Le Prince Solitaire 5 08

Chapitre Huit : La reconnaissance officielle de Mitsuhide


Kurojū, troisième mois de l'année 2445


Alors que Haruni entamait sa cinquième année à Kurojū, l’Empereur se décida enfin à honorer un de ses engagements : il invita officiellement le seigneur de Madare à la capitale. Une grande partie des conseillers et des nobles se réjouirent de voir le courageux Mitsuhide finalement récompensé à sa juste valeur. Beaucoup s’étaient demandés pourquoi Tegami n’avait pas invité le seigneur plus tôt et faute de connaître la vérité, ils en étaient parvenus à une conclusion totalement erronée : ils croyaient que c’était par égard pour le Second Prince qui avait perdu tout son clan maternel à cause des agissements de Mitsuhide et de son Vite. Quoi qu’il en soit, la cérémonie aurait lieu dans le courant du cinquième mois et Haruni était le plus impatient de tous. Il pourrait enfin revoir Yatsu et faire la connaissance de la petite Jika. En outre, la délégation de Madare allait rester trois semaines, cela lui laisserait amplement le temps de profiter de la présence de ses amis. Il se montra donc de bonne humeur avec tout le monde, pour le plus grand plaisir de son frère.


Une fois l’anniversaire de Chiharu passé, il ne restait plus beaucoup de temps avant la cérémonie de reconnaissance. Haruni aurait souhaité partir à la rencontre de Mitsuhide, mais Kaname lui expliqua qu’il devait être présent au palais pour les accueillir, en compagnie de son père et de son frère. Et qui disait cérémonie officielle disait tenue de circonstances, coiffure et maquillage. Haruni fronça le nez à cette idée mais dut s’y plier comme à chaque fois. Ce n’était qu’à cette condition que Kaname se montrait plus tolérante au sujet de son comportement et de son allure le reste du temps. Heureusement pour le garçon, les événements officiels n’étaient pas nombreux : les anniversaires, le Nouvel An, la Fondation de l’Empire et les rares occasions formelles. Ce n’était donc pas cher payé.


~*~


Le grand jour arriva. Le comité d’accueil se tenait dans la cour principale du palais, la famille impériale en tête. La délégation de Madare avait été rejointe par le général Kenryū et une escorte de cent hommes trois jours plus tôt. Ce fut donc en grandes pompes que Mitsuhide et les siens pénétrèrent à Kurojū pour la première fois. Quand la famille seigneuriale de Madare descendit de son carrosse, Haruni fut fier de voir que son ami se tenait avec dignité, masquant son ébahissement devant l’immensité des lieux. Tetsuō et Yatsu dissimulèrent moins bien leur étonnement, mais ils étaient jeunes. Yatsu croisa son regard et lui adressa aussitôt un grand sourire auquel il répondit. Intrigué, Chiharu se demanda qui était ce garçon qui parvenait à faire sourire son frère, un fait assez rare.


L’Empereur attendit que Mitsuhide et sa suite aient gravi les marches pour arriver au premier palier et se soient prosternés devant la famille impériale. Il fit ensuite signe à un officiel qui prit la parole en son nom, prononçant les paroles d’accueil formel :

« Seigneur Mitsuhide, sa Majesté l'Empereur Tegami a le plaisir de vous recevoir à Kurojū et il espère que vous avez fait bon voyage. »

Comme le voulait la coutume, Mitsuhide ne s'adressa pas non plus directement à l'Empereur, mais c'était tout comme.

« Je suis honoré de me trouver en présence de sa Majesté, fit-il en restant prosterné. Le voyage s’est très bien passé et je remercie sa Majesté pour l’escorte fournie.

Fort bien. Vous allez être conduits dans les quartiers que nous vous avons réservés. Ce soir se tiendra un grand banquet en votre honneur !

Je remercie humblement sa Majesté pour toutes ces attentions. »

L’Empereur se retira avec une partie de ses conseillers.


L’accueil formel étant achevé, le protocole se relâcha un peu. Kaname descendit les marches pour rejoindre Mitsuhide, suivie de Haruni. Les nobles autour observèrent avec attention le moment où Yatsu et Haruni se retrouveraient face à face. Le fils du général-héros Yama qui avait exterminé les Hikari faisant face au dernier survivant de sa lignée, comment chacun des garçons allait-il réagir ? À la stupeur générale, Yatsu se rua vers Haruni. Tous pensèrent aussitôt :

« Incroyable ! Il attaque tout de suite sans perdre de temps ! »

Le sang du général-héros Yama coulait vraiment dans ses veines ! Toutefois, Yatsu serra simplement le Second Prince dans mes bras.

« Tu m’as tellement manqué ! s’écria-t’il avec un immense sourire.

Toi aussi, tu m’as manqué, » fit Haruni en lui caressant la tête.

Une petite minute, quelque chose n’allait pas.

« Tu… as grandi ? »

Œuvre originale écrite par Karura Oh. Lisez sur mon site http://karuraoh.free.fr. Si vous la voyez sur un autre site, c'est qu'ils ont volé mon histoire !

Yatsu se redressa en riant. Effectivement, il arrivait à présent à la hauteur du prince, bien qu’il avait sept ans de moins. Haruni accusa le coup difficilement.

« On dirait que Yatsu promet d’être aussi grand que son père, commenta Kaname avec un sourire amusé.

C’est déjà fait, » marmonna Haruni.

Mais il n’allait pas laisser ce détail, ce petit détail gâcher leurs retrouvailles.

« Votre Altesse, le salua Tetsuō à son tour un peu maladroitement.

Bonjour Tetsuō. Tu sais que tu peux m’appeler Haruni.

Oui, mais ici… ça fait bizarre. »

Haruni pouvait le comprendre. L’ambiance de la Cour était oppressante et incitait à la formalité.

« Comme tu veux, » soupira-t’il.


