Esprit Malin 109

Chapitre 109 : Prendre des médicaments


Le majordome était au service de la famille de Xu Rui, tandis que la gouvernante dont il parlait était au service du grand-père Xu et gérait toute la demeure des Xu.

Dès que Xu Rui apprit la nouvelle, il sortit avec le majordome, laissant Chi Yan et Xu Xin dans la maison.

Chi Yan était un peu perplexe quant à ce qu’il venait d’entendre, alors il demanda à son amie :

« Que se passe-t’il ? Comment se fait-il que le majordome annonce que cet homme est mort depuis trois jours, tandis que vous dites tous les deux que vous l’avez encore vu hier soir ? Et qui est-ce, au juste ?

– Notre belle-tante Lin est une parente éloignée de notre famille. Son époux est mort très jeune alors elle a dû élever son fils seul. Elle a travaillé un peu dans la résidence. Quand nous étions petits, elle s’est occupée de mon frère et moi quelques jours. Plus tard, quand son fils Lin Zhu est devenu grand, il a également travaillé pour notre famille. Ces derniers jours, il aidait le majordome à accueillir les maîtres célestes venus des quatre coins du monde pour participer au Sacrifice de Rétribution, et aussi à acheter du matériel. Mais personne ne l’a vu depuis ce matin. Comme notre belle-tante Lin s’est occupée de nous avant et que nous connaissons plutôt bien Lin Zhu, nous avons demandé au majordome de surveiller des nouvelles de lui. Jamais je n’aurais pensé que les choses en arriveraient là. »


Elle fronça les sourcils et poursuivit :

« Mais cela n’a aucun sens. J’ai bien vu Lin Zhu hier soir, moi aussi. Il m’a même demandé si je m’en sortais bien à l’extérieur et il a discuté avec moi un moment. Hier, j’ai passé la journée avec Xu Rui et toi. Bien que je n’ai pas vu Lin Zhu, il y avait le banquet : Lin Zhu a passé son temps à préparer le repas et à placer les invités. Plein de gens de notre famille l’ont donc vu. Après sa disparition, plein de gens ont assuré l’avoir vu rentrer chez lui après avoir nettoyé la salle hier. Il y a tant de maîtres célestes ici, comment se fait-il qu’ils ne sachent même pas distinguer un vivant d’un fantôme ? »


* * *


Plus d’une heure plus tard, Xu Rui revint et leur annonça que le cadavre retrouvé était bien celui de Lin Zhu. D’après l’état du corps, la mort remontait effectivement à plus de trois jours. Mais il était impossible que Lin Zhu soit mort depuis autant de temps, alors la seule explication possible, c’était qu’il y avait eu une sorte de facteur ou quelque chose dans la montagne qui avait accéléré la décomposition du corps.

« Vous avez essayé de rappeler son âme ? » s’enquit Xu Xin.

Cela ne faisait pas longtemps que Lin Zhu était mort et c’était ici qu’il avait vécu depuis son enfance. Sa mort n’avait rien de naturelle alors en principe, cela aurait dû être facile de rappeler son âme pour l’interroger et savoir ce qui s’était vraiment passé au moment fatidique.


« On l’a rappelée, fit Xu Rui. C’est notre oncle qui l’a fait. Au début, c’est quelqu’un d’une autre famille qui a tenté le rappel mais après trois essais, l’âme n’était pas apparue. Notre oncle a ensuite tenté de rappeler l’âme lui-même, mais cela n’a pas marché non plus. Même en utilisant la bannière attrape-âme, cela n’a rien donné.

– Même la bannière attrape-âme n’a rien donné ? s’étonna la jeune fille.

– Oui, fit Xu Rui en hochant la tête. Mais ne t’en fais pas pour ça, notre oncle a déjà envoyé des gens pour enquêter là-dessus. »


La bannière attrape-âme était un outil magique transmis de génération en génération dans la famille Xu. Il possédait le pouvoir extraordinaire de rappeler les âmes des défunts. Même une personne ordinaire dénuée du moindre pouvoir magique pouvait réussir à rappeler une âme avec, alors ne parlons pas de l’oncle de Xu Rui. En général, l’âme d’un défunt ne partait pas si vite dans le cycle des réincarnations. Dans ce cas, il n’y avait que deux possibilités : soit le défunt n’éprouvait plus le moindre attachement envers ce monde et avait rapidement transcendé, soit son âme avait été détruite quand il s’était fait tuer. La situation de Lin Zhu devait plutôt relever de la seconde possibilité.

