Œuvre originale écrite par Karura Oh. Lisez sur mon site http://karuraoh.free.fr. Si vous la voyez sur un autre site, c'est qu'ils ont volé mon histoire !
Chapitre Deux : Le Tournoi Impérial (2)
Kurojū, troisième mois de l'année 2453
Le troisième jour, il restait encore cent cinquante candidats en lice. Pour continuer dans la compétition, il ne suffirait pas cette fois d'avoir un minimum de points, il faudrait être dans les vingt premiers de sa catégorie. Cela corsait les choses car les candidats devraient attendre la fin du dernier duel pour savoir s'ils étaient sélectionnés ou pas. La pression chez les participants était presque palpable, sauf pour ceux qui ne doutaient pas de leurs capacités, à tort ou à raison. Cette fois enfin, Haruni allait combattre des jeunes gens plus âgés — essentiellement parce que les plus jeunes avaient été presque tous éliminés à ce stade de la compétition. Cela ne l'empêcha pas de remporter une fois de plus tous ses duels, même s'il avait été un peu en difficulté pour trois d'entre eux.
Chiharu le fixa d'un œil nouveau.
« Comment tu fais ? C'est impressionnant ! »
Haruni haussa les épaules. D'un côté, c'étaient les règles rigides des duels qui lui permettaient de gagner. Les enchaînements possibles des postures étaient déjà limités à la base et se réduisaient encore plus au fur et à mesure du duel car les candidats évitaient à tout prix de répéter une posture. C'était possible, mais cela coûtait des points. Par conséquent, de tous les enchaînements possibles, Haruni n'avait qu'à choisir celui qui le mènerait à la victoire. Bon, il fallait aussi bien effectuer les postures et les parades mais ça, Haruni les connaissait par cœur.
Quand il expliqua cela à son frère, ce dernier en resta bouche bée.
« Ce n'est pas comme ça que tu fais ? s'enquit Haruni.
– J'en serais incapable, reconnut le jeune homme. Tu arrives vraiment à imaginer tous les choix possibles ?
– Oui. »
Il ne voyait pas ce qu'il y avait de si extraordinaire dans tout ça. Dans les ombres, les Dieux se mirent à rire.
« Quoi encore ? songea-t'il en soupirant.
– Tu ne t'en rends pas compte mais en plus d'une excellente mémoire, tu as une capacité de visualisation extraordinaire ! firent-Ils d'un ton ravi.
– Oh ? » répliqua mentalement Haruni, peu intéressé.
Il savait qu'il avait une bonne mémoire et qu'il était plus vif que la moyenne, mais il ne voyait pas ce que cela avait d'extraordinaire. Après tout, cela lui venait naturellement, ce n'était pas comme s'il avait dû faire des efforts pour ça.
Chiharu fut nettement plus en difficultés pour ce troisième jour, tant à cause de sa stratégie que de l'exécution de ses postures. Haruni assista à tous ses duels et fut tenté plusieurs fois de le conseiller, mais c'était évidemment interdit. Il nota toutefois que les adversaires de son frère ajustaient souvent leur niveau au sien, comme pour ne pas risquer d'humilier le Premier Prince. Un concurrent en particulier laissa carrément Chiharu gagner ! Le pire, c'était qu'une fois le duel fini, alors que Chiharu rejoignait son frère et ses amis, tout heureux de sa victoire, le jeune homme le suivit et le héla :
« Votre Altesse ! Ce fut un honneur de vous affronter ! fit-il en s'inclinant.
– Merci, Fieur Wakari, répondit Chiharu en souriant. C'était un beau duel.
– Après le tournoi, nous pourrions peut-être comparer nos progrès ?
– Oui, ce serait avec plaisir. »
Le jeune homme se redressa en souriant.
« J'ai hâte ! Merci, votre Altesse ! »
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Haruni avait observé l'échange avec incrédulité. Chiharu le rejoignit et commenta :
« Il m'a l'air très sympathique.
– Tu te rends compte qu'il t'a laissé gagner ?! »
Son frère le fixa avec perplexité.
« Ah, tu crois ?
– C'était plus que visible, insista Haruni en hochant vigoureusement la tête. Dès le troisième échange, il a ralenti son rythme pour te donner l'avantage. Et quatre tours avant la fin, il a volontairement choisi une posture qui te permettrait de gagner. »
Cette fine analyse ne convainquit pas Chiharu.
