Chapitre 91 — Lecteur : Ce monde est un roman.
Où — où suis-je ?
Du Ze ouvrit grand les yeux et ne vit que du blanc sans la moindre impureté. Il était tout seul au beau milieu de la blancheur et n'avait aucun point de repère. Les blessures mortelles de son corps avaient disparu comme si elles n'avaient jamais été là.
Après un bref moment de dépression, Du Ze commença à regarder tout autour en tentant d'éclaircir sa situation — il s'était brusquement retrouvé là quand il avait repris connaissance. Les pensées de Du Ze restaient bloquées sur la vision du dieu de la Lumière qui se désintégrait dans les ténèbres. Il n'aurait jamais cru que le dieu de la Lumière leur ferait une si grosse surprise. Aux yeux d'un certain adorable et stupide lecteur, ce soi-disant BOSS de fin ne devait être qu'une formalité mais jamais il n'aurait cru que le dieu se servirait de Jugement et se sacrifierait pour tuer tout le monde.
[Vous êtes déjà morts.]
Du Ze regarda la blancheur sans fin — était-ce l'au-delà ?
Du blanc, blanc, blanc, encore du blanc et rien que du blanc. C'était comme s'il était tombé dans du lait condensé ou bien qu'il était le seul en couleur sur une feuille de papier blanc. Du Ze regarda un bon moment autour de lui avant de devoir fermer les yeux. Pour la première fois de sa vie, il découvrit qu'une couleur blanche infinie s'avérait encore plus inconfortable à voir que du noir. À force de regarder trop longtemps, non seulement il avait la tête qui tournait mais aussi envie de vomir.
« … Si j'avais su plus tôt que je pourrais te rencontrer aussi, j'aurais laissé le dieu de la Lumière te tuer. »
Au moment où il ferma les yeux, Du Ze entendit quelqu'un soupirer ainsi. La première réaction d'un certain adorable idiot fut de se réjouir — il regarda en direction de la voix, prêt à demander des renseignements à celui qui venait d'apparaître, qui qu'il soit — cependant une fois qu'il eut compris le sens et tout ce qui se cachait derrière ces paroles, il ne lui resta plus que de la consternation.
Du Ze inspira brusquement et s'étrangla. Son corps se pétrifia et il ouvrit soudain les yeux pour regarder le nouveau venu. Au moment où il le vit clairement, Du Ze ne put en croire ses yeux. Ce fut comme si un éclair s'abattait au-dessus de lui pour le frapper à la tête. L'être en face de lui dépassait totalement tout ce qu'il aurait pu imaginer.
Dans cet espace de blanc pur, cet être tendit la main pour saluer Du Ze.
« C'est la première fois que nous nous rencontrons, être supérieur. Je suis le créateur de ce monde, le Dieu de la Création. »
Quand il entendit ce nom, Du Ze eut l'impression de se faire piquer par une aiguille pointue jusqu'à ce que son corps s'engourdisse. La personne devant lui qui prétendait être le Dieu de la Création avait les cheveux noirs et courts, portait un sweater avec un col en V, une chemise blanche, un pantalon noir, une paire de lunettes à la monture transparente et des contours d'oreille bleus — Du Ze eut l'impression de se voir dans un miroir !
« Ne t'en fais pas pour ça. »
Apparemment, l'être connaissait exceptionnellement bien le regard ahuri de Du Ze. Le dieu se désigna du doigt et expliqua :
« Je n'ai pas d'apparence et de visage fixes alors en général, je reflète vos apparences. »
— Putain, tu as failli me faire mourir de peur ! Le cœur de Du Ze fut aussitôt envahi par un immense écran affichant LOL. Il avait failli croire qu'il y avait une sorte de lien indicible entre le Dieu de la Création et lui, soit du sang de chien comme le fait que son père soit le Dieu de la Création — désolé pour la reine-mère — mais en fait c'était juste parce que le Dieu de la Création était un - miroir - ambulant !
Maintenant que je connais enfin la vérité, mes larmes coulent. Ce sont les paroles d'une chanson connue en Chine. (1)
Après ce choc, un certain adorable idiot se rendit compte que ce concept de "Dieu de la Création = miroir ambulant" était plutôt bien pensé. En tant que dieu originel qui avait créé le monde entier, le Dieu de la Création de "Sang Mêlé" ne représentait qu'une vague existence pour les gens. Il n'y avait ni idole ni temple, et les informations à son sujet étaient encore moindres. Maintenant que Du Ze voyait pour de vrai le Dieu de la Création, il pouvait comprendre ce qui s'était passé. Sans apparence fixe, il était impossible d'ériger une statue du Dieu de la Création. Sans idole, il était impossible de bâtir un temple pour recueillir les informations. De cette manière, les seules informations restantes sur le Dieu de la Création n'étaient naturellement que de vagues légendes.
Tu as une idée d'à quel point ça a été dur pour ce jeune homme de trouver des renseignements sur toi ?
Du Ze jeta un regard inexpressif au type qui était le reflet utilisé par le Dieu de la Création. Ce fut peut-être à cause de ça que Du Ze ne se sentit pas trop entravé par ses barrières sociales — qui pourrait être timide face à son propre reflet dans le miroir ?! Mis à part le choc et l'horreur du visuel du début, un certain adorable idiot se fit rapidement à l'apparence du Dieu de la Création. Comparé à la raison de sa rencontre avec lui, Du Ze était plus inquiet de la situation actuelle du côté de Xiu. Le Dieu de la Création en face de lui n'était-il pas la meilleure personne à qui demander ?
« Qu'est-il arrivé aux autres ? »
Du Ze marqua une pause puis demanda des nouvelles de cette personne d'un ton presque craintif :
« Comment va Xiu ? »
Le Dieu de la Création ne répondit pas à sa question mais lança plutôt une autre question :
« Que s'est-il passé ? »
Tiens, le Dieu de la Création ne connaissait pas la situation de leur côté ?