Cette ambiance amicale laissa les spectateurs sans voix. Madare avait pourtant été la seule province à se dresser contre les Hikari et là, le Second Prince semblait être un ami proche du Fieur Tetsuō et du Firal Yatsu. Mais se passait-il ?! En voyant ça, Kenryū marmonna :

« Si le général-héros Yama voyait ça, il en pleurerait. »

À ses côtés, Kikuchi serra les poings. Cette scène était une insulte à la mémoire de Yama et cela lui donna une raison supplémentaire de détester le Second Prince. Ignorant l’agitation des nobles, Kaname et Haruni conduisirent leurs amis au pavillon des Invités. Une fois arrivés, les servants se hâtèrent de prendre les nombreuses affaires et de les ranger. En déplacement, les nobles ne prenaient qu’une partie de leurs servants et c’était à leur hôte de leur fournir le complément du personnel. En tout cas, étant donné que les servants fournis par l’Empereur étaient au service de la famille impériale et donc au courant de ses secrets, Haruni put discuter librement avec Mitsuhide et son épouse.


« Tu as tenu parole, commenta Mitsuhide après l’avoir salué chaleureusement. Tu es toujours aussi incroyable. Comment tu as fait pour convaincre ton père de nous inviter ?

C’était en tête dans ma liste de conditions, expliqua le garçon.

Des conditions pour quoi ? s’étonna le seigneur.

Pour que je reste à Kurojū. »

Mitsuhide le dévisagea un moment, s’attendant à ce que ce soit une plaisanterie. Il lança un regard perplexe à l’Impératrice qui confirma en hochant la tête avec fatalisme.

« Tu as négocié avec ton père ?!

Je ne serai pas resté sans ça, fit Haruni en haussant les épaules. Et ça a marché… plus ou moins. »

Mitsuhide eut un élan de compassion envers Tegami. Le pauvre devait souffrir avec un fils pareil !


La petite Jika babilla soudain dans les bras de sa nourrice. Teshime eut un léger rire et proposa :

« Vous désirez porter notre fille, votre Altesse ?

Avec plaisir ! »

L’enfant avait quatre ans, ce qui était presque le même âge pour un enfant Vite. Haruni la souleva délicatement mais d’un geste connaisseur. Il s’était occupé de Yatsu, après tout. Il se réjouit secrètement d’être assez fort physiquement à présent pour pouvoir porter cette enfant.

« Elle est adorable, commenta-t’il. Encore toutes mes félicitations. »

Jika avait les mêmes cheveux vert foncé que son père mais ils étaient encore courts, formant à peine deux minuscules chignons au sommet de son crâne. Ses yeux tiraient vers le bleu comme sa mère. La petite tendit une main potelée et tira sur un des tresses noires de Haruni, pensant qu’il s’agissait d’un jouet. Le prince eut un sourire amusé et dégagea patiemment ses cheveux. Il tendit ensuite la petite à Kaname, qui se rappela de Chiharu au même âge.

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« Nous allons vous laisser vous reposer du voyage, fit ensuite Kaname en rendant l’enfant à sa nourrice. J’aimerais que nous prenions le thé tous ensemble au pavillon de lotus. »

Mitsuhide accepta avec plaisir, mais Yatsu n’avait clairement pas envie de se séparer tout de suite de son père. Ce dernier remarqua son dilemme et suggéra :

« Si Yatsu n’est pas fatigué, je peux déjà lui faire visiter le palais. Tetsuō, tu es le bienvenu aussi.

Merci, votre Altesse, mais je ferai la visite après. Je préfère vous laisser seul avec Yatsu, » déclara le garçon avec un sourire entendu.

Yatsu prit Haruni dans les bras et adressa un grand sourire à son ami pour le remercier de sa compréhension.


~*~


Inutile de dire que l’association improbable des deux garçons attira les regards et engendra nombre de spéculations : comment le propre fils du général-héros Yama pouvait-il être ami avec un Hikari ? Cela défiait l’entendement. Haruni choisit d’ignorer les commentaires et les regards appuyés sur leur passage, tandis que Yatsu ne remarqua rien du tout, trop pris dans l'excitation de ce grand palais et la joie d'être en compagnie de son père. Il discuta tout du long, s'extasiant sur la taille des pavillons et des jardins. Quand Haruni le conduisit dans ses quartiers, Yatsu éclata de rire en voyant le dénuement de la pièce.

« Tu n'as pas changé ! commenta-t'il.

Pourquoi je changerais ? » répliqua Haruni.

Yatsu secoua la tête en souriant.


« Dis, c'est ton grand frère qui était là à notre arrivée ? Je peux le rencontrer ? »

Le garçon s'était toujours montré curieux en ce qui concernait la nouvelle famille de Haruni. Sa demande était donc logique.

« Hum, il doit être avec ses amis au terrain d'entraînement. »

Les leçons n'avaient été interrompues que le temps d'accueillir le seigneur de Madare, sauf pour Haruni qui avait été excusé par Kaname afin de pouvoir passer le plus de temps possible avec Yatsu. Le palais était en effervescence pour préparer le banquet du soir, alors mieux valait occuper les enfants plutôt qu'ils ne traînent dans les pattes des gens.


Les yeux de Yatsu s'illuminèrent.

« Ses amis ? Ce sont les tiens aussi ?

Hum... Pas vraiment.

Mais tu as des amis ici, pas vrai ? » demanda Yatsu en penchant la tête sur le côté.

Haruni se sentit un peu embarrassé.

« C'est difficile de m'entendre avec ceux de mon âge, tu sais.

Papa, il faut faire des efforts pour avoir des amis, le réprimanda le garçon. Tout est plus agréable quand on a des amis autour de soi ! »

Haruni lui sourit d'un air attendri.

« Ne t'inquiète pas pour moi, ça va. »

Yatsu le connaissait bien et savait qu'il devait au contraire se faire du souci pour lui. Il se jura de profiter de son séjour pour faire en sorte que son père ait au moins un ami à son départ !


