Esprit Malin 94

Chapitre 94 : Son véritable amour


Chi Yan ne se réveilla pas avant dix heures du matin. Il y avait déjà de la gelée de tofu et des beignets frits sur la table. La gelée de tofu était napée d'une sauce, de piments frits et de fleurs de ciboulette. C'était très odorant. Son grand-père était en train d'arroser les fleurs sur la terrasse et il écoutait l'opéra de Pékin à la radio.

Chi Yan se sentit un peu honteux en regardant le petit-déjeuner. Pendant qu'il était en train de dormir, son grand-père avait eu le temps d'aller à son cours de gymnastique matinale et d'acheter le petit-déjeuner en passant. Toutefois, cela le réconforta un peu : son grand-père était encore en pleine forme physique et pouvait se divertir avec les autres personnes âgées du quartier. Cela rassurait vraiment Chi Yan.


Après son petit-déjeuner, il nettoya les plats et les baguettes. Son grand-père avait également acheté des légumes en sortant ce matin. Chi Yan prit l'aubergine et les poivrons verts, et éplucha les pommes de terre. Quand arriva l'heure du déjeuner, il prépara un Di San Xian Lit. les trois trésors de la terre. Un plat du nord de la Chine composé de pommes de terre rôties, d'aubergines et de poivrons doux. (1) et aussi des œufs brouillés à la tomate. Il n'avait pas un haut niveau culinaire, il devait vraiment se forcer à manger ses plats quand il n'avait pas d'autre choix alors le plus souvent, il achetait directement des plats de la cafétéria de la fac pour les ramener à la maison et manger avec son grand-père.


Après avoir déjeuner avec son grand-père, Chi Yan passa toute l'après-midi à la fac. Quand arriva l'heure du dîner, il acheta à manger comme d'habitude et rentra directement à la maison. À présent qu'il ne lui restait plus que son grand-père, il n'était pas tranquille et voulait passer le plus de temps possible avec lui. Alors tant qu'il n'était pas trop occupé, il retournait en général à la maison. Avant sa retraite, son grand-père était fonctionnaire et touchait désormais une pension entre trois et quatre mille yuan Entre 400 et 550 €. (2). Pour le Nouvel An, son bureau lui envoyait également du riz et des nouilles. Chi Yan avait commencé à faire des petits boulots après son entrée à la fac. Il étudiait actuellement pour son master et les frais d'études n'étaient pas trop élevés. Il touchait actuellement entre mille à deux mille yuan Entre 135 et 270 €. La vie en Chine est bien moins chère que chez nous ! (3), ce qui suffisait au grand-père et à son petit-fils pour vivre dans cette petite ville. Quand il aurait un vrai travail, il pourrait gagner plus.


Durant le dîner du soir, son grand-père lui demanda :

« Xiao Yan, ah, pourquoi tu es rentré si tard hier soir ? »

Chi Yan savait que son grand-père était un communiste pur et dur et qu'il croyait fermement au matérialisme marxiste. À cause de la famille Chi, il haïssait fermement tout ce qui avait un lien avec eux, l'occulte et les choses étranges. Il n'avait pas été d'accord que Chi Yan apprenne ces choses de la famille Chi. Comme Chi Yan ne voulait pas fâcher son grand-père en parlant des affaires de la famille Chi, il n'osa pas lui dire la vérité alors il dut mentir :

« Rien de spécial, je suis juste sorti avec Song Jin et les autres pour dîner, puis on a un peu traîné en ville. »


Song Jin venait souvent à la maison quand ils étaient au lycée. On pouvait donc dire que le vieil homme l'avait vu grandir et savait qu'il avait un bon tempérament, qu'il avait trouvé un emploi stable après ses études, qu'il avait fondé une famille et qu'il empruntait le bon chemin. Il fut donc aussitôt rassuré en apprenant que Chi Yan était avec lui. Il hocha la tête et s'inquiéta d'une autre chose :

« Xiao Yan, ah, dire que cela fait presque un an que Song Jin est marié. Et toi, quand est-ce que tu vas me présenter une petite-amie ? Comme ça, je pourrai partir l’esprit tranquille. »

Chi Yan posa ses baguettes et lança un regard démuni au vieil homme.

