Le Prince Solitaire 4 09

Chapitre Neuf : L’Armée Impériale


Le temps parut s’accélérer soudain et le printemps fit son apparition. Madare vivait toujours sous la menace de la guerre, toutefois les provinces de Hebi et Murōki semblaient avoir retenu la leçon : leurs troupes se contentaient de patrouiller aux frontières, sans toutefois engager de nouveau le combat. Par contre, Omisū tenta sa chance mais l’armée du général Wakiro les repoussa, subissant des pertes. Le plus inquiétant désormais était donc l’Armée Impériale, constituée de quinze mille hommes. Elle se rapprochait de Madare et, selon les estimations des éclaireurs, elle arriverait à la frontière avec Hebi dans trois semaines. Il était donc temps pour les sept mille soldats de Mitsuhide de se mettre en route. Ils seraient rejoints à la frontière par deux mille hommes de Fūku et mille autres de leurs seigneurs alliés. Cela resterait toujours bien moins que l’Armée Impériale, mais plus que ce qu’ils avaient espéré au départ.


Yama supervisa le départ de ses troupes. Cela lui rappela inévitablement les préparatifs pour la Croisade. Il espéra que l’issue serait meilleure cette fois. En tout cas, il savait qu’il se battait pour la bonne cause, c’était déjà un réconfort.

« Nous avons assez de vivres pour le voyage, fit la commandante Tsumi lors d’une des ultimes réunions. L’équipement a été rassemblé aussi.

Quel est le moral des troupes ? » s’enquit Yama, bien qu’il en avait déjà une bonne idée.

La femme Autre eut un léger frémissement des lèvres, ce qui faisait office de sourire. Elle avait environ soixante-quinze ans, un âge où les femmes avaient d’ordinaire leur premier enfant. Yama ne lui avait jamais demandé ses origines ou ses motivations, mais il était clair qu’elle venait d’une famille noble. En effet, elle avait su manier le sabre dès son arrivée et s’exprimait avec aisance. Cependant, elle n’avait jamais parlé de sa famille ou des raisons pour lesquelles elle s’était enrôlée. Elle était assez jolie, avec de longs cheveux bleu clair et des yeux en amande de la même couleur, les traits arrondis mais harmonieux. Néanmoins, elle gardait toujours un air sévère alors qu’un simple sourire lui aurait conféré plus de beauté. Quoi qu’il en soit, elle était efficace et compétente dans sa tâche de commandante, et Yama ne lui en demandait pas plus. Elle semblait apprécier grandement son absence de curiosité à son égard.

Œuvre originale écrite par Karura Oh. Lisez sur mon site http://karuraoh.free.fr. Si vous la voyez sur un autre site, c'est qu'ils ont volé mon histoire !

« Les hommes sont pressés d’aller se battre, l’informa Kitano, son second commandant. Nous avons remporté la première victoire il y a cinq mois, ils en veulent une autre ! »

Kitano n’était pas d’origine noble : il venait de Yasara et ses parents étaient d’humbles marchands. Il n’avait jamais touché à un sabre de sa vie avant d’entrer dans l’armée, et il s’était vite rattrapé depuis. Cependant, ce n’était pas son point fort, il était plus doué à l’arc. Il avait quatre-vingt-douze ans, une femme et trois enfants. Il s’était justement enrôlé pour les protéger. Il s’y connaissait également bien pour gérer les équipements et les vivres, un talent précieux pour organiser le quotidien d’une caserne.


« La motivation n’est pas un problème, » assura Parto, le troisième et dernier commandant.

Yama avait tenu à choisir un Vite pour ses commandants, dans un souci de représentation de chaque membre de son armée. Parto venait d’un village de chrétiens mais n’était pas intolérant envers les Autres. Il avait répondu à l’appel de l’évêque de Yasara. S’il n’était pas fort aux armes, il s’y connaissait un peu en stratégie militaire et secondait Yama sur ce point. Il comprenait le langage des Autres, pas parfaitement mais suffisamment pour suivre les réunions. Par contre, il s’exprimait toujours dans sa langue pour ne pas les offenser. Les deux autres commandants comprenaient un peu la langue des Vites, sinon Yama se chargeait de jouer les traducteurs.


« La cérémonie de bénédiction ne pourra qu’entretenir leur motivation, » ajouta Gugonjū qui représentait les prêtres.

Yama avait bien été obligé de l’inclure aux réunions avec ses commandants, en dépit de sa méfiance que le temps n’avait pas fait disparaître. Pourtant, les prêtres avaient eu un comportement exemplaire et n’avaient tenté aucune traîtrise. Malgré ça, Yama restait toujours mal à l’aise en leur présence et Gugonjū était le pire, car Yama était persuadé qu’il en savait bien plus sur lui qu’il ne le disait. De toute façon, Yama ne voulait rien entendre là-dessus et l’ignorait la plupart du temps.

« Excellent, conclut-il. Vous avez tous fait du bon travail. Continuez ainsi ! »

La réunion s’acheva sur ces paroles d’encouragement.


~*~


La cérémonie de bénédiction consistait à appeler à la protection des Dieux avant une bataille. Pour l'occasion, le prêtre supérieur Fūdo avait fait le voyage depuis le temple de Tomaru, à l'extrême nord de Madare. afin de diriger la cérémonie. Il s'agissait d'un tout petit temple — la preuve, il n'avait pu fournir que vingt prêtres guerriers pour l'armée de Yama. La cérémonie allait avoir lieu en présence de Mitsuhide, de ses trois généraux, des commandants et des hauts-commandants de chaque armée. Yama n'appréciait guère de devoir y participer, mais il aurait été impensable de refuser.

« Pas de blague durant la cérémonie, prévint-il mentalement les Diables au préalable.

Pas de blague, assurèrent-ils. Nous gardons Nos forces pour la bataille, afin de te protéger. »

Yama continua cependant de craindre un mauvais coup de leur part.