« Par contre, reprit Haruni, n'oublie pas que tu ne peux pas m'appeler comme ça ici.

Même s'il n'y a que nous ? demanda Yatsu d'un air contrit.

Il y a toujours des oreilles indiscrètes qu'on ne voit pas. Tu comprends ? »

Yatsu baissa la tête, faisant un peu la moue. Malgré ça, il répondit :

« Entendu... Ha- Haruni.

Très bien. Allez, viens, je vais te présenter à mon frère. »

Ainsi distrait, Yatsu le suivit, tout content.


~*~


Comme l'avait supposé Haruni, les jeunes gens étaient à leur entraînement au sabre. L'arrivée des deux garçons fut vite remarquée et provoqua de nombreux chuchotements, mais hors de la vue de maître Midaro. Le maître d'armes nota également la présence du prince et fronça les sourcils, mais il ne dit rien. Assis sur un banc au bord du terrain, Chiharu attendait son tour pour un duel puisqu'ils étaient en nombre impair. Il se leva en voyant son frère s'approcher.

« Chiharu, voici le Firal Yatsu. Yatsu, c'est le Premier Prince.

Et ton grand frère, compléta Yatsu en adressant un sourire amical au garçon plus âgé et en le saluant respectueusement.

Et mon grand frère, rectifia docilement Haruni.

Firal Yatsu, fit Chiharu, c'est un honneur de faire la connaissance du fils du général-héros Yama.

C'est moi qui suis honoré de faire votre connaissance, votre Altesse, fit Yatsu. Haruni m'a déjà parlé de vous et j'étais vraiment impatient de vous rencontrer ! »

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Cet accueil chaleureux et spontané décontenança un peu Chiharu.

« Ah, Haruni vous a parlé de moi ? Quand ça ?

Quand il est venu nous voir à Hanajū il y a cinq ans ! »

Chiharu se rappela alors de la fugue de son frère et se rembrunit un peu. Il aurait préféré oublier ce passage.

« C'est vrai. Hé bien, Firal Yatsu, que pensez-vous de Kurojū ?

C'est tellement grand ! Vous ne vous perdez jamais ? »

Le Premier Prince rit de bon cœur devant une telle franchise enfantine.

« Non, j'ai vécu ici toute ma vie alors je connais tous les recoins du palais ! »


Chiharu fut soudain appelé sur le terrain car c'était son tour de combattre. Au grand déplaisir de Yatsu, ce fut Kikuchi qui sortit. Le garçon toisa le jeune homme qui inclina la tête pour le saluer d'égal à égal.
« Firal Yatsu, cela faisait longtemps.

Pas assez, marmonna le garçon.

Yatsu, sois poli ! » le réprimanda Haruni.

Le regard perplexe de Kikuchi passa de l'un à l'autre, comme si cette image ne lui semblait pas juste.

« Je suis sûr que votre père n'approuverait pas vos fréquentations, critiqua-t'il sévèrement.

Vous ne connaissez pas mon père, » répliqua Yatsu en pointant le menton en avant.

Kikuchi se crispa mais ne répondit rien. Il contourna les garçons pour prendre un linge et s'essuyer le visage.


Derrière lui, Haruni réprimanda son fils pour son comportement grossier. Yatsu garda les dents serrées.

« Je sais que tu ne l'apprécies pas, même si je ne sais pas pourquoi, mais montre-toi courtois au moins.

C'est lui qui a commencé ! se défendit le garçon en croisant les bras.

Bon, soupira Haruni, tu veux qu'on s'en aille ? »

Yatsu secoua la tête.

« Mais je ne veux plus lui parler, ajouta-t'il.

D'accord, » concéda Haruni.


Il emmena donc Yatsu plus loin autour du terrain et le garçon se détendit visiblement. Par contre, cela les amena à côté du maître d'armes qui regardait ses élèves s'affronter sur le terrain.

« Votre Altesse, le salua-t'il. Et vous devez être le Firal Yatsu.

Maître Midaro, répondit Haruni, imita par Yatsu qui s'inclina.

Firal Yatsu, désirez-vous vous entraîner avec les autres ?

Ah, je... je ne suis pas du tout doué, maître Midaro, » avoua Yatsu avec un peu de gêne.

Le maître d'armes ne cacha pas son incrédulité.

« Allons, le sang du général-héros Yama coule en vous. Vous avez certainement un don !

Pas du tout ! Je préfère la littérature et la peinture.

Je vois, » fit Midaro d'un ton un peu déçu.

Haruni ne comprenait pas pourquoi les gens s'attendaient à ce que le fils d'un général suive forcément la même voie que son père. Chacun était différent, pourtant !


Yatsu et lui continuèrent à tourner autour du terrain.

« Tu t'entraînes donc avec eux d'habitude ? s'enquit Yatsu.

Mmm... Non, je m'entraîne à un autre moment et tout seul.

Pourquoi ?

Disons que cette méthode d'entraînement ne me convient pas. »

Yatsu connaissait bien son père et devina ce qu'il ne lui dit pas.

« Tu t'es disputé avec le maître d'armes. »

Haruni acquiesça avec un peu de gêne. Yatsu soupira.

« Faut pas se fâcher avec les gens, le sermonna-t'il. C'est pas bien.

Tu sais que c'est dans ma nature.

Oui, je sais. »

Il avait très souvent vu son père se disputer avec Mitsuhide ou d'autres, et il n'avait jamais aimé ça. Il préférait éviter les conflits ou les régler en douceur, tandis que Haruni avait une approche nettement plus frontale. Tout cela était dû à la différence d'éducation et de caractère.

« De toute façon, reprit Haruni en haussant les épaules, je sais déjà manier le sabre. Il faut juste que je retrouver ma force. »

Yatsu le prit dans ses bras, percevant son chagrin.

