Fin des réincarnations : Éternité
Chapitre 135 : Souvenirs
La lampe de poche qu’il tenait tomba par terre et roula sur le côté. Un petit cercle de lumière apparut alors sur le sol.
Les environs devinrent aussitôt plus sombres. Chi Yan se recroquevilla dans les bras de Ye Yingzhi, n’osant plus bouger pendant un moment.
Il appela avec hésitation le nom de son bien-aimé à voix basse :
« … Yingzhi, Ye Yingzhi… arrête de me faire peur... »
Dans la caverne vide, sa voix semblait encore plus faible et impuissante.
Ye Yingzhi embrassa légèrement son oreille.
« Je ne te ferai plus peur. »
Le corps chaud sous sa main tremblait légèrement dans ses bras, comme une sorte de pauvre petit animal tombé entre ses mains. Ye Yingzhi pouvait même entendre son bien-aimé gémir de manière inconsciente.
L’autre avait tellement peur, les deux mains posées sur son torse. Il ignorait comment s’échapper, comme un petit agneau à la merci d’un chasseur, prêt à se faire totalement sacrifier.
Ye Yingzhi sentit soudain que c’était trop difficile de se retenir. Il déposa des baisers sur l’oreille de son amant, descendit le long de son cou jusqu’à sa clavicule. Il s’arrêta un peu à ce moment et inspira.
Parce que Chi Yan s’était mis à pleurer.
La vision de Ye Yingzhi n’était pas affectée par le noir, alors il pouvait clairement voir les yeux de son amant fermés, ses lèvres pincées et ses cils qui frémissaient avec des gouttes d’eau suspendues sur le visage terrifié de l’autre homme.
Il aimait Chi Yan quelle que soit son apparence, mais il était peut-être vraiment mauvais de nature car il ne pouvait pas nier qu’il aimait par-dessus tout voir son petit bébé réduit dans cet état dans ses bras : si impuissant et docile, dépendant entièrement de lui. Il en était bouleversé mais en même temps, son cœur se remplit d’un désir ardent. Il voulait le cajoler tendrement et le rendre heureux, pas le rendre triste. Néanmoins, il ne pouvait s’empêcher de vouloir en secret le martyriser encore plus, afin de le forcer à dévoiler tout son intérieur tendre et suave.
Il avait vraiment envie de le dévorer tout cru sur-le-champ. Il ne put s’empêcher de se remémorer l’apparence de Chi Yan quand il prenait l’initiative de le servir, quand il se faisait tourmenter si tendrement qu’il ne pouvait que pleurer sans pouvoir le cacher et ne pouvait qu’accepter avec docilité, ou la manière dont il l’appelait ‘Yingzhi’ d’un ton si intime et séducteur… La respiration de Ye Yingzhi se fit de plus en plus saccadée.
C’était en effet le trésor qu’il serrait à deux mains au plus profond de son cœur. Le moindre de ses gestes touchait sa corde sensible, le captivant et le rendant incapable de se contrôler.
Je suis vraiment complètement mauvais.
Ye Yingzhi soupira en silence. Il baissa la tête et lécha gentiment les larmes des yeux de Chi Yan. Il répéta :
« Je ne te ferai plus peur. »
Cependant, ces mots parurent déclencher quelque chose. Chi Yan sanglota soudain et écarta les bras pour le serrer fort contre lui. Il se nicha contre lui et prononça son nom :
« Ye Yingzhi... »
Chi Yan avait peur de lui, mais il était sûr intuitivement que c’était son grand amour. Quand on le tenait, on ne voulait plus le lâcher.
Il pouvait cependant sentir qu’il y avait quelque chose qui clochait chez Ye Yingzhi, mais dans un tel environnement où ses nerfs étaient déjà mis à rude épreuve, il ne pouvait pas déterminer le problème. Il ne pouvait donc que murmurer le nom de l’autre homme.
« Ye Yingzhi... »
Sa voix contenait des sanglots.
Traduction faite par Karura Oh. Lisez sur mon site http://karuraoh.free.fr ou sur Scan Manga. Si vous la voyez sur un autre site, c'est qu'ils ont volé cette traduction !
Son étreinte fit fondre le cœur de Ye Yingzhi, qui se remplit alors d’impuissance et de bouleversement.
Depuis le moment où il avait compris clairement ce qu’était l’amour, il ne savait vraiment pas comment gérer Chi Yan.
Il ne put que lui rendre son étreinte et déposer de doux baisers sur ses paupières.
« Ah Yan, bébé, ouvre les yeux. Ouvre les yeux et regarde-moi. Je suis là, avec toi. N’aie pas peur. »
Au son de sa voix, Chi Yan ouvrit ses yeux baignés de larmes et le regarda.