Ses craintes ne furent pas fondées car la cérémonie se déroula sans encombre. Sous un ciel clair, quoique encore un peu frais en ce début de printemps, le prêtre supérieur Fūdo implora les Dieux pour qu'Ils accordent Leur protection aux valeureux combattants de Madare. Les commandants et hauts-officiers s'inclinèrent respectueusement au passage des prêtres qui agitaient des encensoirs d'où s'échappait une fumée blanche odorante, tapaient sur des tambourins ou bien soufflaient dans une sorte de petit cor. Mitsuhide et ses généraux qui attendaient sur l'estrade eurent droit à la bénédiction des mains mêmes du prêtre supérieur. La cérémonie s'acheva ainsi.


Comme le départ était prévu le lendemain à l'aube, Yama passa le reste de la journée au palais afin de profiter de la présence de son fils. Yatsu était inquiet pour lui et fier à la fois.

« Tu vas combattre les méchants avec le papa de Tetsuō, lui fit-il au calme dans leurs appartements. Tu le protégeras, hein ? Tetsuō serait vraiment très triste de perdre son papa.

Ne t'en fais pas, je veillerai sur lui.

Et je sais qu'il veillera sur toi aussi. Oh, j'ai un cadeau pour toi ! »

Yama le vit farfouiller dans une malle. Depuis que Yatsu vivait pratiquement seul dans leurs quartiers — hormis avec les servants — il avait un peu agrémenté la pièce austère. Les miroirs et les ornements étaient revenus, ainsi que les tapis au sol. Des malles servaient à ranger les jouets, les vêtements ou les affaires d'étude du garçon. Yama l'avait autorisé à faire ce qu'il voulait de cet endroit, du moment que cela lui plaisait. De toute façon, le général était le plus souvent à la caserne, alors il était inutile d'empêcher le garçon de décorer ses quartiers à son goût.


« Tiens ! »

Yama saisit le petit rouleau noué par un ruban violet tendu par son fils. Il le déroula délicatement et vit des caractères tracés d'une main parfois encore hésitante.

« Tu écris mieux que moi, le complimenta Yama avec un sourire. Qu'est-ce qui est écrit ?

À la fin de l'hiver, tu pars loin de moi pour la guerre. Le printemps te ramènera avec le soleil.” C'est moi qui l'ai composé, » précisa inutilement le garçon.

Yama répéta les mots tout en regardant les caractères, puis enroula le parchemin et le noua de nouveau.

« C'est très beau, Yatsu. Je le garderai toujours sur moi.

Et tu reviendras, » affirma le garçon en souriant.

Yama n'eut pas le cœur à lui parler des risques possibles. Yatsu devait en avoir conscience de toute façon, ce n'était plus tout à fait un petit garçon. Il était donc inutile de gâcher leurs moments ensemble en se disant que cela pouvait être les derniers.


~*~


Ils prirent le thé avec la famille seigneuriale et plus que jamais, Yama apprécia le calme et la simplicité de ce moment. Cependant, il nota l'air triste et les yeux rougis de Teshime. Tetsuō ne s'éloignait pas trop de son père, serrant plusieurs fois sa main sans un mot, comme pour s'assurer de sa présence. Personne n'avait le cœur à rire et aucun ne voulait gâcher ce moment en parlant de sujets graves. Il était alors préférable de se taire... ou de jouer de la musique. Yama composa des airs variés à la flûte, ni trop tristes ni trop gais, et les sons légers et purs s'envolèrent avec la brise de l'après-midi.

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Étrangement, dame Teshime retint Yama après que Mitsuhide et les enfants furent partis. C'était bien la première fois qu'elle souhaitait lui parler en privé, ce qui l'intrigua. Elle congédia ses servants, ne gardant que deux servantes personnelles à qui elle ordonna cependant d'attendre plus loin. En effet, il n'aurait pas été convenable pour une noble dame de rester seule en compagnie d'un autre homme que son époux. Même avec la présence des servants, cela restait aux limites de la convenance. Mais cela, Yama l'ignorait.

« Général Yama, fit-elle directement, je m'adresse à vous en tant qu'épouse. Je vous implore de protéger mon seigneur et époux dans la rude bataille qui s'annonce.

Vous savez que je le ferai, dame Teshime, » assura Yama.


Mais elle secoua la tête tristement.

« Mon époux peut paraître réservé et prudent, mais lorsqu'il se prend de passion pour une cause, il s'y consacre entièrement et peut en oublier toute prudence. Ce sera sa toute première bataille et j'ai peur qu'à force de vouloir se distinguer et faire ses preuves, il ne mette sa vie en danger. Vous qui avez plus d'expérience, malgré votre jeune âge, tâchez de lui faire entendre la voix de la raison lorsqu'il se fermera à elle. »

Yama inclina gravement la tête.

« C'est entendu, dame Teshime. Vous avez ma parole. »

Elle posa sa main sur la sienne avec délicatesse, un geste très osé.

« Au nom de l'amour que nous portons tous deux à Mitsuhide, protégez-le de ses ennemis comme de lui-même. »

Sans laisser à Yama le temps de répondre, elle se releva, ses tuniques voletant autour d'elle, et quitta le pavillon.


~*~


Le départ eut lieu en grandes pompes le lendemain. Malgré l'heure matinale, le peuple de Hanajū s'était assemblé pour voir partir leur seigneur et son armée, et ils les accompagnèrent de leurs acclamations. Mitsuhide se sentit ragaillardi par le soutien de son peuple. Le voyage se fit sans encombre et ils arrivèrent à la frontière au moment prévu. L'armée du général Shimada était déjà sur place, alors Shimada était parti de Hanajū un jour plus tôt et avait voyagé avec une escorte légère pour rejoindre plus vite ses hommes. Il accueillit ainsi son seigneur et ses deux confrères généraux.

« L'Armée Impériale se trouve à quatre jours de nos frontières, seigneur Mitsuhide, l'informa-t'il.

Bien, cela va laisser le temps à nos soldats de récupérer du voyage et nous pourrons ainsi nous organiser, » déclara Mitsuhide avec satisfaction.