« Ne dis pas de bêtises, tu es en bonne santé. De quoi tu parles ? »


Mais son grand-père sourit et poursuivit :

« Pour que je sois vraiment rassuré, il faut que je te vois te marier et t'établir. La femme de Song Jin ne travaille pas dans un hôpital ? Demande-lui de te présenter quelqu'un de ton âge. Ne soyons pas trop exigeants, quelqu'un de bien suffira. »

Chi Yan ne répondit pas. Il comprenait que son grand-père ne le pressait pas au mariage comme les personnages âgées ordinaires et que Chi Yan atteindrait bientôt l'âge où il faudrait songer à se marier. Son grand-père se faisait vraiment du souci, cependant le mariage raté de sa fille lui restait en travers de la gorge. Chi Yan se souvenait qu'à l'enterrement de sa mère, son grand-père, un homme aux cheveux blancs enterrant sa fille aux cheveux noirs, avait murmuré en pleurant :

« Si seulement je n'avais pas insisté pour que tu te maries. »


Le fait de songer au passé rendit Chi Yan un peu triste. Toutefois, il réconforta le vieil homme :

« Ne t'en fais pas, ce n'est pas le genre de choses qu'il faut presser. Je suis sûr qu'il y a quelqu'un de parfait pour moi qui m'attend.

– Comment peux-tu raisonner comme une gamine ? C'est au garçon de prendre l'initiative, sinon tu laisseras filer ta chance. »

Le grand-père se mit à rire. Ses yeux troubles s'illuminèrent et, comme s'il venait de se rappeler de quelque chose, une touche de nostalgie et de mélancolie apparut à l'intérieur.

« Ta mère était comme ça à ton âge. Cela nous a toujours fait rire, ta grand-mère et moi. »


Chi Yan s'empressa de détourner le sujet sur son travail et ses études. L'une des raisons était qu'il ne voulait pas que son grand-père devienne triste en repensant à sa fille. L'autre était quelque chose qu'il n'osait pas dire au vieil homme — il avait déjà quelqu'un qu'il aimait. C'était quelqu'un qu'il aimait depuis qu'il avait compris ce qu'était l'amour.

Il ne l'avait plus revu depuis sept ans et n'avait pas reçu la moindre nouvelle de lui. Malgré ça, son amour avait continué de mûrir en lui sans jamais disparaître. Au contraire, il devenait de plus en plus fort. Cependant, il n'aurait su dire si l'autre éprouvait la même chose pour lui. Depuis qu’il avait quitté la demeure des Chi, l'autre homme et lui avaient pratiquement vécu dans deux mondes différents. Il n'était pas sûr qu'ils puissent se revoir un jour dans cette vie. Avec son statut actuel, même si Chi Yan se rendait chez les Ye, il risquait fort de ne pas le voir. Le plus probable serait qu'il se ferait arrêter par la barrière magique autour de la demeure des Ye et qu'il ne pourrait même pas entrer.


À cette pensée, il prit la bouteille en porcelaine entre ses mains, la porta doucement à ses lèvres et l'embrassa, son visage arborant une pointe de tristesse.

Même encore maintenant, quand il allait se coucher, la présence et l'étreinte de cette personne lui manquaient automatiquement. Parfois, quand il oscillait entre le rêve et la réalité, il avait l'impression que cet homme était à côté de lui et le tenait dans ses bras. Parfois, il avait même l'impression que... cet homme le caressait et l'embrassait. Mais quand il se réveillait, il comprenait que tout cela n'était que le fruit de sa propre imagination et de ses envies Mmm… Non, Chi Yan, tu ne rêves pas. C'est Ye Yingzhi qui se montre à nouveau sans gêne ! (4).


* * *


Ce fut ainsi qu'une autre semaine s'écoula. Mis à part pour le dîner chez Song Jin le week-end, le reste se passa tranquillement. Song Jin et son épouse savaient que le grand-père de Chi Yan était à la maison alors à chaque fois qu'ils l'invitaient, ils lui donnaient toujours des plats à emporter en plus, comme des Quatre Boulettes du Bonheur, du porc mariné avec des légumes, des ailes de poulets rôties, etc. Il n'y avait plus qu'à les cuire à la vapeur et les réchauffer pour que Chi Yan et son grand-père aient à manger pour un repas de plus.