« T'en fais pas, tu y arriveras. »

Haruni lui tapota l'épaule pour le remercier.

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Le cours prit fin et après avoir rangé les armes et s'être rafraîchi, Chiharu les rejoignit.

« Haruni, Yatsu, vous venez tous les deux à la bibliothèque avec nous ? »

Le fait que Chiharu s'adresse à Yatsu sans son titre et dans le registre familier indiquait une demande d'amitié. Yatsu perçut bien entendu ce détail et eut un immense sourire.

« Bien sûr, Chiharu, répondit-il sur le même registre. J'en serai ravi !

Parfait, fit Chiharu en lui rendant son sourire. Les amis de mon petit frère sont aussi mes amis ! »

Cela n'étonna pas Haruni que ces deux-là s'entendent tout de suite très bien : ils avaient le même caractère et la même ouverture vers les gens. Lui était bien différent.


~*~


À la bibliothèque, il ne fallut pas bien longtemps pour que Yatsu soit en terme amical avec tous les autres, même s'il avait fait la tête en voyant Kikuchi.

« Yatsu, se lança Shitaro, tu pourrais nous dire quelque chose sur ton père que les gens ignorent ?

Quelque chose que les gens ignorent ? » répéta Yatsu, un peu confus.

Il quêta du regard l'aide de Haruni. Il ne s'agissait pas de trahir leur secret, pas vrai ?

« Un détail personnel, je ne sais pas, expliqua le jeune homme. Une chose que seuls ses proches connaissaient.

Oh ! »

Le visage du garçon s'illumina.

« Papa n'aime pas du tout ce qui est sucré. Quand on prenait le thé avec oncle Mitsuhide, il me donnait toujours discrètement les gâteaux. Mais un jour, oncle Mitsuhide l'a remarqué et il a dit : “À Madare, on doit manger une brioche au lotus par jour. C'est la loi !” Du coup, Papa mangeait la brioche mais me laissait quand même tout le reste. »


Haruni avait tiqué lorsque Yatsu avait employé le présent au début, mais personne ne semblait l'avoir remarqué. Ou peut-être qu'ils pensaient que c'était une façon pour le garçon de faire son deuil. En tout cas, l'histoire leur plut bien.

« Et tu te rappelles quand Kikuchi est arrivé avec l'Impératrice ? demanda Kenshirō, très curieux. Il s'entendait bien avec ton père ? »

Les yeux violets de Yatsu se rétrécirent.

« Il le suivait tout le temps, » fit-il d'un ton sombre.

Cela fit rire les jeunes gens. Shitaro tapa même sur l'épaule de Kikuchi.

« Ben mon vieux, t'as tout de suite attaqué, pas vrai ?

Shitaro, un peu de tenue devant les plus jeunes ! » répliqua le Firal en fronçant les sourcils.

Shitaro rit de plus belle.


« Et quand ton père partait se battre, demanda Chiharu à son tour, tu devais être inquiet, non ? »

Yatsu hocha la tête.

« Avec Tetsuō, on attendait que nos pères reviennent. On avait peur tous les deux, mais au moins on était ensemble.

Tetsuō est un excellent ami, commenta Chiharu en souriant.

Oui ! C'est ma personne préférée au monde ! Ah... après Papa, bien sûr. »

L'amitié était une valeur estimée chez les autres. Les jeunes gens se lancèrent des regards entendus : il y avait fort à parier que cette amitié entre les deux garçons allaient évoluer avec le temps vers un sentiment plus profond.

« Et comment tu as fait la connaissance du Second Prince ? s'enquit Hamoto. Parce que vous avez l'air de bien vous entendre. »

Cette question intéressait tout le monde, alors ils attendirent la réponse avec impatience.

« Haruni est venu à Hanajū il y a cinq ans. On a fini par bien s'entendre. »


Un silence gêné suivit cette déclaration. Chiharu et ses amis avaient bien du mal à reconnaître Haruni dans cette histoire.

« Vrai... vraiment ?

Oui ! Il est gentil et patient. Bon, il lui arrive de crier par moment, mais c'est...

Yatsu, c'est bon, » soupira Haruni qui avait enduré la conversation jusque là.

Il voyait très bien ce que son fils tentait de faire — vanter ses qualités pour qu'il se fasse des amis. Mais le pauvre Yatsu ne se rendait pas du tout compte que c'était peine perdue, en tout cas avec ces gens. Il resterait un Hikari aux yeux de tous, alors inutile pour lui de se fatiguer à faire ses preuves.

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« Il a déjà crié avec toi ? demanda Hamoto en faisant une drôle de tête.

Jamais, répondit spontanément le garçon, mais souvent avec oncle Mitsuhide.

Tss, il n'a décidément aucun respect pour les adultes, commenta Kenshirō à mi-voix.

Il a souvent crié avec notre père aussi, » confia Chiharu en soupirant.

À cette information, Yatsu fit les gros yeux en direction de Haruni.

« Tu as crié avec ton papa ? C'est pas bien, faut pas. Tu n'as qu'un seul papa ! »

Haruni ne put que céder devant le sermon qu'il n'aurait accepté de personne d'autre.

« C... C'était seulement au début. Ça va mieux maintenant, dis-lui, Chiharu.

Oui, c'est vrai.

Tant mieux ! » sourit alors Yatsu, sa colère oubliée.

Il ne s'attardait jamais sur les mauvaises choses, cela faisait partie de son charme.


Hakka, le servant de Haruni, l'informa que c'était l'heure du thé.

« Enfin ! » songea le Second Prince qui ne demandait qu'à être libéré de cette torture.

Il avait fait un effort pour Yatsu, cependant ses réserves de patience s'amenuisaient.

« Vous prenez le thé avec le seigneur Mitsuhide ? comprit Chiharu. Mais pourquoi je ne suis pas invité, moi ? »

Yatsu résolut aussitôt le problème avec naturel.