Les campements furent dressés à plusieurs endroits, avec la tente de Mitsuhide bien au centre afin qu'elle soit entourée de plusieurs milliers d'hommes. Dans les jours qui suivirent, Yama alla examiner le lieu de la bataille, une vaste plaine entourée de forêts, afin de se faire une idée de la stratégie à adopter. Il veilla aussi à la bonne installation de ses hommes et à ce qu'ils soient tous correctement équipés. Le reste du temps, il participa aux réunions stratégiques avec Mitsuhide, Gugonjū et les autres généraux et hauts-commandants, ainsi que le représentant du seigneur Hōtomo de Fūku. Plus la bataille se rapprochait, plus la tension augmentait sous la tente, causant souvent des disputes énergiques.


Par exemple, Wakiro avait explosé lorsque Yama avait osé suggérer une manœuvre de contournement.

« Vous ne renoncez toujours pas à vos tactiques de lâches ! lança férocement le général vétéran. Il n'y a qu'un Vite pour raisonner ainsi ! »

Yama était prêt à répliquer vivement à son tour quand un murmure des ombres lui apporta des informations fort utiles.

« Il n'y a qu'un Vite, dites-vous ? Il me semble pourtant que la manœuvre que je suggère a longtemps fait partie des trente manœuvres... »

Il marqua une pause pour écouter la suite.

« … sous le nom “le crabe resserre ses pinces”, jusqu'au septième siècle où elle a été remplacée par... »

Il y eut un autre silence qui fut rompu par Wakiro :

« Qu'est-ce que vous...

Chut, fit Yama en levant un doigt, j'essaie d'écouter... ah, par les serpent ! »


Le silence de cette fois n'était pas dû à Yama, mais aux autres qui le fixaient avec stupéfaction.

« Vous inventez, ce n'est pas possible ! fulmina Wakiro, les joues rouges.

Pas du tout ! objecta Yama. C'est mentionné dans le... le quoi ?! »

Les ombres répétèrent plus lentement.

« Le Traité des Pratiques Antiques de Guerre, par Kodoyashi Oboru. Vous n'avez qu'à vérifier. »

Tout le monde fixa Yama comme si une seconde tête venait de lui pousser, sauf Gugonjū dont les lèvres s'étirèrent en un mince sourire amusé.


« Tu es sérieux ? lança Mitsuhide. Même moi, je n'ai jamais entendu parler de ce livre !

Si je puis me permettre, intervint Gugonjū, le général Yama dit vrai.

Vous connaissez l'ouvrage en question, Saint Gugonjū ? s'enquit Mitsuhide avec incrédulité.

Non, reconnut l'autre homme, mais j'ai entièrement foi en la source d'information du général Yama. »

Le général en question lui lança un regard agacé, tandis que les autres ne comprirent pas l'allusion. En tout cas, le sujet fut abandonné.


~*~


Querelles ou pas querelles, l'Armée Impériale se rapprochait inexorablement. La veille de son arrivée, alors que la nuit était tombée sur le campement, Mitsuhide rejoignit Yama aux abords de la forêt, escorté de dix hommes qui restèrent en arrière.

« Ça va ? l'accueillit le général.

Je sens que je ne vais pas fermer l'œil de la nuit, reconnut son ami. Ce qui, selon le grand maître Shizū, est la marque d'un bon chef.

Ou plutôt de quelqu'un qui bâillera demain entre deux ordres. »

Cela fit rire le seigneur.

« Tant que je ne m'endors pas à cheval, ça ira ! renchérit-il.

Si je te vois piquer de la tête, je te donnerai un coup de coude pour te réveiller.

Merci, je savais que je pouvais compter sur toi.

C'est à ça que servent les amis. »


Après ce bref interlude, le sourire de Mitsuhide retomba et il reprit un air grave.

« Tu crois qu'on a une chance de l'emporter ? fit-il d'un ton songeur.

Oui, » répondit Yama sans hésiter.

Au regard surpris de son ami, il expliqua :

« Je ne suis pas du genre à laisser des milliers d'hommes se lancer dans une bataille perdue d'avance.

Mais les chances sont minces...

Pas tant que ça.

On parle de l'Armée Impériale, là ! »

Yama eut un sourire moqueur.

« Depuis quand n'ont-ils pas vu une vraie guerre ?

Ils ont quand même repoussé les Vites lors de l'Invasion. »

Le sourire de Yama retomba à ce souvenir.

« Tu parles. Deux mille Templiers acculés, affaiblis et dépaysés. Ce n'est pas ce que j'appelle une victoire glorieuse, ça. »

Il ne doutait pas que ses frères s'étaient défendus comme des braves avant de céder, mais c'était également la triste vérité.


Mitsuhide le fixa d'un air désemparé, demandant des paroles de réconfort et d'encouragement. Yama lui sourit gentiment et reprit :

« Nous avons plusieurs atouts qui jouent en notre faveur : des soldats motivés pour défendre leurs terres, les prêtres...

Toi.

Un général Vite aux idées farfelues, acquiesça-t'il, un valeureux seigneur qui se bat pour ce qui est juste... Je crois que ce sont plutôt nos ennemis qui devraient s'inquiéter ! »

Le seigneur finit par se laisser à moitié convaincre et eut un sourire amusé.

« Ce sont eux qui ne vont pas fermer l'œil de la nuit !

Tout juste ! »

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Un silence confortable s'installa. Mitsuhide tenta soudain de cacher un bâillement, mais l'œil acéré de son ami le repéra aussitôt et il eut un sourire amusé.

« Finalement, reconnut Mitsuhide d'un ton un peu embarrassé, on dirait que je vais pouvoir dormir.

Alors n'attends pas. La nuit sera courte.

Mmm. Et toi ?

Je n'ai pas trop sommeil.

