Chapitre Onze : Les anniversaires
À Madare, après les trois jours de célébration pour la victoire contre l'Armée Impériale, la vie reprit son cours. Suite aux lourdes pertes humaines, l'armée dut se réorganiser. Tous ceux qui s'étaient enrôlés durant l'année eurent le choix entre devenir soldat ou être libéré, mais à condition de s'enrôler de nouveau à la prochaine bataille. C'était la saison des labours, alors beaucoup regagnèrent la vie civile afin de s'occuper des champs et de se préparer pour le prochain hiver. Les soldats restants étaient au nombre de trois mille — une fois que l'on avait renouvelé les hommes aux postes-frontière. Ils furent donc partagés entre les trois casernes existantes de Hanajū.
Yama avait d'abord protesté car ses troupes avaient pris leurs marques dans la caserne temporaire, mais Mitsuhide argua qu'ils avaient bien mérité des locaux permanents, ainsi que la reconnaissance qui allait avec. Effectivement, les commandants de Yama apprécièrent le changement et les soldats prirent possession des lieux avec joie. Quant à la caserne temporaire, bien qu'elle soit vide, Yama s'opposa à sa destruction en prévision de la prochaine campagne.
« Ce serait stupide de la démolir pour devoir la reconstruire dans quelques mois, se justifia-t'il. En attendant, les bâtiments peuvent servir d'entrepôts pour l'équipement, et le champ d'entraînement est plus grand que dans les autres casernes. »
Hōfuno, le Ministre des Finances, approuva car cela faisait économiser le prix de la démolition. Le conseil se laissa également convaincre.
Profitant de la réorganisation, Mitsuhide attribua à Yama la caserne la plus proche du palais, comme par hasard. Quant à l'Armée Divine, la plus grande partie des prêtres retournèrent dans leurs temples respectifs. Ils assurèrent toutefois qu'ils reviendraient pour la prochaine bataille. Gugonjū resta avec une dizaine de prêtres, pour le plus grand déplaisir de Yama. Mis à part ces désagréments, Yama se rendit compte que sa charge de travail était considérablement allégée. Son armée avait trouvé son rythme, les tensions étaient apaisées et tout le monde savait ce qu'il avait à faire. Profitant de la proximité du palais, Yama put ainsi passer plus de temps avec son fils, ainsi qu'avec Mitsuhide et sa famille.
Ce fut d'ailleurs lors du thé quotidien de l'après-midi que Tetsuō posa innocemment la question :
« Au fait Yatsu, c'est quand ton anniversaire ?
– C'est le douzième jour du quatrième mois ! déclara le garçon.
– Mais c'est dans deux semaines ! Père, il faut absolument organiser une fête pour Yatsu !
– Bien sûr, ce sera son premier anniversaire avec nous. C'est un événement important, » approuva Mitsuhide.
Frappé d'une pensée subite, il se tourna vers Yama.
« Et toi, c'est quand ton anniversaire ?
– On le fête en même temps, » répondit Yama d'un ton désintéressé.
Mitsuhide et Tetsuō prirent tous les deux un air interrogateur.
« Alors vous êtes nés le même jour ? demanda le fils.
– Non, répondit Yatsu en riant. Mais comme Papa n'avait jamais fêté son anniversaire, je lui ai dit qu'on pouvait partager le mien ! »
Avant de s'en empêcher, Mitsuhide exprima son étonnement :
« Tu n'as jamais fêté ton anniversaire, Yama ?
– Les Templiers ne fêtent pas les anniversaires, expliqua-t'il. En plus, je ne sais pas exactement quand je suis né. »
Les ombres se manifestèrent alors :
« Si ce n'est que ça, Nous pouvons te le dire ! Tu es né...
– Non, je ne veux pas savoir, » marmonna-t'il en les faisant taire.
