Le Prince Solitaire 4 10

Chapitre Dix : Après la bataille




Après avoir convenablement brûlé les morts et versé du sake pour eux, le reste de l'armée de Madare reprit le chemin de Hanajū. Les frères par alliance de Mitsuhide repartirent dans leurs domaines respectifs. Le représentant du seigneur Hōtome de Fūku chevaucha avec Mitsuhide et tous deux se réjouirent de leur victoire. Ils avaient tout de même perdu cinq mille hommes et comptaient autant de blessés. Cela restait toutefois un bilan inespéré. Le général Wakiro avait eu l'estomac transpercé par un sabre, mais il survivrait. Le général Shimada avait le bras en écharpe à cause d'une blessure à l'épaule. Quant à Yama, il avait des plaies diverses mais rien d'alarmant. Mitsuhide se portait bien.


Sur leur chemin, les habitants des villes et villages les acclamèrent, mais ce ne fut rien en comparaison de l'accueil que leur réserva Hanajū. La ville tout entière arborait les couleurs bleu et argenté de Madare, les habitants lancèrent des fleurs au passage des soldats, criant le nom de leur seigneur et de ses vaillants généraux. Yama entendit une fois de plus l'appellation d'Ours pour désigner ses troupes et lui.


Dans la cour du palais, Teshime, Tetsuō et Yatsu étaient là pour les accueillir, ainsi que les autres membres du conseil et du gouvernement. Teshime eut les yeux qui brillèrent de larmes en voyant son époux sain et sauf. Si leurs retrouvailles publiques furent réservées, nul doute qu'ils seraient plus démonstratifs dans l'intimité. Yatsu sauta au cou de son père, se moquant bien du protocole, et ne quitta plus ses bras de la journée. À aucun moment Yama ne se plaignit de son poids.


Madare fêta ainsi sa victoire pendant trois jours. Yama resta tout de même sur ses gardes à cause du portail de lumière qu'il avait vu sur le champ de bataille. Cela ouvrait de nouvelles perspectives plutôt inquiétantes : les Hikari pouvaient se matérialiser n'importe où. Alors, qu'est-ce qui les empêcherait d'apparaître à Madare à tout moment, au beau milieu des festivités, et de faire un massacre ? Dans le doute, Yama avait fait renforcer la sécurité au palais.

« Tu t'inquiètes pour rien, lui firent les Diables. Les Hikari ont peur de toi, ils se sentent vulnérables.

Je connais ce genre de personnes, rétorqua Yama qui prenait l'air dans les jardins. C'est quand ils ont peur qu'ils risquent le plus d'attaquer.

Tu parles tout seul ? » fit soudain Mitsuhide derrière lui.


Yama tressaillit. Il ne l'avait pas entendu approcher, sans doute trop absorbé dans ses pensées. Le seigneur de Madare avait lui aussi décidé de s'éclipser un moment des célébrations afin de profiter de l'air pur de la nuit.

« Oui, » répondit franchement Yama.

Pour lui, les Diables ne comptaient pas comme des personnes, après tout.

« Mmm, c'est une habitude chez toi, on dirait, » commenta son ami en avançant à ses côtés.

Yama fronça les sourcils devant cette affirmation étonnante.

« Ah bon ?

Oui, je te vois souvent parler à voix basse, comme si tu t'adressais à quelqu'un.

Ah. »

Œuvre originale écrite par Karura Oh. Lisez sur mon site http://karuraoh.free.fr. Si vous la voyez sur un autre site, c'est qu'ils ont volé mon histoire !

Il conversait trop souvent avec les Diables depuis son arrivée à Hanajū, c'était devenu une mauvaise habitude. Qui plus est, cela pouvait également le trahir. D'un autre côté, les ombres chuchotaient de plus en plus, il était donc impossible de les ignorer. Mitsuhide ne pressa pas davantage le sujet et un silence confortable s'installa entre les deux hommes. Ils étaient d'autant plus enclins à savourer ces moments de joie et de paix qu'ils savaient que cela ne pouvait pas durer. Madare avait remporté une victoire sans précédent contre l'Empire, ce dernier ne resterait pas sans réagir. La province serait de nouveau prise d'assaut, cette fois avec plus d'hommes et de ténacité. Elle risquait même de subir plusieurs fronts simultanés. Mais tout cela prendrait du temps à organiser, ce qui leur laisserait également l'occasion de reconstituer leurs forces et peut-être de gagner plus d'alliés.