« Ye Yingzhi… pourquoi tu… à l’instant… ? »
Il voulait lui demander pourquoi il avait eu l’air si effrayant à l’instant et aussi pourquoi il réagissait de manière si bizarre. Mais quand Chi Yan ouvrit les yeux, les questions moururent subitement sur ses lèvres.
La caverne s’était illuminée à un moment donné, mais il ne parvenait pas à voir d’où venait cette lumière. Ye Yingzhi se tenait devant lui, et derrière lui se trouvait un passage composé de ténèbres à l’état pur et qui menait dieu sait où. Chi Yan sentit confusément qu’il y avait quelque chose de l’autre côté de ce passage qui semblait l’appeler, quelque chose de familier, de chaleureux, de tendre… et de désespéré.
Avant qu’il ne puisse réagir, Ye Yingzhi avait déjà tendu la main pour recouvrir ses yeux. Il lui murmura :
« Ah Yan, n’aie pas peur. Nous allons simplement rentrer à la maison. Tu avais promis de rester avec moi. N’aie pas peur, bientôt, tu te rappelleras de tout. Le moment venu, je te dirai pourquoi j’ai fait en sorte que nous venions ici... »
Pour que tu te rappelles de tout au sujet de nous deux.
Chi Yan eut soudain les yeux couverts. Il ne vit plus rien, alors il saisit par réflexe le bras de l’autre homme, confus.
Cependant, dans la seconde qui suivit, le monde tourna autour de lui et il perdit aussitôt connaissance.
Dans le vaste univers chaotique, à la fin de l’éternité, dans le cycle éternel de la vie et de la mort… En fin de compte, où est-ce que je t’ai rencontré ?
Durant les vacances d’été de la première année de son doctorat, Chi Yan accepta une tâche — emmener l’épouse du secrétaire du parti C’est le nom donné à une fonction dans le parti communiste. (1) voir son mari dans les montagnes.
Voilà ce qui s’était passé : Yan Zhu, le meilleur ami de Chi Yan depuis l’enfance, avait été transféré à la fin de ses études dans un petit village perdu dans les montagnes du sud-ouest du Yunnan pour en devenir le secrétaire du parti. La veille de sa remise de diplôme de maîtrise, il avait obtenu le certificat de mariage avec sa camarade de classe et petite amie, Han Feixue. La jeune femme, de son côté, avait préféré continuer son doctorat. Le jeune couple avait donc vécu séparément.
Chi Yan n’avait jamais été concerné par l’amour alors naturellement, il n’y entendait rien aux histoires entre mari et femme. Il poursuivit également ses études et, comme il se trouvait qu’il était dans la même université que Han Feixue, avait la même spécialité et se trouvait dans la même classe qu’elle, quand il prévit de rendre visite au secrétaire Yan qui se plaignait d’avoir la vie dure, il parut naturel que Mme Yan l’accompagne pour rendre visite à son époux. Le village où exerçait Yan Zhu était caché dans les montagnes et ce n’était pas pratique de s’y rendre avec les transports en commun. C’était bien trop dangereux pour une femme de voyager seule, alors il se chargea d’escorter Han Feixue pour voir Yan Zhu.
Il se comporta de manière très loyale envers son ami, bien entendu, mais quand, après plusieurs tours et détours, ils parvinrent au village de Lingsan où vivait Yan Zhu, Chi Yan fit deux découvertes : premièrement, les conditions de vie dans ce village étaient vraiment très rudes ; deuxièmement, sa présence était particulièrement inutile. Ces deux points se firent particulièrement sentir lors du problème du logement.
Il n’y avait pas du tout d’hôtel dans le village. La maison où vivait le secrétaire Yan n’avait qu’une seule chambre et, bien évidemment, qu’un seul lit. En toute logique, les époux allaient dormir ensemble. Chi Yan n’avait donc nulle part où loger. Au final, Yan Zhu s’arrangea pour qu’il loge dans la maison du vieux Zhang dans le village.
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Le fils et la belle-fille du vieux Zhang avaient quitté le village pour le travail, alors il n’y avait que lui et sa petite-fille de quatre ou cinq ans à la maison. Du coup, il y avait une chambre de disponible. Han Feixue avait prévu de passer toutes les vacances ici avec Yan Zhu, tandis que Chi Yan avait seulement prévu de voir son frère Utilisé ici dans le sens de ‘bon ami’. (2) deux jours avant de partir. Les conditions de vie dans ce village étaient horribles mais comme cela ne serait que pour une nuit, ce serait inutile de se montrer trop exigeant.