Œuvre originale écrite par Karura Oh. Lisez sur mon site http://karuraoh.free.fr. Si vous la voyez sur un autre site, c'est qu'ils ont volé mon histoire !
Pendant ce temps, Yatsu confia :
« Au début, Papa ne fêtait pas non plus mon anniversaire. Mais dès que je lui ai demandé, il m'a organisé une fête avec tous mes amis du village. C'était vraiment bien !
– On va te faire une très belle fête ici aussi, assura Tetsuō.
– Ah, j'ai trop hâte ! » fit le garçon en riant.
Pour ne pas être en reste, Mitsuhide renchérit :
« On va aussi te faire une très belle fête ici, Yama.
– Si tu veux, » soupira l'autre homme, peu concerné.
Mitsuhide se retint de soupirer lui aussi : le père et le fils étaient vraiment trop différents !
Fidèles à leur parole, Mitsuhide et son fils se donnèrent du mal pour organiser les deux anniversaires. Yama découvrit ainsi que les anniversaires étaient une affaire très sérieuse pour les Autres. Cela le surprit un peu car il aurait cru qu'avec autant d'anniversaires à fêter — puisqu'ils vivaient bien plus longtemps que les Vites — les Autres n'y prêteraient guère d'attention. Il était vrai que certains anniversaires étaient plus célébrés que d'autres : à un an, l'enfant recevait son nom officiellement. À dix ans et vingt cinq ans, on faisait une plus grande fête. À quarante-cinq ans, un jeune homme avait le droit d'entrer en cour. La majorité était à cinquante ans et la personne recevait son nom d'adulte. La fête durait en général trois jours. Les soixante-quinze ans étaient souvent bien célébrés, mais ce n'était rien comparé au centenaire, l'âge de raison, qui donnait lieu à cinq jours de fête. Il restait ensuite l'âge vénérable, à cent cinquante ans, où on ne fêtait que deux jours, sûrement parce que la personne était déjà bien âgée à ce moment.
Yatsu ne fêtait que ses seize ans et Yama ses trente-neuf ans, alors ils n'entraient dans aucune catégorie d'anniversaires spéciaux. Toutefois, comme il s'agirait de leur premier anniversaire à Hanajū, c'était considéré comme une occasion spéciale. Pour Yatsu fut prévu un grand goûter dans les jardins du palais, l'après-midi. Tetsuō avait invité ses huit cousins et cousines, les filles du général Shimada et les deux enfants du général Wakiro, un garçon et une fille. Tetsuō avait sans doute souhaité recréer pour Yatsu le genre d'anniversaire qu'il avait connu à Misato, avec plein d'enfants autour de lui. En tout cas, Yatsu fut aux anges. Il découvrit avec délice que les enfants pouvaient faire tout ce qu'ils voulaient le jour de leur anniversaire : ne pas aller aux leçons, manger des gâteaux toute la journée, etc., du moment que ce n'était pas quelque chose de dangereux ou de permanent. Au niveau des cadeaux, il fut également gâté : des bijoux de cheveux, des nécessaires de calligraphie, des services à thé, des livres de poésie ou d'art. Yama lui offrit de nouvelles tuniques, car seul un parent pouvait offrir ce genre de cadeau qui touchait la peau. Le garçon passa donc une excellente journée et fut bien déçu de la voir s'achever.
Pour Yama, l'anniversaire serait fêté le soir avec un banquet. Cependant, il reçut déjà des cadeaux dès le matin au réveil : Yatsu lui offrit un portrait de lui qu'il avait passé des jours à réaliser. Il représentait Yama prenant le thé dans les jardins. Le style était particulier, les traits un peu hésitants, mais c'était du beau travail pour un enfant de seize ans.
« Je voulais aussi ajouter oncle Mitsuhide, expliqua le garçon, mais je n'ai pas eu le temps.