Le Dieu de la Création remarqua la légère surprise du jeune homme et son visage similaire à celui de Du Ze eut un sourire d'auto-dérision.
« Le Dieu de la Création est omniscient et omnipotent, fit-il comme s'il récitait. Tout être vivant, y compris toi, pense ainsi mais en fait, je ne suis désormais plus qu'un prisonnier. Telle est la vérité. »
Il tendit les mains comme pour présenter à Du Ze sa cellule, montrant la blancheur immaculée qui les entourait.
« J'ai été enfermé ici avec rien à voir et rien à faire — sauf attendre la mort. »
L'intuition de Du Ze lui soufflait que le Dieu de la Création ne mentait pas, cependant il ne put s'empêcher d'arguer un peu :
« Vous avez dit tout à l'heure que vous auriez "laissé le dieu de la Lumière me tuer". »
S'il ignorait tout de ce qui se passait, alors comment le Dieu de la Création aurait-il pu savoir qu'il était mort des mains du dieu de la Lumière et dire cela d'un ton presque de regret ?
« Ce n'est pas parce que je ne peux pas quitter cet endroit que je ne peux pas quand même agir par le biais d'autres personnes. Le dieu de la Lumière est mon meilleur pion : il possède mon sceptre et je peux lui dire ce qu'il faut faire en passant par cet artefact. »
Le Dieu regarda Du Ze et en déduisit de ses précédentes paroles :
« Vous avez donc été tués par le dieu de la Lumière ? Tu as demandé ce qui était arrivé aux autres, il semble donc que vous avez subi une attaque fatale ensemble. »
Le Dieu de la Création paraissait bien connaître la façon de faire du dieu de la Lumière.
« Je crois savoir la cause de ta mort — le dieu de la Lumière s'est servi de Jugement, c'est ça ? »
Du Ze hocha la tête sans réfléchir puis écouta le Dieu décrire Jugement d'un ton admiratif :
« Jugement est vraiment une belle arme. Il peut transformer le corps de son utilisateur en une pure énergie offensive. Plus on lui sacrifie, plus son pouvoir est grand. Quand l'utilisateur se sacrifie totalement, il accède à un pouvoir incomparable. C'est ce qui convient le plus à un ange. Avant que je ne donne le sceptre au dieu de la Lumière, sans Jugement, le dieu de la Lumière n'était qu'une souris avec laquelle s'amusait le dieu démon Baël durant la guerre, il était incapable de le blesser.
« Toutefois, ce n'est pas le plus terrifiant dans Jugement. Le plus terrifiant, c'est qu'il dispose de sa propre règle. »
Le Dieu de la Création et Du Ze se regardèrent.
« Tu connais les Règles ? »
Du Ze commença par hocher la tête puis la secoua. À première vue, il avait plusieurs idées et notions de ce qu'étaient les Règles mais quand il voulut y réfléchir plus, il se rendit compte qu'il ne pouvait pas trouver les mots pour les décrire concrètement.
« La naissance, la vieillesse, la maladie et la mort de tout être vivant, l'alternance entre le jour et la nuit, ce sont les Règles qui les déterminent tout du long. »
Le Dieu de la Création comprit la réaction de Du Ze et se mit alors à lui expliquer ce qu'étaient les Règles :
« Elles sont l'ordre de ce monde et la loi de toute éternité. Nous devons nous y soumettre. Même si nous ne le voulons pas, les Règles vont nous forcer à nous soumettre. On ne peut pas aller à l'encontre de ce genre de coercition ni même résister. »
Afin que Du Ze comprenne mieux, le Dieu de la Création lui donna un exemple :
« Supposons qu'il existe une règle disant que 'tu ne peux pas me voir'. Même s'il n'y a qu'une faible distance entre nous, tu ne me verras jamais. Cette règle s'assurera de mettre un petit caillou sur ton chemin quand tu viendras vers moi, tu trébucheras dessus, tomberas sur la tête et perdras connaissance. Et si je viens vers toi, il y aura d'abord eu un bon samaritain pour te secourir avant que je ne puisse te voir... Et c'est comme ça que nous nous raterons des milliards de fois et que nous suivrons toujours ainsi la règle de 'tu ne peux pas me voir' — on pourrait penser que c'est le destin mais en fait, c'est l'œuvre des Règles. »
Du Ze écouta avec hébétude. Les Règles mentionnées par le Dieu de la Création n'étaient pas qu'un ensemble de règlements auxquels les gens se conformaient, c'était aussi une sorte d'existence mystérieuse. Elle avait ses propres façons de faire, comme la loi céleste souvent mentionnée par le peuple de l'Empire Céleste qui avait établi l'équilibre du monde, l'effet de la loi de causalité — avant ça, il avait déjà vu les Règles en action bien des fois et le dieu scénario dont il se plaignait sans cesse faisait en fait partie des Règles.
« La règle de Jugement est qu'il atteint sa cible à coup sûr, alors personne ne peut éviter son attaque, fit le Dieu de la Création en jetant un regard à Du Ze. Si on lui sacrifie suffisamment d'énergie, le résultat de l'attaque de Jugement sur toutes ses cibles ne peut être que la mort. »
Tout à coup, le cœur de Du Ze devint pesant comme s'il était rempli de plomb et une terreur glacée l'envahit. Il avait toujours compté sur la chance car la première loi pour le héros d'un roman était que "le héros est immortel". Pour que l'histoire puisse se poursuivre, un héros devait toujours être en mesure de survivre de toutes sortes de manières incroyables quelque soit le sang de chien qu'il devait subir. Mais parfois cette loi était brisée, l'une des raisons étant le dénouement de l'histoire. S'il s'agissait d'un autre auteur, Du Ze n'aurait aucune inquiétude à ce sujet mais l'auteur de "Sang Mêlé" était Yi Ye Zhi Qiu, cet arnaqueur de lecteurs et bourreau de héros ! Du Ze n'aurait pas pu jurer que Yi Ye Zhi Qiu écrirait le genre de fin qui donnerait envie aux lecteurs d'aller se pendre chez lui. L'intégrité morale de cet auteur avait depuis longtemps été jugée négative en ce qui concernait le déroulement logique de ses histoires. D'après les paroles du Dieu de la Création, une fois les Règles (le scénario) établies, les événements s'enchaîneraient jusqu'au résultat prédéterminé : tout comme Xiu qui avait détruit les elfes et attaqué la Ville du Ciel autrefois, le scénario prendrait toujours la direction décidée par l'auteur.