Mercredi soir, Chi Yan avait fini de manger et était en train de faire la vaisselle quand on sonna à la porte. Le grand-père alla ouvrit : c'était Song Jin.

Chi Yan en fut un peu surpris et ne savait pas pourquoi son ami revenait le voir si tôt. Il se ressuya les mains et accueillit son ami avant de l'emmener dans sa chambre.


Il y avait trois chambres dans la maison. La première était occupée autrefois par les grands-parents de Chi Yan et il ne restait plus qu'à présent le grand-père. La seconde était la chambre de Chi Yan et la dernière celle de sa mère autrefois. Après le décès de sa mère, le grand-père de Chi Yan avait suggéré une fois de vider la chambre pour en faire un bureau pour le jeune homme. Cependant, Chi Yan avait refusé et assuré que sa chambre était assez grande. Alors cette chambre restait inutilisée. Chi Yan n'y entrait que pour faire le ménage.

Lorsque la mère et le fils étaient revenus vivre ici, Chi Yan était au lycée et avait besoin d'un endroit pour étudier et faire ses devoirs. Il n'y avait pas de pièce supplémentaire pour en faire son bureau alors la mère de Chi Yan avait volontairement choisi la plus petite chambre pour elle et laissé la plus grande à son fils. Il y avait un lit d'1,5 m de large à l'intérieur, ainsi qu'une armoire le long du mur. Il y avait également son bureau et une petite étagère de l'autre côté.


Ce n'était pas la première fois que Song Jin venait dans sa chambre. Il feuilleta un des livres sur le bureau de son ami et eut un mal de crâne rien qu'en voyant le symbole compliqué peint sur le papier jauni et fragile. L'écriture sigillaire Un style de caractères chinois antérieur à la dynastie Qin (221 avt JC). (5) en dessous de l'image était également illisible, il parvint à peine à déchiffrer quelques mots.

« … Avec ses os, dans son cœur... C'est quoi ce truc ? » marmonna-t'il.

Chi Yan s'approcha et lui prit le livre des mains.

« C'est justement un truc qui devrait rester enterré dans l'honorable famille Chi. »

D'après les traditions de la famille Chi, le fils aîné héritait de la propriété familiale. Quand les autres enfants et petits-enfants quittaient le foyer, ils pouvaient prendre avec eux la copie d'une des livres de la bibliothèque. Le choix se faisait totalement au hasard et personne ne connaissait à l'avance le contenu du livre choisi. Cependant, Chi Yan avait été le premier fils aîné à quitter le foyer alors qu'il était censé hériter de la demeure de la famille Chi. Comme il n'y avait aucun précédent à cela, il avait eu le droit de choisir au hasard les originaux de trois livres.


Chi Yan avait donc porté son choix sur deux gros livres épais et un troisième qui avait l'air ancien et usé. Les gros livres contenaient un tas de choses et dans l'ancien livre, il y avait peut-être des informations rares ; en tout cas, c'était ce qu'il s'était dit à l'époque. Après coup, il découvrit que les deux gros livres contenaient des méthodes magiques de base, ce qui était fort utile pour lui mais n'avait que peu de valeur. Quant au troisième livre, il contenait de nombreuses méthodes antiques qu'il ne pouvait pas comprendre.

Chi Yan n'avait pas la moindre affection pour la famille Chi alors bien entendu, il ne désirait pas et ne se souciait pas des biens de la famille. Quand il avait pris ces livres, il avait en tête que cela lui permettrait de léser un peu l'honorable famille Chi. Cependant, après avoir quitté la demeure familiale, il avait découvert qu'à cause de sa constitution particulière, même si les fantômes ordinaires n'osaient pas s'approcher de lui, ils pouvaient quand même lui causer des ennuis. Du coup, il se mit à étudier les deux gros livres afin de se protéger. Il avait grandi chez les Chi alors même si personne ne lui avait appris ces choses, il les avait vues et entendues. Ce fut donc plus rapide pour lui de les apprendre et et il ne tarda pas à maîtriser certaines techniques.


En réalité, il n'avait rien à voir avec la famille Chi, à part pour son nom de famille. Et s'il avait conservé ce nom de famille au lieu de prendre celui de sa mère, Su, ce n'était pas parce que la famille Chi avait dit une fois d'un ton arrogant qu'il n'avait pas le droit de changer de nom, même si sa mère se remariait ; c'était uniquement à cause de cet homme.

