Alternative 4.2 partie 3
Kurojū, cinquième mois de l’an 2445
Après le déjeuner pris en compagnie de son fils, Yama supervisa son déménagement dans les quartiers impériaux. Du coup, il fut décidé que Tetsuō allait partager ses appartements. Yatsu était content, quoiqu'un peu inquiet pour son père.
« Tu ne vas pas t'ennuyer tout seul ?
– Ne t'en fais pas. »
Il ne manquerait pas de compagnie si on venait l'attaquer !
« Tu vas attraper les méchants qui vous ont attaqués cette nuit, oncle Mitsuhide et toi ?
– Oui, c'est le but.
– Je sais que tu les auras, parce que tu es le plus fort du monde ! » s'écria Yatsu en se jetant dans ses bras.
Yama éclata de rire et le souleva du sol.
– Exactement, je suis le plus fort ! confirma-t'il. Alors tu vas me promettre de t'amuser avec Tetsuō sans t'inquiéter pour moi.
– Oh, oui ! » promit le garçon, ravi.
Un servant se présenta alors, tandis que Yama reposait son fils.
« Général Yama, mon maître le général Kenryū souhaiterait savoir si vous acceptez toujours de vous battre en duel avec lui au sabre cet après-midi. Sinon, il est tout à fait possible de reporter.
– Ça ira, assura-t'il. Tu peux dire à ton maître que notre duel tient toujours. »
Le servant s'inclina avant de se retirer. Yama avait un grand sourire aux lèvres. Un combat au sabre avec un adversaire de valeur, voilà qui lui changerait les idées !
Une heure plus tard, Yama se trouvait en face de Kenryū sur le terrain d'entraînement. Comme cela coïncidait avec la fin du cours de maître Midarō, tous les élèves restèrent pour assister au duel, Kikuchi le premier. De nombreux nobles de la Cour se présentèrent aussi, venus à cause des paris de la veille. Au bout du compte, ce fut un véritable public qui se forma spontanément.
« On se croirait à la finale du Tournoi Impérial, commenta Kenryū en retirant sa tunique supérieure pour se mettre en tenue de combat.
– Le Tournoi Impérial ? s'enquit Yama qui faisait de même.
– C'est une grande compétition de sabres qui a lieu ici tous les quinze ans. Les meilleurs sabreurs de l'Empire se réunissent pour s'affronter.
– Ah, le général Shimada m'en a parlé une fois, » se rappela Yama.
Kenryū hocha la tête.
« C'est lui aussi un très bon sabreur, reconnut-il. Nous nous sommes affrontés à l'avant-dernier tournoi et j'ai été un peu déçu de ne pas le voir au dernier Tournoi. »
Le précédent tournoi avait eu lieu sept ans auparavant. À ce moment-là, Madare avait exprimé son opposition aux Hikari et n'était donc pas la bienvenue dans l'Empire.
« Je le verrai assurément au prochain tournoi, ajouta Kenryū avec un sourire d'anticipation. Et vous aussi bien entendu, général Yama.
– Quand aura lieu le prochain tournoi ?
– En 2453, dans huit ans.
– Ah. »
Yama retint une grimace. Si huit ans ne représentaient rien pour un Autre, ce n'était pas pareil pour un Vite, sans compter que Yama était toujours en sursis. Dès que les Diables n'auraient plus d'énergie, il périrait avec eux et cela pouvait arriver n'importe quand.
« Faisons plutôt notre finale maintenant, » suggéra-t'il.
Kenryū acquiesça en riant.
Œuvre originale écrite par Karura Oh. Lisez sur mon site http://karuraoh.free.fr. Si vous la voyez sur un autre site, c'est qu'ils ont volé mon histoire !
Pour le plus grand plaisir de Yama, le général avait consenti à un combat libre. Les deux adversaires se saluèrent avant d'entamer leur duel sous le regard attentif du public. Les gens furent si captivés qu'il n'y eut pas d'autre bruit que les lames qui s'entrechoquaient sous le soleil rayonnant. Yama était nettement plus grand que son opposant, mais sa silhouette était plus élancée. Kenryū avait une musculature plus imposante, ainsi que de la rapidité. Yama ne voulut pas tricher en usant de ses capacités surnaturelles, il respectait bien trop le général pour ça. Par conséquent, leur duel était très équilibré. De son côté, Kenryū eut un sentiment de malaise peu après le début de leurs passes. Il l'avait déjà remarqué par le passé sans y prêter plus attention mais là, il ne pouvait l'ignorer : le style de Yama lui faisait énormément penser à celui de Harutō. Tout était douloureusement familier, que ce soit dans les attaques audacieuse et les esquives au dernier instant qui ne servaient qu'à préparer de nouveaux assauts.
« Ou bien c'est simplement la nostalgie qui trouble mes sens, se dit-il. Après tout, je n'ai plus eu un seul adversaire de valeur depuis mon prince. »
Il aurait pu continuer à s'en convaincre sauf que tout à coup, Yama se lança dans un enchaînement plus que familier qui le laissa pantois… puis désarmé. Son sabre avait volé quelques pas plus loin.
Le silence se fit plus intense, chacun ayant du mal à y croire : Kenryū avait été vaincu ! Bien sûr, le duel avait duré plus de trente minutes et le général n'avait pas démérité, mais tout de même. Les acclamations retentirent et des parieurs déçus ressuyèrent leurs larmes. Kenryū les ignora totalement, choqué et les yeux fixés sur Yama.
« D'où tenez-vous cet enchaînement ? demanda-t'il d'un ton un peu sec.
– Il y a un problème ?