Le Dieu de la Création observa le visage exsangue de Du Ze. Le jeune homme aux cheveux noirs n'exprimait aucune émotion sur son visage. Le Dieu ne pouvait donc saisir ses émotions que grâce à certains changements infimes. Cette réaction là pouvait être considérée comme la plus grosse variation d'émotions depuis leur rencontre.
Ce n'était pas à cause de sa propre mort mais à cause de la peur que cet homme soit mort. Bien que le Dieu de la Création connaissait depuis longtemps la relation entre ces deux-là, il fut tout de même mécontent de le constater pour de vrai.
« Tu n'as pas à t'en faire pour Xiu, fit-il à Du Ze. Cet homme ne mourra pas. »
Il ne disait pas ça pour rassurer Du Ze, il ne faisait que continuer leur conversation.
« Ce monde a établi la règle que "Xiu ne peut pas mourir". »
Le visage du Dieu exprimait à la fois de la pitié et une pointe de raillerie.
« Comparé aux Règles de ce monde, la règle de Jugement n'est rien. »
C'étaient les pires haut et bas de toute son existence. Du Ze eut envie de verser des larmes amères pour cette rare preuve de conscience de la part de l'auteur. Le seigneur Meng est déjà assez souffert comme ça, inutile d'y ajouter un coup fatal à la fin. Après avoir appris que la loi du héros s'appliquait toujours à Xiu, un certain adorable idiot se détendit totalement à ce sujet et put alors se concentrer sur le Dieu de la Création. Durant leur précédente conversation, il avait fait directement référence au dieu de la Lumière comme son pion. Bien que sa conjecture au sujet des deux dieux était ainsi confirmée, Du Ze ne s'en réjouit pas du tout car cela voulait qu'il n'y avait pas que le dieu de la Lumière qui voulait tuer Xiu, il y avait aussi le Dieu de la Création.
« Vous voulez... tuer Xiu.
– Oui, » reconnut calmement le Dieu de la Création.
Il observa Du Ze. Bien que l'expression du jeune homme n'avait pas changé, le Dieu de la Création, qui l'observait soigneusement, fut bien conscient de sa vigilance contre lui, ce qui augmenta son mécontentement.
« Tu ne devrais pas me considérer comme un ennemi parce que toi et moi, nous sommes dans la même position. »
Le Dieu de la Création se rapprocha soudain et Du Ze vit son visage s'agrandir sous ses yeux. Il pouvait même sentir le souffle froid de l'autre sur sa peau.
« Dans ce monde, je suis la personne la plus proche de toi. »
Il n'y avait qu'une légère distance entre les deux visages. Le regard fervent du Dieu de la Création était braqué sur Du Ze et son ton était rempli d'émotions complexes.
« Sais-tu pourquoi tu es venu en ce monde ? »
Du Ze recula d'un pas automatiquement, évitant l'air agressif du Dieu. Quand il avait brisé le sceptre du dieu de la Lumière, il avait entendu la même question de la part de la même personne. À l'époque, il n'y avait pas tellement réfléchi et il avait une certaine inertie dans ses pensées : fallait-il une raison et des explications pour surmonter cette situation inédite et pas du tout scientifique ?
Malgré son recul, Du Ze n'évita pas le regard du Dieu de la Création. Le Dieu lui laissait entendre quelque chose. Même si Du Ze flairait légèrement un piège, il devait sauter dedans pour éclaircir les choses.
« Pourquoi ?
– C'est ce dont je veux te parler : toi, moi, Xiu, les Règles, le monde, soupira le Dieu de la Création. Je sais que tu as beaucoup de questions. C'est pareil pour moi, j'ai des questions à te poser... toi qui viens d'en haut. »
D'en haut... ?
Sans attendre que Du Ze comprenne ce qu'il disait, le Dieu de la Création avait déjà entamé son monologue :
« Par où commencer... ? Commençons au commencement. »
Le Dieu demanda alors à Du Ze :
« D'après toi, qu'est-ce que le Dieu de la Création ?
– … C'est le dieu qui a créé ce monde. »
Comme la question allait étrangement de soi, Du Ze avait un peu hésité avant de donner sa réponse.
En entendant la réponse du jeune homme, le Dieu de la Création prit un air indescriptible.
« Au début, moi aussi je croyais cela : je suis le dieu qui a créé ce monde et tout dans ce monde a été créé par moi. J'avais cette certitude et je ne l'avais jamais remise en question — jusqu'au jour où j'ai assisté à une naissance. Une Femme Bête souffrait dans une mare de sang, elle usa toutes ses forces pour donner naissances à deux fils avant de mourir. En voyant tout ça, je me suis dit que comparé à moi, ces créatures étaient bien trop faibles. Elles devaient épuiser leur vie juste pour créer une poignée de nouvelles vies.
« Fier de cette affirmation, je comptais créer une nouvelle mère pour ces deux jeunes Hommes Bêtes — cela ne devrait pas poser de problème pour moi qui avait créé toute chose. »
Le Dieu de la Création s'arrêta là. Du Ze en fut ébahi. Il vit la mine de plus en plus sombre de l'autre et une vague hypothèse apparut dans son esprit : se pourrait-il que...
« Je n'y suis pas arrivé, fit le Dieu d'un ton abattu. Je pouvais ressusciter la Femme Bête mais je ne pouvais pas en créer une de nulle part — j'étais pourtant de toute évidence le dieu qui avait créé toute chose mais là, j'étais incapable de créer une seule créature. N'était-ce pas ridicule ?