~*~


Pendant que Madare fêtait sa victoire chèrement acquise, l'ambiance à Kurojū, la capitale de l'Empire, était nettement moins festive. Kenryū avait fait parvenir en avance la nouvelle de leur défaite au palais, aussi se doutait-il qu'il serait mal reçu. Il était parti avec quinze mille hommes, il revenait avec moins de la moitié et pire que tout, vaincu. Les pertes humaines auraient été acceptables si au moins il l'avait emporté. L'Empereur le laissa deux jours agenouillé dans la grande cour du palais sans le recevoir. Les autres généraux et hauts-officiers partagèrent son châtiment derrière lui. Même lorsqu'il plut toute une nuit, ils durent rester sans bouger, la tête baissée. L'Impératrice Kaname envoya discrètement des servants leur apporter à manger, mais Kenryū ne toucha à rien, déterminé à subir la punition qu'il jugeait juste.


Ce ne fut que dans la matinée du troisième jour que l'Empereur Tegami se montra dans la cour. C'était un homme de taille moyenne, aux traits fins et réguliers. Ses longs cheveux noirs étaient retenus en une coiffure sophistiquée, faite de tresses et de chignons qui s'entrecroisaient harmonieusement, agrémentée de bijoux dorés. Il portait une tunique somptueuse de couleur mauve et ornée du motif du dragon noir flottant au milieu des nuages, le symbole du clan Kakurō, la famille impériale. Le trait le plus saisissant chez lui était sans conteste ses yeux noirs comme la nuit, sans le moindre blanc visible. C'était la marque des Dieux, la preuve qu'il était l'Empereur de droit divin. Il n'était pas né ainsi : enfant, ses yeux avaient la couleur violette mais ils avaient changé quand il fut couronné après la mort de son père, le précédent Empereur Kōtoda, ce qui avait marqué la succession. Il n'avait que cinquante-trois ans à l'époque, à peine majeur, mais il avait dû assumer seul ce fardeau puisque son frère aîné, Harutō, avait perdu la vie dans un accident de cheval.


Kenryū s'était autrefois mis au service de Harutō, son prince et son meilleur ami, comme le voulait la tradition du clan Inugami. Alors à sa mort, afin d'honorer sa mémoire, il avait transféré sa loyauté sur son petit frère, Tegami, et avait juré de protéger la famille impériale contre tous ses ennemis. Force lui était de constater qu'il avait lamentablement échoué : les Hikari avaient fait de l'Empereur leur marionnette sans qu'il n'ait pu intervenir. Il avait fini par renoncer à raisonner l'Empereur et tentait simplement de le protéger de lui-même.


L'Empereur s'assit sur un siège qu'un servant venait de placer devant Kenryū. Il resta un bon moment à l'observer. Le général, sentant le regard de reproche lourd comme une montagne sur lui, garda la tête baissée, ses longs cheveux auburn retombant partiellement sur ses épaules. La pluie ne leur avait guère fait du bien et il n'était absolument pas présentable, mais cette honte supplémentaire faisait partie du châtiment.

« Général Kenryū, fit enfin l'Empereur, ses mots teintés de mépris. Je vous prenais pour le meilleur guerrier de tout l'Empire. Il faut croire que je me suis trompé. »

Les épaules de Kenryū s'affaissèrent davantage, pourtant il ne répliqua pas.

« Vous êtes parti avec notre armée, forte de quinze mille hommes, pour réprimer une misérable insurrection de rien du tout, et vous avez été vaincu. Comment expliquez-vous un tel échec ? »


Avant que le général n'ait pu tenter de se défendre, une voix mélodieuse intervint :

« Cela me surprend même qu'il ait osé reparaître devant vous, votre Majesté. Selon la Voie de l'Honneur, il aurait dû se donner la mort et vous envoyer sa tête en guise d'excuse. »

Le sang de Kenryū ne fit qu'un tour et il se redressa un peu pour lancer à regard mauvais à l'homme qui venait de parler : le seigneur Shumē, chef du clan Hikari, premier conseiller de l'Empereur. Il avait le physique typique des Hikari et se vêtait d'un blanc éclatant, bien que ce soit la tenue du deuil et de l'autre monde.