– C'est très beau, Yatsu. Merci. »
Ce fut ensuite à la caserne que ses commandants lui offrirent un service à sake et les soldats se réunirent dans la cour pour lui souhaiter son anniversaires. Le cadeau de Gugonjū fut des plus ciblés et moins discret : un recueil d'histoires sur l'Empire de l'Aube, en particulier les exploits du clan impérial Kakurō.
« Même si je suis sûr que vous pouvez entendre ces récits de conteurs plus fiables, » avait précisé le prêtre en s'inclinant.
Mitsuhide n'attendit pas non plus le soir pour faire son cadeau. Après le déjeuner, il l'emmena dans les écuries et lui présenta un splendide étalon.
« Il vient de la même lignée que mon Kaze Vent (1), fit Mitsuhide en parlant avec fierté de sa propre monture. Les chevaux de cette race sont très prisés dans tout l'Empire : ils sont intelligents, rapides et endurants. »
Yama approcha la main pour flatter l'encolure de l'étalon. Il ne s'était jamais beaucoup soucié du cheval qu'il montait, mais puisqu'il s'agissait d'un cadeau, il se jura d'en prendre bien soin.
« Merci, Mitsuhide. C'est une bête magnifique. Il a un nom ?
– Tu peux le nommer comme tu veux, même si je connais ton talent pour trouver des noms ! » fit son ami en retenant un rire.
Yama leva les yeux au ciel.
« Quoi, il faut aussi que le nom du cheval ait un sens particulier ?
– Pour une bête que cette qualité, c'est la moindre des choses.
– Hum... »
Il réfléchit un moment puis suggéra :
« Yaji Flèche (2). »
Comme Mitsuhide lui lançait un regard interloqué, il se braqua :
« Quoi, c'est encore un nom bizarre ?
– Non, au contraire, c'est un nom très bien choisi. C'est pour ça que je suis surpris. »
Yama renifla tandis que son ami se mit à rire gentiment.
« Allez, viens, on va faire une balade à cheval. Tu vas voir la différence avec une monture ordinaire ! »
Et effectivement, cela n'avait rien à voir. Les deux hommes lancèrent leurs chevaux au galop sur la plaine et Yama put apprécier une monture bien dressée mais qui avait conservé sa fougue.
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Durant le goûter d'anniversaire de Yatsu, Yama fit la connaissances des cinq grandes sœurs de Mitsuhide, venues avec leurs maris et enfants pour les deux anniversaires. Yama avait déjà rencontré les frères par alliance de Mitsuhide durant la bataille, même s'ils n'avaient eu beaucoup l'occasion de discuter. Il les trouvait donc sympathiques, pour des Autres. Mais les sœurs de son ami... Elles le dévisagèrent sous toutes les coutures, sans la moindre gêne, commentant entre elles et pouffant de rire, Teshime dans le lot. Yama se sentit plus confus que s'il était entouré d'ennemis.
« Notre petit frère s'est trouvé là un drôle d'ami, déclara Midori, l'aînée, en agitant un éventail. Et c'est quoi, cette barbe ?
– Grande sœur ! s'écria Mitsuhide, embarrassé par son attitude.
– Voyons, Mitsuhide, c'est vrai ! Il serait plus beau sans tous ces poils. Je suis sûre que c'est ce que tu penses aussi ! »
Alors que Mitsuhide semblait tout à coup incapable de répliquer, Yama intervint :
« Je tiens à cette barbe.
– Pourquoi donc ?
– Elle a mis du temps à pousser, et je trouve que ça va bien avec ma fonction de prêtre.
– Mais vous n'êtes plus prêtre, n'est-ce pas ? nota la femme avec perspicacité, ses yeux gris se plissant malicieusement.
– Non, mais...
– Alors pourquoi ne pas la raser ? »
Yama se dit que si Midori se lançait dans la stratégie militaire, elle serait redoutable. Elle savait acculer ses adversaires efficacement en à peine quelques mots. Ce n'était pas son genre de battre en retraite mais là, il en avait presque envie.