« Cela me fit paniquer. J'ai commencé à fouiller désespérément dans ma mémoire pour tenter de me rappeler comment j'avais créé ce monde. Tu peux te souvenir de quand tu étais un bébé... ? Tu ne peux pas, n'est-ce pas ? Ce fut pareil pour moi : plus j'essayais de me souvenir du commencement, plus les souvenirs étaient flous. C'était comme si au moment où ma conscience s'était éveillée, j'étais déjà dans ce monde. C'est acceptable pour les autres mais pas pour moi, car je suis le créateur de ce monde et sa source. »
Le Dieu inspira alors profondément, comme pour refouler une sombre émotion.
« Ce fut à ce moment que je découvris que, bien que je sois le Dieu de la Création, je n'avais pas le moindre souvenir d'avoir créé ce monde. Il y avait seulement la pensée "ce monde est ma création" dans mon esprit. Afin de confirmer ou d'infirmer cette contradiction, j'ai commencé à tenter de créer un monde — le côté inverse du continent est le produit semi-fini de ma tentative. »
Putain, alors le côté inverse du continent est le chef-d'œuvre de ce gars ! En cet instant, Du Ze comprit pleinement le sens de "les enfants porteront les péchés de leurs pères jusqu'à la quatrième génération". En se rappelant de la pluie noire qu'il avait dû fuir en catastrophe au début, un certain adorable idiot eut envie de coller un pain au père et de le faire valser.
Je ne te demandais pas de faire un Éden avec des petits oiseaux et des jolies fleurs, mais au moins enlève ces tempêtes d'éléments qui sont aussi destructrices que des enfants ours ! =皿=
Le Dieu ne remarqua pas le petit univers en colère dans le cœur de Du Ze alors il poursuivit :
« Bien que j'ai conçu le côté inverse du continent, ce n'était pas de la création mais plutôt du transfert. J'ai simplement transféré certains des éléments d'origine du Continent du Chaos vers cette destination puis j'ai usé de la magie pour les compresser en entités — c'est le genre de choses que même un dieu de niveau inférieur peut faire. Ce fut alors que je compris que je n'étais en fait qu'un dieu ordinaire relativement puissant et pas le dieu unique qui pouvait créer toute chose. »
Le Dieu de la Création regarda alors Du Ze.
« À ma place, tu te serais senti comment ? »
S'il avait été à la place du Dieu de la Création, Du Ze songea que sa première réaction aurait été de se dire qu'on lui avait lavé le cerveau et que tous ses souvenirs et connaissances existants étaient entièrement erronés.
Le Dieu n'attendait pas vraiment de réponse de la part de Du Ze. C'était juste qu'il semblait avoir refoulé tout cela depuis si longtemps et qu'il avait seulement besoin qu'on l'écoute.
« J'ai commencé à douter de ma propre existence. Afin d'avoir des indices sur le vrai moi, j'ai parcouru tout le Continent du Chaos mais j'ai découvert un terrible fait : tous les êtres conscients du Continent du Chaos, vivants ou morts, me considéraient comme le Dieu de la Création au plus profond de leur cœur et ressentaient de la révérence envers moi. »
La voix du Dieu se fit de plus en plus basse comme s'il confiait un secret qui ne pouvait pas être dit à voix haute.
« Alors j'ai réalisé que ce monde est une création contrôlée. Il y a une existence puissante au-delà de mon imagination et c'est lui le vrai créateur et dirigeant de ce monde. Afin d'obéir à Sa volonté, les Règles sont apparues dans ce monde. Selon Sa volonté, chacun a son propre rôle et le mien est celui du Dieu de la Création, c'est tout. »
Malgré sa paralysie faciale, Du Ze ne put s'empêcher d'être ému en cet instant. Il ressentit une vive admiration en regardant le Dieu de la Création. Lui était une personne en dehors du roman alors il savait évidemment ce dont il en retournait. Quant au Dieu de la Création, ce n'était qu'un personnage dans le roman écrit par Yi Ye Zhi Qiu, alors le fait qu'il puisse découvrir cette vérité, cela signifiait qu'il était un BUG, il n'y avait pas d'autre mot possible.
Le regard de Du Ze dut être très positif. Le Dieu de la Création sourit et continua à élaborer sa théorie :
« Il n'y a pas que Lui. J'ai aussi découvert d'autres existences semblables mais elles ne font qu'observer le monde. Lui seul a le pouvoir de contrôler ce monde. Cependant j'ai beau tourner ça dans tous les sens, pour ce monde Il est une entité transcendante et au delà de l'entendement. »
Avant que Du Ze ne puisse l'éviter, le Dieu de la Création avait déjà tendu la main et touché son visage. Il contempla Du Ze sans ciller, son regard dévoilant une sorte de fascination et de folie pour cet être parfait.
« À vue d'œil il n'y a aucune différence entre nous. Tu es même plus faible et plus petit qu'une créature ordinaire de ce monde. Pourtant tu es une entité transcendante dans ce monde. Tu n'as pas à suivre les Règles, tu peux tout comprendre en ce monde et l'impact qu'il a sur toi ne peut durer qu'une journée. »
Merci d'expliquer à ce jeune homme l'origine de son point de restauration à minuit mais un gentilhomme se sert de sa bouche, pas de ses mains. Si tu veux bien faire ça, nous pourrons encore être de joyeux amis, hein ?
« Ne me touchez pas. »
Le Dieu vit l'air glacial de Du Ze et peut-être à cause de certains scrupules et de sa révérence, il retira lentement ses doigts puis reprit la conversation comme si rien ne s'était passé.