« Tu parles d'honneur sans savoir ce que c'est, misérable porc, » songea Kenryū avec virulence.

Mais rien ne transparaissait sur son visage. Il avait maintes fois constaté que l'Empereur ne tolérait aucune parole déplaisante à l'encontre des Hikari, alors il avait pris l'habitude de ne rien dévoiler de ses pensées en ce qui les concernait.

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« Vous avez raison, seigneur Shumē, approuva Tegami. Général Kenryū, pourquoi ne pas m'avoir apporté votre tête ?

Ma tête est là, votre Majesté, fit-il en s'inclinant au sol. Si vous la désirez, elle est à vous. »

L'Empereur l'examina un moment entre ses cils, un sourire moqueur aux lèvres.

« Je n'ai que faire de votre tête, déclara-t'il finalement. Gardez-la et vivez avec la honte de votre défaite face à une armée de paysans !

L'armée de Madare était très bien organisée et compétente, argua Kenryū.

Pff, des Vites, des femmes et des enfants, à ce qu'on m'a dit, renifla l'Empereur dé dérision.

Les généraux ont usé de tactiques novatrices et brillantes. »


Kenryū ne faisait que son rapport, pourtant l'Empereur sembla croire qu'il se cherchait des excuses pour justifier sa défaite cuisante, alors il continua de le ridiculiser :

« Mitsuhide est tombé si bas qu'il a nommé général un Vite hirsute et ignare ! L'avez-vous vu au moins ?

En effet, votre Majesté. Nous nous sommes affrontés au sabre.

Oh, donc il est mort ? fit Tegami en haussant un sourcil. Cela me console que Mitsuhide soit en train de pleurer la mort de son mignon. »

Kenryū serra les dents en y repensant.

« Il est toujours en vie. Nous avons été interrompus. »

Les yeux obscurs de l'Empereur lancèrent des éclairs.

« Vous n'êtes donc même pas capable de tuer un simple Vite ? Je commence à remettre en question votre place à mes côtés ! Dans l'autre monde, mon grand frère doit pleurer de voir ce que vous êtes devenu ! »


Kenryū serra les poings devant ces paroles cruelles. Harutō était un sujet sensible pour lui, et Tegami le savait parfaitement. Il faisait exprès de l'humilier et de lui faire mal.

« Si notre duel a été interrompu, c'est parce que des Hikari sont intervenus pour le tuer ! lâcha-t'il en dépit du bon sens.

Ah ! fit l'Empereur, sa bonne humeur retrouvée. Seigneur Shumē, heureusement que votre clan était là. »

Shumē s'inclina mais une légère ombre parcourut son visage fixe. Kenryū en profita pour asséner :

« Ce sont les Hikari qui sont morts. Le Vite est toujours en vie ! »

Un lourd silence suivit sa déclaration. Kenryū savait qu'il n'aurait jamais dû dire cela, mais il était furieux et frustré — une dangereuse combinaison.


L'Empereur tapota d'un doigt l'accoudoir du siège.

« Quel mensonge nous racontez-vous là, général Kenryū ?

C'est la pure vérité, tous les soldats l'ont vu ! »

Il se demanda un moment si les Hikari iraient jusqu'à tous les tuer pour faire disparaître toute trace de leur vulnérabilité. Quand l'Empereur éclata de rire, il comprit que ce ne serait pas nécessaire.

« Absurde ! Vous êtes vraiment prêt à tout pour justifier votre échec, n'est-ce pas ? Comme si on pouvait tuer un Hikari ! »

À ses côtés, le seigneur Shumē arbora un sourire méprisant et hautain. Kenryū plissa ses yeux saphir. Rien de ce qu'il pouvait dire n'atteignait l'Empereur. Il était complètement envoûté par les Hikari.

« Votre Majesté, fit Shumē en s'inclinant devant l'Empereur, quelle sera la punition du général Kenryū ?