« La barbe reste, » décréta-t'il fermement, restant campé sur ses positions.
Les femmes éclatèrent d'un rire léger, sans presser le sujet, et se remirent à discuter entre elles. Yama lança un regard perdu à son ami qui était aussi déconfit que lui.
« Imagine ce qu'a été mon enfance, » marmonna Mitsuhide.
Yama hocha la tête avec compassion.
Les sœurs revinrent à l'attaque, cette fois en la personne de Mikasa, la seconde de la fratrie. Elle avait les cheveux de la même couleur que son frère mais ses yeux étaient d'un bleu très foncé. Elle battit innocemment des cils et lança sa question :
« Général Yama, racontez-nous votre premier baiser ! »
Mitsuhide se cacha le visage dans les mains, souhaitant de tout son cœur disparaître sur-le-champ. Yama cligna des yeux.
« En quoi cela vous intéresse-t'il, dame Mikasa ? demanda-t'il.
– Ce n'est que de la curiosité, argua-t'elle. Je n'imagine pas embrasser quelqu'un avec une barbe !
– Je n'avais pas encore ma barbe à l'époque, » fit-il sans réfléchir.
Cela attira aussitôt l'attention des six femmes. Il eut l'impression que des bêtes féroces avaient jeté son dévolu sur lui, prêtes à le dévorer.
« Oooh ? Allez, racontez-nous ! » le pressa Mikasa.
Il chercha une parade :
« Seulement si vous me racontez votre premier baiser, dame Mikasa. »
Il pensait la contrer ainsi, cependant il avait clairement sous-estimé l'impudence de son adversaire. Mikasa bomba fièrement le torse et déclara à l'assemblée, sans la moindre trace de rouge sur son visage :
« C'était avec Shikarō et j'avais trente-huit ans. Je peux même vous dire que ça s'est passé sous cet arbre là-bas ! »
Mitsuhide sursauta.
« Shikarō ? Mais... mais... il était question de le fiancer à Midori à cette époque ! Mikasa, comment as-tu pu ? En plus, il a vingt ans de plus que toi !
– Ne t'énerve pas, petit frère. Ils ne se sont pas fiancés en fin de compte, et c'était il y a longtemps !
– Mikasa et moi, nous nous sommes déjà expliquées sur ce sujet à l'époque, intervint Midori. Elle a fini par comprendre qu'elle avait mal agi. »
Le regard qu'elle lança à sa sœur signifiait clairement qu'elle avait pardonné, mais pas oublié. La concernée adressa un charmant sourire contrit à son aînée avant de revenir à Yama :
« À votre tour, général Yama ! »
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Coincé, ce dernier s'en tint au strict minimum :
« J'avais... dix-sept ans et cela s'est passé à Dornim... loin d'ici. L'autre personne s'appelait Lucius.
– Dix-sept ans ?! Mais c'est très jeune ! s'horrifia Mikasa.
– Ça correspond environ à la majorité pour vous, précisa-t'il.
– Oh, fit la femme, soulagée. Alors c'est très tard ! Notre petit frère a eu son premier baiser à...
– Mikasa ! s'écria Mitsuhide en tapant du poing sur la table. Tu vas trop loin ! »
Elle ne se laissa guère impressionner par lui et pouffa de rire.
« Général Yama, reprit-elle, il me semblait pourtant avoir entendu que les Vites n'approuvent pas les relations entre hommes. »
Yama nota qu'elle présumait naturellement qu'il s'agissait d'un autre homme. Quand il avait mentionné son premier baiser aux Loups, ces derniers avaient plutôt pensé à une femme. La différence culturelle le surprendrait toujours un peu.
« Vous avez raison, dame Mikasa, c'est même un crime très grave. »
Roulant des yeux devant ce qu'elle considérait comme une idiotie, la jeune femme reprit :
« Alors pourquoi avoir accepté ce baiser ? Oh, c'est peut-être vous qui l'aviez initié...