– C'est la… c'était la botte secrète du prince Kodōtaro, personne d'autre ne peut la connaître ! »
Yama jura intérieurement. Il n'avait pas réfléchi en effectuant cet enchaînement que lui avait enseigné Hakurō, cela lui était venu instinctivement dans le feu de l'action. Il avait oublié que son adversaire connaissait très bien le style du défunt Premier Prince !
« Et cette botte secrète, qui la lui avait enseignée ? demanda-t'il en quête d'un échappatoire.
– Personne, il l'a trouvée tout seul !
– Dans ce cas, s'il l'a inventée… une autre personne peut très bien y avoir pensé aussi, non ? »
Mais
il n'y avait pas que cet enchaînement. Kenryū fronça
les sourcils.
« Qui vous a
enseigné l'art du sabre ? demanda-t'il
directement.
– Je ne l'ai pas appris dans l'Empire de l'Aube, biaisa Yama.
– Quel est le nom de votre maître ? » insista le général.
Le public se rendit compte de la tension sur le terrain, mais beaucoup pensaient que c'était Kenryū qui avait du mal à accepter sa défaite et cherchait à contester. Ils secouèrent la tête devant cette attitude peu digne d'un général de l'Empire, même s'ils comprenaient que c'était difficile d'avoir perdu contre un Vite. Kikuchi se rapprocha, très inquiet, sans pour autant oser s'interposer.
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« Général Kenryū, reprit calmement Yama, pourquoi cette question ?
– Votre style ressemble en tout point à celui de mon prince ! expliqua le général, en colère sans savoir vraiment pourquoi.
– Ah, ce n'est peut-être qu'une coïncidence.
– En tout point ! »
Yama eut soudain un sourire démuni.
« Allons, vous ne pensez tout de même pas que c'est le prince Kodōtaro qui m'aurait enseigné le sabre ? Je vous rappelle qu'il est mort bien avant ma naissance ! » dit-il en parvenant à ne pas mentir.
Ramené à la réalité, Kenryū cligna de ses yeux saphir. L'espace d'un instant, il avait oublié qu'il avait un Vite en face de lui qui, bien que d'apparence adulte, avait en réalité le même âge que son fils.
« Ce ne serait vraiment qu'une coïncidence ? » se dit-il, perturbé.
Il secoua la tête et sa colère se dissipa.
Il s'inclina légèrement devant son adversaire et fit :
« Toutes mes excuses, général Yama. Je me suis fait des idées.
– Il n'y a pas de mal, général Kenryū. »
L'autre homme le fixa un moment, un peu hésitant, puis se lança :
« C'était un excellent duel, Yama, et je t'en remercie. »
L'emploi du registre amical indiquait une demande d'amitié. Yama le savait maintenant grâce à Mitsuhide. Cette fois, il eut un léger sourire et répondit de manière appropriée :
« Ce fut un plaisir pour moi, Kenryū . »
Les deux adversaires devenus amis se saluèrent et le public fut aussitôt rassuré. Kikuchi osa enfin les rejoindre, les yeux brillant de joie.
« Père, général Yama, c'était un duel magnifique. Je le savais ! »
Kenryū posa une main sur l'épaule de son fils et fit d'un air solennel :
« Yama, si cela ne te dérange pas, je te serais reconnaissant de bien vouloir enseigner cette botte à mon fils.
– Bien sûr, » accepta aussitôt Yama.
Ravi, Kenryū se tourna ensuite vers son aîné et l'instruisit :
« Kikuchi, apprends le plus possible de cet homme.
– Oui, père ! »
Cela avait toujours été l'intention du jeune homme, alors ce n'était pas la peine de le lui dire deux fois !
Satisfait, Kenryū récupéra sa tunique et quitta le terrain. Yama voulut faire de même, mais Kikuchi le prit de vitesse. Il tint le vêtement plié dans ses bras, un peu comme un servant.
« Kikuchi, ce n'est pas la peine, objecta le Vite.
– Vous avez entendu mon père, fit ce dernier en secouant la tête. Vous êtes désormais mon professeur, alors je suis là pour vous servir.
– Mais je t'ai déjà enseigné avant.
– Ce n'était pas pareil ! »
Devant l'air réjoui du jeune homme, Yama n'insista pas plus. Cela ne le dérangeait pas de toute façon. Il prit la tenue des mains de Kikuchi et lui tendit son sabre en échange. Tout en se rhabillant, il songea à la réaction de Kenryū.
« Hakurō, se dit-il, tu serais content de savoir qu'ils ne t'ont pas oublié ici. »
Cela le conduisit à se poser la question pour lui-même : qu'est-ce que les gens retiendraient de lui après sa mort ? Les bonnes ou les mauvaises choses ? Avait-il suffisamment fait de bien pour compenser tout le mal commis ? Il avait l'impression que ce ne serait jamais assez.
La soirée et la nuit se déroulèrent sans encombres. Yama ne s'attendait pas à une nouvelle attaque si vite, de toute façon. Leurs ennemis étaient du genre méticuleux et n'agiraient pas dans l'urgence. Après que leur premier plan ait échoué, ils attendraient plutôt de voir comment allaient réagir leurs cibles avant de passer de nouveau à l'action. Mitsuhide était bien loin de partager l'assurance de Yama car il lui envoya un servant à la première heure pour vérifier que tout allait bien. Peu de temps après, ce fut une patrouille de gardes dépêchée par Kenryū. Yama apprécia ces marques d'intérêt mais d'un autre côté, ce n'était pas ainsi qu'ils allaient inciter leurs ennemis à attaquer !
« Bon, je vais me promener seul à cheval cet après-midi, se dit-il. C'est le seul moyen de jouer vraiment les cibles. »
S'il prenait cette habitude quotidiennement, cela ne manquerait pas d'attirer l'attention de leurs agresseurs et de leur donner des idées.
