Chapitre 111 : Vengeance
Chi Yan écarquilla légèrement les yeux et le regarda sans rien dire. Il avait l’air de se faire tourmenter.
Ye Yingzhi se rappela la manière dont Chi Yan s’était débattu et avait gémi pendant qu’il dormait dans ses bras à l’instant. Il eut soudain très envie de se lécher les dents. Petite fripouille, ta réaction ne correspond pas du tout à un cauchemar. Dire que je me suis fait du souci pour toi.
Il pressa Chi Yan contre lui et son ton se fit un peu plus inquisiteur. Les yeux sombres, il observa attentivement le jeune homme d’un air un peu intimidant :
« Quoi ? Tu ne veux rien me dire ? Dis voir à ton Gege ce qui était si agréable, hein ?
– C’est juste que Yingzhi Gege... »
Chi Yan tourna la tête pour le regarder mais son visage devint tout rouge et quelques traces de larmes apparurent dans ses yeux sous la lumière.
« … est si agréable. »
Ye Yingzhi le prit dans ses bras et l’embrassa. Il ferma les yeux un moment avant de les rouvrir et fit d’un ton plus calme.
« Je vois. Tu veux que ton Gege soit encore plus agréable pour son Ah Yan ? »
Chi Yan ne dit rien et émit juste un léger En nasal. Il ferma rapidement les yeux et passa sans un mot ses bras autour du cou de Ye Yingzhi. Sous la lumière chaude et orangée, ses cils noirs frémirent doucement, comme les ailes d’un papillon.
Ye Yingzhi se rendit vraiment compte en cet instant de ce que cela voulait dire ne pas pouvoir se contrôler.
Chi Yan regrettait un peu.
Il admettait qu’il avait volontairement aguiché Ye Yingzhi pour être plus proche de lui, mais à présent que Ye Yingzhi le pressait contre le matelas, il le regrettait. Ce n’était pas qu’il ne voulait pas faire ce genre de choses avec l’autre homme, mais il se souvenait des conseils du médecin : Ye Yingzhi ne pouvait pas faire trop d’efforts physiques, ni se fatiguer alors il devait rester au calme. Chi Yan craignait donc que le corps de Ye Yingzhi ne puisse pas tenir le coup. Si cela ne durait pas trop longtemps, comme une seule fois, cela pourrait aller. Chi Yan avait vraiment peur que Ye Yingzhi ne tombe malade à cause de ça et ne puisse pas s’en remettre.
Alors quand Ye Yingzhi manifesta l’envie de recommencer, Chi Yan ne put que le repousser et murmurer :
« Yingzhi Gege. »
Ye Yingzhi marqua une pause dans ses agissements envers son amant. Il l’embrassa sur la joue et émit un En nasal.
« Qu’y a-t’il, mon petit bébé ?
– … Tu pourrais ralentir… un peu ? »
Chi Yan rougit rien qu’en disant ces quelques mots.
Ye Yingzhi en fut désolé pour lui. Il se dit que Chi Yan implorait sa pitié parce qu’il n’en pouvait plus. Il embrassa ses paupières de nouveau et était sur le point de le libérer quand il entendit Chi Yan ajouter dans un murmure :
« Gege n’est pas en bonne santé, n’insiste pas trop. Si tu n’es plus en état, faisons simplement une pause et ralentissons.
– ... »
Ye Yingzhi siffla quelques mots entre ses dents :
« Sale petit enfoiré... »
On pouvait dire que Chi Yan avait dû tomber dans le fossé pour gagner un peu en sagesse. Après avoir bien retenu sa leçon de la dernière fois, il comprit que Ye Yingzhi n’appréciait pas qu’il dise ça, alors il ne recommença plus. Il ne craignait pas le fait que Ye Yingzhi ait vigoureusement pris soin de lui de toutes sortes de manières différentes après avoir entendu ça la première fois, mais il s’inquiétait plutôt que l’autre homme s’épuise à force de le tourmenter et que son corps ne tienne pas le coup. En résumé, il était toujours inquiet à cause de l’état de santé de Ye Yingzhi.
Il se rappelait que les organes internes de Ye Yingzhi étaient très fragiles, en particulier son cœur. Le docteur avait déclaré qu’il n’était “pas fait pour le mariage”, alors ce n’était guère surprenant qu’il soit resté célibataire durant toutes ces années. Malgré ça, le comportement actuel de Ye Yingzhi envers lui avait tout du jeune marié nuit après nuit. Ils avaient passé cent quatre-vingts nuits Pas pour de vrai, c’est une figure de style ! (1) dans la chambre nuptiale et Chi Yan n’était ni désireux ni capable de le repousser. Du coup, il ne pouvait que se faire du souci pour Ye Yingzhi, craignant qu’il n’en fasse trop juste pour faire ses preuves ou bien qu’il soit tellement captivé par leurs activités qu’il en oublierait de se restreindre, comme plein de gens qui savaient que fumer n’était pas bon pour leur santé, sans pouvoir s’arrêter pour autant.