Chi Yan avait toujours eu le sommeil léger. Non seulement il se retrouvait dans un environnement pas familier mais en plus, la maison était très chaude en été et les moustiques perturbaient son sommeil. Après deux ou trois heures allongé dans le lit la nuit, il ne pouvait toujours pas dormir. Alors il se leva simplement pour aller aux toilettes.
Il n’y avait pas de toilettes dans la maison du vieux Zhang, alors il dut se rendre aux toilettes publiques à l’entrée du village. Comme cela n’aurait pas été convenable, il avait gardé ses vêtements pour dormir. Du coup, il n’eut qu’à se lever, déverrouiller la porte et sortir.
En sortant des toilettes publiques, Chi Yan vit une petite silhouette familière accroupie dans l’herbe un peu plus loin devant lui. Il plissa les yeux pour mieux voir : c’était Xiao Xing, la petite-fille du vieux Zhang. Elle était accroupie là-bas, comme pour attraper des sauterelles.
L’épouse du vieux Zhang était morte depuis longtemps, il n’y avait donc plus que lui à la maison. Non seulement il était à moitié sourd, mais également aveugle d’un œil. Il y avait donc inévitablement des moments où il ne pouvait pas surveiller complètement sa petite-fille, du coup la gamine était même sortie en douce pour jouer au beau milieu de la nuit. Xiao Xing semblait vraiment ignorer la peur : quand elle vit la sauterelle s’enfuir, elle la suivit en courant hors du village.
Chi Yan prit peur qu’il ne lui arrive quelque chose, alors il courut derrière elle. Mais il était légèrement myope et n’avait pas pris ses lunettes pour sortir. En outre, le village coupait l’éclairage la nuit afin d’économiser de l’électricité et Chi Yan n’avait rien pour éclairer son chemin. Le chemin boueux était parsemé de nids-de-poule, ainsi que pierres de tailles diverses. Ce n’était donc pas facile de marcher dans le noir. Chi Yan n’avait fait deux pas qu’il faillit trébucher sur une pierre. Après ça, il fit plus attention. Il plissa les yeux pour mieux voir la route sous le faible clair de lune et n’osa pas courir vite. Par conséquent, après un bon moment, il n’avait toujours pas réussi à rattraper Xiao Xing.
Soudain, la petite fille s’arrêta au sommet d’un col de montagne en dehors du village et cessa de courir. Chi Yan poussa un soupir de soulagement en voyant que la gamine s’était enfin arrêtée. Quand il la rejoignit, il se figea.
Il y avait dix personnes qui se tenaient de l’autre côté, tous des hommes adultes. Ils avaient différents outils à la main et s’étaient regroupés pour discuter à voix basse. Chi Yan distingua vaguement que deux d’entre eux avait des pistolets.
Ils n’avaient pas encore repéré une petite fille comme Xiao Xing mais quand Chi Yan s’approcha à son tour, deux d’entre eux le remarquèrent et tournèrent la tête dans sa direction.
Chi Yan sentit inconsciemment que ces gens n’étaient pas des gens bien. Il souleva aussitôt Xiao Xing et courut en direction du village. Mais en tant qu’adulte, il se fit repérer dès qu’il se mit à courir. Trois hommes s’élancèrent aussitôt à sa poursuite.
Chi Yan n’était pas déjà pas doué pour courir et en plus, il était myope et portait une petite fille. Il se fit donc vite rattraper. Il ignorait d’où pouvaient bien venir ces gens. Il n’y avait pas tant d’habitants que ça dans le village, la plupart étaient des personnes âgées faibles et des enfants. La plupart des jeunes gens et des gens d’âge moyen étaient partis pour travailler, alors il n’osa pas appeler à l’aide imprudemment. Il savait qu’il était la cible principale et qu’il n’allait pas pouvoir s’enfuir. Au contraire, Xiao Xing était petite alors elle pourrait sûrement rentrer chez elle en courant sans problème, s’il la couvrait. Tout en courant, il lui murmura donc à l’oreille :
« Dès que je te pose par terre, tu vas courir à la maison pour demander à ton grand-père d’aller voir l’oncle Yan. »
Il n’était pas sûr que la petite ait tout compris, mais elle devait au moins être capable de ‘courir à la maison’.
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Après ça, il se pencha et posa Xiao Xing par terre. La petite se mit vraiment à courir vers le village. Presque au même instant, les hommes qui le pourchassaient le rattrapèrent. Deux d’entre eux pressèrent Chi Yan au sol, un de chaque côté.
Ce groupe de gens semblait être des pilleurs de tombes.
En fin de compte, ils ne tuèrent pas Chi Yan tout de suite mais l’attachèrent et l’emmenèrent sous terre après en avoir discuté entre eux.