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Yama se rendit ensuite dans l'aile impériale pour voir son fils juste après le petit-déjeuner. Cependant, il préféra l'attendre dans la cour extérieure. Le garçon courut se jeter dans ses bras dès qu'il l'aperçut, le visage radieux.
« Papa ! Il faut que tu viennes voir les appartements, ils sont trop beaux ! C'est vraiment ceux d'un prince !
– Une autre fois, Yatsu, temporisa-t'il. Tu dois aller en cours avec Tetsuō et le Premier Prince. »
Effectivement, puisque la délégation de Madare allait rester trois semaines, les garçons avaient eu l'autorisation d'assister aux leçons avec les autres jeunes gens du palais, ce qui était un grand honneur. De son côté, Mitsuhide avait reçu bon nombre d'invitations de nobles familles des alentours qui désiraient s'attirer ses faveurs. Il avait déjà demandé à Yama — contraint serait le mot juste — de l'accompagner pour certaines visites, car les gens voulaient aussi parler au célèbre Vite. À part ça, Yama avait ses propres engagements : Kenryū lui avait proposé de visiter les casernes et d'assister à des manœuvres, Kikuchi et lui avaient convenu d'entraînements quotidiens au sabre et Kaname tenait à prendre le thé régulièrement avec lui. Avec tout ça, les journées allaient vite passer !
Tetsuō arriva avec son père. Chiharu arriva non loin derrière et les autres le saluèrent comme il se devait.
« Oncle Yama, le salua Tetsuō avec un sourire, tu ne te sens pas trop seul dans le pavillon des invités ? Tu devrais vraiment venir ici avec nous.
– C'est exactement ce que je lui ai dit, renchérit Mitsuhide. Mais ton oncle est une vraie tête de mule.
– Mitsuhide, fit Yama en soupirant avant de faire au garçon : Ne t'inquiète pas pour moi, Tetsuō. Et puis comme ça, tu partages des appartements avec Yatsu. »
Le regard gris de l'adolescent s'illumina.
« Oui ah, et c'est très confortable. Chiharu, tu as de la chance de vivre dans un tel luxe tous les jours ! » fit-il à l'adresse du Premier Prince avec qui il était devenu très familier en si peu de temps.
Cela fit sourire Chiharu. Pour sa part, Mitsuhide se rapprocha de Yama.
« Aïe, se plaignit-il, je crois que nos enfants sont corrompus par le luxe et qu'ils ne voudront plus rentrer à Hanajū dans leurs pauvres appartements !
– Mais non, mais non, le rassura Yama. De toute façon, ils n'auront pas le choix. »
Yatsu et Tetsuō protestèrent de leur innocence, ce qui fit rire leurs pères.
Chiharu, lui, se gratta la tête.
« Je suis content que les appartements vous plaisent, fit-il aux deux garçons. Et puis au moins, ils servent à quelqu'un.
– Mais ce sont normalement les appartements de ton petit frère, non ? demanda innocemment Yatsu. Il est où ?
– Yatsu ! » le réprimanda un peu Mitsuhide.
Le visage de Chiharu s'assombrit un peu.
« Il est mort à la naissance. Je ne l'ai jamais connu, » répondit-il tristement.
Yama se mordit les lèvres. Le sort du Second Prince restait un secret bien gardé : nul ne savait que son corps sans âme se trouvait à Myūjin, protégé par les prêtres. Gugonjū avait bien tenté de convaincre Yama de s'y rendre à la fin de la guerre, mais ce dernier avait fermement refusé. Pour lui, cette histoire était absurde et ne le concernait en rien. Le prêtre avait failli perdre plusieurs fois patience et au bout du compte, il avait brusquement quitté Hanajū avec ses hommes. Yama n'avait plus eu de nouvelles des prêtres depuis et c'était tout aussi bien. Toutefois, en voyant Chiharu si peine par la mort de son frère, Yama se sentit un peu coupable. Ce garçon ne méritait pas ça. Pourtant, les choses étaient ainsi.
Yatsu se rendit compte de sa bourde et tapota le bras du Premier Prince, un air désolé sur le visage.
« Pardon, Chiharu.
– Ce n'est rien, Yatsu. Bon, dépêchons-nous sinon nous allons être en retard. »
Après avoir salué Yama et Mitsuhide, les trois amis quittèrent la cour avec leurs servants. Mitsuhide les fixa, un léger sourire aux lèvres.
« C'est incroyable de me dire que mon fils côtoie le Premier Prince, notre futur Empereur, commenta-t'il.
– En quoi est-ce incroyable ? » s'étonna Yama.
Son ami lui lança un regard amusé.
« Les relations sociales sont extrêmement importantes dans notre culture, expliqua-t'il. L'amitié du Premier Prince sera un atout inestimable pour Tetsuō plus tard.
– Tu crois qu'il pense à ça ?
– Bien sûr que non, mon fils n'est pas calculateur. Mais en tant que père, c'est à moi de me soucier de son avenir. »
Yama haussa les épaules. Par contre, cela lui rappela une autre question qu'il devait poser à son ami.
« Au fait, je ne sais toujours pas pourquoi tu as demandé à l'Empereur de me nommer général. Je ne l'étais pas déjà ?
– Ce n'était pas… une nomination officielle, avoua l'autre homme après une légère hésitation. Je n'avais pas le droit de nommer un Vite général aux yeux de l'Empire.
– Oh, et tu attends que la guerre soit finie pour me le dire ? le taquina Yama. Si j'avais su, je ne me serais pas donné tout ce mal ! »
Mitsuhide leva les yeux au ciel.
« Arrête, bien sûr que ton titre de général est valable, mais uniquement à Madare.
