Chapitre 55 :
Une source d'ennui
Une autre traduction proposée était "femme fatale", cependant la phrase apparaît dans le chapitre suivant et cette traduction littérale correspond mieux. (1)
Dans un premier temps, Ye Yingzhi eut un peu de mal à y croire quand Chi Yan s'adossa contre lui. Puis il l'accepta tout naturellement en silence, secrètement ravi. Tandis qu'il quittait les lieux avec les bras enroulés autour de Chi Yan, il murmura à son oreille pour tenter de faire sa pub :
« Ne t'en fais pas, Ah Yan. Une fois avec moi, les autres ne pourront pas voir que je ne suis pas humain alors tu n'as pas à te sentir inférieur. Je te promets que je ne me dévoilerai jamais devant un autre que toi. Et peu importe si je me fais quand même découvrir, ils ne peuvent pas me battre... Si tu ne crois toujours pas que je ne te ferai aucun mal, je te le prouverai, que cela prenne un jour, deux jours, trois jours ou toute une vie. »
Qui se sentirait inférieur parce qu'il est avec une créature pas humaine comme toi ? Chi Yan se radoucit en étant enlacé si tendrement par l'autre homme. En écoutant Ye Yingzhi murmurer des mots mielleux et inconsistants à son oreille, il sentit son visage devenir un peu chaud.
« Oh, tu as autant m'expliquer alors pourquoi tu m'as tourmenté à l'époque. Non seulement tu m'as tourmenté, en plus tu ne t'es même pas montré ! »
Si Ye Yingzhi n'avait pas été invisible à l'époque, il n'aurait peut-être pas eu autant peur de lui.
« Comme je te l'ai déjà dit, j'étais tout seul dans cette maison sans savoir pourquoi. Je ne me sentais pas en colère ou seul, seulement très vide. Et puis je t'ai vu un jour et à cet instant j'ai senti que c'était toi que j'attendais et que je recherchais.
« Alors j'ai suivi les élans de mon cœur et je suis allé te trouver. Mais après t'avoir serré dans mes bras quelques nuits, la solitude que je pouvais supporter jusque là était tout à coup devenue insupportable. Je ne pouvais m'empêcher de vouloir te poursuivre immédiatement mais je craignais de te faire peur, alors j'ai dû me retenir avec du mal. Alors quand je me suis rapproché de toi dans le jeu et en tant que colocataire, je ne voulais pas te mentir. J'avais juste peur que tu sois si effrayé que tu te mettes à pleurer et à t'évanouir comme tu l'as fait quand je t'ai pris dans mes bras le jour-là. »
Bien que j'ai vraiment "pleuré et me suis évanoui" de manière embarrassante ce jour-là, tu es sûr que ce que tu as fait était juste "me prendre dans tes bras" ? Néanmoins ce qui transparaissait dans les paroles de l'autre homme était tout simplement trop doux. Chi Yan sentit seulement son cœur s'envoler un peu et ne se soucia plus de ces petits détails.
C'était vraiment ce qu'on appelait "dire un mensonge l'un après l'autre" et "répandre des rumeurs pour tromper les gens". En tout cas les mots d'amour de Ye Yingzhi pouvaient vraiment ensorceler son cœur.
« Tu étais seul pendant longtemps avant ?
– En.
– Tu te sentais seul ? »
Il sentait déjà son cœur se serrer.
« Non, je t'ai dit qu'avant de te rencontrer, j'ignorais ce qu'était la solitude ou l'isolement. »
Idiot, maintenant j'ai encore plus de peine pour toi. Bien qu'il sache que Ye Yingzhi n'était pas humain, qu'il s'accrochait instinctivement à l'idée de "pas de ma race, son cœur doit être différent" et qu'il ressentait une peur sans pareille de ces démons, ce qui lui vint involontairement à l'esprit, ce fut l'image de Ye Yingzhi occupé à préparer une fondue chinoise dans sa maison — durant les longues années avant que Chi Yan n'arrive, avait-il fait aussi de la fondue ? Pour la manger tout seul ?