Il garda donc un œil sur lui et quand l’occasion se présenta de nouveau, il ne suggéra pas cette fois à Ye Yingzhi se se reposer. Au contraire, il cassa plutôt l’ambiance volontairement ou bien fit mine de minauder et de prendre l’initiative de servir son Gege. Son but ultime était de permettre à Ye Yingzhi d’économiser le plus d’énergie possible afin qu’il ne soit pas trop fatigué. En même temps, il se focalisa de plus en plus sur la tâche de superviser Ye Yingzhi pour qu’il prenne ses médicaments, craignant que le fait qu’il s’épuise trop au lit ces jours-ci n’ait de graves conséquences.
Ye Yingzhi ne perçut pas ses pensées attentionnées. Il grinça simplement des dents tous les jours en pensant à ce petit enfoiré qui se montrait de plus en plus audacieux, à tel point qu’il pourrait même ramener un mort à la vie. Malgré ça, il ne pouvait pas s’empêcher d’être de moins en moins capable de se contrôler. Il avait seulement envie de le tourmenter et quand il était rassasié, il ne pouvait s’empêcher de le chouchouter davantage. Il avait l’impression que Chi Yan était une partie de lui et qu’il ne pouvait pas vivre sans lui.
Après quelques jours passés ensemble dans la petite bâtisse, presque coupés du monde, le Sacrifice de Rétribution allait bientôt débuter.
La cérémonie formelle durait trois jours, cependant Ye Yingzhi avait annoncé qu’il ne participerait qu’à la matinée du premier jour. Chi Yan approuva totalement : il estimait que Ye Yingzhi avait besoin de repos et devait cesser de s’agiter de la sorte.
Ye Yingzhi était encore faible et avait les mains froides. Quand ils sortirent de la voiture, Chi Yan lui prit le bras et marcha avec lui. Ye Yingzhi posa une main sur la sienne et ne dit rien.
Presque tout le monde était déjà arrivé dans la salle. Dès que les deux jeunes gens entrèrent, de nombreux regards se posèrent sur eux. Chi Yan aida Ye Yingzhi à prendre place puis s’assit à côté de lui. Les sièges pour la cérémonie étaient attribués par famille. Ils étaient installés dans la zone réservée à la famille Ye. Dès que Chi Yan s’assit, il reçut un message de Xu Xin :
[On dirait que je me suis fait bel et bien piquer mon petit-ami. Mme Ye, vous vous souvenez que vous étiez censé être mon petit-ami ?]
Chi Yan répondit par :
[Arrête tes histoires.]
Ces derniers temps, Ye Yingzhi n’arrêtait pas de lui dire “Arrête tes histoires, Ah Yan” ou bien “Petite fripouille”. Chi Yan avait donc l’habitude de ces mots et s’en servit automatiquement, sans se rendre compte du ton intime et proche des ces trois mots.
Ye Yingzhi se pencha et lut ce qui était affiché sur son portable avec un rire moqueur.
« ”Arrête tes histoires” ? Vous êtes si proches que ça ? »
Avant que Chi Yan n’ait pu répondre, il vit le premier message de Xu Xin et eut un léger rire.
« Mme Ye ? Pas trop mal. »
Cette fois, son rire était nettement plus sincère.
Chi Yan se sentit soudain un peu perdu et murmura :
« Yingzhi Gege... »
Ye Yingzhi sourit et lui jeta de nouveau un coup d’œil.
« Oh ? tu m’appelles encore Gege ? On a pourtant déjà fait tout ce qu’il ne fallait pas. Tiens, comment tu m’as appelé la nuit dernière ? Dis-le encore, hein ? »
Chi Yan le fixa avec de grands yeux et sentit simplement que son être tout entier était en train de se carboniser de la tête aux pieds. Il lâcha précipitamment :
« J’ai besoin d’aller aux toilettes. »
Puis il partit en courant — il avait vraiment besoin de se passer de l’eau sur le visage.
Le majordome vit Chi Yan s’éloigner d’un pas chancelant et s’approcha avec circonspection de son maître. Il s’inclina et demanda :
« Troisième maître Ye, le jeune maître Chi va bien ? Désirez-vous que j’envoie quelqu’un l’accompagner ? »
Ye Yingzhi agita la main et sourit. Une touche de tendresse apparut dans ses yeux noirs.
« Il va bien, il est juste un peu embarrassé. Il reviendra plus tard. »
La salle de bains se trouvait dans un autre bâtiment que la salle, et il fallait traverser un petit jardin pour y accéder. Quand Chi Yan sortit de la salle de bains, il vit une silhouette familière se tenir près d’un parterre de fleurs au beau milieu du jardin. Il n’y avait personne d’autre dans les environs, rien qu’eux deux. Malheureusement, c’était le seul chemin qu’il pouvait prendre pour retourner dans la salle. C’était vraiment comme deux armées ennemies qui se croisaient sur une route étroite.
Chi Yan s’avança sans ciller et ce fut Chi Rong qui prit l’initiative de l’arrêter quand l’autre le dépassa :
« Chi Yan. »
Le jeune homme s’arrêta et se tourna vers lui, gardant le silence.