Que l'on annonce à travers tout l'Empire que le puissant Kenryū du clan Inugami s'est fait battre par un Vite ! décida Tegami en se tapotant le menton d'un doigt. Et si vous ne supportez cette humiliation, général, libre à vous de vous ôter la vie. »

Kenryū serra les dents mais ne dit rien. L'Empereur éclata d'un rire moqueur avant de se lever et de partir. Le seigneur Shumē lança un regard dédaigneux au général, puis suivit l'Empereur à l'intérieur du palais.


Kenryū se leva alors, la tête embrumée par la fureur et l'impuissance. Derrière lui, les autres généraux lui murmurèrent des paroles timides de sympathie mais en fait, ils étaient bien contents que Kenryū ait été le seul à subir le déplaisir de l'Empereur. Lassé de ces hypocrites, Kenryū se dirigea vers ses quartiers, le cœur bien lourd. En chemin, il croisa l'Impératrice qui l'attendait visiblement, l'air soucieux. Il s'inclina devant elle.

« Votre Majesté.

Général Kenryū, » répondit-elle.

Son regard triste convoya toute la sympathie qu'elle lui témoignait. Cela mit du baume au cœur du général : ces sentiments-là au moins étaient sincères.

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« Comment se porte son Altesse ? s'enquit-il.

Chiharu s'applique dans ses études. Grâce à votre fils, Kikuchi, il s'est amélioré au sabre. Même maître Midaro l'a complimenté à ce sujet. »

La mention de son fils aîné ramena un léger sourire sur les lèvres du général. Autrefois, il avait été suffisamment proche de Tegami pour lui demander l'autorisation de donner à son fils le même nom d'adolescent que Harutō, afin de lui rendre hommage. Malgré l'emprise déjà bien en place des Hikari, Tegami avait accepté et un instant, un trop bref instant, Kenryū avait retrouvé en lui le petit frère de son meilleur ami. Cela n'avait guère duré, bien entendu, mais cela lui avait redonné un peu d'espoir, ce qui n'avait guère duré non plus.


Ces temps-ci, son seul espoir était le Premier Prince Chiharu. Protégé par Kaname, il n'était pas sous l'influence des Hikari. Cependant, il était encore bien trop jeune pour être mêlé à la politique. Kenryū s'était juré de le protéger de ces maudits magiciens jusqu'à son dernier souffle et il comptait sur son fils aîné pour rester aux côtés du Premier Prince et veiller sur lui.

« Général Kenryū, reprit l'Impératrice, si vous n'êtes pas trop épuisé, je souhaiterais que nous prenions le thé ensemble au pavillon de jasmin. »

Il était épuisé mais savait aussi que l'Impératrice voulait tout savoir de la campagne contre Madare. Alors il s'inclina et accepta.


~*~


Après s'être lavé et changé, il se sentait déjà un peu mieux. Son fils avait accouru dès qu'il avait su que son père avait été libéré de son châtiment dans la cour principale. Kikuchi aurait été prêt à revoir son père avant, mais il savait que Kenryū l'aurait grondé en lui rappelant que son devoir était de rester avec le Premier Prince. D'ailleurs, ce fut la première chose que lui signala le général en le voyant.

« Chiharu suit sa leçon d'histoire, répondit Kikuchi. De toute façon, je serais venu vous voir, père ! »

Il se jeta dans les bras de Kenryū qui sentit son cœur fondre devant l'affection de son fils. Kikuchi avait hérité de ses cheveux au couleur des feuilles d'automne, mais avait les yeux verts comme les feuilles de printemps de sa mère. Il avait trente-neuf ans et sortait peu à peu de l'enfance. Dès qu'il avait été en âge, Kenryū l'avait formé au sabre et aux autres arts militaires dans l'objectif qu'il lui succède plus tard. Kikuchi était né en 2399, soit quatorze ans après la mort de Harutō. Sa venue au monde avait rendu le sourire à Kenryū. Depuis, son épouse, dame Mikato, lui avait donné un second fils, Dokano, ainsi qu'une fille, Kōtori, mais son aîné avait une place particulière dans son cœur.


« Père, vous êtes blessé ! s'affola soudain Kikuchi en découvrant un bandage autour du cou de son père.

Une vilaine plaie au torse, rien de grave, » le rassura ce dernier.

Le regard inquiet de son fils lui fit chaud au cœur. Il posa les mains sur ses épaules.