Chi Yan ne savait pas pourquoi ils agissaient ainsi. C’était peut-être parce qu’ils étaient prudents et ne voulaient pas attirer le malheur en tuant quelqu’un avant de pénétrer dans une tombe. Peut-être aussi qu’ils craignaient que l’on retrouve son corps et que cela ne leur crée des problèmes. Ou bien peut-être simplement qu’ils voulaient le garder comme otage. En tout cas, mieux valait rester en vie que se faire tuer. Chi Yan était content d’avoir évité le pire et il gardait l’espoir secret que Yan Zhu trouve le moyen de le secourir à temps.
S’il ne l’avait pas vu de ses propres yeux, Chi Yan aurait eu bien du mal à croire qu’il y avait les vestiges d’une si magnifique civilisation enfouis sous la montagne où était situé le village de Lingsan, un petit village perdu et arriéré.
Ils descendirent le long d’un trou creusé soigneusement par les pilleurs de tombes dans la montagne. Ils atterrirent dans un couloir en pierre et au bout se trouvait des portes en pierre. Les portes étaient ornées de motifs simples mais étranges. Ces motifs étaient très différents des décorations traditionnelles des anciennes tombes de la Plaine Centrale. On avait choisi non pas des motifs comme des fleurs de bon augure, des oiseaux ou des animaux mythologiques, mais plutôt des choses exceptionnellement malfaisantes.
Par exemple, il y avait un serpent à sept têtes au-dessus des portes, et les têtes étaient disposées de sorte à former un visage humain souriant. À l’endroit où se trouvait le nez de ce visage humain, un poulet souriant à trois pattes était sculpté — même si ce n’était qu’un poulet, il donnait l’impression de rire et on pouvait même voir les dents bien alignées dans son bec — ce n’était clairement pas quelque chose de réel. Sous les trois pattes griffues du poulet, quatre personnes étaient enroulées comme des serpents. Bien que cette position semblait douloureuse, le plus étrange était que, si on regardait bien leurs visages, ces gens semblaient également sourire.
Après que les pilleurs aient ouvert la porte d’une manière ou d’une autre, Chi Yan fut contraint de pénétrer avec eux dans le palais souterrain.
Ce palais souterrain était majestueux et solennel, avec des décorations exquises. Toutefois, une ombre d’étrangeté s’était mêlée à la magnificence. Quelques objets en bronze et des décorations ressemblaient à ceux qui avaient été déterrés sur le site de Sanxingdui Un grand site archéologique dans la province de Sichuan. (3), avec toutefois quelques différences. Comparés aux vestiges culturels que Chi Yan avait pu voir au musée là-bas, ces objets-ci étaient en parfait état, leur facture était plus délicate, et les motifs et sculptures débordaient plus d’imagination débridée. Les motifs dégageaient une impression similaire à ceux des portes. Il y avait le même genre de serpent à plusieurs têtes, de poulets souriants, avec en plus des tritons Le masculin de sirène. (4) avec des têtes de poissons mais des corps humains. Comme les poulets à trois pattes, les tritons, bien qu’ayant une tête de poisson, arborait un sourire très humain et on pouvait vaguement voir les dents blanches et pointues dans leurs gueules.
Chi Yan remarqua un autre détail : tous les humains qu’on pouvait voir dans ces sculptures murales ou sur les objets décoratifs étaient dans des positions tordues et douloureuses, pourtant ils souriaient tous. Il y avait donc un contraste aigu entre leur position douloureuse et leur expression de joie. Chi Yan ne put s’empêcher de frisonner et son cœur fut envahi par un grand froid.
Ce palais souterrain des plus choquants était comme un immense labyrinthe. Il recelait autant de pièges et de dangers qu’il était mystérieusement fascinant.
D’un côté, Chi Yan eut de la chance : bien qu’obligé de suivre ces pilleurs de tombes dans les profondeurs, il resta indemne. Au contraire, durant le trajet, les pilleurs de tombes perdirent deux des leurs.
Ce fut également durant le trajet que Chi Yan se rendit peu à peu compte que ces gens qui l’avaient capturé n’avaient rien de simples pilleurs de tombes qui seraient juste en quête de richesses. La preuve en était que cela aurait été difficile pour de simples pilleurs de tombes d’apprendre l’existence d’un tel palais souterrain.
En fait, ce palais souterrain où il se trouvait actuellement n’était pas tant une tombe qu’un temple.
Notes du chapitre :
(1) C’est le nom donné à une fonction dans le parti communiste.
(2) Utilisé ici dans le sens de ‘bon ami’.
(3) Un grand site archéologique dans la province de Sichuan.
(4) Le masculin de sirène.
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