« Il s'est peut-être trompé ou bien il n'a pas réfléchi aussi loin. Tout le monde ne raisonne pas comme toi ! Shitaro, Seiryū, vous avez l'impression que le Fieur Wakari m'a laissé gagner ? »
Shitaro secoua aussitôt la tête, tandis que Seiryū fronça les sourcils.
« Seiryū ?
– … Il t'a laissé gagner, » reconnut le Firal.
Devant cette confirmation, le moral de Chiharu en prit un coup.
« Mais pourquoi ?
– Il est venu te parler ensuite, il voulait donc attirer ton attention. Je pense qu'il cherche à gagner tes faveurs.
– Mais oui ! intervint Shitaro avec un grand sourire. Il veut te courtiser ! »
Le visage du Premier Prince s'illumina de nouveau, tandis que Haruni prit un air effaré.
« Ce n'est pas ce que je voulais dire ! » protesta-t'il.
Mais personne n'y prêta attention. Chiharu se tourna dans la direction où Wakari était parti avec un air songeur. Depuis sa première cour avec Jikurō, il avait eu d'autres relations, comme il se devait pour un jeune homme. La plus longue avait duré huit mois.
« Alors Chiharu, qu'est-ce que tu en penses ? le taquina Shitaro. Intéressé ?
– Mmm… Pourquoi pas ? Je verrai à notre prochaine rencontre.
– Chiharu, intervint Haruni, tu n'y penses pas ? Ce Wakari est un hypocrite capable d'user de ce genre de procédé pour se rapprocher de toi !
– Hypocrite ? Non, il voulait juste attirer mon attention. »
Haruni roula des yeux. Son frère était parfois bien trop confiant et naïf !
« Et j'ai trouvé ça très gentil, renchérit Chiharu. Tu n'aimerais pas qu'on te laisse gagner, toi ?
– Non ! s'écria aussitôt Haruni, indigné. Si je dois perdre, alors je préfère perdre ! »
Chiharu secoua la tête en soupirant.
« Petit frère, se dit-il, tu es vraiment trop fier. »
À la fin de cette troisième journée de compétition, seuls Haruni et Seiryū furent qualifiés. Bien qu'éliminé, Chiharu était content de lui.
– J'ai tenu trois jours, se réjouit-il, plus de la moitié ! La prochaine fois, j'irai encore plus loin !
– Bravo, Chiharu, le soutint Shitaro qui était lui aussi bon perdant. Seiryū, votre Altesse, nous vous encouragerons depuis les tribunes. On compte sur vous pour faire votre maximum ! »
Comme si Haruni n'en avait pas déjà eu l'intention !
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Le soir du troisième jour, la famille impériale dîna ensemble exceptionnellement. Tegami tenait à récompenser ses fils pour leurs mérites durant le Tournoi Impérial.
« Tu as fait d'énormes progrès, Chiharu, je suis fier de toi. Ton style est fluide et élégant, sauf quand tu hésites encore sur les mouvements.
– Merci, Père ! Je vais faire des efforts pour continuer à m'améliorer ! »
L'Empereur eut un sourire attendri. Chiharu ne serait clairement jamais une fine lame comme Seiryū, mais son niveau était plus qu'honorable. Tegami lui-même avait un niveau correct au sabre.
« Pour ta première participation, tu t'en es bien sorti, fit Kaname à son tour. Je suis très fière de toi, mon fils.
– Merci, Mère ! » répondit le jeune homme en rougissant de plaisir.
Il n'en oublia pas son frère pour autant :
« Mais Haruni est encore plus fort que moi, je suis sûr qu'il ira en finale !
– On verra, » répondit calmement l'intéressé, comme si cela ne le passionnait guère.
Le regard de l'Empereur se posa sur son cadet et comme toujours, il prit un air compliqué.
« Ton style est un peu trop agressif, Haruni, analysa-t'il. Cela manque vraiment de rondeur et d'élégance.
– La rondeur et l'élégance ne servent à rien dans un vrai combat, argua l'adolescent.
– Cela peut te rapporter plus de points dans les duels.
– Ah ! Heureusement que je ne cours pas derrière les points.
– Sauf que c'est grâce aux points que tu pourras poursuivre dans la compétition et affronter des adversaires plus intéressants, » argua Kaname.