« Tu n'as qu'à venir avec nous. Comme ça, je te présenterai Tetsuō !

D'accord, » accepta aussitôt Chiharu.

Après avoir salué les autres, ils quittèrent la bibliothèque. En observant son frère et son fils discuter, Haruni se dit que ce deux-là étaient tellement semblables que ce n'était pas étonnant qu'ils s'étaient tout de suite si bien entendus.

« Haruni, lança Yatsu en regardant par-dessus son épaule, ne reste pas derrière !

Oui, Yatsu, » acquiesça-t'il avec un sourire amusé.


~*~


Personne ne se formalisa de la présence de Chiharu. Tetsuō fit connaissance avec lui mais comme avec Haruni, il eut du mal à passer au registre amical. Chiharu ne s'en formalisa pas et le laissa faire à son rythme. Il s'était placé entre Tetsuō et Yatsu, profitant de ses deux nouveaux amis, tandis que Haruni était à côté de Yatsu et non loin de Mitsuhide. Kaname et Teshime étaient assises côte à côte et discutaient surtout de Jika, qui était restée dans leurs quartiers pour sa sieste.

« Cela fait déjà cinq ans, Haruni, commenta Mitsuhide à mi-voix à cause de la présence de Chiharu. Tu as fini par te faire à la vie ici ? »

Haruni haussa les épaules, un geste typiquement Vite que Kaname avait tenté en vain de lui faire arrêter. Il ne le faisait pas exprès, cela lui venait naturellement.

« J'ai connu pire. »

Mitsuhide eut un sourire amusé devant la réponse peu enthousiaste.

« Tu as l'air plus serein en tout cas. Ça fait plaisir à voir.

Difficile de ne pas être serein. Il n'y a rien à faire ici à part manger, » commenta-t'il en lançant un regard à Chiharu qui avait dévoré son assiette de douceurs et qui se partageait à présent celle de Haruni avec les deux autres garçons.


Haruni avait peu à peu récupéré son goût, mais il n'appréciait toujours pas le sucré. Au contraire, Chiharu courait derrière la moindre douceur, ce qui avait de lui un enfant potelé et un adolescent encore un peu rondelet. Mais comme c'était un signe de prospérité chez les enfants nobles, cela ne posait aucun problème. Haruni avait l'air efflanqué en comparaison et cela lui donnait l'allure d'un enfant maladif et fragile, alors qu'il était tout le contraire !

« Sois patient, assura le seigneur. Quand tu seras plus âgé, les responsabilités viendront et tu regretteras ces moments d'insouciance. »

Haruni se retint de répliquer. Mitsuhide parlait selon son expérience. Lui regrettait certainement son enfance. Mais pour Haruni, c'étaient des années de calvaire en perspective. Il avait hâte que cela passe pour être de nouveau un adulte indépendant et responsable. Dire qu'il devait encore attendre vingt et un ans avant sa majorité...


« Haruni ! fit Yatsu en tirant sur sa manche pour attirer son attention. On retourne se promener ? »

Il s'apprêta à répondre mais Kaname le devança :

« Désolée Yatsu, mais Haruni et son frère doivent se préparer pour la cérémonie. Toi aussi, d'ailleurs.

Se préparer ? s'étonna Haruni. Je ne peux pas rester comme ça ? »

Il désigna la tenue et la coiffure qu'il avait dû porter pour accueillir le seigneur de Madare. Kaname secoua la tête, tandis que Mitsuhide prit un air amusé.

« Ce n'est pas une tenue assez sophistiquée pour la cérémonie. Il faut en changer, la coiffure aussi. C'est une preuve de respect envers nos invités.

Je suis sûr que Mitsuhide ne va pas se sentir offensé si je garde la même tenue, non ? » voulut négocier Haruni.

Chiharu tiqua en l'entendant mentionner un adulte de façon si familière, mais fut surpris que sa mère ne le reprenne pas sur ce point.

« Ce n'est pas au seigneur Mitsuhide d'en décider. Si les gens voient que tu n'as pas changé de tenue, ils s'imagineront que tu veux l'insulter en public. »

Haruni marmonna quelque chose de peu poli sur les gens et leurs opinions.


Il releva soudain la tête, frappé par une pensée horrible.

« Ne me dis pas qu'il va aussi falloir que je me change pour le banquet après ? »

Kaname ne dit rien, ce qui était une réponse en soi.

« Sérieusement ?!

Changer de tenue plusieurs fois dans la journée est un signe de prospérité et cela augmente le respect envers nos invités.

C'est vraiment n'importe quoi ! »

Pressentant une nouvelle explosion, Yatsu intervint en lui tapotant la main.

« Mais comme ça, je te verrai tout beau ! »

Devant son sourire si brillant et ses yeux remplis d'espoir, Haruni fut incapable de continuer à refuser. Alors que Chiharu se demandait comment Yatsu faisait pour amadouer autant Haruni, Kaname songea à convaincre Tegami de garder le garçon plus longtemps avec eux. En effet, Haruni était bien plus docile en sa présence.

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~*~


La cérémonie de reconnaissance officielle eut lieu en fin de journée dans le Pavillon Principal, précédant le banquet. Pour l’occasion, Haruni dut porter une tenue encore plus lourde et compliquée, sans parler de la coiffure. Il fut cependant consolé par le sourire ravi de Yatsu en le voyant si richement vêtu. Cela lui fit presque oublier les deux heures de calvaire qu’il venait d’endurer pour se préparer sous les directives de Kaname.