– Je n'ai rien initié du tout, se défendit-il. C'est parce que... Hum, la dernière fois que j'ai raconté ça, on s'est moqué de moi, » fit-il en repensant aux chasseurs.
Évidemment, cela ne fit qu'encourager les sœurs à lui arracher cette histoire. Même Mitsuhide semblait intéressé. Yama ne put que déclarer forfait et avouer piteusement :
« … Il m'a fait croire que c'était normal de s'embrasser pour des bons amis. »
Un silence s'ensuivit... suivi de grands éclats de rire qui n'étaient guère convenables pour des adultes.
« Vous y avez vraiment cru ?! s'étonna Mikasa, un air ravi éclairant son visage.
– Bah, oui.
– Et vous êtes toujours en contact avec ce Ru... Ru-chi...
– Non, il est mort, » répondit-il simplement.
Cela fit taire les sœurs. Mikasa comprit qu'elle avait été trop loin sans le vouloir et présenta des excuses à mi-voix. Mitsuhide lança un regard compatissant à son ami, mais Yama avait déjà accepté la mort de Lucius depuis longtemps. Il ne pouvait rien y faire, de toute manière.
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Malgré la gêne occasionnée, les sœurs reprirent leur interrogatoire — car c'était de cela dont il s'agissait. Ce fut au tour de la troisième sœur, Minata :
« Général Yama, que pensez-vous de notre petit frère ?
– C'est quelqu'un de bien. »
La jeune femme parut attendre quelque chose de plus, mais Yama n'avait rien de plus à dire. Le silence s'éternisa un peu, avant que Minata ne tente d'en savoir plus :
« C'est vraiment tout ? » s'étonna-t'elle.
Yama soutint son regard avec tranquillité. Il ne voyait sincèrement pas quoi dire de plus. Après tout, Minata connaissait assurément son frère mieux que lui, alors il était inutile qu'il rentre dans les détails.
La quatrième sœur, Mimitsu, vola au secours de Minata :
« Général Yama, quelle est exactement votre relation avec notre petit frère ? »
Elle parla sans ambages, choquant même le reste de ses sœurs.
« Nous sommes amis, dame Mimitsu, répondit Yama.
– C'est vraiment tout ? fit-elle, comme en écho de Minata.
– Oui. C'est déjà bien, » répondit-il en plissant légèrement le front.
Les vrais amis étaient rares en ce monde, après tout. La dernière sœur, Mikeshi, se lança à son tour, perplexe :
« Comprenez un peu notre surprise, général Yama, en apprenant que notre petit frère se lançait en guerre contre l'Empire. Il a toujours eu peur de son ombre, alors agir ainsi ne lui ressemble pas du tout.
– Vous craignez que je l'ai influencé, » fit directement Yama.
Mitsuhide ouvrit la bouche pour s'indigner, mais son ami leva la main.
« Votre inquiétude est parfaitement compréhensible, fit-il. Mais le souci, c'est que vous voyez encore Mitsuhide comme l'enfant qu'il était. Il a grandi depuis et c'est devenu un homme brave, responsable, prêt à se battre contre l'injustice. Je n'ai fait que le soutenir dans une décision qu'il avait déjà prise de lui-même. La preuve, c'est qu'il s'était déjà révolté contre les Hikari bien avant mon arrivée à Hanajū. »
Éberlué, Mitsuhide rougit sous les compliments car ce n'était pas dans les habitudes de Yama de parler ainsi.
« Vous voulez parler de sa protestation ? reprit Mikeshi en haussa un sourcil. Ce n'était pas pareil : c'était une bouderie puérile et cela allait passer. Notre petit frère serait revenu sur le droit chemin tôt ou tard.