Cela le laissa songeur et il se dit que l'Impératrice n'avait pas tort. Il sirota son thé.
« Plus de rondeur, hein ? répéta-t'il.
– Et d'élégance, insista Tegami. Adopte le style d'un prince au lieu de celui d'un soldat ! »
Haruni ne voyait pas où était le mal à avoir le style d'un soldat du moment qu'il gagnait. De plus, un style plus simple voulait dire aussi des coups plus rapides et efficaces. Voilà ce qui importait vraiment lors d'un combat à mort ! Pourtant, il était vrai que dans ce tournoi, il n'était pas question de tuer l'autre mais de gagner des points pour accéder à la suite de la compétition. Haruni avait repéré plusieurs adversaires prometteurs dans sa catégorie et ce serait dommage de ne pas pouvoir les affronter juste pour une question de points.
« Mmm, fit-il, je vais essayer. »
Chiharu prit congé juste après le repas, fatigué par ces trois jours de compétition. Kaname se retira également. Haruni n'allait pas tarder à faire de même quand son père lui demanda tout à coup :
« L'art du sabre, c'est à Madare que tu l'as appris ? »
Tegami savait très bien qu'il avait été exclu des cours du maître d'armes.
« Non, répondit Haruni, un peu surpris et ravi qu'il aborde la question. Je le connaissais déjà avant de rencontrer Mitsuhide.
– Ah ? Qui te l'a enseigné alors ? »
Cela lui valut un regard incrédule de la part de son fils.
« Vous voulez que j'en parle ? Vraiment ? »
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Tegami se figea, puis se ravisa aussitôt.
« N-non, cela ira. Je demandais juste ça comme ça. Tu ferais mieux d'aller te reposer, tu dois être en forme pour demain.
– Je me disais bien, » marmonna Haruni.
Tegami n'avait jamais rien voulu savoir de son passé, préférant faire comme si rien n'était arrivé. Cette attitude avait toujours hérissé Haruni, mais il ne voulait pas insister avec l'autre homme. Si Tegami ne voulait toujours pas apprendre à le connaître, tant pis pour lui !
« Bonne nuit, Père, » fit-il en se retirant.
Pour ce dernier jour, il restait encore quatre-vingts participants équitablement répartis dans chaque catégorie. Haruni était de loin le plus jeune et qui plus est, il n'avait que des victoires à son actif. Il était loin d'être le seul dans ce cas : Seiryū et Kenryū n'avaient pas démérité, de même que le général Shimada et d'autres sabreurs de talents. Dans les tribunes, les paris reprirent de plus belle et la performance du Second Prince n'était pas passée inaperçue. Kaname et Tegami faisaient partie des rares personnes à avoir parié sur lui dès le début. Si Haruni remportait effectivement la finale, ils gagneraient une belle somme !
Dans la tente réservée au départ pour les princes et leurs amis, il ne restait plus que Haruni et Seiryū. Inutile de dire que l'ambiance était un peu… silencieuse. Seiryū se racla la gorge et se décida à parler :
« Aujourd'hui, l'enjeu est plus élevé. Il n'y a plus que huit places.
– Je sais, je sais, répliqua Haruni en agitant la main devant lui. Plus de rondeur et d'élégance.
– Quoi ? » s'étonna le Firal.
Haruni lui lança un regard en coin.
« Ce sont les conseils de mon père pour gagner des points.
– Ah… L'Empereur a vu juste, en effet. »
Même si Haruni connaissait les postures à la perfection, son exécution était trop… abrupte. Cela manquait clairement de finesse. D'un autre côté, sa prestation était déjà remarquable pour un enfant de cet âge !
« En tout cas, reprit Seiryū, je suis impressionné que vous vous soyez qualifié jusqu'ici.
– Vous n'auriez pas parié sur moi ? fit Haruni avec un sourire moqueur.
– Hum, éluda Seiryū, un peu embarrassé. Mon père a aussi remarqué vos compétences et…
– Laisse-moi deviner : lui non plus ne pensait pas que le bâtard Hikari savait manier le sabre.
– Je… !!! »
Seiryū en resta sans voix. C'était une chose que d'entendre son père utiliser ce terme injurieux en privé depuis des années, mais c'en était une autre de l'entendre naturellement de la bouche même du concerné.