Du coup, l’atmosphère dans la demeure des Xu devint bien morose, y compris pour les jumeaux. Quand la voiture des Ye revint chercher Chi Yan, Xu Rui l’aida simplement à porter ses bagages et lui conseilla de prendre bien soin de lui. Il n’eut même pas le cœur à plaisanter de nouveau au sujet de Ye Yingzhi.


* * *


Quand Chi Yan revint dans la résidence des Ye, Ye Yingzhi avait déjà mis la table et l’attendait. Il y avait même une bouteille de vin blanc sur la table.

Après que Chi Yan ait rangé ses affaires, il s’installa à table. Après avoir goûté aux plats, il sut dès la première bouchée que ce n’était pas Ye Yingzhi qui les avait préparés et il en fut soulagé. Il vit ensuite Ye Yingzhi servir le vin pour eux deux et fut aussitôt anxieux :

« Yingzhi Gege, tu peux boire ? »

Il se rappelait qu’avant, Ye Yingzhi devait éviter le tabac, l’alcool et la nourriture crue ou froide, ou bien pimentée.

« Ce n’est pas grave si je bois occasionnellement. Le docteur a même dit que c’était bon pour moi. Et après avoir bu, mon corps est plus chaud, » expliqua Ye Yingzhi d’un ton naturel.

Mais il avait d’autres pensées en tête : son Ah Yan était à la fois très timide et stupide. S’il ne le poussait pas un peu, Ah Yan allait probablement se contenter de jouer les innocents et de le lécher simplement — il ne savait même pas embrasser correctement. Alors Ye Yingzhi comptait le faire boire un peu pour lui donner plus de courage.


Chi Yan avait des doutes, cependant son grand-père aimait lui aussi boire un verre pendant le dîner et il avait même dit quelque chose de similaire : l’alcool étant fait à partir de graines, cela ne faisait pas de mal d’en boire avec modération. Alors Chi Yan accepta avec réticence :

« Dans ce cas, ne bois pas trop. »

Ye Yingzhi parut ravi que Chi Yan s’occupe de lui ainsi. Il ne se fâcha pas à ces mots mais sourit et fit :

« Okay, Gege ne va pas trop boire. Mais toi, Ah Yan, tu peux boire plus, d’accord ? »


Comme Chi Yan ne cessa de surveiller Ye Yingzhi pour qu’il ne boive pas trop, il se retrouva à boire lui-même deux ou trois verres sans s’en rendre compte. Il avait l’habitude de boire en compagnie de son grand-père, mais jamais autant. Du coup, il n’avait qu’une légère tolérance à l’alcool. Il se retrouva ivre dès qu’il eut fini le troisième verre. La tête posée sur la table, il avait l’impression qu’il ne pourrait jamais la soulever.

Il finit pourtant par y arriver après beaucoup d’efforts et vit l’autre homme assis en face de lui. Pendant un moment, il ne put dire s’il s’agissait d’une illusion ou pas. Il se leva tout en se tenant à la table et s’avança en titubant. Il vint s’asseoir sur les genoux de Ye Yingzhi et passa ses bras autour de son cou sans la moindre explication.

Ye Yingzhi était bien évidemment aux anges :

« Comment se fait-il que Ah Yan soit si gentil avec moi aujourd’hui ? »

Il savait parfaitement que c’était lui qui avait poussé Chi Yan à boire, pourtant il conservait un air d’homme honnête et intègre, faisant délibérément semblant d’être innocent.


Chi Yan se pencha et frotta son visage contre le cou froid de Ye Yingzhi. Il était tellement ivre que son visage était rougi par l’alcool, rempli d’une vigueur et d’une chaleur fascinantes.

« Mon Gege a manqué à Ah Yan, murmura-t’il doucement en fermant les yeux.

– Tu me l’as déjà dit hier. »

Ye Yingzhi caressa doucement la peau douce de sa nuque, le visage calme comme si cela ne l’émouvait pas.

– … J’aime Yingzhi Gege.

– Tu l’as déjà dit aussi. »

Chi Yan ouvrit les yeux et lui renvoya un regard vide, comme s’il ne savait pas quoi dire d’autre.

« Ah Yan n’a vraiment rien d’autre qu’il ait envie de dire à son Gege ? Quelque chose de plus qu’aimer ? l’invita progressivement Ye Yingzhi d’un air doux et gentil.

– … Oui. »


Chi Yan tourna le visage et déposa un baiser doux et humide sur sa joue.