Maintenant que j'y pense, je ne t'ai jamais vu beaucoup dormir. »

Yama haussa les épaules. Il n'avait jamais été un gros dormeur à la base, déjà chez les Templiers. Mais ces temps-ci, il dormait de moins en moins, pas plus d'une ou deux heures par nuit. C'était en partie dû à ses mauvais rêves récurrents — la vision des Diables où il se voyait massacrer les Hikari, même les enfants — et en partie à cause d'une trop grande activité durant le jour. Cela ne le dérangeait pas toutefois, tant qu'il ne tombait pas de sommeil durant la journée.


Mitsuhide se retira, le laissant seul... mais pas bien longtemps car Gugonjū se présenta juste derrière lui, comme s'il avait attendu que le seigneur de Madare s'en aille. Yama lui lança un regard neutre. Quoi qu'il arrive, il n'apprécierait jamais la présence du prêtre. Ce dernier s'inclina et attaqua aussitôt le sujet :

« Il y aura très certainement des Hikari demain. »

Yama hocha la tête. Il y avait songé aussi.

« Je m'en occuperai, » affirma-t'il.

Mais le prêtre avait l'air soucieux.

« Ils seront plus nombreux et puissants que ceux que vous avez déjà affrontés.

Peu importe.

Nous vous aiderons, général Yama. »


Yama lui lança un regard perçant.

« Vous pouvez aussi tuer les Hikari, Saint Gugonjū ?

Non, reconnut clairement le prêtre. Mais nous pourrons détourner leur attention ou vous servir de bouclier. »

Yama prit aussitôt un air sévère.

« Ne sacrifiez pas votre vie pour quelqu'un comme moi ! »

Gugonjū secoua la tête.

« C'est pour les Dieux que nous donnerons notre vie... ainsi que pour Leur représentant. »

Yama fit claquer sa langue, irrité par l'obstination de l'autre homme.

« Faites comme bon vous semblera, » fit-il froidement avant de reprendre le chemin du campement.

Gugonjū s'inclina respectueusement derrière lui.


~*~


L'Armée Impériale arriva peu après l'aube. Au grand étonnement de Yama, ils n'engagèrent pas tout de suite le combat mais envoyèrent un messager pour demander une réunion. Tel était l'usage, semblait-il : les généraux et seigneurs des deux camps se rencontraient sur un terrain neutre afin de se présenter et d'affirmer leurs motivations.

« Devons-nous leur préparer aussi le thé et des brioches au lotus ? suggéra Yama avec un sourire amusé.

Ne te moque pas de nos coutumes, répondit Mitsuhide avec un soupir. Cela permet aussi de jauger nos adversaires.

On apprend plus de choses en les combattant. »

Madare fut représentée par son seigneur, ses trois généraux et dix nobles mineurs, dont les frères par alliance de Mitsuhide. L'Armée Impériale fut représentée par cinq généraux, parmi lesquels Yama reconnut Kenryū, les seigneurs de Hebi et Murōki et quatre autres nobles mineurs. Yama se serait attendu à voir des Hikari, mais ce n'était pas plus mal que ça qu'ils soient absents. Par contre, cela ne voulait pas dire pour autant qu'ils n'allaient pas intervenir en douce lors des combats, comme les traîtres sournois qu'ils étaient.


Les deux camps se saluèrent courtoisement mais froidement. Yama constata que Kenryū n'avait pas changé depuis leur rencontre qui datait de presque vingt ans. Le général aux cheveux d'automne, lui, ne parut pas le reconnaître, sans doute parce que Yama ne ressemblait plus au jeune homme naïf qu'il avait été autrefois.

« Seigneur Mitsuhide, fit Kenryū d'une voix sèche, il est encore temps d'arrêter cette folie. Si vous acceptez de me suivre à Kurojū pour vous incliner devant l'Empereur et implorer son pardon, vous pourrez éviter ce massacre inutile.

Je n'ai rien à me reprocher devant sa Majesté, général Kenryū, répliqua Mitsuhide avec droiture. Ce sont les Hikari nos ennemis, pas lui. »

Kenryū fit claquer sa langue.

« Vous savez que cela revient au même ! Songez un peu à votre fils, songez à votre peuple !

Ce sont des raisons supplémentaires de me battre, fit le seigneur de Madare, intraitable.

Ce seront les raisons de votre perte ! »

Sur ce, le général fit faire demi-tour à sa monture, imité par ses alliés. Mitsuhide lança un regard d'impuissance à Yama, puis ils regagnèrent eux aussi leur camp.


~*~


Les deux armées se firent face, chacune à une extrémité de la grande plaine. Un silence impressionnant régnait, entrecoupé par les hennissements et piaffements des chevaux. Les soldats de Mitsuhide portaient tous la tenue bleu foncé avec les quatre losanges argentés, tandis que l'Armée Impériale était vêtu de violet avec l'emblème du dragon en noir. Yama, du haut de sa monture, contempla tous les hommes et femmes rassemblés et songea qu'il n'avait jamais vu autant de personnes au même endroit. Et dans quelques temps, une bonne partie d'entre eux seraient morts.

« C'est ça, la guerre, intervinrent les Diables. Le tout, c'est qu'il y ait plus de morts chez ton adversaire.

Ce sont surtout les Hikari qui doivent mourir.

Deux oiseaux avec une pierre. »

Yama plissa le front devant cette expression nouvelle mais finit par la comprendre.


Il se reconcentra sur la bataille à venir. Selon leur stratégie, l'armée de Wakiro attaquerait de front, celles de Shimada et de Yama sur les côtés. Les troupes de Fūku resteraient en retrait pour servir de renforts, tandis que les troupes des nobles mineurs avaient été réparties dans les trois armées. Mitsuhide serait à l'arrière avec sa garde personnelle de cent hommes, et les ordres étaient de le protéger à tout prix, voire de faciliter sa fuite en cas de défaite. Quant aux prêtres de l'Armée Divine, ils avaient eux aussi revêtu les couleurs de Madare afin de dissimuler leurs présences parmi les troupes de Yama. Seule leur double lance trahissait leur véritable identité, mais ceux qui seraient assez proches pour la voir finiraient morts de toute manière.