« Retourne auprès du Premier Prince, Kikuchi, et veille sur lui plus que jamais. Nous discuterons ce soir. »

Le garçon acquiesça, l'air grave, et partit avec réticence, mais pas avant de lui avoir arraché la promesse qu'il lui raconterait la bataille. Kenryū soupira, puis se rendit au pavillon de jasmin.


Le palais de Kurojū était aussi vaste qu'une ville et possédait plusieurs jardins, agrémentés de nombreux pavillons où les nobles pouvaient prendre le thé, bien que la famille impériale soit prioritaire. Le pavillon de jasmin avait l'avantage d'être à l'écart, peu accessible car autour des Pavillons Impériaux qui abritaient les quartiers de l'Empereur et de son fils. C'était donc parfait pour que l'Impératrice reçoive et discute en privé avec Kenryū. En fait, c'était contraire aux convenances qu'une femme mariée reçoive seule un autre homme. Toutefois, le général Kenryū avait une excellente réputation et sa longue amitié avec la famille impériale ferait que jamais les gens n'iraient s'imaginer quelque scandale à son sujet.


Quand Kenryū se présenta, l'Impératrice était déjà sur place. Ses servants avaient préparé la table et attendaient pour servir le thé. Kenryū la salua respectueusement puis s'assit en face d'elle. Malgré les épreuves qu'elle endurait, la beauté de Kaname restait incomparable. Les traits doux et délicats, les cheveux roses toujours impeccablement coiffés, les yeux bleus comme l'azur, elle était l'image de la femme parfaite. Kenryū savait pourtant qu'elle pouvait se montrer féroce, surtout si son fils était en danger. Elle cachait en elle une force et une volonté admirable pour une femme. Elle avait passé le siècle de quatre ans, mais avait refusé de célébrer son âge de raison comme le voulait la coutume. La raison en était évidente : c'était lors de la fête pour les cent ans de son frère aîné, Kahiro, que le clan Hamenoto avait été massacré par des Vites venus de l'extérieur, une invasion encore inexpliquée jusque là.


Seuls Kaname et le Premier Prince Chiharu en étaient ressortis indemne. Kaname avait par la suite été injustement moquée en racontant que c'était grâce à un Vite qui les avait protégés tous les deux contre les siens. Ces moqueries avaient été incitées par les Hikari afin de la discréditer, car tout le monde avait félicité son courage et sa vaillance, et même l'Empereur avait fait mine de vouloir se rapprocher de nouveau de son épouse, délaissant sa concubine Hikari. Mais Kenryū, lui, savait que c'était la pure vérité puisqu'il avait vu ce Vite avec l'Impératrice et le Premier Prince vingt ans plus tôt. Il avait donc voulu prendre la défense de Kaname, sauf qu'elle l'avait imploré de ne rien en faire, préférant qu'il garde les faveurs de l'Empereur. Tandis que le reste de l'Empire l'avait peu à peu considérée comme une hystérique et une affabulatrice à cause des persiflages constants des magiciens, Kenryū avait continué de la soutenir en privé. À présent, il se retrouvait à son tour en disgrâce. Les Hikari se débarrassaient lentement mais sûrement de tous les proches de l'Empereur. Jusqu'où iraient-ils dans leur soif de pouvoir ?

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« Général Kenryū, racontez-moi ce qui s'est passé, je vous prie, » demanda l'Impératrice après lui avoir laissé le temps de prendre du thé et de manger un peu.

Kenryū s'exécuta, laissant de côté les détails trop techniques. Kaname voulait plutôt connaître son opinion sur le seigneur de Madare, et surtout le général Vite. Quand elle apprit qu'il avait tué des Hikari, ses yeux azur s'écarquillèrent.

« Décrivez-le moi, fit-elle avec empressement. À quoi ressemble ce Vite ?

Je sais à qui vous pensez, votre Majesté, mais ce n'est pas lui, la déçut-il. Le Vite de Mitsuhide est barbu, avec des cheveux brun foncé et des yeux... vert pâle, je dirais. Ce n'est pas votre Iguna.

Mais depuis toutes ces années, il a peut-être changé physiquement...