Devant la cour réunie, Mitsuhide s’avança au pied des escaliers qui menaient aux quatre trônes et s’inclina profondément. Un officiel annonça :

« Mitsuhide du clan Uegari, seigneur de Madare, Gardien des Monts de l’Est. En ce vingtième jour du troisième mois de l'année 2445, l’Empire de l’Aube tout entier vous témoigne sa gratitude pour votre rôle capital dans la lutte contre le clan Hikari. Sa Majesté l’Empereur Tegami vous octroie désormais le titre de Protecteur de l’Empire en reconnaissance de votre loyauté et de votre bravoure ! »

Ce titre n’était pas que symbolique : il garantissait à Mitsuhide un revenu supplémentaire annuel et une réduction des impôts, sans parler du prestige. Tetsuō pourrait désormais choisir une épouse parmi les plus nobles des familles de l’Empire. Ce geste de l’Empereur satisfit pleinement les partisans de Mitsuhide, même s’il intervenait un peu tard selon certains.


L’annonce n’était pas finie, pour la plus grande surprise de Haruni.

« Quant au Vite du nom de Yama, le titre de général lui est accordé à titre posthume et il sera fait mention de lui dans les annales comme du général-héros Yama. Par conséquent, son fils Yatsu obtient officiellement le rang de Firal. »

Haruni était confus. Yama avait été nommé général par Mitsuhide, donc Yatsu était déjà un Firal. À quoi rimait cette nomination officielle ? Il se promit de demander des explications à Kaname ou Mitsuhide dès qu’il en aurait l’occasion.


Mitsuhide remercia l’Empereur en son nom et celui de Yatsu.

« Seigneur Mitsuhide, fit alors Tegami en s'adressant directement à lui, ce qui était un grand honneur, la dette de l'Empire de l'Aube envers vous est immense. Faites-nous part de votre souhait le plus cher et il vous sera accordé. »

C'était une récompense assez classique mais toujours aussi prestigieuse. Bien entendu, la personne recevant une telle proposition devait se montrer raisonnable. Il était hors de question de demander une fortune, la moitié de l'Empire ou bien la vie de quelqu'un ! Quant à Mitsuhide, même s'il s'accorda un moment de réflexion, il semblait déjà avoir sa petite idée :

« Votre Majesté, mon souhait le plus cher serait que mon fils Tetsuō puisse venir passer quelques années à Kurojū avant sa majorité afin de profiter des enseignements de qualités et de faire plus ample connaissance avec ses pairs. »


La requête était tout à fait raisonnable et c'était effectivement un grand honneur pour le fils d'un seigneur de province éloignée d'avoir une place à la cour.

« C'est accordé, seigneur Mitsuhide, répondit l'Empereur.

Ce sera un immense honneur pour mon clan, votre Majesté, fit le seigneur en s'inclinant. Et si je puis me permettre, je souhaiterais également que le Firal Yatsu l'accompagne. »

Tegami se crispa légèrement. L'idée de la présence de Yatsu à la cour semblait le déranger. Mitsuhide poursuivit :

« Si j'ose formuler cette requête, c'est parce que les deux garçons sont inséparables depuis leur rencontre. il serait dommage que l'éloignement les afflige. En outre, le Firal Yatsu pourrait lui aussi jouir des enseignements et de la compagnie. »

Haruni se tint à l'affût de la réponse de l'Empereur. Tegami aurait-il le front de refuser ce petit geste devant la Cour entière ?


Au vu de l'air crispé de ce dernier, il avait bien conscience d'être dans une position où il ne pouvait pas dire non. Pour autant, cela ne l'empêcha pas de réfléchir à un argument recevable. Mais durant son hésitation, Mitsuhide en profita pour glisser un dernier argument de poids :

« Je suis sûr que si Yama était là, il souhaiterait cela pour son fils. »

Un tic agita la joue de l'Empereur qui comprit le double sens des mots. Yama était effectivement là, alors Tegami n'avait plus aucun moyen de rejeter la requête.

« Votre loyauté envers le général-héros Yama vous honore, seigneur Mitsuhide, fit-il en se forçant. J'accède à votre requête. »

Mitsuhide s'inclina, tandis que Yatsu échangea un regard ravi avec Haruni. Ce dernier fit le calcul :

« Peu avant la majorité de Tetsuō, ce sera dans à peu près douze ou treize ans. C'est long, mais supportable. »

Haruni avait ainsi une perspective en vue et il était reconnaissant à son ami de cette bonne surprise.

« Il aurait pu quand même me le dire, songea-t'il, un peu bougon. Il est toujours aussi cachottier. »

Mitsuhide croisa justement son regard et une lueur malicieuse éclaira les yeux gris. Haruni lui adressa un sourire de gratitude. Tegami surprit leur échange et bien qu'il ne dit rien, ses doigts se crispèrent sur ses genoux.


~*~


Le banquet suivit la cérémonie. Les enfants mâles étaient à une table bien séparée des adultes, ce qui ennuya un peu Haruni. Cela dit, il se retrouva avec Yatsu et Tetsuō, donc cela le consola. Yatsu, lui, était heureux que Chiharu soit avec eux mais pas Kikuchi. En effet, comme ce dernier avait passé les quarante-cinq ans, il était admis à la table des adultes.

« Je n'en reviens pas que ton père ait demandé à ce que tu puisses venir avec Yatsu plus tard, fit Haruni à Tetsuō. Tu savais que c'était son intention ?

Oui, Père m'en avait parlé avant de venir, avoua l'adolescent avec un sourire. Mais il avait demandé de ne rien vous dire pour vous faire la surprise.

Hé bien, c'est réussi !

Moi aussi je le savais, intervint Yatsu en souriant. Oncle Mitsuhide n'était en fait pas sûr que l'Empereur accepte pour moi, alors il a préféré attendre avant que tu l'apprennes.

Pourquoi mon père aurait refusé que tu viennes ici, Yatsu ? » demanda Chiharu avec surprise.

Œuvre originale écrite par Karura Oh. Lisez sur mon site http://karuraoh.free.fr. Si vous la voyez sur un autre site, c'est qu'ils ont volé mon histoire !