« En fait, j’aime vraiment Yingzhi... »

Avant même que Chi Yan n’ait pu finir sa phrase, Ye Yingzhi sentit disparaître le contact chaleureux et doux sur sa joue. En même temps, il y eut un poids sur son épaule. Chi Yan était déjà ivre au point de perdre connaissance et il s’était endormi sur son épaule en ronflant légèrement et avec un léger son nasal.

Cette petite fripouille. Ye Yingzhi ferma les yeux un bref moment puis regarda l’endormi. Il se leva avec réticence, le souleva dans ses bras puis le transporta dans la chambre pour le déposer sur le lit. Il ressuya sa sueur avec une serviette chaude et le mit en pyjama. Après ça, il l’installa soigneusement sous la couverture.


C’était bien la première fois qu’il éprouvait le sentiment d’essayer de voler un poussin et de finir par perdre le riz dont il s’était servi pour l’attirer Essayer de gagner mais se retrouver à perdre plus qu’au départ. (1). Qui aurait pensé que son Ah Yan pouvait être aussi inutile ? Il avait suffi de trois verres de vin pour le rendre autant ivre.

Malgré ça, Ye Yingzhi ne se dit pas un seul instant que c’était mal d’avoir voulu faire exprès d’enivrer l’autre homme. Il en tira juste la leçon suivante : la prochaine fois, il devrait prendre une boisson moins forte. Il était hors de question que Chi Yan s’enivre à nouveau et ne s’évanouisse en si bon chemin.


* * *


Comme il s’était couché tôt la veille, Chi Yan se réveilla tôt le lendemain. À son réveil, Ye Yingzhi dormait encore à ses côtés et le tenait dans ses bras.

Ils partageaient tous les deux la même couverture, alors Chi Yan put clairement sentir le froid émaner du corps de l’autre homme. Il se rapprocha de lui et tenta de l’aider à se réchauffer. Toutefois, Ye Yingzhi se réveilla suite à ses mouvements et ouvrit les yeux pour le fixer.

« Ah Yan est déjà réveillé ? Sois gentil, arrête de bouger et reste encore dormir un peu avec ton Gege, » fit-il en l’attirant plus vers lui.

Chi Yan se rappela alors que Ye Yingzhi avait le sommeil léger. Il n’eut pas le cœur de perturber son sommeil, alors il émit un léger son d’assentiment sans plus bouger puis il continua à rester allongé contre lui dans cette position. Avec un bras de Ye Yingzhi autour de lui, il finit par s’endormir sans s’en rendre compte. Jamais il n’aurait pensé que Ye Yingzhi ne dormait pas le moins du monde mais faisait justement semblant, tout ça pour avoir une excuse pour le serrer ouvertement dans ses bras et rester un peu plus longtemps au lit.


Quand Chi Yan se réveilla de nouveau, le soleil était déjà haut dans le ciel. La première chose qu’il fit à son réveil, ce fut de demander :

« Yingzhi Gege, où est ton chauffe-main ? Tu n’as pas froid en ne portant que ça comme vêtements à la maison ? »

Il se rappelait que, vu que Ye Yingzhi avait toujours froid et tremblait, le Bieyuan gardait le chauffage allumé tout au long de l’année. Tout auu plus, on le fermait quelques fois en été mais en hiver, il fonctionnait à plein régime. En plus de ça, Ye Yingzhi avait également deux couvertures en fourrure de renard ainsi qu’un chauffe-main qui était toujours à portée.

Désormais, Ye Yingzhi vivait dans la résidence principale des Ye. Dans cette bâtisse de deux étages, il n’y avait pas un système de chauffage aussi complet que dans le Bieyuan. On ne voyait pas non plus beaucoup d’objets qui tenaient chaud. Ye Yingzhi s’habillait désormais de manière ordinaire et il ne portait qu’une chemise en cette saison. Cela n’avait pas frappé Chi Yan quand il était venu la première nuit, mais maintenant qu’il y songeait, il était perplexe. Ce n’était pas logique qu’à présent que Yingzhi Gege était devenu le chef de la famille, il soit moins bien traité que lorsqu’il se trouvait au Bieyuan. Il n’y avait certainement personne pour le priver, alors la seule explication possible était que Ye Yingzhi ne prenait pas grand soin de lui et qu’il n’avait personne autour pour bien s’occuper de lui.