Les deux armées se mirent soudain en mouvement, les soldats lançant des cris féroces. Archers, cavaliers et fantassins débutèrent le combat. Yama, secondé par ses trois commandants, transmettait les ordres en les ajustant à l'évolution de la bataille. Les flèches commencèrent à faire des victimes dans les deux camps, puis les infanteries s'entrechoquèrent. Le bleu et le violet s'entre-mêlèrent et du rouge se mit à fleurir peu à peu. Les cavaliers intervinrent, leurs lames fendant l'air et les corps.

« Le bœuf pour l'infanterie, le hérisson pour les archers et le serpent blanc pour les cavaliers ! » lança Yama.

Les porte-drapeaux transmirent les ordres aux différents corps, qui furent relayés par les guetteurs chargés de surveiller les ordres de l'arrière. Les troupes obéirent peu à peu. Cela se poursuivit trois bonnes heures sans qu'aucun camp ne semble prendre l'avantage. Mais ce serait une bataille d'endurance. Il n'y aurait que dans les derniers moments que la victoire se dessinerait.


~*~

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En début d'après-midi, une trêve fut demandée afin d'évacuer les blessés et de s'occuper des morts qui gênaient le champ de bataille. Yama en profita pour rejoindre Mitsuhide et évaluer la situation. Le seigneur était tendu.

« Nous avons perdu environ deux mille hommes.

Et l'autre camp ?

D'après les estimations des sentinelles, trois mille. Ils restent quand même en supériorité numérique.

Les Hikari ne se sont pas encore manifestés. Ils vont attendre que nous soyons épuisés.

Ou que nous soyons en train de gagner. »

Yama acquiesça avant de jauger son ami du regard.

« Ça va ? Tu tiens le coup ? »

Mitsuhide détourna son attention du champ de bataille, un peu surpris mais touché par cette question.

« C'est... éprouvant, reconnut-il. Mais je tiendrais le coup, ne t'en fais pas.

Alors je retourne à mon poste. »


Profitant du nettoyage de la plaine, les soldats mangèrent des rations pour reprendre des forces. Yama refusa les boulettes de riz malgré l'insistance de ses commandants.

« Donnez-les plutôt à ceux qui se sont déjà battus, » recommanda-t'il.

La trêve s'acheva et les combats reprirent de plus belle. L'Armée Impériale commença à imposer son rythme. Ils étaient plus nombreux et mieux équipés. Yama serra les dents et répliqua à sa manière, cassant les codes de la guerre. Les soldats ennemis n'en revinrent pas lorsqu'ils virent les cavaliers rengainer leurs sabres pour sortir des arcs et se mettre à tirer efficacement, bien plus loin que les archers et bien plus difficiles à atteindre. Tirer à l'arc à cheval se faisait communément lors des chasses, mais jamais à la guerre. Quant aux archers, ils échangèrent leurs arcs contre des sabres pour prêter main-forte à l'infanterie. Ce changement d'organisation, issu de l'imagination de Yama, était du jamais vu. Cela dérouta un moment leurs adversaires, ce qui était précisément le but recherché.


« Voilà un des avantages à avoir travaillé avec des nouvelles recrues ! songea Yama avec satisfaction. Ils n'étaient pas encore spécialisés dans un corps d'armée, donc ils ont pu aisément s'adapter à d'autres armes. »

Quand il avait présenté cette manœuvre au conseil, cela fait fait scandale chez ses collègues généraux, sans surprise. Mitsuhide, lui, avait approuvé avec enthousiasme. Yama fut ravi de voir l'efficacité de son idée. Il se dit qu'il faudrait qu'il trouve un nom à cette manœuvre, peut-être le caméléon ou autre chose En tout cas, un regain d'enthousiasme parcourut les soldats de Madare. Ils luttèrent plus vigoureusement contre l'Armée Impériale et semblèrent gagner du terrain. Ce fut alors que Yama aperçut des taches blanches et dorées parmi les troupes. Son sang ne fit qu'un tour.

« Ça y est, ils sont là, » songea-t'il.

Les Diables se tendirent également.


Yama lança sa monture dans la plaine. Les Hikari devaient être arrêtés avant de commettre trop de dégâts. Un flot de lumière surgit plus loin, entraînant de nombreux morts dans les eux camps. En effet, les Hikari ne se souciaient guère de tuer des soldats de l'Empereur avec leurs ennemis. Yama atteignit le premier groupe de cinq magiciens qui ne se doutèrent de rien et lancèrent leur attaque d'éclairs sur lui. Le voile d'ombre le protégea pour qu'il puisse les transpercer de son sabre, tout ça sous les regards médusés des soldats des deux camps. Il repartit aussitôt en direction du prochain groupe de magiciens, sans se soucier de franchir les lignes ennemies ou pas.


Il avait encore détruit trois autres groupes avant qu'un cavalier ne s'interpose devant lui : c'était Kenryū, son sabre à la main. La lame teintée de rouge indiquait qu'il s'était lui aussi déjà lancé dans le combat.

« Le Vite de Mitsuhide ! cracha-t'il. Tu t'es perdu ou quoi ? »

Yama se rendit alors compte qu'il était seul au milieu des soldats de l'Empereur. Loin de s'inquiéter, il fit face au général ennemi.

« Je suis mon propre Vite, répliqua-t'il au grand désarroi de Kenryū. Et je sais exactement où je vais.

Alors comme ça, tu parles notre langue ? Insolent, je vais te faire regretter ton audace ! »

Et le général aux longs cheveux d'automne chargea droit sur lui. Yama retint un juron : il était là pour éliminer les Hikari, pas pour se battre contre un général ennemi ! Toutefois, il ne semblait y avoir aucun moyen d'éviter cet affrontement.


Les soldats s'étaient reculés pour leur laisser de la place, se fiant entièrement à Kenryū pour éliminer le général de Madare qui s'était égaré parmi eux. Yama para l'attaque de Kenryū, cependant son cheval se cabra lors de l'échange suivant et il dut sauter à terre. Honorable, Kenryū mit aussi pied à terre à renvoya sa monture.