« Nous venons de parler de la vérité de ce monde — moi seul l'ai découverte. Pour toutes les autres créatures qui ne sont pas les dieux supérieurs de ce monde, elles n'ont naturellement pas à être omniscientes et omnipotentes. Du coup, elles ne se rendront jamais compte qu'il existe des entités supérieures dans ce monde, fit le Dieu de la Création. C'est sans doute parce que j'ai pris conscience de la vérité de ce monde que j'ai pu depuis percevoir vaguement cette conscience. Comme je voulais établir une bonne relation avec Lui, j'ai commencé à L'aider de mon propre gré : Il voulait affaiblir les démons alors je suis intervenu dans la bataille entre le dieu de la Lumière et le dieu démon Baël ; Il voulait le déclin des elfes alors j'ai incité les elfes à rejeter toutes leurs émotions négatives dans l'Arbre de la Vie ; Il voulait éradiquer les gnomes alors j'ai donné la Roue du Temps aux gnomes... »
Du Ze écouta avec hébétude le Dieu de la Création raconter avec éloquence tout ce qu'il avait fait ; il en connaissait certaines parties mais en ignorait d'autres. Cela dit, chaque BOSS caché avait toujours tendance à s'épancher et révéler toutes ses intrigues et combines. Le Dieu de la Création avait hérité de cette glorieuse tradition alors Du Ze fut honoré d'apprendre tous les scénarios cachés de "Sang Mêlé". Bien qu'il se désola un peu de certains spoilers, ces sombres secrets dissipèrent également les doutes de Du Ze. Quand il avait appris avant certains des agissements du Dieu de la Création, il n'avait pas pu en comprendre la raison. Il était clairement le dieu qui avait créé ce monde, le Dieu de la Création, alors pourquoi se servir de ruses pour pousser toutes les races à l'extinction l'une après l'autre ? Désormais tout s'expliquait. Le Dieu de la Création n'en avait que le titre et il avait fait tout cela pour plaire au véritable maître de ce monde.
« … Pendant le Septième Âge, j'ai découvert qu'Il avait commencé à s'intéresser à une certaine personne. »
Quand le Dieu de la Création finit son monologue, il vit une lueur sombre parcourir les yeux de Du Ze.
« Oui, c'est précisément Xiu. »
Est-ce qu'il allait enfin en arriver au point-clé ? Du Ze se retrouva dans un état d'excitation subtil, à la fois impatient et perturbé par la vérité à venir.
« Il est très spécial, le seul sang mêlé des huit races de tout le Continent du Chaos. Cela m'a intrigué alors j'ai fait attention à lui, je l'ai regardé grandir peu à peu, éveiller ses lignées... monter dans la Ville du Ciel. »
La Ville du Ciel ? C'était le moment où Xiu avait conduit les démons pour attaquer la Ville du Ciel ? Le cœur de Du Ze se mit à battre plus vite. Il ignorait s'il s'agissait d'une coïncidence mais c'était le dernier chapitre de "Sang Mêlé" qu'il avait lu avant d'arriver dans ce monde.
« Même attaqué par une arme qui dispose de sa règle, il avait quand même survécu et était devenu plus fort. »
Le ton monotone du Dieu de la Création se mit à changer subtilement.
« Par le biais de Jugement, j'ai été capable d'entrapercevoir la règle puissante qu'Il avait attribuée à cette personne et par conséquent le terrible futur que cela allait engendrer — Il voulait que Xiu devienne le Dieu Suprême.
« Tu comprends ce que cela signifie — ? »
Le Dieu de la Création éleva soudain la voix, rempli de fureur et de peine.
« Cela veut dire que je dois mourir ! »
Les paroles du Dieu explosèrent dans l'esprit de Du Ze, secouant violemment ses pensées. Le Dieu de la Création vit que Du Ze était hébété et se mit à rire, son expression remplie de tristesse et d'impuissance.
« Le Dieu Suprême est le dieu le plus noble et glorieux. Si le Dieu de la Création continuait à exister, alors peu importerait la puissance du nouveau venu, jamais il ne pourrait se comparer au dieu originel qui a créé le monde. En plus, à part le Dieu de la Création, quel autre dieu en ce monde possède une divinité digne du statut de Dieu Suprême ? »
Du Ze déglutit involontairement. Il contempla le Dieu de la Création dans un état pareil et ne trouva pas les mots.
« Et puis il y a quelques temps, Il a subitement disparu et je ne suis plus parvenu à sentir Sa conscience — tu t'imagines que cela veut dire que je peux être sauvé ? Erreur, cela n'a fait qu'accélérer l'imminence de ma mort ! Depuis Son départ, les Règles ont commencé à devenir hors de contrôle. Afin d'accomplir la volonté qu'Il a laissée, de 'faire de cet homme le Dieu Suprême', les Règles ont tout mis en œuvre pour inciter cet homme à devenir le Dieu Suprême : le Royaume des Dieux et le Continent du Chaos ont fusionné, les côtés supérieur et inverse du Continent se sont superposés et la construction de la Tour Divine — tout ça, c'est pour faire de cet homme le Dieu Suprême ! »
Il avait disparu... ? Du Ze se sentit perturbé : il était arrivé quelque chose à l'auteur ?
« Pour les Règles, je suis le meilleur matériau pour le succès de cet homme. »
L'expression du Dieu était redevenue calme. Ce genre de calme n'était pas tant de la colère que le vide qui restait après une colère extrême.
« Le dieu de la Lumière craignait seulement de perdre sa position. Moi, c'est ma vie que je crains de perdre. »
Le Dieu fit alors à Du Ze en détachant chaque mot :
« À ton avis, je devais rester assis sans rien faire et attendre la mort ? »
Bien sûr que non. Du Ze ressentit de l'amertume dans son cœur. Il savait enfin pourquoi le Dieu de la Création voulait tuer Xiu mais il ne trouvait pas la force en son cœur de le condamner pour ça.
« Je ne veux pas mourir alors je devais faire quelque chose. Comme je l'ai déjà dit, une fois qu'une Règle est établie, on ne peut pas aller à son encontre. Alors je devais éradiquer cet homme de ce monde avant que cette Règle soit établie pour lui. J'ai donc utilisé la Roue du Temps mais le mieux que j'ai pu faire, c'est de revenir au moment où cet homme était pourchassé par tous. »
Le Dieu soupira.