– Et cela me convient parfaitement. Tu n'avais donc pas besoin de demander à l'Empereur de reconnaître ma fonction.
– Bien sûr que si ! protesta vivement Mitsuhide.
– Qu'est-ce que ça va changer pour moi ?
– Rien pour toi, mais cela va changer beaucoup de choses pour Yatsu ! »
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Du coup, cela retint l'attention du Vite.
« Que veux-tu dire ?
– Si tu n'es pas officiellement général, cela veut dire que Yatsu n'est pas officiellement Firal. Du coup, il n'aura aucun rang et que deviendra-t'il après ta mort ?
– Je compte bien évidemment sur Tetsuō et toi pour vous occuper de lui, » répondit Yama.
Malgré ça, les paroles de son ami semblaient avoir semé le trouble en lui.
« Bien sûr, bien sûr, assura aussitôt Mitsuhide. Mais tu penses que Yatsu acceptera de dépendre de nous ? Et s'il voulait vivre ailleurs ?
– Yatsu est très attaché à Tetsuō, répondit Yama en plissant le front.
– On ne sait jamais ce qui peut se passer plus tard, argua Mitsuhide. Et si ce n'est pas Yatsu, pense à ses enfants, ses petits-enfants ou ses arrière-petits-enfants… »
Honnêtement, cela donna le tournis à Yama. Jamais il n'avait réfléchi aussi loin : pour lui, tout ce qui comptait, c'était que Yatsu soit à l'abri du besoin quand il mourrait. Pour le reste…
« Je… Je n'imaginais pas, reconnut-il.
– Je sais. Heureusement que je suis là, » fit Mitsuhide avec un petit air suffisant.
Mais pour Yama, c'était un sujet des plus sérieux. Il prit son ami dans ses bras.
« Oui, approuva-t'il de tout cœur, heureusement que tu es là ! J'ai énormément de chance de t'avoir pour ami ! »
Yama était rarement démonstratif, ce qui rendait ces moments d'autant plus sincères. Mitsuhide lui rendit son étreinte, même si le mot 'ami' venait ternir un peu cet instant. Mais bon, cela faisait longtemps qu'il s'était résigné à ne jamais avouer ses sentiments à l'autre homme car il savait que cela jetterait un trouble dans leur relation. Il y avait bien trop à perdre.
Après avoir quitté Mitsuhide, Yama se rendit au terrain d'entraînement pour y retrouver Kikuchi. Ils avaient convenu de ce moment car il n'y avait aucun cours de prévu sur le terrain, au contraire de l'après-midi. Kikuchi avait préféré qu'ils s'entraînent sans spectateur, ce que Yama approuvait. Comme il allait lui enseigner une technique secrète, la discrétion était de mise.
« Vous savez, fit le Firal pendant qu'ils s'échauffaient, mon père souhaite que vous m'appreniez cet enchaînement, mais je comprendrais si vous ne vouliez pas. Après tout, c'est votre botte secrète ! »
Yama ne s'était pas longtemps posé la question. Au vu de l'affection de Hakurō pour le général Kenryū, il ne serait absolument pas opposé à l'idée que le fils de son ami profite de cette technique.
« Une botte secrète ne doit pas être connue de tous, en effet, approuva-t'il. Mais quel est l'intérêt de la garder pour moi tout seul ? Elle se perdrait à ma mort. »
Kikuchi se rembrunit devant ce funeste rappel. Yama poursuivit avec un sourire.
« Alors je préfère te la transmettre. Je sais que tu en feras bon usage.
– Votre confiance m'honore, fit le jeune homme en s'inclinant solennellement. Je ne vous décevrai pas ! Cependant, vous auriez peut-être préféré que cela reste dans la famille… »
En disant cela, ils pensèrent tous les deux à la tentative de Yatsu de manier le sabre. Yama secoua la tête.
« Non, mon fils n'est pas fait pour le sabre. C'est comme ça. »
Kikuchi ne put s'empêcher de se demander comment son propre père aurait réagi si aucun de ses fils n'avait été doué au sabre. Dokano, son petit frère, n'éprouvait aucun attrait pour les armes. Il restait donc au domaine de Katoru pour apprendre à le diriger plus tard. Kenryū aimait aussi son second fils, bien entendu, mais il était indéniablement plus proche de son aîné qui lui succéderait. La mentalité de Yama était clairement différente de la leur, mais cela faisait aussi partie de son charme.
L'entraînement dura une bonne heure. Kikuchi avait compris le plus gros de l'enchaînement mais avait du mal à le réaliser. Yama lui fit pratiquer le premier quart de l'enchaînement pour commencer. Le Firal se montra un élève désireux d'apprendre et enjoué. Il était également très exigeant envers lui-même et fut un peu déçu de ses maigres progrès à la fin de leur première séance. Alors qu'ils rangeaient leurs sabres d'entraînement, Yama lui conseilla :
« Ne sois pas trop dur envers toi-même. C'est une technique assez complexe.
– Combien de temps vous a-t'il fallu pour la maîtriser ? » s'enquit le jeune homme pour se donner une base de comparaison.
Yama réfléchit : Hakurō lui avait montré une seule fois les mouvements au ralenti et il les avait aussitôt retenus. Par contre, il avait dû s'entraîner une journée entière pour s'approprier l'enchaînement et réussir à l'utiliser contre un adversaire.
« Hum, chacun est différent, » éluda-t'il.
Kikuchi devina que la réponse lui donnerait envie de pleurer, aussi n'insista-t'il pas.
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Au moment où Yama allait prendre congé, le Firal fut soudain d'une voix un peu nerveuse :
« Général Yama, j'ai… quelque chose à vous dire. »
Surpris, Yama se tourna de nouveau vers lui et hocha la tête avec un sourire.