– Sûrement, approuva Yama à sa grande surprise, puisque personne ne croyait en lui et le soutenait. Sur ce point, il est vrai que je l'ai encouragé à faire ce qui était juste, mais jamais je ne l'ai forcé à agir contre son gré. »
Le ton calme et assuré avec lequel il répondit fut plus convaincant que des protestations indignées. Les sœurs considérèrent ses propos et ne le harcelèrent plus de questions. Mitsuhide lâcha un soupir de soulagement et souffla un “merci” à son ami. Yama lui sourit gentiment. Le thé put s'achever dans le calme, tandis que les enfants s'amusaient de leur côté.
Fort heureusement, le banquet du soir fut moins riche en événement. Les généraux Wakiro et Shimada lui offrirent chacun une statuette d'ours en bois précieux. Les frères par alliance de Mitsuhide et les autres membres du conseil offrirent des cadeaux divers comme des livres, des peintures et des services à thé. Le seigneur Hōtomo de Fūku ne pouvait pas être présent mais il avait fait envoyer plus tôt un très beau nécessaire de calligraphie — il ignorait visiblement que Yama ne savait pas écrire. Quant à Mitsuhide, il ne résista pas à l'envie de faire un second cadeau : deux sabres court et moyen pour compléter la série avec le sabre long que Yama avait reçu de Hakurō. Yama se retrouva donc avec plus de cadeaux qu'en toute une vie, et cela lui fit chaud au cœur. Hanajū était devenu sa demeure en peu de temps.
Mais à peine eut-il cette pensée que son sourire retomba. Il ne resterait pas bien longtemps, il le savait d'avance cette fois. Sa vie touchait en effet à sa fin et les Diables lui avaient montré comment il périrait : en massacrant tous les Hikari. Quelque part, c'était une excellente façon de mourir : il rendrait un dernier grand service au monde entier en éliminant cette engeance.
« Tu as encore le choix, » protestèrent les ombres dans la salle du banquet.
Alors que les autres convives profitaient de l'alcool servi généreusement et riaient entre eux, Yama s'en était tenu au thé, malgré les tentatives de Mitsuhide pour le faire boire. Il se sentait donc plus lucide que jamais.
« Il n'y a pas d'autre choix possible, murmura-t'il sombrement.
– Mais...
– Je veux rester libre de décider de ma voie. »
Les Diables se retirèrent, non pas sans lui envoyer encore la vision sanglante. Yama se contenta d'inspirer, acceptant son destin.
Le lendemain, dans son bureau à la caserne, il disposa quelques-uns de ses cadeaux : le nécessaire de calligraphie, les deux statues d'ours, les peintures qui décrivaient des scènes de bataille et les livres de stratégie. Quand ses commandants entrèrent, ils firent une drôle de tête en voyant les deux statuettes bien visibles.
« Un problème ? s'enquit Yama, perceptif.
– Puis-je me permettre de vous demander d'où viennent ces cadeaux, général Yama ? fit Kitano.
– Ce sont les généraux Wakiro et Shimada qui me les ont offertes. »
Le regard du commandant se durcit et il se tourna vers ses collègues, l'air agacé.
« Cette moquerie ne doit pas continuer plus longtemps ! » marmonna-t'il entre ses dents.
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Yama fronça les sourcils devant cette mauvaise humeur rare chez l'autre homme.
« Commandant Kitano, de quoi parlez-vous ? Ai-je manqué quelque chose ? »
L'homme chercha ses mots, mais il était bien trop outré pour ça. Ce fut Tsumi qui prit la relève :
« Général Yama, vous l'ignorez certainement mais nos troupes ont acquis un surnom, les...
– Les Ours. J'ai déjà entendu ça.
– Mais savez-vous d'où vient ce surnom ? »
Yama ne s'était guère posé la question.
La femme soldat secoua la tête avec exaspération.
« C'est à cause de vous... ou plus précisément, en référence à votre barbe.