« Puisque tu as été chassé, à quoi bon revenir ? Tu crois qu’en te vendant à Ye Yingzhi, il va te soutenir ? Que tu pourras prendre la place d’aîné des petits-fils et héritier de la famille Chi ? »
Ses paroles étaient toujours aussi désagréables. Chi Yan ignora la seconde partie insultante de son discours et leva les yeux pour le fixer. Il répliqua :
« Si tu n’avais pas tenté de me tuer, tu crois vraiment que je serais revenu ?
– Tu prétends que j’ai essayé de te tuer ? fit Chi Rong avec un reniflement dédaigneux. Chien sans foyer, tu t’imagines que je me soucie encore de ta vie ou de ta mort ? »
Chi Yan ne cessa pas d’observer son regard. Les yeux de Chi Rong dérivèrent sur la droite avant de vaciller un peu. Il mentait.
Si Chi Yan avait eu encore des doutes sur le fait que Chi Rong était derrière tout ça, il était à présent convaincu que cela avait un lien avec lui. Il n’aurait pas pu plus avoir l’habitude de savoir quand Chi Rong mentait.
Quand il était enfant, il ne comprenait pas pleinement la relation entre sa mère, son père et Chi Rong. Sa mère craignait de le faire souffrir alors elle ne lui avait jamais expliqué les choses clairement quand il était petit. Vu qu’ils avaient à peu près le même âge, Chi Rong venait souvent le chercher pour jouer, et comme Chi Yan n’avait pas vraiment de camarade de jeu, il le suivait volontiers. La seule chose qu’il avait vaguement comprise de ses observations, c’était que sa mère n’appréciait pas Chi Rong et sa propre mère, et que leur père semblait lui préférer Chi Rong.
À l’époque, il ne comprenait pas pourquoi leur père le punissait toujours lui alors qu’il n’avait fait aucune bêtise et que c’était Chi Rong qui avait menti pour l’accuser. Il ne comprenait pas pourquoi leur père semblait toujours aveugle aux mensonges maladroits de l’autre garçon. Ce ne fut qu’une fois grand qu’il comprit que ce n’était pas que Chi Yuanshan était incapable de distinguer la vérité du mensonge, mais qu’en fait il avait été partial depuis le début. Mais au moins, tout cela lui avait permis de “déchiffrer les vrais sentiments sur le visage de Chi Rong”. Chi Yan savait exactement la tête qu’il faisait quand il mentait et dès que l’autre garçon ouvrait la bouche, Chi Yan pouvait dire s’il disait la vérité ou bien mentait. Après toutes ces années, Chi Rong n’avait absolument pas changé sur ce point.
Chi Yan ne voulut pas perdre plus de temps avec lui et lâcha :
« Tu sais parfaitement ce que tu as fait ou pas, tu sais très bien pourquoi je suis revenu et je n’en ai vraiment rien à faire de ce que tu penses. »
Après ça, il fit demi-tour et partit.
Chi Rong fit un pas et le retint de nouveau par la main :
« Chi Yan, je te conseille de t’en aller rapidement. »
Chi Yan l’ignora et repoussa sa main sans rien dire avant de reprendre sa route. Par contre, il fronça les sourcils en touchant la main de Chi Rong. Cette main lui avait paru gelée et humide, comme la main d’un cadavre qui rampait hors de sa tombe pour saisir la cheville et ne pas le lâcher tant que l’autre ne serait pas mort.
Une fois que Chi Yan eut regagné sa place, il semblait un peu perdu dans ses pensées. Ye Yingzhi vit qu’il avait l’esprit ailleurs et ne le taquina plus. Après un moment, il prit congé avec Chi Yan en prétextant sa santé fragile.
Quand ils prirent place dans la voiture, Ye Yingzhi lui demanda directement :
« Qui est-ce que tu as vu ? Pourquoi tu faisais une autre tête en revenant ?
– Chi Rong, répondit Chi Yan sans rien cacher. Je crois qu’il cherche une occasion pour me faire du mal. »
Chi Yan songea soudain à quelque chose et se tourna vers lui.
« Au fait, Yingzhi Gege, tu pourrais m’apprendre quelques sorts pour me protéger ? Si Chi Rong est vraiment pressé de me tuer, que puis-je faire pour éviter qu’il ne me fasse du mal ? »
Ye Yingzhi posa son menton sur sa main et lui lança un regard léger :
« Il est à présent l’héritier de la famille Chi tandis que toi, tu es Mme Ye. Que pourrait-il bien te faire ? »
Chi Yan en fut un peu démuni. Il soupira et fit d’un ton de reproche :
« Yingzhi Gege. »
Ye Yingzhi resta dans cette position, toujours calme et imperturbable.
« Je peux bien entendu t’enseigner des méthodes pour te protéger. Toutefois, je n’aime pas quand tu m’appelles Yingzhi Gege. Si tu m’appelles autrement, ton Gege voudra bien t’enseigner ces sorts. »
Note de Karura : Ha ha ha, Ye Yingzhi est fidèle à lui-même ! 😒
Notes du chapitre :
(1) Pas pour de vrai, c’est une figure de style !
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