« Montre-moi un peu ce que tu sais faire, le Vite ! » lança-t'il avec un sourire moqueur.

Les sabres sifflèrent dans l'air. Cela n'avait rien à voir avec un duel, c'était un vrai combat à mort, comme Yama les appréciait. Pas de règles contraignantes, de ridicules noms d'animaux et de parades codifiées. Seules comptaient la réactivité et l'ingéniosité. Kenryū commença à perdre sa superbe en constatant que le Vite lui résistait. Autre fait troublant, son style ressemblait fortement à celui de Harutō…

« Non, je me fais des idées ! » se dit-il fermement avant de se reconcentrer sur le combat.

Mais quelque part, il avait l'impression d'être ramené soixante ans en arrière. Adolescents, Harutō et lui s'étaient souvent affrontés et étaient de force égale.


Les deux combattants furent soudain encerclé par vingt Hikari sur leurs destriers immaculés. Furieux, Kenryū les harangua :

« Comment osez-vous intervenir dans un duel ?!

Vous prenez bien trop de temps, général Kenryū, répliqua dédaigneusement l'un des Hikari. Vous n'êtes pas là pour vous amuser. Ce Vite est de notre ressort. Écartez-vous immédiatement. »

Cependant, Kenryū restait un homme d'honneur en toutes circonstances.

« J'ai entamé un duel avec lui, alors je l'achèverai ! C'est à vous de vous écarter immédiatement ! »

En entendant ça, Yama marmonna :

« Pauvre fou. »

Les Hikari n'allaient pas laisser quelqu'un leur dicter leur conduite, pas même un général. Ils levèrent leurs bâtons vers les deux combattants et des éclairs apparurent au bout. Incrédule, Kenryū ne réagit pas.

Ce fut Yama qui se précipita vers lui et passa un bras autour de ses épaules.

« Baissez-vous ! » commanda-t'il en montrant l'exemple.


Kenryū s'indigna dans un premier temps de ce contact, mais la lueur aveuglante des éclairs les entoura ensuite, coupant court à toute discussion. Yama fut soulagé de voir les ombres les envelopper tous les deux. S'il ne s'était pas rapproché de l'autre général, il n'aurait pas pu le protéger. Malheureusement, l'attaque était plus intense que les autres fois et ne cessait pas.

« Nous ne pourrons plus... tenir bien longtemps... firent les Diables avec difficulté.

Tenez-bon, leur lança Yama. Je vais tenter quelque chose.

Qu'allez-vous faire ? » s'écria Kenryū, croyant qu'il s'adressait à lui.

Yama ne lui répondit pas et examina plutôt la situation à travers le voile d'ombres qui s'affinait de plus en plus.

« Puis-je utiliser le feu et l'ombre en même temps ? se demanda-t'il. Je n'ai jamais essayé. »

Avec le feu, il pourrait effrayer les montures et ainsi déconcentrer les cavaliers. Mais si cela interrompait leur protection d'ombre...

Œuvre originale écrite par Karura Oh. Lisez sur mon site http://karuraoh.free.fr. Si vous la voyez sur un autre site, c'est qu'ils ont volé mon histoire !

Cependant, au moment où il allait quand même tenter le coup, des hennissements stridents se firent entendre et l'attaque des éclairs cessa subitement. Yama se redressa aussitôt et vit des chevaux couchés à terre avec les Hikari coincés dessous ou éjectés plus loin. Il se rendit alors compte que les prêtres l'avaient rejoint et, le voyant en difficulté, s'étaient attaqués aux montures par derrière, ayant la même idée que lui. Yama ne perdit pas plus de temps et tua les Hikari à terre. Il en restait quelques-uns à cheval et ils s'en prenaient aux prêtres avec des cris furieux. Les hommes tombèrent à terre, foudroyés par les éclairs féroces. Sans réfléchir, Yama projeta des flammes vers les Hikari, puis courut pour les tuer. Il en resta deux à cheval qui, en voyant la tournure défavorable des événements, firent demi-tour et galopèrent... droit vers un anneau de lumière qui les engouffra avant de disparaître derrière eux. Yama se rua sur les lieux mais ne trouva rien, à part de l'herbe noircie.


« C'était quoi, ça ?! fit-il à l'intention des ombres.

Un portail de lumière. Ils peuvent s'en servir pour se déplacer instantanément d'un endroit à l'autre.

Et c'est maintenant que vous m'en parlez ?!

Nous n'étions pas sûrs qu'ils aient un tel pouvoir ou qu'ils s'en servent couramment. Cela demande une énergie considérable qui dépend de la distance à parcourir.

Vous pouvez le faire aussi, non ? Je l'ai déjà vu... »

Dans ses premiers souvenirs, l'ombre qui s'était engouffrée dans le sol avec le bébé... Cela s'expliquait à présent.

« Nous n'avons plus une telle énergie à disposition, » reconnurent-ils.


Yama agita son sabre dans l'air pour en enlever la plus grande partie de sang. Derrière lui, Gugonjū se tenait impassible, bien qu'il l'ait de nouveau surpris en flagrante conversation avec les Dieux.

Yama fit comme si de rien n'était.

« Comment vont vos hommes ? s'enquit-il plutôt.

Trente sont morts à cause des Hikari, fit-il sans émotion.

Je suis désolé, » répondit Yama en fermant les yeux un bref moment.

Le prêtre supérieur était aussi triste que lui mais, étant un guerrier aguerri, il pleurerait les morts plus tard.

« Vous êtes en vie, ajouta-t'il, c'est tout ce qui compte. »

Yama lui lança un regard de contradiction, mais ne dit rien.


Il se dirigea vers Kenryū qui s'était redressé et contemplait les cadavres Hikari avec stupeur, mais aussi une joie féroce. L'homme se tourna vers Yama à son approche.

« Comment vous avez fait pour les tuer ?! demanda-t'il directement.