Pas à ce point. Je suis désolé. »


Kaname baissa les yeux, songeuse. Quand elle avait pris connaissance du message du seigneur Mitsuhide — les Hikari l'avaient laissé circuler librement dans tout l'Empire, estimant que c'était une preuve de la trahison de Mitsuhide — et qu'elle avait lu la partie concernant l'attaque de Metsujū, cela l'avait ramenée vingt ans en arrière. Le visage d'Iguna, le Vite mystérieux qui l'avait protégée en trahissant les siens, lui était réapparu. Par la suite, quand avait couru la rumeur que Mitsuhide avait accordé le rang de général à un Vite, elle avait senti que c'était Iguna, comme une intuition fulgurante qui ne laissait pas de place au moindre doute. Alors avant que Kenryū ne parte en guerre, elle l'avait pressé de découvrir si ce général Yama était bien le même homme. Cependant, il venait de briser ses espoirs. Elle serra les poings dans son giron.

« Quoi qu'en dise Kenryū, songea-t'elle, je reste persuadée que c'est lui. Il n'existe pas tant de personnes que ça qui peuvent tuer les Hikari ! »


Elle aurait voulu lui envoyer un message, mais à qui se fier ? Les Hikari guettaient la moindre occasion de la faire tomber. Ils voyaient encore en elle une menace, bien que l'Empereur l'avait totalement délaissée et préférait nettement la compagnie de sa putain Hikari.

« Général Kenryū, demanda-t'elle tout de même, n'est-il vraiment pas possible de communiquer avec Madare ? »

L'homme se raidit et fronça les sourcils.

« Nous pourrions envoyer un message, mais ce serait déjà très risqué. Quant à recevoir une réponse... les risques sont bien trop élevés, votre Majesté. »

Elle reconnut la sagesse de ses propos et se mordit les lèvres.


« Mère ! Général Kenryū ! »

Le Premier Prince Chiharu les rejoignit en courant presque, suivit de Kudō, son servant attitré, et de Kikuchi. Kaname lança un regard désapprobateur à son fils.

« Le Premier Prince ne doit pas courir comme un enfant, » fit-elle.

Elle était toujours extrêmement stricte en ce qui concernait l'étiquette. Chiharu s'arrêta net et s'inclina, l'air contrit.

« Pardonnez-moi, mère. »

Il termina de les rejoindre à pas mesurés, avec la dignité qui convenait à son rang. Après les avoir proprement salués, il s'assit à table à côté de sa mère. Kikuchi prit place à côté de son père et lui adressa un sourire affectueux. Chiharu avait trente-quatre ans et restait encore bien ancré dans l'enfance. C'était un garçon toujours souriant, ouvert aux autres et qui avait bon cœur. Un peu rondelet — comme tous les enfants de la noblesse — il préférait nettement la lecture et l'art aux activités physiques. Il devait pourtant savoir manier le sabre — et heureusement pour ça que Kikuchi s'occupait de lui — chevaucher et tirer à l'arc. Ce n'étaient pas ses points forts, cependant il s'appliquait et faisait de son mieux.


« Général Kenryū, fit le Premier Prince entre deux bouchées de gâteau au soja dont il raffolait, il faut tout me raconter de votre bataille. Ça a dû être épique ! »

Kenryū eut un sourire crispé. Le Premier Prince était encore trop jeune pour se soucier de la politique, alors il ignorait certainement qu'il avait lamentablement perdu. Le garçon ne pensait pas à mal en disant cela, il voulait juste une histoire passionnante à entendre.

« Chiharu, intervint sa mère, plus réceptive, le général te la racontera plus tard. Tu as bientôt ta prochaine leçon, de toute manière.

Oui, mère, » fit le garçon sans insister plus.

Kenryū remercia l'Impératrice d'un regard. Il ne put s'empêcher de songer, non pas pour la première fois, à quel point les choses auraient été différentes si Harutō n'était pas mort. Il serait devenu Empereur et aurait épousé Kaname comme prévu. Kenryū l'aurait fidèlement servi. Tegami aurait pu n'être que Second Empereur, au lieu de devoir subitement assumer un rôle auquel il n'avait jamais été préparé. Les Hikari n'auraient eu aucune chance de tisser leur toile de mensonges et de fourberies. Le monde serait par conséquent un meilleur endroit. Mais ce genre de pensées était bien vain. Kenryū devait composer avec la réalité et faire de son mieux, en mémoire de son meilleur ami.






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