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Haruni lâcha un rire bref et détourna la tête.
« Allons, je ne suis pas stupide : je sais très bien comment les gens m'appellent, surtout ceux qui ne veulent pas de moi au palais. »
Seiryū déglutit, ne sachant que dire. Il fut sauvé par l'annonce du numéro de Haruni pour son premier duel de la journée. L'adolescent se dirigea vers la sortie de la tente, non sans lui jeter un regard par-dessus son épaule :
« Ne faites pas une tête pareille, Firal Seiryū. Les choses sont ce qu'elles sont, c'est tout. »
Confus, Seiryū le suivit machinalement afin d'observer son duel. Malgré tout, il restait troublé et un peu honteux.
Haruni monta sur le terrain avec en face de lui, un jeune homme de quarante-neuf ans qu'il avait déjà repéré comme un concurrent intéressant. Enfin, le niveau allait augmenter !
« Kaname a raison, je dois me qualifier pour demain, se dit-il. Alors à partir de maintenant, chaque point compte. »
Il avait assisté à suffisamment de duels ces derniers jours pour connaître le barème. Il lui suffisait maintenant de l'intégrer à ses choix stratégiques. Il n'oublia pas non plus les paroles de son père : il devait adopter un style plus princier. Saluant l'arbitre, puis son adversaire, il sut exactement sur qui il allait prendre modèle : aujourd'hui, il allait danser.
Son adversaire n'eut pas la moindre chance contre lui. Haruni eut un peu de mal au début à effectuer les mouvements fluides et gracieux, puis ce fut comme s'il s'imprégnait peu à peu de cet état d'esprit. La seule chose qui comptait, c'était le mouvement de sa lame qui tranchait l'air comme un cours d'eau. L'adversaire était là mais en retrait, comme une ombre. Seuls leurs sabres paraissaient réels et c'étaient eux qui s'affrontaient en une danse splendide mais impitoyable.
« Bravo, fils, firent les Dieux. Tu commences à appréhender l'art du sabre ! »
Quand Haruni termina l'exécution de sa fin accomplie, ce fut comme s'il revenait à lui. Son opposant avait l'air ébahi et stupéfait de celui qui ne comprenait pas ce qui venait de lui arriver. Il fixait Haruni bêtement, les joues un peu rouges — sans doute à cause de l'effort, se dit Haruni. En tout cas, la voix de l'arbitre s'éleva et désigna Haruni comme vainqueur. L'adolescent nota avec satisfaction qu'il avait remporté plus de points que les autres fois. Bon, les conseils de son père l'avaient bien servi.
Il descendit du terrain tandis que le public se fendait de plusieurs commentaires et que les paris reprenaient de plus belle. Seiryū lui lança un regard sidéré.
« Vous… ce n'est pas du tout la même chose qu'hier ! balbutia-t'il.
– Plus de rondeur et d'élégance, » fit simplement l'adolescent en le dépassant pour rejoindre sa tente.
Seiryū en resta coi.
« C'est bien plus que ça ! songea-t'il. Et pourquoi il n'a pas fait ça depuis le début ?! »
C'était sûrement une stratégie pour cacher son vrai talent jusqu'au dernier moment… Mais dans quel intérêt ? Seiryū secoua la tête en soupirant. Le Second Prince restait une énigme. Kenryū rejoignit son fils mais regarda en direction de la tente où était entré le Second Prince, le visage troublé.
« Père, vous allez bien ? s'enquit Seiryū.
– Oui, j'ai juste eu l'impression que… Non, ce n'est rien. »
Dans les tribunes, Kaname se tourna vers son époux.
« Il a vraiment suivi tes conseils, c'est formidable ! » lui fit-elle joyeusement.
Même si une partie de Tegami se réjouissait d'avoir joué son rôle de père, une autre se désespérait.
« Il lui suffit d'un simple effort pour atteindre la perfection, soupira-t'il. Pourquoi ne le fait-il pas dans tous les domaines ?
– Ah… Je crois que Haruni ne voit aucune motivation dans tout ça. Il ne cherche pas à faire ses preuves… à nouveau. »
Elle ajouta les deux derniers mots à voix basse pour que personne d'autre ne les entende. Tous les deux savaient très bien que Haruni ne se rendait pas service en agissant de la sorte, mais comment convaincre quelqu'un qui avait déjà vécu toute une vie compliquée ?