– Ma barbe ? Qu'est-ce qu'elle vient faire là-dedans ? »
Tsumi expliqua d'un air rigide :
« Nos hommes ne portent pas la barbe, c'est considéré comme... rustre, sauvage. En plus, ils sont le plus souvent imberbes, même à un âge avancé. L'ours fait référence à cette grossièreté ainsi qu'à votre nom : Kuma Ours (3) / Yama.
– Ah, un jeu de mots. »
Yama avait beau maîtriser la langue des Autres, certaines expressions restaient un mystère pour lui et les jeux de mots semblaient au-delà de sa portée. Il n'aurait pas fait le rapprochement entre les deux mots si Tsumi ne le lui avait pas dit.
Il secoua la tête. Ce n'étaient que des enfantillages pour lui. N'avaient-ils pas plus important à faire, que diable ?
« Ce n'est qu'un surnom. Cela ne doit pas vous déranger outre-mesure, » fit-il d'un ton un peu sec.
Ses commandants n'étaient clairement pas du même avis, pourtant ils s'abstinrent de répliquer.
« Cependant, osa quand même risquer Parto, vous n'avez jamais songé à vous raser ? »
Yama lui lança un regard interloqué. Après les sœurs de Mitsuhide, c'était au tour de son commandant de lui parler de sa barbe. Ils s'étaient tous passé le mot ou quoi ?!
« J'aime cette barbe, répliqua-t'il. J'y tiens. Ça me donne un air... respectable et sage.
– Ma foi, il y a des hommes qui sont faits pour porter la barbe, reconnut le Vite. Mais... vous n'en faites pas partie, général Yama. »
Il eut droit à un autre regard interloqué.
« Tu essaies de me dire que la barbe ne me va pas ? »
Gêné, le commandant chercha du soutient auprès de ses collègues, cependant ces derniers ne firent pas mine de prendre la parole. Par contre, ils lui lancèrent des regards pour l'inciter à poursuivre.
« Ben... vous en pensez quoi quand vous vous regardez dans le miroir ?
– Rien, » répliqua Yama, surtout parce qu'il ne se regardait jamais dans un miroir.
Yatsu en avait bien fait réinstaller plusieurs dans leurs quartiers, mais il les évitait soigneusement en passant. En plus de la vanité qui était un péché, il refusait de voir à quel point il avait changé physiquement.
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« Je dois dire que... ça ne vous va pas du tout, » poursuivit Parto, au supplice.
Le regard de plus en plus furibond du général n'améliorait pas les choses.
« Je ne vois pas en quoi mon apparence vous concerne tous, déclara-t'il. Vous n'avez qu'à éviter de me regarder si mon apparence ne vous plaît pas !
– À ce propos, qu'en pense le seigneur Mitsuhide ? intervint Kitano. La barbe ne le dérange pas ? »
Yama en resta momentanément sans voix.
« Mais... quel est le rapport avec Mitsuhide ? En quoi ça le concerne que j'ai de la barbe ou non ?! »
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Le commandant prit aussitôt un air confus, imité par ses collègues.
« Toutes mes excuses, général Yama ! Je n'ai pas à me mêler de votre vie privée...
– En effet ! Et maintenant, peut-on passer à une vraie discussion, ou bien allez-vous vous mettre aussi à critiquer mes tenues ? »
Ainsi rabroués, ils baissèrent tous les trois la tête et changèrent de sujet pour enfin faire un vrai rapport. Yama mit tout de même un moment à décolérer. Il garderait cette barbe coûte que coûte, bon sang, et peu lui important l'opinion des autres !
« C'est vrai que ça ne te va pas du tout, intervinrent les ombres.
– Allez vous faire voir ! » répliqua-t'il rageusement en leur lançant un parchemin.
Ils s'étaient vraiment tous passé le mot...
Note de Karura : Yama, c'était sympa la barbe mais là, il est temps de la raser !
Notes du chapitre :
(1) Vent
(2) Flèche
(3) Ours
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