« Ça va, je n’ai pas froid, fit Ye Yingzhi en riant légèrement. Le médecin a même dit que j’allais de mieux en mieux. Tu sens du froid quand tu me touches mais moi en fait, je n’ai pas froid. Du coup, je n’utilise plus trop ces choses-là.

– Comment est-ce possible ? Cette maison en elle-même est à l’ombre, la lumière du soleil n’y pénètre pas et il y fait même encore plus froid que dehors, marmonna Chi Yan avant de se rappeler de quelque chose : Yingzhi Gege, où sont tes médicaments ? Pourquoi je n’ai pas vu le médecin venir te voir ces derniers jours ? »

Ye Yingzhi avait l’habitude de prendre avant plus d’une dizaine de gélules et breuvages par jour, à la fois de la médecine traditionnelle chinoise et de la médecine occidentale. Le médecin venait l’examiner tous les trois jours. Une fois, Chi Yan avait entendu des domestiques qui faisaient le ménage dans le Bieyuan dire que vu l’état de santé du troisième jeune maître Ye, s’il n’y avait pas eu la famille Ye derrière pour payer les médicaments, le garçon serait déjà mort depuis deux ans. Le jeune Chi Yan de l’époque n’avait pas pu s’empêcher de pleurer alors. Quand Ye Yingzhi l’apprit, il avait été si furieux qu’il avait demandé à l’oncle Fu de renvoyer les domestiques. Ye Yingzhi avait donc beau dire maintenant qu’il allait mieux, il était strictement impossible qu’il aille mieux alors qu’il ne voyait plus son docteur et ne prenait plus de médicaments. La preuve, ses mains étaient manifestement toujours aussi gelées.


« Le médecin doit passer demain, fit Ye Yingzhi avant de marquer une pause. Je n’ai besoin que de quelques médicaments maintenant. Je les ai pris avant ton réveil hier et quand tu es allé chez les Xu.

– Et aujourd’hui ? »

Cet homme était encore allongé paresseusement à ses côtés, vêtu de son pyjama de satin noir. Il était évident que, comme Chi Yan, il n’avait pas quitté le lit depuis son réveil, alors il était impossible qu’il ait pu prendre ses médicaments.

« Je les prendrai bientôt. »


Au moment du petit-déjeuner, Chi Yan vit un bol de soupe médicinale posé devant Ye Yingzhi. Rien qu’à l’odeur, on pouvait en imaginer l’amertume.

Chi Yan prit deux bouchées de son petit-déjeuner puis vit que le bol de soupe médicinale était encore intact.

« Pourquoi Yingzhi Gege ne boit pas ? »

Ye Yingzhi baissa les yeux sur le bol, d’un air inexpressif.

« C’est trop amer. »

Chi Yan eut l’impression de voir son grand-père quand il faisait le difficile à la maison. On disait qu’il y avait des petits et des grands enfants. Plus les gens devenaient âgés, plus ils régressaient pour retomber en enfance. Jamais Chi Yan n’aurait cru que son Yingzhi Gege, qui n’avait même pas encore trente ans cette année, manifesterait déjà des signes de sénilité. Dans ses souvenirs, Ye Yingzhi ne rechignait jamais à prendre son médicament amer avant, et il buvait joyeusement le moindre médicament que l’oncle Fu lui tendait.


À l’époque, Chi Yan avait demandé avec admiration et sidération :

« Yingzhi Gege, tu arrives à supporter l’amertume ? »

Et qu’est-ce que Ye Yingzhi lui avait répondu ?

Dans ses souvenirs, Ye Yingzhi était alors assis sur le canapé du séjour dans le Bieyuan et l’avait regardé en souriant avant de répondre d’un ton calme :

« Si je peux encore passer un jour de plus avec Ah Yan, peu importe que ce soit amer. Je le supporterai. »

Maintenant que Chi Yan y repensait, il semblait y avoir eu une lueur de tristesse dans ces yeux noirs paisibles.

Ye Yingzhi avait également peur : peur qu’ils soient séparés et peur qu’il ne puisse plus bien s’occuper de lui.


Chi Yan leva la tête et fixa l’autre homme d’un air un peu démuni.

« Il y a des fruits ou des bonbons ici ? Je vais t’en chercher. »

Ye Yingzhi sourit en le regardant :

« Pas de bonbon, ce n’est pas assez sucré. Je veux autre chose. »


Note de Karura : Tiens, tiens, qu’est-ce que Ye Yingzhi peut bien vouloir ? 😘


Notes du chapitre :
(1) Essayer de gagner mais se retrouver à perdre plus qu’au départ.






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