Ayant vu ce dont le Second Prince était réellement capable, ses adversaires suivants ne le sous-estimèrent plus et l'attaquèrent sérieusement. Cela n'empêcha pas Haruni de continuer dans sa lignée. Cependant, il ne se laissa plus emporter par la danse comme lors de son premier combat du jour : ce genre de transe presque hypnotique pouvait s'avérer dangereuse. Il perdit quelques duels, principalement à cause de sa faiblesse physique comparé aux autres qui étaient nettement plus âgés. Malgré tout, il finit troisième de sa catégorie et fut donc qualifié pour le dernier jour. Seiryū avait naturellement fini premier de sa catégorie, tout comme son père dans la sienne. Quant au général Shimada, il était quatrième.
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Quand Haruni et Seiryū quittèrent la zone des candidats pour récupérer leurs montures et regagner le palais, escortés par quatre membres de la garde impériale, maître Midarō surgit brusquement devant eux. Seiryū pensa tout d'abord que l'homme venait les féliciter pour leur qualification, comme il l'avait déjà fait les autres jours, mais son air inhabituellement agité lui fit comprendre qu'il s'agissait de tout autre chose. Midarō avait les yeux fixés sur Haruni comme si sa seule vue l'outrait. Il finit par trouver ses mots :
« Vous… qui s'est permis de vous enseigner l'art du sabre ? »
Seiryū s'était également posé la question, alors il attendit la réponse avec curiosité.
« N'ai-je pas le droit d'apprendre auprès d'un autre ? répliqua Haruni d'un ton un peu sec.
– Si, mais je reconnais ce style ! C'est ma manière d'enseigner, pourtant je ne vous enseigne plus. Alors lequel de mes élèves s'est-il permis de le faire ? »
Le maître d'armes était indigné parce qu'il croyait que quelqu'un avait empiété sur sa prérogative. En plus, un élève devait demander la permission à son maître avant de pouvoir enseigner à quelqu'un, car il fallait que le maître l'en juge digne.
« Personne ne m'a enseigné cet art à Kurojū à part vous, maître Midarō, » répondit honnêtement Haruni.
Cela ne calma pas pour autant les doutes de l'autre homme. Il fixa Seiryū d'un air accusateur et mécontent. Ce dernier écarquilla les yeux et secoua vivement la tête : non, ce n'était pas lui qui avait enseigné au Second Prince ! Jamais il ne se serait permis cela ! Le maître d'armes finit par renifler de dédain et tourna les talons pour partir de manière aussi impolie qu'il était venu. Haruni ne se formalisa pas et reprit le chemin du palais.
Seiryū relata l'incident à son père dès qu'il le revit au palais. Kenryū se renfrogna davantage.
« Je me doutais bien que maître Midarō le remarquerait également, commenta le général en se tapotant le menton. Malgré tout, je ne peux pas imaginer que quelqu'un ait pu enseigner le sabre au bâtard Hikari.
– Peut-être l'Empereur ? hasarda Seiryū. Le Second Prince m'a dit que son père lui avait donné quelques conseils.
– Tegami n'a pas ce niveau au sabre, fut le verdict sans appel de Kenryū. En plus, je connais son emploi du temps, alors je sais bien que ce n'est pas lui. »
Maître Midarō avait enseigné à foule de nobles à Kurojū depuis presque cent ans. Il aurait été impossible de lister tous ses élèves !
Seiryū crut avoir trouvé la solution du mystère :
« Les sorties du Second Prince, se peut-il que c'était pour rejoindre quelqu'un qui lui a appris en secret l'art du sabre ? »
C'était la seule explication possible pour lui.
« Peut-être, concéda Kenryū. Mais même dans ce cas, pourquoi taire le nom de son maître ? Et pour qu'un élève ait atteint un tel niveau, il faut que le maître soit lui-même doué. De tels sabreurs, il y en a peu dans la province. Je les connais tous et aucun ne serait prêt à prendre le Second Prince comme élève.
– Mmm, alors je vais essayer de demander à son Altesse.
– Tu crois qu'il te répondra ? » s'étonna son père.
Seiryū eut un sourire fataliste.