« Je t'écoute. »
Kikuchi prit une boîte en bois laqué qu'il avait amenée et la tint contre lui. Il baissa les yeux et se lança après une profonde inspiration :
« Vous savez que je vous admire énormément, et ce depuis notre première rencontre. Je n'ai jamais ressenti ça pour personne, alors… je souhaiterais vous courtiser, général Yama ! »
Ses joues avaient de plus en plus rougi au cours de sa déclaration et il crut bien qu'il ne la terminerait jamais. Il tendit la boîte à Yama qui la prit et son cœur se mit à battre plus vite : Yama acceptait son présent !
« Qu'est-ce que c'est ? demanda l'autre homme d'une voix perplexe.
– C'est mon présent de cour, expliqua Kikuchi qui n'osait toujours pas relever la tête. Je sais que vous n'aimez pas les bijoux, alors je vous ai choisi un ornement discret…
– Kikuchi, je ne peux pas accepter, » le coupa Yama.
Pour le coup, le Firal se redressa, son regard émeraude affichant sa confusion.
« Mais vous avez pris mon cadeau, se dit-il. C'est bien le signe que vous acceptez ma demande ! »
Il n'osa cependant pas protester à voix haute.
« Je suis un Vite, poursuivit Yama. Dans ma culture, ce genre de relation est… impensable.
– Pourtant, le seigneur Mitsuhide et vous… »
Kikuchi ravala tout de suite ces paroles hors de propos qui lui avaient échappé. Yama lui jeta simplement un regard curieux.
« Qu'y a-t'il avec Mitsuhide ? Il n'a rien à voir dans tout ça. »
Kikuchi se demanda sincèrement si Yama n'était pas en train de lui mentir pour lui cacher sa relation avec Mitsuhide. Mais non, c'était impossible. Il retint ses larmes.
« Vous… Vous ne voulez donc vraiment pas ? redemanda-t'il.
– Vraiment pas, confirma Yama. J'espère que tu comprends.
– Non ! » hurla le jeune homme dans sa tête.
Cependant, il dut se montrer raisonnable alors il hocha la tête.
« Je… suis désolé, bafouilla-t'il. J'espère que nous… que cela ne changera rien entre nous…
– Bien sûr que non, sois tranquille, » assurant Yama en lui tapotant l'épaule.
Il lui rendit son présent, que Kikuchi reçut avec des mains tremblantes.
« Je dois te laisser, reprit Yama. Bonne journée. »
Ce fut à peine si Kikuchi réagit. Quand il se reprit, Yama avait déjà disparu. Tout s'était passé tellement vite que le jeune homme avait l'impression que cela n'avait été qu'un rêve — ou plutôt un affreux cauchemar. Il aurait tout donné pour que ce ne soit qu'un mauvais rêve ! Il pressa une main contre sa bouche pour ravaler ses sanglots. Dire qu'il avait enfin rassemblé son courage pour déclarer ses sentiments et faire sa demande de cour, tout ça pour que Yama le rejette sans même y réfléchir. C'était… trop horrible. Kikuchi se précipita dans ses quartiers pour pleurer de tout son saoul et il refusa d'en sortir, sous les regards impuissants et étonnés de ses servants. Son cœur avait été brisé en un million de morceaux et plus jamais il ne serait de nouveau entier.
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Inconscient de la douleur qu'il avait causée, Yama vaqua à ses activités de la journée et rejoignit Mitsuhide pour le thé. Ce dernier revenait de la demeure du seigneur Hatochi qui n'avait pas perdu de temps pour l'inviter et chercher à gagner son amitié.
« Ah là là, commenta Mitsuhide en prenant une gorgée de thé, ça me fait vraiment bizarre de voir des nobles influents rechercher ma compagnie. Je n'ai pas l'habitude.
– Il va pourtant te falloir supporter ça jusqu'à la fin de notre séjour, le taquina son ami.
– Oh, mais je n'ai pas dit que c'était désagréable ! »
Les deux hommes rirent.
« Tu as bien pris une escorte pour aller chez le seigneur Hatochi ? demanda ensuite Yama plus sérieusement.
– Évidemment, ce n'est pas mon genre de servir d'appât, moi. »
Rassuré, Yama endura la pique.
« Au fait, l'entraînement avec le Firal Kikuchi s'est bien passé ? »
Yama se raidit un peu. La question lui rappela la scène étrange qui s'était passée ensuite.
« Mmm oui, ça a été. »
Malheureusement pour lui, Mitsuhide savait que ses réponses évasives cachaient toujours quelque chose. Il insista donc :
« Tu es sûr ? »
Mal à l'aise, Yama décida de tout lui dire :
« En fait, c'est… Kikuchi m'a fait une demande de cour ce matin. »
Mitsuhide se figea un moment, partagé entre l'incrédulité et l'indignation.
« Il ne perd pas de temps, songea-t'il. Ce n'est que notre troisième jour au palais ! »
En même temps, ils allaient repartir dans deux semaines et demi. Pourtant, Mitsuhide s'était sincèrement demandé si le Firal oserait se lancer ou pas. Ce jeune homme ne manquait pas de courage et d'audace !
« Ma fois, il est en âge de courtiser, répondit-il d'un ton neutre.
– J'ai refusé, bien entendu, » soupira Yama.
Cela aurait dû le rassurer, mais il tiqua soudain.
« J'espère que tu y as été doucement avec lui, hein ?
– Doucement ?
– Dans ta manière de refuser.
– J'ai été… comme d'habitude. Tu me connais, voyons ! »
Justement. Mitsuhide reposa sa tasse, pris d'un très mauvais pressentiment.
« Tu es sûr de ne pas l'avoir blessé ? Comment a-t'il réagi face à ton refus ?