« Les lois temporelles sont l'un des fondements de ce monde. Les Règles ne permettent à personne d'y toucher. Dès que quelqu'un se permet de manipuler le temps, il se fait directement éradiquer. Même moi, je n'ai pu revenir qu'une fois en arrière avec la Roue du Temps. »
Bien que sachant que le seigneur Meng était toujours vivant et bien portant, Du Ze ne put s'empêcher de sentir la sueur froide couler dans son dos. Le Dieu de la Création avait tenter de tuer Xiu avant même sa naissance.
« Tout en sachant pertinemment que c'était impossible, j'ai tenté tout ce que j'ai pu mais n'ai pas réussi à tuer cet homme protégé par les Règles. Si les choses continuaient ainsi, je n'aurais plus qu'à attendre que cet homme grandisse puis vienne s'emparer de ma divinité, fit le Dieu. C'est là que j'ai commencé à me dire que puisque les gens de ce monde ne pouvaient rien faire, alors — »
Le Dieu de la Création regarda Du Ze droit dans les yeux. Du Ze connaissait bien ce regard car auparavant, le dieu de la Lumière lui avait aussi lancé un regard si fervent. Même si les yeux de l'autre homme étaient de toute évidence brûlants, Du Ze se sentit seulement glacé en cet instant. Il écouta ce que dit ensuite le Dieu de la Création et un froid immense s'éleva de la pointe de ses pieds, comme si son cerveau gelait avec.
« — Seul quelqu'un en dehors de ce monde peut le tuer. »
Le cœur de Du Ze cessa alors de battre et son visage devint pâle suite aux spasmes qui agitaient son cœur. Il ne voulait pas écouter ce qui allait suivre mais les paroles de l'autre transpercèrent ses oreilles mot à mot, le piquant de manière extrêmement douloureuse.
« Sais-tu pourquoi tu es venu en ce monde ?
– ... »
— Oui.
La raison pour laquelle il s'était retrouvé dans le monde de "Sang Mêlé" n'avait jamais été aussi claire qu'en cet instant.
Éric voulait qu'il tue Xiu, le dieu de la Lumière voulait qu'il tue Xiu. Il avait entendu plein de choses similaires mais personne ne le lui avait dit de manière aussi véridique que le Dieu de la Création.
Du Ze ferma les yeux et se sentit suffoquer comme s'il ne pouvait plus supporter ça.
Plus il se rappelait de son serment au départ envers le seigneur Meng, plus il trouvait ça ridicule.
Comme l'avait dit le dieu de la Lumière, il n'était venu dans ce monde que dans un seul but, et c'était tuer Xiu.
Le silence de Du Ze ravit le Dieu de la Création. Ce jeune homme avait enfin pris conscience de sa position. Ils n'avaient jamais été ennemis mais liés par un contrat et dans le même camp.
« Tu es une entité qui transcende ce monde alors naturellement, tu n'as pas à suivre les Règles de ce monde. Il s'agissait donc de te faire venir ici. Ce ne fut pas vraiment un problème pour moi — en tout cas, ce fut nettement plus facile que d'essayer de tuer cet homme. Depuis que j'avais découvert Son existence, j'avais tenté d'accéder au plan supérieur mais apparemment, je n'étais pas "habilité à passer" donc je n'ai jamais pu entrer dans le plan supérieur d'où tu viens. J'ai donc dû changer ma manière de penser. Puisque je ne pouvais pas accéder au plan supérieur, alors je pouvais plutôt invoquer un être de ce plan supérieur. Depuis, j'ai commencé à étudier comment invoquer des entités de plans supérieurs. J'ai fait des recherches pendant des centaines de millions d'années et j'étais à peine parvenu à réussir un cercle d'invocation. Je n'aurais jamais pensé que cela pourrait me servir un jour. »
Du Ze semblait engourdi, sans voix et impuissant. Il ne pouvait qu'écouter le Dieu de la création décrire en détail le processus d'invocation.
« Il fallait ensuite choisir qui j'allais invoquer. Celui qui avait disparu et qui en plus voulait faire de Xiu le Dieu Suprême, je ne pouvais évidemment pas L'invoquer. Du coup, j'ai préféré invoquer une autre existence transcendante et j'ai complété le cercle d'invocation au moment où cet homme se réfugia dans les Terres Perdues. »
Les Terres Perdues... Le nom familier fit un peu reprendre ses esprits à Du Ze. Il se souvint d'un jeune homme avec un petit livre jaune qui se tenait dans l'étendue vaste et regardait stupidement les deux lunes au-dessus de lui. C'était clairement une image comique mais maintenant qu'il y repensait, cela lui procurait un sentiment chaleureux qui lui donnait envie de sourire.
En fait, peu importait pourquoi il avait été transporté dans ce monde. Ce qui comptait, c'était qu'il avait pu venir dans ce monde et rencontrer sa personne favorite.
Du Ze cessa alors de se torturer sur la raison de sa venue et écouta attentivement le récit du Dieu de la Création.
« L'invocation se déroula sans problème. Tu étais bien arrivé dans ce monde et tu avais conclu un contrat avec moi — comme tu viens d'un monde supérieur, le contrat n'engageait que moi unilatéralement : tu peux parler à toutes les créatures de ce monde et tu as mon aura. »
Chaque mot du Dieu de la Création était une révélation explosive. En regardant ce qui s'était passé, que ce soit la déesse principale des elfes qui l'avait appelé 'Dieu le Père' ou les bêtes qui avaient inexplicablement peur de lui, tout cela était dû au fait qu'ils percevaient l'aura du Dieu de la Création en lui. Toutes ces petites questions qu'il s'était posé au fur et à mesure avaient enfin leurs réponses. Ensuite le récit du Dieu de la Création prit une tournure inattendue :
« Cependant il y eut un incident à la fin : invoquer un être d'un plan supérieur était bien au-delà des limites des Règles. Après l'invocation, je n'ai même pas pu voir ton visage que j'ai été emprisonné ici par les Règles et je ne pouvais plus intervenir directement sur le Continent du Chaos. »
Le Dieu de la Création contempla Du Ze avec une lueur très compliquée dans le regard.