Avec un coup de sabre bien placé, répliqua Yama.

Mais les ombres... et le feu... Vous êtes... !

Il y en a d'autres ? le coupa-t'il. Combien de Hikari sont venus avec vous ? »

Kenryū plissa les yeux, méfiant.

« Nous sommes ennemis, pourquoi vous donnerais-je un tel renseignement ?

Allons, je sais que vous haïssez les Hikari autant que moi. Vous n'avez qu'à me dire où ils sont, et je les tuerai. »

Le général aux cheveux d'automne en fut troublé. Il était bien tenté d'accepter, mais la Voie de l'Honneur l'en empêchait.


« Eux n'ont pas hésité à tuer des soldats à vous, insista Yama. Ils vous auraient également tué sans remords.

Et vous m'avez sauvé la vie. Était-ce dans le but de me soutirer des renseignements ? »

Yama se retint de rire.

« Non. Croyez-le ou non, nous avons des amis communs. C'est en leur nom que je vous ai protégé.

Quels amis ? demanda l'autre homme, intéressé.

Ce n'est pas le moment d'en discuter. Allez-vous m'aider à tuer des Hikari ? »

Kenryū le fixa un moment de ses yeux saphir perçants, puis prit sa décision.

« J'ignore combien ils sont et où ils se trouvent. En fait, je ne savais même pas s'ils allaient intervenir durant la bataille. Ils font comme bon leur semble, sans rendre de compte à personne. »


Cela ne surprenait guère Yama, mais au moins il avait confirmé les sentiments de l'autre général au sujet des Hikari.

« Tant pis, alors je n'ai plus qu'à attendre qu'ils se montrent. »

Il se tourna ensuite vers les prêtres qui se tenaient autour d'eux, formant un cercle protecteur. Ce n'était pas inutile car les soldats de l'Armée Impériale, qui s'étaient éparpillés à l'arrivée de Hikari, commençaient à se regrouper autour d'eux, hésitant à les attaquer.

« Général Yama, que faisons-nous de cet homme ? demanda Gugonjū en désignant Kenryū.

Laissez-le passer. »

Le général Kenryū plissa les yeux. Il n'appréciait pas de devoir sa vie à un Vite, deux fois en plus ! Il se jura de trouver un moyen de rembourser sa dette, sans pour autant trahir sa loyauté envers l'Empereur.

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Tandis que Kenryū s'éloignait rapidement vers ses troupes, le regard de Yama tomba sur les montures des Hikari. La blancheur immaculée avait fait place à une robe blanc crème ornée de taches brun clair. Il hocha la tête, confirmant un point.

« Je savais que des chevaux aussi blancs ne pouvaient pas exister ! Ce doit être une illusion que les Hikari projettent.

Dans quel but ? s'étonna Gugonjū à ses côtés.

C'est une question d'apparence, sûrement. Pour les Hikari, tout tourne autour des apparences. »

Pris d'un doute, il se tourna vers les cadavres, mais ils avaient conservé leurs couleurs dorées. Ça, ça n'était pas une illusion.

« Général Yama, le pressa le prêtre, nous devons regagner l'autre terrain avant de nous faire attaquer par l'ennemi. »


Yama fut rappelé à leur situation périlleuse : enfoncés dans les lignes ennemies, coupés du reste de leurs troupes et seulement une cinquantaine d'hommes. Comment traverser sans avoir à se battre ? Une idée saugrenue lui vint alors à l'esprit et un sourire se dessina sur ses lèvres.

« Ce ne sera pas un problème, Saint Gugonjū, » affirma-t'il.

Le prêtre le fixa sans ciller mais en son for intérieur, il se demanda quelle nouvelle idée farfelue pouvait bien lui passer par la tête. Jamais il n'aurait pu imaginer.


~*~


Mitsuhide enrageait. Les attaques des Hikari avaient causé de nombreuses pertes mais heureusement, elles furent de courte durée. Le seigneur de Madare se doutait parfaitement de ce qui avait arrêté ces maudits magiciens : Yama. On lui avait rapporté que le général s'était élancé dans la plaine sans hésiter, en direction des Hikari. Une partie des prêtres l'avait rapidement suivi. Depuis, aucune nouvelle. Même si Yama s'était débarrassé des magiciens — ce dont Mitsuhide ne doutait pas un seul instant — il avait très bien pu se retrouver face aux troupes ennemies, encerclés et en difficulté. Le seigneur de Madare serra les dents, déchiré entre l'envie de se porter au secours de son ami et ses responsabilités envers ses hommes. Il ne pouvait pas se lancer dans la bataille comme ça. Pourtant, s'il était arrivé malheur à Yama...


Des exclamations étonnées et horrifiées lui parvinrent :

« Le général... C'est le général Yama qui revient ! »

Mitsuhide se redressa sur sa monture, cherchant du regard dans la direction des exclamations. Il respira de nouveau en apercevant la silhouette familière de son ami, avec des prêtres derrière lui. Mais ce qu'ils tenaient au bout de piques... Mitsuhide fronça les sourcils avant d'en rester bouche bée : les prêtres brandissaient des têtes de Hikari ! Impossible de ne pas reconnaître les longs cheveux dorés, même si on ne pouvait pas tellement reconnaître les yeux dorés tant les visages étaient défigurés par la terreur ou la douleur. Les Hikari étant réputés pour être invincibles, qui aurait alors osé s'attaquer à celui qui brandissait leurs têtes ?


Yama le repéra soudain et leva la main pour lui faire signe, un grand sourire aux lèvres.

« Ah, Mitsuhide ! Je te ramène un cadeau ! »

Il se dirigea vers lui et, sur son signe, les prêtres plantèrent les piques dans le sol en rang, bien visibles pour leurs alliés comme pour leurs ennemis. Mitsuhide lança un regard incrédule à son ami qui s'expliqua :

« On était trop loin dans l'autre camp, alors je me suis dit qu'avec ça, les soldats y réfléchiraient à deux fois avant de nous attaquer. En plus, il savant à présent que les Hikari peuvent être tués.