Il aimait quand cet homme prononçait son nom. Dans une famille de maîtres célestes comme les Chi, il croyait également que le nom d'une personne avait une signification particulière. Du moment qu'il restait Chi Yan et conservait ce nom, cet homme se souviendrait au moins de son nom. Mais s'il changeait de nom de famille, cet homme ne connaîtrait plus son nom actuel et ce serait comme s'ils avaient totalement rompu tout contact.


* * *


Song Jin vit son ami ranger le livre et se rappela l'exploit de Chi Yan qui avait sauvé son épouse. Il se sentit soudain envahi par une terreur révérencieuse et s'inclina religieusement devant le livre qui avait été rangé.

Chi Yan et lui s'étaient rencontrés au lycée. Ils avait toujours été dans la même classe, ce qui devait être un signe du destin. Après tout ce temps passé ensemble, Song Jin connaissait plus ou moins la famille Chi — la famille de Chi Yan venait d'une autre région, seule sa mère venait de la ville de R. Son père avait trompé sa mère et épousé une autre femme, le couple avait divorcé. Sa mère l'avait ramené dans la ville de R pour retourner vivre chez ses parents. Dans la société actuelle, un divorce n'avait rien d'exceptionnel. Song Jin, qui était encore au lycée, avait juste soupiré et n'y avait prêté pas plus d'attention que ça.


Ce fut durant leur troisième année de lycée qu'il s'était rendu compte que son ami n'était pas quelqu'un d'ordinaire, à la veille des examens d'entrée à l'université.

Leur lycée offrait la possibilité d'un internat. Les élèves qui habitaient en ville choisissaient en général de faire le trajet tous les jours tandis que ceux qui vivaient plus loin dans les petites villes du district restaient à l'internat. Song Jin et Chi Yan étaient externes jusque là mais le semestre précédant les examens d'entrée à l'université promettait d'être chargé. Afin de ne pas se relâcher et de ne pas perdre un temps précieux, ils demandèrent à devenir internes après en avoir discuté entre eux.


Presque un mois avant les examens, ils étaient tous les deux restés en étude jusqu'à 22:30 un soir. Ils se préparèrent donc à retourner au dortoir pour prendre une douche puis se coucher. La clim dans la salle d'études était en panne et il avait fait horriblement chaud ces deux derniers jours. Ce soir-là, un grand nombre de lycéens s'étaient amassés dans une salle de classe pour réviser pendant trois heures. Tout le monde étouffait et était en nage. Ce fut encore plus désagréable quand le vent souffla sur eux à leur sortie de classe.

Comme par hasard, la salle de bain de leur dortoir n'avait plus d'eau cette nuit-là. Il leur fut donc impossible de se laver.


Song Jin était déjà stressé par les études et très irritable. Le fait de voir ses projets tomber à l'eau d'un coup l'énerva. À la base, il n'avait eu envie qu'à 70 ou 80% de prendre une douche mais à présent, il voulait vraiment cette douche. Il sentait que s'il ne pouvait pas se doucher ce soir, il ne pourrait pas bien terminer la journée et bien dormir cette nuit.

Plus tard, quand il y repensa, il se dit qu'il devait avoir été possédé car ce fut le signe avant-coureur d'un esprit qui le hanta.


Note de Karura : Ah, on en apprend un peu plus sur Ye Yingzhi dans ce monde ! Chi Yan est déjà amoureux de lui, comme il l'avait promis dans la réincarnation précédente, mais les deux amants sont séparés... en quelque sorte, puisque Ye Yingzhi squatte quand même son lit la nuit !


Notes du chapitre :
(1) Lit. les trois trésors de la terre. Un plat du nord de la Chine composé de pommes de terre rôties, d'aubergines et de poivrons doux.
(2) Entre 400 et 550 €.
(3) Entre 135 et 270 €. La vie en Chine est bien moins chère que chez nous !
(4) Mmm… Non, Chi Yan, tu ne rêves pas. C'est Ye Yingzhi qui se montre à nouveau sans gêne !
(5) Un style de caractères chinois antérieur à la dynastie Qin (221 avt JC).






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