant, tout le monde va croire que le jeune troisième maître Ye m’a piqué mon copain. »
Xu Rui rit de sa sœur et se moqua :
« Il n’y a pas de honte à avoir. Tu as perdu contre le chef de la famille Ye ? Ce n’est rien. »
À la base, ce n’était qu’une blague. Cependant, Chi Yan se sentit coupable et il ne fit qu’écouter en rougissant. Il avait osé déclarer franchement à Ye Yingzhi que les jumeaux Rui et lui étaient juste des amis, mais jamais il n’aurait osé mentir en disant aux jumeaux Rui qu’il considérait Ye Yingzhi uniquement comme un frère.
Pendant que les trois jeunes gens discutaient et riaient, le majordome de Xu Rui entra pour faire son rapport. Il regard Chi Yan puis Xu Rui, hésitant, et attendit les instructions de son maître.
« Qu’y a-t’il ? lui demanda Xu Rui.
– C’est à propos de Lin Zhu, le fils de votre belle-tante Lin, précisa le majordome.
– C’est bon, dites-moi directement de quoi il s’agit, » fit Xu Rui en agitant la main.
Le majordome prit alors un air étrange, comme s’il réfléchissait à comment annoncer la nouvelle. Il hésita deux secondes avant de se lancer :
« On vient juste de retrouver Lin Zhu, il est mort. Son corps a été découvert dans la montagne. La gouvernante a déjà fait venir un médecin pour l’examiner et le médecin a dit que la mort remonte à trois jours.
– Ce n’est pas possible ! s’écria soudain Xu Rui en fronçant les sourcils. Je l’ai vu à peine hier encore. »
Effectivement, Xu Rui n’était pas le seul à avoir vu Lin Zhu la veille.
Note de Karura : Oh, oh, le mystère s’épaissit.
Commentaires :