Toi... Tu... tu n'es pas croyable ! » s'écria Mitsuhide, retrouvant enfin l'usage de la parole.


Yama partit d'un rire joyeux, chose incongrue au milieu d'une bataille de cette envergure.

« Je retourne à ma position, l'informa-t'il tandis qu'un soldat lui apportait une nouvelle monture. Je te laisse en bonne compagnie ! »

Effectivement, il lui laissa les macabres trophées. Les longs cheveux dorés défaits pendaient jusqu'au sol, ondulant sous la légère brise. Les yeux de la même teinte étaient clos ou grand ouverts, les visages figés dans des grimaces grotesques ou enragées. Mitsuhide ne put supporter de les regarder bien longtemps. En tout cas, si les soldats de l'Armée Impériale arrivaient jusqu'ici, ils seraient bien accueillis !


~*~


Le sang continua de couler dans les deux camps, si bien qu'il fallut encore deux autres trêves afin de débarrasser les morts et les blessés. Bizarrement, personne ne toucha aux dépouilles des Hikari et on les évita même de très loin. Une terreur respectueuse s'était emparée des soldats impériaux : Madare avait un général qui pouvait tuer les Hikari, ceux qu'on pensait invincibles ! D'autres disaient même avoir aperçu des prêtres qui se battaient aux côtés des soldats de Madare, signe que les Dieux soutenaient leur cause. Le découragement commença donc à se répandre dans les rangs, insidieux, et les hauts-gradés ne s'en rendirent même pas compte, hormis Kenryū. Ce dernier ne savait cependant pas quoi faire pour y remédier. Ce fut à partir de là que la victoire commença à leur échapper.


Au contraire, les soldats de Madare étaient plus que motivés par le fait qu'ils avaient pu tenir tête aussi longtemps face à l'Armée Impériale — même s'ils avaient subi de lourdes pertes. La mort des Hikari raviva leur moral et ils pouvaient sentir la bénédiction des Dieux tout autour d'eux. Ils osèrent croire en l'impossible qui devenait de plus en plus possible. Ils pressèrent leurs ennemis, les généraux se lancèrent à leur tour dans la mêlée, et même Mitsuhide se laissa griser par les combats et quitta l'abri sûr de la colline pour répandre le sang dans l'herbe déjà saturée de la plaine. Il affronta et vainquit plusieurs officiers et s'enhardit en apercevant le général Kenryū un peu plus loin. Il poussa son cheval jusque là et désigna l'autre homme de son sabre rougi par le sang.

« Général Kenryū, le seigneur Mitsuhide du clan Uegari vous défie ! » s'écria-t'il.


Curieusement, Kenryū le contempla calmement.

« Êtes-vous si pressé de mourir, seigneur Mitsuhide ? »

Le ton n'était pas moqueur, simplement réaliste. Kenryū était la meilleure lame de tout l'Empire. Il était clair que Mitsuhide n'avait pas la moindre chance contre lui. Les joues rouges, le seigneur de Madare refusa pourtant de s'incliner.

« Nous sommes en guerre et je suis sûr que sa Majesté vous a commandé de lui ramener ma tête ! Alors venez la prendre, si vous l'osez ! »

Kenryū fit claquer sa langue d'un ton réprobateur mais ne fit pas un geste pour dégainer. Cela rendit Mitsuhide encore plus furieux : il lança sa monture vers lui au galop, comptant bien l'obliger à l'affronter, qu'il veuille ou non !


À contrecœur, Kenryū dégaina donc son sabre. Ce fut à ce moment qu'un autre cheval s'interposa entre eux, le cavalier tourné vers Mitsuhide. Il s'agissait de Yama qui, voyant que son ami prenait des risques inconsidérés, avait volé à son secours.

« Arrête ! » lui lança-t'il.

Mitsuhide stoppa sa monture à quelques pas de lui, indigné.

« Depuis quand tu protèges un ennemi ?! l'accusa-t'il.

D'un, ce n'est pas tout à fait un ennemi, répliqua calmement Yama. Et de deux, c'est toi que je protège, là. »

Cela calma efficacement Mitsuhide qui baissa sa lame d'un air contrit, comme un enfant pris en faute. Yama se tourna alors vers Kenryū qui rengaina son sabre, voyant que le duel n'aurait pas lieu. Le deux hommes ne se dirent pas un mot, mais le général impérial fit faire demi-tour à son cheval.


« J'aurais pu le battre, marmonna Mitsuhide d'un ton rageur.

Tu plaisantes ? Même moi, je ne suis pas sûr de pouvoir le battre sans tricher, » répondit Yama pour détendre l'atmosphère.

Cependant, Mitsuhide resta grognon. Yama se rendit alors compte de la véracité des paroles de dame Teshime à son sujet et comprit pourquoi elle s'était tant inquiétée pour lui.

« Viens, lui proposa-t'il. La bataille n'est pas finie. Tu n'avais pas dit que tu voulais combattre à mes côtés ? »

Cela calma aussitôt la mauvaise humeur de son ami.


~*~


Peu de temps après, les soldats impériaux cessèrent de se battre pour se replier vers l'ouest. Incrédules dans un premier temps, les hommes de Madare laissèrent vite exploser leur joie. Ils avaient gagné contre toute attente ! Dans l'allégresse générale, Mitsuhide se jeta dans les bras de Yama et le serra contre lui.

« Nous avons gagné, c'est incroyable ! » fit-il, la voix remplie d'émotion.

Yama posa une main sur sa tête, un sourire aux lèvres.

« Comme quoi, tout est possible.

Avec toi, oui ! »

Yama ne releva pas. Dans les ombres, les diables se réjouirent aussi.

« C'est une victoire époustouflante, fils ! Elle restera longtemps dans les annales !

– Mais ce n'est pas encore fini, » songea-t'il, l'air plus sombre.

Tant qu'un seul Hikari était encore en vie, ce ne serait jamais fini.







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