« Il y a de fortes chances que non, mais cela ne coûte rien d'essayer. »
Pour ce dernier jour, comme il ne restait plus que quelques duels par catégorie, tout allait se dérouler sur le terrain principal, celui qui se trouvait en face de la tribune de l'Empereur. Cela permettrait ainsi au public de ne rien manquer des duels formidables qui étaient attendus pour cette ultime journée. Les catégories allaient donc s'entremêler. Les huitièmes et quarts de finale auraient lieu la matinée, les demi-finales et les finales se tiendraient dans l'après-midi. Cela promettait un beau spectacle et la foule était venue nombreuse pour encourager les participants. Haruni livra son premier duel et le remporta aisément, surtout maintenant qu'il tenait compte des points. La foule en liesse l'acclama :
« Second Prince ! Votre Altesse ! Bravo ! »
Un peu surpris par un tel enthousiasme, Haruni salua légèrement en direction des spectateurs et s'attira encore plus de vivats. Il descendit du terrain et le duel suivant prit place.
« Vous avez bien progressé depuis le début du tournoi, » commenta Seiryū avec un sourire amical.
Haruni lui lança un regard suspect à cause de ce compliment, puis répondit :
« C'est bien pour ça que je me suis inscrit. C'est plus efficace et instructif quand on a de vrais adversaires.
– Mmm… Chiharu a dit que vous vous entraîniez seul au palais, c'est vrai ?
– Qui voudrait s'entraîner avec moi ? » fit simplement l'adolescent en haussant les épaules.
À cela, Seiryū répondit mentalement :
« N'importe qui, si vous en donnez l'ordre. Beaucoup de gens, maintenant que votre talent a été remarqué. »
Mais il garda ses pensées pour lui. Ce n'était pas le but de cette conversation, de toute manière.
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« Celui qui vous a enseigné le sabre, reprit-il dans l'espoir d'obtenir des informations.
– Je l'ai déjà dit à maître Midarō : personne ne m'a enseigné le sabre à Kurojū à part lui.
– À Kurojū, » releva Seiryū.
Haruni comprit où il voulait en venir et il fronça les sourcils.
« Cela ne vous regarde en rien ! » répliqua-t'il sèchement avant de s'éloigner.
Seiryū soupira. Comme il s'en était douté, il n'avait rien obtenu du Second Prince. Cependant, il refusait de s'avouer vaincu. D'un autre côté, il n'oubliait pas non plus qu'il avait un tournoi à remporter ! Il choisit de se focaliser dessus pour le moment.
À la fin de la matinée, Seiryū, son père et Shimada avaient rempoRté tous leurs duels. Comme ils n'étaient plus que seize participants en tout, il fut difficile de s'éviter au moment du repas. De plus, une grande table avait été dressée pour eux par les organisateurs. Haruni ne désirait guère faire la conversation, alors il se plaça en bout de table. Il eut tout de même la surprise de voir le général Shimada lui demander la permission de s'installer en face de lui, alors qu'ils n'avaient pas eu l'occasion de s'adresser la parole depuis le début du Tournoi Impérial et s'étaient juste salués officiellement le premier jour.
« Votre Altesse, puis-je ? demanda le général en désignant la place.
– Faites donc, général Shimada. »
L'homme s'installa tandis que des servants lui apportèrent les plats.
« Ah, je suis honoré que vous vous rappeliez de mon nom, fit-il avec un sourire amical.
– Votre réputation vous précède, que ce soit pour votre rôle dans la guerre contre les Hikari ou bien votre habileté au sabre. »
Le général Shimada eut un sourire ravi.
« Merci, votre Altesse. Je n'ai pas pu vous saluer la dernière fois que vous êtes venu à Madare, je vous prie de m'en excuser.
– Je comprends, assura Haruni avec un vague geste de la main. Mitsuhide m'a dit qu'une de vos filles avait aussi contracté la fièvre à cette période. Heureusement, elle s'en est remise, tout comme Yatsu. »
L'autre homme fit une drôle de tête en l'entendant parler si familièrement de son seigneur, mais il se reprit.
« Son Altesse est fort aimable de se soucier de l'état de santé de ma fille. »
Haruni eut un léger sourire en se rappelant d'un autre détail :
« Vous avez également eu enfin un fils il y a quoi… dix ans ?
– Douze. Oui, les Dieux m'ont enfin comblé avec un héritier.