– Il allait bien. Il a même dit qu'il comprenait. »
Cela ne rassura toujours pas Mitsuhide.
« Redis-moi exactement ce que vous vous êtes dit. »
Surpris, Yama s'exécuta malgré tout.
Mitsuhide ne broncha pas de tout son récit.
« … Donc tu vois, conclut Yama, ça s'est bien passé. »
L'autre homme ne disait toujours rien. Yama le dévisagea, cherchant une indication de son état d'esprit, mais l'expression de son ami ne lui apprit rien.
« … Allons voir le général Kenryū, fit-il finalement en se levant.
– Pourquoi ? s'enquit le Vite.
– Et une fois là-bas, tu me laisses parler.
– Mitsuhide !
– Chut ! »
Perplexe, Yama suivit son ami jusqu'aux appartements du général.
Kenryū était désemparé. Il était à peine revenu de la caserne qu'un de ses servants avait accouru pour lui parler du comportement inquiétant de son fils : ce dernier s'était enfermé dans ses quartiers depuis des heures. Il n'avait pas été en cours et avait refusé de prendre son déjeuner. Il refusait aussi que les servants entrent.
« Nous l'avons entendu pleurer à travers les portes coulissantes, maître, avoua le servant, un peu gêné.
– Il n'a rien dit du tout sur ce qui s'est passé ? s'enquit Kenryū en fronçant les sourcils.
– Non, mais… il revenait de son entraînement avec le général Yama. »
Kenryū fut alors pris d'un très mauvais pressentiment.
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Il se rua presque dans les appartements de son fils, forçant l'entrée car tel était son droit en tant que père. Kikuchi était recroquevillé sur son lit et ne s'était même pas redressé en entendant la porte coulisser. Kenryū fit un pas vers lui et trébucha sur une boîte laquée qui gisait au sol, entrouverte. Il baissa les yeux et vit une boucle de ceinture en argent ornée d'une émeraude. Son pressentiment se confirma tandis qu'il ramassait l'ornement.
« Kikuchi, appela-t'il son fils, dis-moi ce qui t'arrive. »
Un sanglot lui répondit, puis :
« Rien, il ne s'est rien passé.
– Ce n'est pas rien qui t'a mis dans un état pareil. Parle-moi, fils. »
Kenryū se trouvait à présent au pied du lit et il se mit à genou. Il tendit la boucle de ceinture.
« Qu'est-ce que c'est ? » demanda-t'il tout en connaissant la réponse.
De sous sa masse de cheveux de la couleur des feuilles en automne, les yeux de Kikuchi se posèrent sur l'objet et il le saisit presque brutalement pour le serrer contre lui. Les sanglots reprirent de plus belle.
« Kikuchi, allez, tu sais que tu peux tout me dire, » murmura Kenryū.
Il lui caressa les cheveux tendrement, comme lorsqu'il était enfant et qu'il avait fait de mauvais rêves. Hélas, le Kikuchi actuel était beaucoup plus difficile à réconforter ! Un grattement à la porte lui fit lever les yeux. Son servant annonça des visiteurs.
« Renvoie-les, ordonna sèchement le général. Ce n'est pas le moment !
– Maître, pardonnez mon audace mais je pense qu'il faut vraiment que vous les receviez, » osa dire le servant, un peu embarrassé.
Jamais un servant n'aurait contredit son maître sans une bonne raison. Un peu irrité mais intrigué, Kenryū promit à son fils de revenir très vite et il se leva pour rencontrer ces fameux visiteurs.
En voyant Mitsuhide et Yama, Kenryū ne put se retenir et se rua sur ce dernier.
« Toi, qu'est-ce que tu as fait à mon fils ?! » siffla-t'il.
Il n'était pas stupide. Même si Kikuchi n'avait rien dit, il avait globalement deviné ce qui s'était passé et sans surprise, c'était la faute de ce Vite.
« Général Kenryū, fit Mitsuhide d'un ton conciliant, écoutez-moi d'abord, je vous prie. Réglons cette affaire de manière civilisée, vous voulez bien ? »
Le regard de Kenryū en cet instant indiquait qu'il se moquait bien d'être civilisé ou pas. Yama, lui, ne comprenait vraiment pas l'ampleur de sa réaction.
« Soit, » finit par concéder le général en retenant un reniflement hargneux.
Il ordonna à ses servants de préparer du thé et les trois hommes s'assirent autour de la table basse. Mitsuhide jeta un regard d'avertissement en direction de Yama pour lui rappeler qu'il devait se taire.
« Au vu de votre réaction, se lança-t'il ensuite, j'en déduis que votre fils a dû tout vous raconter.
– Il n'a pas dit un mot, le contredit Kenryū, mais je connais mon fils.
– Je n'en doute pas. Sans rentrer dans les détails, votre fils a fait une demande de cour à Yama, demande qui a été refusée. Cependant, Yama s'est montré extrêmement maladroit dans son refus et il a involontairement blessé votre fils.
– Je n'ai pas… commença à protester Yama.
– Chut, lui intima son ami, laisse parler les adultes ! »
Interloqué, le Vite ne trouva plus ses mots, alors il tourna la tête sur le côté d'un air presque boudeur. Kenryū aurait pu trouver la scène amusante si son fils n'était pas en train de pleurer toutes les larmes de son corps dans la pièce voisine.
« Le souci, reprit Mitsuhide, c'est que les Vites n'ont pas de notion de cour comme nous. Yama ne sait absolument pas ce qu'il convient de dire dans une situation pareille. Je vous assure qu'il n'avait nullement l'intention de heurter les sentiments de votre fils. »
Yama roula des yeux. Pour lui, les mots 'blesser' ou 'heurter' étaient nettement exagérés. Au pire, Kikuchi devait se sentir vexé ? Déçu ? Quoi qu'il en soit, il n'y avait certainement pas de quoi en faire un drame !