Chi Yan en resta sans voix un bon moment et ne put qu'écouter les paroles de Ye Yingzhi :
« Voilà pourquoi je ne peux pas renoncer à toi. Si tu pars maintenant, que suis-je censé faire durant les longues années qui m'attendent ?
– Et si je meurs ? » demanda Chi Yan sans réfléchir.
D'après les légendes, les démons avaient une longue vie tandis que les humains ne vivaient qu'une centaine d'années, ce qui était quasiment négligeable en comparaison.
Il leva les yeux pour découvrir que le visage de Ye Yingzhi arborait un sérieux inédit.
« Je mourrai avec toi. Quand tu mourras, je mourrai avec toi. Quand tu disparaîtra, je disparaîtrai avec toi. Quand tu te réincarneras, je me réincarnerai à tes côtés. »
Après tout ça, la vie de Chi Yan reprit son cours normal.
C'était juste que de plus en plus de gens pouvaient voir que sa relation avec Ye Yingzhi était des plus particulières.
Bien entendu Chi Yan avait tout avoué à Lao Yuan et d'autres personnes qui étaient ses meilleurs amis.
Lao Yuan en fut très surpris.
« La Règle, je ne me suis jamais rendu compte que tu avais ce genre de penchant. Comment ça se fait que tu sois tout à coup avec ce gars ? »
Chi Yan toussota.
« Hé bien, quand on vit ensemble un bon moment, les sentiments se développent naturellement. »
Lao Yuan lui lança un regard bizarre.
« Mais ça ne fait qu'un semestre que tu vis avec lui tandis que tu as vécu quatre ans avec moi. »
Chi Yan : « … En fait, dès que je l'ai vu, il m'a fait une bonne impression. J'avais l'impression de déjà le connaître et je me suis senti proche de lui, j'étais heureux à chaque fois que je le voyais. Ensuite j'ai eu quelques problèmes et il m'a généreusement aidé. Du coup cela a renforcé mes sentiments pour lui. Ensuite j'ai découvert qu'il avait certains défauts et qu'il m'avait menti auparavant, mais je l'aimais déjà. Alors j'ai eu peur en apprenant tout ça, si peur que je n'arrivais même plus à penser, je voulais m'éloigner de lui le plus possible et je l'ai repoussé un moment... Mais au final je n'ai pas pu aller à l'encontre de mon cœur et le détester. Heureusement qu'il m'a suivi pendant tout ce temps et ne m'a pas laissé l'opportunité de le rejeter. »
Lao Yuan fut pris au dépourvu par ce morceau de nourriture pour chien Du mélodrame amoureux. (2). Il ne s'intéressa guère aux émois féminins de Chi Yan et ne releva que deux mots-clés au milieu de tout ce récit :
« Quoi ? Il a des défauts et il t'a menti ? »
Le fait que son ami ait mentionné ces défauts avec un ton pareil voulait dire que ce n'était pas un petit problème. LaoYuan fut aussitôt alarmé.
« Quels défauts ? Il a commis un crime ? Ou bien il se drogue ? »
Non, Ye Yingzhi n'était pas mauvais à ce point, c'était juste qu'il n'était pas humain.
Chi Yan répondit d'un ton léger :
« Non, mais en fait cela fait longtemps que je lui plaisais. Il n'habite pas très loin de chez mon cousin alors quand j'ai fini le lycée et que je suis resté quelques jours chez mon cousin, il s'est amusé à se couvrir le visage et à s'introduire dans ma chambre toutes les nuits pour me faire peur. Quand on s'est revus de nouveau plus tard, il a fait comme si ça n'était jamais arrivé, l'enfoiré. »
Chi Yan dut se résigner à édulcorer de beaucoup la vérité. Il pouvait être considéré comme bienveillant envers Ye Yingzhi.