Les trois autres le fixèrent sans rien dire. Haruni savait très bien la raison, mais il préférait épargner son grand frère. Si Chiharu avait été plus observateur, il aurait remarqué l'hésitation prononcée de Tegami. Mais Chiharu avait encore l'insouciance de l'enfance, protégé comme il l'avait été jusque là. Haruni ne savait pas s'il devait l'envier ou le plaindre. En tout cas, beaucoup de gens avaient dû remarquer que l'Empereur ne semblait pas vouloir vraiment de la présence du fils de Yama à la Cour. Les conjectures devaient aller bon train depuis.


Hakka, le servant de Haruni qui se tenait en retrait de lui comme le voulait l'usage, reçut un message d'un autre servant. Il s'avança à genoux pour en faire par au Second Prince :

« Maître, le seigneur Mitsuhide a émis la requête que vous jouiez pour lui.

Ça faisait longtemps, » soupira Haruni.

Autrefois, Mitsuhide usait du moindre prétexte pour que Yama joue en public, affirmant qu'un tel talent ne devait pas être gâché.

« C'est vrai que ça fait longtemps que je ne t'ai pas entendu jouer ! renchérit Yatsu en lui agrippant le bras. Tu veux bien, dis ? »

Haruni ne pouvait certainement pas refuser. À Kurojū, il n'avait joué jusque là qu'en privé pour sa famille ou lui-même, ou bien durant les leçons de musique. Il n'était pas du genre à exhiber son talent, pourtant Mitsuhide cherchait toujours autant à le mettre en valeur.


« Hakka, va me chercher mon koto, » céda-t'il.

Le servant s'inclina et revint vite avec l'instrument à cordes. Avec un soupir intérieur, Haruni se leva pour se rendre à la table des adultes. Les tables basses étaient séparées et formaient un U, avec l'Empereur et Mitsuhide à la place d'honneur. Il y avait aussi les conseillers et des nobles de la Cour. Les femmes mangeaient dans une autre pièce avec les filles. Haruni salua l'Empereur, puis son ami. Ce dernier avait un sourire taquin, comme toujours lorsqu'il obligeait Yama à sortir de sa discrétion.

« C'est fort aimable à vous d'avoir accepté mon humble requête, votre Altesse, fit Mitsuhide dans le registre formel inférieur puisqu'ils étaient en public.

C'est un plaisir, seigneur Mitsuhide. J'espère seulement que ma performance sera à votre goût.

Je n'ai aucun doute à ce sujet. »

Assis parmi les conseilleurs, Kenryū fronça les sourcils devant cet échange. Il ne comprenait pas le but de la requête de Mitsuhide. Souhaitait-il humilier le Second Prince publiquement si ce dernier jouait mal devant eux ? Il ne voyait que cette explication.


Hakka posa l'instrument au sol et Haruni prit place sur un petit coussin posé devant. Il effleura les cordes pour vérifier que le koto était bien accordé. Il se lança ensuite dans une composition de son crû puisqu'il n'aimait guère le style de musique qui s'enseignait au palais. Même dans l'interprétation, il préférait être libre. Cela donna un morceau rythmé et plutôt entraînant, qui convenait très bien à un milieu de soirée. Les convives apprécièrent, certains malgré eux, et ils manifestèrent leur approbation en tapant sur la table du plat de la main à la fin de l'interprétation. Tegami fut ravi de la bonne conduite de son fils, même si son goût en matière de musique n'était pas tout à fait convenable.

« Merci pour cette prestation, votre Altesse, fit Mitsuhide en inclinant la tête vers le garçon. Je suppose qu'il s'agit d'une composition originale ?

Vous supposez bien, seigneur Mitsuhide.

Quel en est le titre ? »


Haruni croisa son regard.

« Quelqu'un m'a dit un jour que je n'étais pas doué pour donner des noms. Alors je préfère la laisser sans titre. »

Mitsuhide reconnut ses propres paroles et partit d'un rire léger.

« Me permettriez-vous de faire une suggestion pour le titre ? » demanda-t'il.

Haruni hocha la tête et il fit aussitôt :

« “Sous le ciel étoilé, les rires et les chansons réchauffent les cœurs et les âmes.” Qu'en pensez-vous ? »

Le garçon avait plissé son petit visage. Il répondit sans se retenir :

« C'est le titre ou ce sont les paroles ? »

Quelques convives étouffèrent des rires, croyant à un trait d'humour. Pourtant, Haruni était très sérieux et Mitsuhide le savait bien. Il eut un rire amusé.


Haruni put retourner à sa place, tandis que son servant récupérait le koto. En passant devant Kenryū et son fils, il surprit des propos murmurés :

« Ce n'est guère étonnant qu'il soit doué pour la musique. Après tout, les Hikari étaient réputés pour leur maîtrise des arts. »

Le général voulait que Haruni entende ça, c'était évident. Mais s'il pensait que le garçon allait réagir de manière virulente, il en fut pour ses frais : Haruni poursuivit calmement son chemin. Il avait toujours eu du talent pour la musique et le chant, mais il ne s'était pas posé la question de savoir si cela venait de son ascendance. Il s'en moquait bien dans le fond, mais on dirait que ce n'était pas le cas de tout le monde. Heureusement, les enfants n'avaient pas ce genre de réflexions.

« C'était très beau, Haruni ! le félicita Yatsu. Il faudra que tu me le rejoues !

Bravo, petit frère ! renchérit Chiharu pour ne pas être en reste. Tu es très doué en musique ! »

Haruni les remercia tous les deux en se rasseyant.


~*~


Les enfants finirent le banquet plus tôt que les adultes et ce fut bientôt l'heure pour eux de se retirer. La majorité des enfants nobles rejoignirent leurs mères et sœurs avant de quitter le palais en carrosse pour rentrer chez eux. Yatsu et Tetsuō avaient le privilège de loger aux palais en tant qu'invités. D'ailleurs, Yatsu avait une idée derrière la tête pendant que les servants les escortaient hors du pavillon de réception.