« À l'époque toutefois, je n'étais pas vraiment inquiet car avant l'invocation, afin d'accomplir mon but, j'avais ajouté une condition au cercle magique : l'être supérieur invoqué devait avoir la même idée que moi, à savoir souhaiter la mort de Xiu. »
Badoum. Du Ze entendit son cœur battre très fort dans ses oreilles. Il parut se souvenir de quelque chose et parvint à une conclusion extrêmement amusante : bien qu'il ne connaissait les mécanismes spécifiques de l'invocation du Dieu de la Création, d'après ce que ce dernier venait de dire, on pouvait supposé que s'il avait été choisi, c'était parce qu'il avait une fois publié un commentaire de fan à la poudre noire sur le roman de "Sang Mêlé" afin que l'auteur change d'avis :
Le héros est si merdique qu'il mérite de crever. Il n'est pas du tout puissant, ah, et n'a rien d'une Vierge Marie.
Bien que Du Ze ait souvent regretté son comportement de fan à la poudre noire auparavant, cette fois il en fut bien content.
Heureusement que c'est tombé sur lui. Heureusement que ce fut lui qui fut invoqué par le Dieu de la Création pour tuer Xiu.
« Tout se passait très bien, vous vous étiez rencontrés dans mon temple Révélation qui passe inaperçue : le temple avec la statue de dieu incomplète dans les Terres Perdues était en fait le temple du Dieu de la Création. (2), fit le Dieu de la Création en lançant ensuite un regard mauvais à Du Ze. Mais à ma grande surprise, tu ne l'as pas tué ! »
Ce fut à ce moment que le Dieu de la Création se rendit compte que quelque chose n'allait pas. Il était toutefois emprisonné par les Règles et ne pouvait communiquer avec le Continent du Chaos que par le biais de son artefact divin. Il demanda donc au dieu de la Lumière de retrouver Du Ze pour lui. Il avait bien expliqué au dieu de la Lumière : tant que Du Ze était d'accord pour tuer Xiu, il pourrait avoir tout ce qu'il demandait — une contrepartie si généreuse, toute personne normale ne pouvait d'accepter, n'est-ce pas ? Toutefois le Dieu de la Création eut la stupeur de constater qu'ils rataient Du Ze encore et encore, et quand le dieu de la Lumière avait enfin réussi à lui parler, Du Ze avait refusé leur proposition sans la moindre hésitation. Le Dieu de la Création voulut alors parler directement avec Du Ze mais les Règles le limitaient très fortement. Si jamais il parlait trop longtemps avec Du Ze, son artefact serait directement détruit. Il n'était plus en mesure d'invoquer un être du plan supérieur alors même si Du Ze était un peu différent de ce qu'il avait imaginé, il ne pouvait que placer tous ses espoirs sur lui.
« Pourquoi tu ne l'as pas tué ? »
Le Dieu de la Création avait l'air très calme mais si on y regardait de plus près, on pouvait noter une profonde rancœur cachée sous ce calme.
« Mon cercle d'invocation n'a pas pu se tromper — dans le monde supérieur, n'as-tu donc pas souhaité que cet homme meurt ? Pourquoi tu ne l'as pas tué mais que tu l'as sauvé ?! »
Face à la question du Dieu de la Création, Du Ze posa les mains sur ses contours d'oreilles et répondit très doucement :
« Parce que... ce jeune homme est un fan à la poudre noire. »
J'ai insulté l'auteur, fait du mal au héros, escroqué les lecteurs et t'ai impliqué accidentellement, toi le méchant.
« Poudre... noire ? » répéta le Dieu de la Création dans un murmure, sa voix remplie de confusion et d'incompréhension.
Le Dieu de la Création n'aurait jamais pu imaginer que la personne qu'il avait fait venir dans ce monde non seulement ne haïssait pas Xiu mais était en fait un fanboy freiné par ses barrières sociales. Si quelqu'un de normal était venu dans ce monde, il aurait certainement été tenté par les conditions promises par le Dieu de la Création et aurait joué la comédie auprès de Xiu pour se venger. En plus en voyant tous les avantages de Xiu en tant que héros, la personne aurait peut-être même souhaité remplacer Xiu en tant que héros. Cependant, Du Ze était un adorable et stupide lecteur désespérant. Ses barrières sociales l'avaient empêché de s'intégrer rapidement dans ce monde. Son adorable stupidité l'avait poussé à coller à son identité de lecteur. Quand tout cela fut brisé par Xiu, le seigneur Meng avait déjà une place dans son cœur.
« Il était une fois un fan à la poudre noire qui aimait énormément un roman. Afin d'attirer l'attention de l'auteur, il laissa un commentaire disant : 'J'espère que le héros va crever.' »
La voix de Du Ze teintée d'un léger émerveillement retentit doucement dans l'espace d'un blanc pur, et son ton lent et monotone semblait racontait une histoire des plus ordinaires.
« Le méchant de l'histoire sentit ce commentaire et afin de tuer le héros, il attira le lecteur dans le roman. »
Les yeux du Dieu de la Création s'écarquillèrent au fur et à mesure. Il contempla le jeune homme aux cheveux noirs dont la bouche s'ouvrait et se refermait plusieurs fois, comme s'il fallait des siècles pour que sa voix lui parvienne.
« Je suis un lecteur. »
Personne n'empêcha Du Ze de révéler enfin ce fait. En effet, les deux seules personnes présentes avaient plus ou moins déjà compris la vérité de ce monde.
« Ce monde est un roman. »
— Le monde est un roman, Il en est l'auteur, les Règles sont le scénario, Xiu est le héros et le Dieu de la Création est le méchant.
En tant que lecteur, Du Ze fit face au Dieu de la Création et comme ça, il énonça la vérité de ce monde d'un air nonchalant.