« Même s'il n'a pas été éduqué comme nous, objecta Kenryū, clairement incrédule, sûrement le simple bon sens…
– Vous souvenez-vous de sa réponse quand vous lui avez demandé ce qu'il pensait de Kurojū ? »
Kenryū plissa le front.
« Oui, c'était très… »
Il ne trouva pas le mot. Mitsuhide hocha la tête, partageant son sentiment.
« Voilà comment il est. »
Œuvre originale écrite par Karura Oh. Lisez sur mon site http://karuraoh.free.fr. Si vous la voyez sur un autre site, c'est qu'ils ont volé mon histoire !
Le général contempla le Vite d'un air songeur. Quant à Yama, il ne voyait toujours pas quel était le problème avec sa réponse. Décidément, certains éléments de la culture des Autres resteraient toujours un mystère pour lui !
« Soit, fit finalement Kenryū, je veux bien concevoir que l'offense n'a pas été intentionnelle. »
Mitsuhide se détendit visiblement, ce qui lui valut un regard curieux de la part de son ami. Quelle importance que Kenryū lui en tienne rigueur ou pas ? Était-ce un problème de relation sociale ?
« Que proposez-vous donc comme compensation ? » reprit le général.
Pour le coup, Yama s'indigna et refusa de rester silencieux plus longtemps.
« Comment ça, une compensation ? Je n'ai rien demandé dans tout ça et je…
– Yama, tais-toi ! » fit vivement Mitsuhide.
Mais Yama jeta un regard vexé à son ami et ne l'écouta pas.
« Pas question que je me taise ! Même si je ne comprends rien à cette histoire, je sais que je n'ai rien fait de mal ! »
Mitsuhide inspira brusquement.
« Général Kenryū, veuillez nous excuser un moment. »
Il se leva et saisit Yama par le bras pour l'entraîner dans le couloir, sous le regard stupéfait de Kenryū et des servants présents.
« Yama, fit-il, sa patience bien usée, tu dois me faire confiance et me laisser gérer la situation !
– Je te fais confiance, mais je ne supporte pas qu'on me reproche quelque chose que je n'ai pas fait !
– Tu n'as pas écouté, marmonna Mitsuhide en se massant les tempes. Nous avons dit que ce n'était pas intentionnel.
– Alors pourquoi vous parlez de compensation ? Il n'y a strictement rien à compenser ! »
Mitsuhide le fixa d'un air las, sentant une fois de plus le grand fossé qui les séparait. Ce qui lui semblait si évident et naturel ne l'était absolument pas pour Yama. Pas pour la première fois, il se demanda si cela venait de l'éducation des Vites ou bien de Yama tout court.
« Tu ne te rends vraiment pas compte. Écoute… je t'expliquerai tout après, d'accord ? Je vais continuer à discuter calmement avec le général Kenryū pendant que toi, tu vas m'attendre dans mes quartiers.
– Je veux savoir tout ce qui sera dit sur moi, exigea Yama.
– Je te répéterai la conversation promis. Mais si tu restes, tu ne feras qu'envenimer les choses. »
Yama avait sa tête des mauvais jours. Mitsuhide lui tapota l'épaule.
« Au nom de notre amitié, fais-moi confiance. »
Même s'il était très obtus, Yama savait qu'il ne pouvait pas refuser. Avec réticence, il fit :
« Soit. Mais je t'attendrai dans mes quartiers.
– Pourquoi tu n'aimes vraiment pas le pavillon impérial ? demanda son ami, confus.
– C'est comme ça ! »
Mitsuhide n'insista pas, trop soulagé que le Vite le laisse négocier à sa place.
Lorsqu'il vit Mitsuhide revenir seul, le général Kenryū haussa un sourcil.
« Yama m'a donné toute autorité pour parler en son nom, » expliqua Mitsuhide en se rasseyant.
Comme ils se faisaient face, ils eurent tous les deux l'impression d'être des parents en train de régler une querelle entre leurs enfants. Ils eurent un léger rire malgré la situation grave.
« J'ignorais que Yama avait un si mauvais caractère, reconnut Kenryū.
– Vous ne l'avez vu que dans ses bons jours, soupira l'autre homme. En réalité, Yama est têtu et n'hésite pas à aller dans la confrontation. Il ne pratique pas la diplomatie.
– Cela se voit effectivement dans sa stratégie militaire et son maniement du sabre.
– Je pense que les Vites sont comme ça… plus ou moins. »
Les deux hommes reprirent du thé, puis le sujet revint au début.
« Parlons de compensation, proposa Mitsuhide. Que suggérez-vous ? Des excuses sont de rigueur, bien entendu. »
Kenryū acquiesça, c'était en effet le minimum. Cependant, cela ne suffirait pas à apaiser le chagrin de son fils. Le général plissa ses yeux saphir.
« Seigneur Mitsuhide, je demande également à ce que Yama accepte la demande de cour de mon fils, » déclara-t'il fermement.
Mitsuhide écarquilla ses yeux gris.
« Général Kenryū, n'est-ce pas… un peu trop exagéré ? Vous avez convenu que l'offense n'était pas intentionnelle !
– Je sais que ma demande peut paraître disproportionnée, mais… la vérité, c'est qu'il s'agissait de la première demande de cour de Kikuchi. »
Œuvre originale écrite par Karura Oh. Lisez sur mon site http://karuraoh.free.fr. Si vous la voyez sur un autre site, c'est qu'ils ont volé mon histoire !