– Je ne doute pas que vous allez lui enseigner le sabre dès qu'il sera en âge, » commenta Haruni avec un petit rire.
Shimada rit avec lui.
« Bien entendu ! Je lui ai déjà offert un sabre en bois pour jouer. »
Cela n'étonna guère Haruni. Le dévouement de Shimada au sabre pouvait se comparer à celui de Kenryū. Cela dit, c'était tout de même un peu étrange de discuter avec une ancienne connaissance sans pouvoir parler trop librement. Shimada ignorait qui il était et il devait sûrement se demander pourquoi le Second Prince se montrait si familier avec lui. Bah, ce n'était pas comme si Shimada pouvait deviner la vérité, après tout.
« Je tenais à vous féliciter pour votre maîtrise du sabre, surtout à un si jeune âge, reprit le général d'un ton sincère. Je suis heureux de voir de si beaux talents dans la nouvelle génération. La relève est assurée ! »
Haruni acquiesça en souriant.
« Maître Midarō doit être fier de vous. »
L'adolescent tiqua.
« Hum, ce n'est pas maître Midarō qui m'a enseigné le sabre, » rectifia-t'il.
Bien entendu, Shimada ne pouvait pas être au courant du fait que le maître avait chassé Haruni de ses cours. Cette histoire était bien connue à Kurojū, mais Madare se trouvait bien loin des ragots de la Cour.
« Oh, alors puis-je connaître le nom de votre maître ? »
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Les fines baguettes en bois se cassèrent dans la main du Second Prince dont les sourcils tressautèrent.
« Ils se sont tous donnés le mot ou quoi ?! hurla-t'il mentalement. Ou alors c'est Kenryū qui l'a recruté ?! »
Shimada prit un air surpris en voyant la réaction de Haruni.
« Votre Altesse ?
– Le nom de mon maître n'a aucune importance, rétorqua sèchement l'adolescent.
– Si vous taisez le nom de votre maître, n'est-ce pas la même chose que de vouloir garder tout le mérite pour vous ? Un élève doit honorer son maître en toutes circonstances, » le sermonna Shimada, si passionné par le sujet qu'il en oublia un moment à qui il s'adressait.
Haruni lui jeta un regard noir.
« Général Shimada, je n'ai jamais cherché à garder tout le mérite pour moi, se défendit-il. Mon maître m'a enseigné le sabre sur un coup de tête, parce que cela l'amusait. Oui, c'est ce genre de personne, alors je pense qu'il se moque bien du mérite !
– N'importe quel maître voudrait…
– Et de toute façon, il est mort ! le coupa Haruni sans mentir, puisqu'un vampire était techniquement mort. Le sujet est donc clos ! »
Sans attendre de réponse, il se leva et partit en direction de sa tente, laissant un Shimada consterné et surtout troublé par une partie de ce qu'avait dit le Second Prince : “parce que cela l'amusait”. Où avait-il déjà entendu une telle chose ?
« Vous venez de faire la connaissance du Second Prince, général Shimada, » fit une voix à côté de lui.
L'homme leva les yeux et vit Kenryū prendre place en diagonale. Il se rendit soudain compte que toute la table avait dû entendre leur conversation. En regardant les autres participants qui s'étaient un peu éloignés et gardaient la tête obstinément baissée sur leur repas, cela confirma ses craintes.
« Il… Son Altesse est…
– … borné, colérique et sans le moindre respect pour ses aînés, compléta Kenryū à sa place. Et encore, il a fait preuve de retenue avec vous. »
Shimada n'en revenait toujours pas.
« D'après ce que mon seigneur avait dit de lui, je n'aurais pas cru qu'il aurait pu se comporter de la sorte.
– Mmph, le seigneur Mitsuhide ne l'a peut-être vu que dans ses bons jours. »
Shimada resta encore un moment perturbé, puis hocha la tête. Kenryū l'observa attentivement, puis fit avec un sourire :
« Ne prenez pas cela à cœur, général Shimada. Je préfère que vous vous concentriez sur les prochains duels.
– Ne craignez rien, général Kenryū. J'ai bien l'intention de vous retrouver en finale ! affirma Shimada avec un petit sourire.
– Moi aussi. »
Les participants les plus proches reculèrent cette fois à cause de l'ambiance de forte rivalité entre les deux hommes. Décidément, ils avaient choisi les mauvaises places à table !
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