Lao Yuan se frotta le menton, perplexe.
« Ah bon ? Ton colocataire a l'air si élégant et décent à tel point que c'est pas humain. Il est vraiment capable d'un truc pareil ? »
Que ce soit grimper au balcon pour entrer dans la chambre de quelqu'un en portant un masque ou bien tenter de faire peur à son chéri comme un gamin de primaire, Ye Yingzhi n'avait pas l'air du genre à faire ça.
Il semblait plutôt du genre à être un jeune maître froid et détaché qui tombait amoureux et ne se gênait pas pour offrir sept à huit appartements à son bien-aimé pour ensuite expliquer timidement que sa seule intention derrière tout ça était qu'ils soient amis.
En songeant à cela, Lao Yuan chercha un ragot :
« La Règle, ton homme semble avoir des origines bien particulière. Il ne t'a pas offert quelques appartements avant ? »
Non, il loue même sa maison actuelle. Ah, c'est parce qu'il a fait peur au propriétaire d'origine et l'a fait fuir. Le propriétaire a donc été contraint de lui prêter la maison.
Chi Yan dévisagea son ami :
« … Arrête les romans à l'eau de rose. Ce n'est pas comme ça que tu comprendras la psychologie des femmes et que tu te trouveras une petite-amie. »
Tu n'as pas encore trouvé de petite-amie mais quand ça arrivera, tu verras que tes pensées dépassent la réalité. Chi Yan sentait que Lao Yuan présentait des symptômes actuellement.
Lao Yan en fut si vexé qu'il cessa de parler.
Chi Yan découvrit au fil du temps que Ye Yingzhi et lui avaient une bonne compréhension de l'autre comme si cela faisait longtemps qu'ils étaient ensemble. Chi Yan n'avait pas besoin de dire la plupart des choses car Ye Yingzhi comprenait ce qu'il voulait.
Comme l'avait assuré Ye Yingzhi, personne ne put voir ce qu'il était vraiment. Quand ils eurent fini leurs études, ils annoncèrent leur mariage. Certains furent surpris du fait qu'ils soient deux hommes mais personne ne fut surpris que l'un des mariés n'était pas humain. Chi Yan se lamenta intérieurement que les humains ne voyaient vraiment pas plus loin que bout de leur nez. Personne ne voyait l'essence à travers le phénomène Cela signifie qu'en regardant un problème, ils ne saisissent pas la logique de fonctionnement fondamentale derrière l'événement et ne peuvent pas comprendre sa cause et son effet réels. Ils restent affectés par les perceptions qui faussent leur jugement. (3) et Chi Yan avait comme l'impression que tout le monde était ivre et qu'il était le seul à être sobre.
Il partagea son ressenti avec Ye Yingzhi. Ce dernier haussa les sourcils et répliqua :
« Quelle fierté y a-t'il à en tirer ? C'est juste parce que je suis fait pour toi. »
Chi Yan ne poursuivit pas la conversation mais il se sentit bizarrement très satisfait intérieurement.
Au contraire, plus longtemps durait leur relation, plus Chi Yan était inquiet que Ye Yingzhi se fasse découvrir et éliminer par un expert. À cause de l'affaire de Gu Xixi, Chi Yan était devenu ami avec Hu Xing et Xiao An. Quand ils venaient à la ville de A pour leur travail, ils lui rendaient visite et ils sortaient s'amuser ensemble.
En un clin d'œil, cinq autres années s'écoulèrent. Cette fois Hu Xing était venue dans la ville de A pour apporter son aide dans une enquête. Après le travail, elle invita Lao Yuan et Chi Yan au restaurant et demanda explicitement que Ye Yingzhi vienne avec.
Chi Yan fut très hésitant en apprenant ça. Il lança un regard inquiet à son amant.
« Et si tu ne venais pas ?