À cet instant, l'espace tout entier — plutôt le monde tout entier se mit à trembler. Les paroles de Du Ze parurent en ébranler les fondations. Ce tremblement rendit les gens paniqués et anxieux comme si le monde se fissurait pour en dévoiler ses fondations. Le Dieu de la Création se pétrifia. Sa première réaction aux paroles de Du Ze fut de se dire que c'était ridicule, cependant le tremblement qui agitait le monde entier apprit au Dieu de la Création que c'était lui le plus ridicule !
« Ce monde... est... un roman... ? »
Il aurait été bien difficile de décrire l'expression sur le visage du Dieu de la Création en cet instant. Il avait un sourire tordu d'espoir et de désespoir, de joie et de détresse. Il avait l'impression d'avoir découvert la plus grande vérité mais pensait qu'il aurait été plus heureux de ne rien jamais savoir.
« Je suis... un personnage de roman... ? En plus... un méchant ? »
Le sourire du Dieu se tordit davantage jusqu'à de venir féroce.
« Cet homme est le héros et juste pour ça... je dois devenir son tremplin ?
« — Je refuse d'accepter ça !!! »
Le Dieu de la Création saisit fortement la main de Du Ze et ses yeux s'illuminèrent d'une obsession glaciale, tel un démon.
« Va le tuer ! Dans un jour, tous les dommages que tu as subis en ce monde seront effacés — »
Le Dieu de la Création s'arrêta soudain au beau milieu de sa phrase : Du Ze se mit à briller faiblement puis la lumière s'intensifia comme pour emporter au loin le jeune homme aux cheveux noirs. En voyant cela, le Dieu partit d'un rire détraqué.
« Ha — pas la peine d'attendre jusqu'à minuit, cet homme est parvenu à te ressusciter. »
Bien que le corps de Du Ze soit en train de disparaître progressivement avec les points lumineux, la main du Dieu le serrait toujours fermement comme dans un étau.
« Que tu veuilles devenir riche et puissant, ou même régner sur ce monde, fit le Dieu en détachant chaque mot, j'exaucerai le moindre de tes souhaits et désirs, du moment que tu le tues ! »
Du Ze ouvrit la bouche pour dire :
« Non...
– Ne dis pas non !!! hurla le Dieu en l'interrompant. C'est bien toi que j'ai invoqué pour tuer Xiu alors dans ce monde, tu n'as absolument pas le droit de refuser ma demande !
– … Je n'ai qu'un souhait. »
Avant que le Dieu ne puisse se réjouir, Du Ze poursuivit sans détourner le regard, sa voix douce mais ses paroles cruelles :
« Je veux rester à ses côtés pour toujours.
– Ha... Ha ha... »
Un rire perdu s'échappa de la gorge du Dieu de la Création. Son sourire se teinta d'une malfaisance indescriptible et il fixa Du Ze comme s'il voulait l'attirer avec lui dans les abysses sans fond.
« Cela n'arrivera pas. Aurais-tu oublié que c'est moi qui t'ai invoqué ? »
Le Dieu sourit et prononça d'un trait la peine de mort de Du Ze :
« Si je meurs, tu disparaîtras de ce monde. »
Qu... Quoi... ?
Les pupilles de Du Ze se contractèrent vivement. Ce fut comme si les paroles du Dieu l'avaient frappé. Le malaise qu'il avait délibérément ignoré ressurgit en lui avec force.
Il allait... disparaître ?
En voyant Du Ze pâlir, la voix du Dieu de la Création fut aussi suave que du poison mélangé à du miel :
« Tu ne veux pas disparaître, hein ? Alors dépêche-toi...
– J'aime Xiu — »
La voix de Du Ze était très douce et faible mais elle fit arrêter net les paroles du Dieu. Du Ze se moqua bien de ce que l'autre allait penser de lui et il continuer à avouer sans rien cacher :
« — J'aime aussi "Sang Mêlé". C'est le roman dont Xiu est le héros. Même si je disparais, ce roman continuera ; mais si Xiu venait à disparaître, mon roman préféré s'achèvera. »
Le Dieu de la Création resta planté là comme un piquet en bois. Il fixa Du Ze, incapable de comprendre l'expression douce et gentille sur le visage de l'autre homme.
« Je ne tuerai pas Xiu. »
Du Ze regarda le Dieu droit dans les yeux comme pour prononcer un serment à vie.
« Que ce soit dans le passé, le présent ou le futur. »
Ce fut alors que le Dieu de la Création comprit que tout ce qu'il avait dit était inutile.
Les points lumineux se dissolurent dans le blanc immaculé. Le Dieu de la Création baissa la main. Il ne pouvait plus saisir Du Ze — en fait comme toujours, il n'avait jamais vraiment saisi le jeune homme aux cheveux noirs.
« Pourquoi est-ce que tu l'aimes ? »
À l'ultime fin, le Dieu de la Création demanda malgré lui :
« Pour toi, nous ne sommes que des mots.
« Tu as vraiment pu tomber amoureux d'un personnage fictif de roman ? »
Juste avant de disparaître, Du Ze tourna légèrement la tête vers lui. Ses cheveux voletant masquèrent son expression et seules les lèvres pâles du jeune homme aux cheveux noirs semblaient légèrement esquisser un sourire.
« Le lecteur qui aime le héros, faut-il une raison pour ça ? »
Note de Karura : Pfff, que de révélations dans ce chapitre ! Tout s'emboîte parfaitement, tout s'explique, tout avait été prévu depuis le début ! Aaah, j'adore vraiment trop cette histoire !
Pauvre Dieu de la Création, il n'a pas eu de chance en tombant sur Du Ze. Voilà pourquoi l'auteur avait autant insisté sur le caractère de fan à la poudre noire au début du roman (eh oui, tout était prévu). Que cela vous serve de leçon, chers lecteurs : il ne faut pas se fier aux avis que vous lisez sur internet !
Notes du chapitre :
(1) Ce sont les paroles d'une chanson connue en Chine.
(2) Révélation qui passe inaperçue : le temple avec la statue de dieu incomplète dans les Terres Perdues était en fait le temple du Dieu de la Création.
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