« Haruni, je peux dormir avec toi cette nuit ?

Bien sûr, » répondit le garçon avec un sourire attendri.

Chiharu, qui avait entendu la demande, fut de nouveau surpris de constater que son frère, d'ordinaire si revêche, semblait ne rien pouvoir refuser au garçon. Il en conçut un peu de jalousie.

« Tetsuō peut venir aussi ? insista Yatsu.

S'il le veut.

Moi aussi, je peux venir ? » intervint Chiharu avant de pouvoir s'en empêcher.

Son frère lui lança un regard surpris mais acquiesça, pour sa plus grande joie.

« On va tous bien s'amuser ! » se réjouit Yatsu.

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Ce fut ainsi qu'ils se retrouvèrent tous les quatre dans les appartements de Haruni. Chiharu secoua la tête devant la sobriété des lieux, comme à chaque fois qu'il venait. Il jeta un regard en douce à Yatsu et Tetsuō, mais les deux garçons ne semblaient pas plus choqués que ça devant une telle misère. C'était surprenant et incompréhensible. Alors que les garçons retiraient leurs vêtements officiels pour vêtir des tuniques plus détendues, les servants de Haruni préparèrent trois lits supplémentaires, ainsi que du thé et des douceurs pour les enfants. Yatsu se jeta naturellement dessus.

« La nourriture est très bonne à la capitale, fit-il entre deux bouchées. Et il y a des gâteaux différents de ceux de Hanajū !

Chez nous, expliqua Chiharu qui partageait son amour des gâteaux, on fait beaucoup de gâteaux à la pâte de soja. Je les adore aussi.

Ah, chez nous, c'est la brioche au lotus, intervint Tetsuō qui commençait peu à peu à se détendre avec les princes.

C'est vrai, c'est comme dans ton histoire, Yatsu !

Mmm ! »


De son côté, Haruni n'avait pas de passion particulière pour la nourriture, et encore moins le sucré. Il s'étonna juste de voir les autres garçons continuer à manger après le banquet. Pour sa part, le thé lui suffisait amplement.

« Ne mange pas trop, Yatsu, commenta-t'il. Sinon tu vas mal dormir.

Mais j'ai encore faim ! protesta le garçon en tenant son gâteau.

Comment tu peux avoir faim après tout ce qu'on vient de manger ?!

C'est parce que je suis en pleine croissance ! »

La remarque innocente fit tiquer Haruni qui reprit une gorgée de thé.

« J'avais remarqué, marmonna-t'il.

Tu dois manger plus si tu veux grandir, renchérit son fils.

Ça n'a pas de rapport. »

Yatsu eut un léger rire et continua de piller l'assiette de douceurs. Il ne laissa qu'un gâteau qu'il destinait à Haruni. Comme ce dernier le refusa, Yatsu eut recours à son arme secrète : il ouvrit ses grands yeux violets et le fixa d'un air suppliant. Haruni reconnut l'astuce mais ne put que céder et prendre le gâteau. Chiharu observa de nouveau la scène avec jalousie : comment ce garçon parvenait-il à amadouer son frère avec autant de facilité ? C'était à la fois surprenant et vexant.


Après le thé, Tetsuō et Chiharu se lancèrent dans une partie de Pierres, tandis que Yatsu et Haruni se promenaient dans le jardin privé.

« Je suis trop content d'être venu, fit Yatsu en lui prenant le bras. Tu m'as tellement manqué, Papa... »

Soucieux des conseils de Haruni, il murmura le dernier mot. Le Second Prince eut un sourire attendri et lui caressa la tête... même s'il devait à présent lever la main pour ça.

« Vous allez rester encore rester trois semaines, répondit-il. Ça va nous laisser du temps ensemble.

Oui ! On va en profiter ! »

C'était également bien l'intention de Haruni. Étant donné qu'il ne pouvait plus se rendre à Madare pendant encore dix ans, ils ne se verraient certainement plus durant l'intervalle. Alors autant profiter de ces semaines ensemble sans trop penser à la suite.

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De retour dans les appartements, ils apprirent que Chiharu avait remporté la partie de Pierres, quoique Tetsuō s'était vaillamment défendu. Les garçons retirèrent leurs tenues, aidés par les servants, et se glissèrent dans leurs lits. Seul Haruni resta assis à la table basse. Yatsu lui lança un regard curieux qu'il capta.

« Je n'ai pas sommeil, expliqua-t'il. Je me coucherai plus tard.

Tu dors toujours aussi peu ? » s'inquiéta un peu son fils.

Haruni eut un sourire amer.

« Tu ne crois pas que j'ai assez dormi ? »

Chiharu, qui écoutait attentivement leur conversation, tressaillit à ces mots. Souvent, il oubliait que son petit frère avait passé vingt-cinq ans dans un sommeil profond et qu'il en avait gardé des séquelles, pas toutes visibles. Il fallait dire aussi que Haruni ne se plaignait jamais et ne montrait rien aux autres... pas même à sa propre famille. En baillant, Chiharu se promit de faire plus attention à son frère et de guetter le moindre signe d'inconfort et de faiblesse afin de le protéger. C'était le rôle d'un aîné, après tout.


« Tu me chantes une berceuse, dis ? poursuivit Yatsu en souriant.

Tu as quel âge, voyons ? répliqua Haruni en lui rendant son sourire.

Tu sais très bien mon âge. Et tu sais aussi que même quand je serai grand, je voudrai toujours t'entendre chanter ! »

Haruni secoua la tête mais s'exécuta. Chiharu était à moitié endormi et l'air doux et apaisant acheva de l'envoyer dans le sommeil. Cependant, il ne reconnut pas la langue chantée et se nota mentalement de poser la question à son petit frère le lendemain. Il était curieux de savoir quelle était cette étrange chanson.






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