– Pas question, je viens avec. Et si Hu Xing te présentait un autre esprit ou un démon ? Et si tu te laissais séduire et que tu filais en douce avec lui ? Ne serais-je pas très triste ? »
Ye Yingzhi ne perdit pas de temps et prépara leurs vêtements pour sortir.
Chi Yan savait bien que Ye Yingzhi racontait encore n'importe quoi. Pourquoi Hu Xing irait-elle lui présenter des esprits et démons ? Il l'ignora tout bonnement et souleva seulement un problème :
« J'ai entendu dire que Hu Xing a fait énormément de progrès ces deux dernières années. Et si tu te faisais percer à jour ? »
Ye Yingzhi l'enlaça par derrière et plissa les yeux en souriant.
« Mon épouse est-elle inquiète pour moi ?
– Je m'inquiète de devenir veuve, » répondit Chi Yan comme ça en baissant les yeux.
Il se souvint que Ye Yingzhi avait dit quelque chose dans le genre à l'époque.
L'autre homme fut ravi par cette phrase. Il sourit et déposa des baisers sur son visage.
« Je savais que tu ne pouvais pas te passer de moi. »
Au bout du compte, Chi Yan partit avec Ye Yingzhi, le cœur rempli de trépidation. Il se rassura en se disant que Lao Ye n'avait jamais rien fait de mal et que Hu Xing était une amie : elle paraissait capable et ingénieuse vu de l'extérieur mais à l'intérieur elle était tendre et gentille. Mieux valait encore que ce soit elle qui découvre la vérité plutôt que quelqu'un d'autre plus tard. Peut-être que Chi Yan pourrait la supplier de trouver un moyen de couvrir Ye Yingzhi.
Quand Hu Xing les vit tous les deux, elle se comporta comme d'habitude avec Ye Yingzhi. Par contre après avoir examiné Chi Yan un long moment, elle se renfrogna et fit :
« Comment est-ce possible ? À chaque fois que je te fois, l'énergie maléfique dans ton corps est encore plus dense qu'avant ! »
C'était vraiment à n'y rien comprendre. Il y avait en général deux raisons qui expliquaient cette situation : la première était quand on vivait dans un endroit lourdement chargé en énergie maléfique. Cependant si des gens ordinaires vivaient vraiment dans un tel environnement en permanence, ils finissaient par tomber malades ou mouraient prématurément. L'autre raison était quand on était en contact permanent avec des esprits maléfiques, ce qui était très nuisible aussi pour les gens ordinaires. Hu Xing avait déjà été chez Chi Yan et sa demeure ne pouvait pas être qualifiée de chargée en énergie maléfique. Elle avait aussi déjà rencontré les parents et les amis proches de Chi Yan, aucun d'entre eux n'était un esprit maléfique.
Chi Yan lança un coup d'œil involontaire à Ye Yingzhi, sachant instinctivement que cela avait un rapport avec lui. Cependant il répondit vaguement :
« Sœur Hu, c'est toi l'experte et tu n'en sais rien. Comment moi, je pourrais savoir ? Tant que ce n'est pas dangereux, c'est bon. »
Cette énergie maléfique était en effet si particulière qu'elle ne faisait aucun mal à Chi Yan. Hu Xing ne pouvait pas trouver une explication à cela. Toutefois ce monde était bien étrange. Elle ne pouvait que se dire que c'était un don propre à Chi Yan.
Ye Yingzhi se colla doucement à l'oreille de Chi Yan et murmura d'un ton fier de lui :
« Tu as ma marque. Je l'ai laissée sur toi. »
Notes du chapitre :
(1) Une autre traduction proposée était "femme fatale", cependant la phrase apparaît dans le chapitre suivant et cette traduction littérale correspond mieux.
(2) Du mélodrame amoureux.
(3) Cela signifie qu'en regardant un problème, ils ne saisissent pas la logique de fonctionnement fondamentale derrière l'événement et ne peuvent pas comprendre sa cause et son effet réels. Ils restent affectés par les perceptions qui faussent leur jugement.
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