En voyant que l'autre homme ne bronchait pas, il comprit :
« Vous le saviez déjà.
– Ma foi, j'ai entendu des rumeurs à ce sujet, confirma le seigneur.
– Les rumeurs, évidemment ! fit Kenryū avec un léger rire d'auto-dérision. Et dire que cela ne fait que trois jours que vous êtes au palais.
– C'est aussi parce que je me soucie de votre fils. »
Kenryū ne mit pas sa parole en doute, bien qu'il ait ses réserves sur la nature du souci de Mitsuhide.
« Puisque vous savez, alors je vais parler franchement, fit-il. Depuis ses quarante-cinq ans, Kikuchi a refusé toutes les demandes de cour et n'en a émise aucune. Cependant, ce n'est pas parce qu'il préfère les pêches aux cerises, loin de là. Il n'a jamais voulu me donner les raisons de son comportement et détournait le sujet dès que j'en parlais. Mais je ne suis pas stupide, je connais mon fils. Même sans ça, le fait qu'il se hâte de faire une demande à Yama dès son arrivée m'aurait ouvert les yeux. »
Kenryū soupira lourdement. Mitsuhide crut deviner où il voulait en venir et il prit un air grave.
« Kikuchi s'est entiché de Yama et s'est mis en tête qu'il aurait sa première cour avec lui et personne d'autre. Il a attendu un an et demi pour cela, alors de simples excuses ne lui suffiront pas.
– Je comprends bien la situation, général Kenryū, fit Mitsuhide d'un ton bien embêté, mais le fait est que Yama a refusé. Ce n'est pas de sa faute si votre fils s'est imaginé le contraire et a décidé tout seul de son côté de courtiser Yama et uniquement lui.
– Je ne dis pas le contraire, acquiesça l'autre homme, mais… ah, je devrais plutôt en parler directement à Yama…
– Non, croyez-moi, la discussion n'aboutirait à rien avec lui. Il ne connaît pas nos coutumes en la matière, voilà pourquoi il m'a autorisé à parler en son nom. »
Kenryū était tellement inquiet et bouleversé pour son fils qu'il en devenait facilement irascible. L'ignorance de Yama pourrait l'offenser gravement, alors il valait bien mieux que Mitsuhide serve d'intermédiaire.
« Dans ce cas, fit Kenryū, je m'adresse à vous comme je m'adresserais à lui. »
Sous le regard stupéfait de Mitsuhide, Kenryū se prosterna devant lui en supplique.
« J'implore Yama de bien vouloir accepter la demande de cour de mon fils aîné. Kikuchi est facilement émotif, comme tout jeune homme… Non, plus encore ! Je crains fort que si cette toute première demande de cour lui était refusée, il en serait si bouleversé qu'il ne songerait plus jamais à courtiser qui que ce soit par crainte du rejet. Que Yama prenne pitié de mon fils et lui accorde son vœu le plus cher, et il aura ma reconnaissance éternelle ! »
Mitsuhide était vraiment bien embêté. Kenryū était un homme fier, alors le fait qu'il se prosterne pour demander une faveur indiquait l'ampleur de son désarroi en tant que père. Si cela ne tenait qu'à lui, Mitsuhide aurait accepté sans hésiter, mais Yama…
Le seigneur de Madare sentit qu'il allait le regretter et il soupira.
« Je ne peux rien vous assurer, mais je vais en parler à Yama et faire tout mon possible pour le convaincre.
– Vous feriez ça, vraiment ? s'enquit le général en redressant la tête, les yeux saphir remplis d'espoir.
– De votre côté, il y a deux points sur lesquels vous devez vous montrer ferme avec votre fils. Premièrement, cette cour ne devra pas être rendue publique. Je pense que vous serez d'accord avec moi, pour la réputation de votre fils. »
Kenryū acquiesça. Il y avait déjà assez de rumeurs comme ça qui couraient sur son fils. De plus, son comportement avec le Vite ressemblait déjà à une cour, alors personne ne remarquerait rien.
« Deuxièmement, reprit Mitsuhide, la cour ne devra durer que le temps de notre séjour à la capitale.
– Cela va de soi.
– Pour vous et pour moi, oui, mais sans doute pas pour votre fils. »
Le général réfléchit un moment avant de grimacer.
« Je lui parlerai, soyez-en sûr. Mais de votre côté, arriverez-vous à convaincre Yama de changer d'avis ?
– Je ferai de mon mieux. Laisse-moi jusqu'à demain pour en discuter avec lui.
– C'est trop long ! protesta spontanément l'autre homme. Kikuchi… Si vous voyiez son état actuel, vous ne supporteriez pas de le laisser ainsi toute une nuit.
– Je comprends votre inquiétude, général Kenryū, mais je vais avoir bien du mal à convaincre Yama…. Bon, je vais tâcher de faire au plus vite. Je vous ferai prévenir aussitôt. »
Œuvre originale écrite par Karura Oh. Lisez sur mon site http://karuraoh.free.fr. Si vous la voyez sur un autre site, c'est qu'ils ont volé mon histoire !
Kenryū inclina la tête.
« Merci infiniment, seigneur Mitsuhide. Je… J'imagine que cela doit vous sembler étrange de jouer les entremetteurs pour Yama. J'espère que cela ne troublera pas votre relation. »
Kenryū parlait avec tact mais insinuait clairement que les deux hommes étaient en couple. Mitsuhide avait tellement l'habitude de ce genre de malentendu qu'il ne cherchait même plus à le rectifier. Il s'amusait même au contraire à user de double sens pour semer le trouble dans le cœur des gens.
« Ne craignez rien, assura-t'il avec un léger sourire. Ma relation avec Yama n'est pas fragile à ce point. »
Kenryū acquiesça sans en dire plus.
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