Prisonnier du Temps 98

Chapitre Quatre-vingt-dix-huit : Faire plaisir à Dieu


Le jeune roi se moquait bien du blasphème et encore plus des autres lois morales. Il était né pour dominer mais devait obtenir tout ce qu'il voulait par des moyens peu scrupuleux. Alors cette fois il comptait forcer la main à Shi Jian en usant de l'ivresse et de l'effet de la drogue.

Yan Tuo s'était dit que même s'il n'était pas très fort en arts martiaux, il s'était entraîné depuis l'enfance et il avait personnellement mené ses troupes au combat. Ils se trouvaient dans sa propre chambre et sur son propre territoire. Cela ne devrait pas être bien difficile de prendre le dessus sur le précepteur national.

Mais il avait commis une erreur. Il eut beau enlacer Shi Jian, l'embrasser et le caresser et tenter d'aller plus loin, Shi Jian saisit ses membres et l'attacha fermement au lit avec une ceinture en soie.


Après toute cette agitation et cette bonne suée, il avait en grande partie dégrisé mais l'effet de la drogue s'était accru. Avec les mains liés, il ne pouvait plus prendre l'antidote alors il ne put que se résigner et lancer un regard suppliant à l'homme au pied du lit — cette fois ce n'était pas de la comédie, c'était pour de bon. Il implorait sincèrement cet homme de le sauver et de le détacher.

Shi Jian l'ignora. Il s'assit seul à table et se servit une tasse de thé. Il but tranquillement, ses yeux gris l'observant légèrement tandis qu'il était attaché.


Yan Tuo sentit seulement une vague de froid puis de chaleur souffler dans son cœur. Le comportement actuel de Shi Jian était à la fois semblable et différent de son image habituelle de précepteur national affable et détaché. En tant que précepteur national, même si Shi Jian conservait un air indifférent, il n'irait pas attacher ainsi le dirigeant du royaume au lit pour le laisser tout seul.

Il paniqua alors et se demanda si Shi Jian avait vu clair dans son petit jeu et que c'était pour ça qu'il le laissait comme ça, livré à lui-même. Mais ensuite la drogue poursuivit son action et son cœur fut à nouveau engouffré dans un brasier dont il était difficile de se défaire.


Shi Jian prit alors la parole et sa voix était aussi légère que jamais :

« Votre Majesté, vous avez dû être empoisonné par une sorte de drogue malfaisante. Je n'ai pas l'antidote actuellement et je n'ose pas toucher votre Majesté alors je ne peux que veiller sur vous pendant que les effets se dissipent peu à peu »

Yan Tuo avait lui-même pris cette drogue alors évidemment il savait que ses effets n'étaient du genre à disparaître d'eux mêmes. Il ne put que fixer l'autre homme et ouvrir la bouche pour tenter d'appeler ses gens. Mais dès qu'il ouvrit la bouche, il se rendit compte qu'il en était réduit au point où il ne pouvait même plus faire une phrase cohérente. Tout ce qui sortit de sa bouche, ce furent des gémissements faibles et honteux.

Alors il ne put que lancer un nouveau regard implorant à Shi Jian. Cependant ce dernier resta insensible et se contenta de le regarder sans rien dire.


Au final Yan Tuo perdit toute volonté. Il ne se souciait plus de son identité et il se moquait bien que Shi Jian était en train de l'observer. Il tenta diverses méthodes afin de se soulager un peu, en se débattant comme un cygne mourant. Il se moquait bien d'avoir l'air hideux aux yeux de l'autre homme.

Pendant que sa conscience s'égarait et qu'il était au bord de l'évanouissement, il sentit quelqu'un s'approcher puis une main fine et puissante se pressa gentiment contre son dos...


* * *


Dans la plupart des affaires de ce monde, quand il y avait une première fois, aussitôt la seconde suivait. Yan Tuo savait que c'était un péché de blasphémer et il comprenait que c'était mal de séduire le précepteur national mais tout se résuma à ce dicton : quand on a connu le goût de la moelle, on ne peut qu'en vouloir plus C'est un dicton pour dire qu'on devient vite accro à quelque chose. (1).

Yan Tuo n'était pas pleinement conscient cette nuit-là, il ne lui restait plus que des fragments de souvenirs sur ce qui s'était passé mais ces impressions restaient clairement gravées dans sa mémoire — les baisers de Shi Jian, ses bras autour de lui, et il pouvait clairement se rappeler de la température et de la forme de ses doigts.


Cependant quand il se réveilla le matin, Shi Jian n'était plus là. Il demanda au serviteur de garde ce jour-là et ce dernier répondit que le précepteur national était parti à l'aube.

Yan Tuo en fut d'abord perplexe puis réagit. Quand il avait fait venir Shi Jian la veille, la nuit venait à peine de tomber. Cependant Shi Jian n'était pas parti avant l'aube, ce qui signifiait qu'il était resté un bon moment... en plus avec lui qui était ivre et sous l'effet d'un aphrodisiaque. Shi Jian l'avait observé en retrait et au final ne l'avait pas abandonné. Il se pouvait alors que Shi Jian l'avait aidé uniquement parce qu'il estimait que cela relevait de la responsabilité d'un précepteur national ; toutefois le fait qu'il soit resté aussi longtemps indiquait qu'il était plus ou moins volontaire et intéressé.


Yan Tuo regagna seul le palais et resta assis. Il ne put s'empêcher de sourire : son précepteur national n'était pas fait de marbre et impossible à approcher.

Mais comme cela était très récent, il fallait laisser une période d'acceptation et d'adaptation. Ce ne serait pas une bonne stratégie que de lui courir aveuglément derrière et de lutter contre lui. En plus Yan Tuo avait également besoin de se reposer et de récupérer après cette nuit alors il ne rendit pas visite à Shi Jian pendant trois jours. Ensuite il avait eu l'intention de lui rendre visite mais il fut trop occupé à gérer la sécheresse dans l'Ouest alors il ne put le voir. Dix jours s'écoulèrent depuis cette nuit quand il trouva enfin le temps de lui rendre visite.


* * *


Il fut encore plus éhonté cette fois : il ordonna à ses gens de réchauffer deux jarres d'alcool et se rendit directement au temple avec. Bien entendu les moines du temple n'osèrent pas l'arrêter alors Yan Tuo put librement porter le vin jusque dans la demeure de Shi Jian au temple. Alors que le maître de maison n'était pas là, il se mit à boire tout seul.

Shi Jian se dépêcha de venir dès qu'il en fut informé. En voyant le jeune roi assis à table, il se raidit un moment. Il s'avança ensuite vers Yan Tuo et fronça légèrement les sourcils :

« Votre Majesté, ce n'est pas autorisé de boire dans le temple. »

Mis à part durant les cérémonies, l'alcool et la nourriture n'étaient pas autorisés dans le temple et encore moins s'enivrer dans le temple.


Yan Tuo agita la main pour lui dire de s'asseoir. Puis il se pencha en avant pour rapprocher son visage de celui de Shi Jian et il eut un doux sourire.

« Le précepteur national doit aussi être abstinent toute sa vie et n'est pas autorisé à connaître le plaisir sexuel... Maître Shi Jian, avez-vous respecté cela ? »

Sa dernière phrase était douce et taquine comme un murmure d'amant et s'attarda d'un air séducteur dans l'esprit de l'autre homme.

C'était clairement Yan Tuo qui avait tout manigancé mais il se servait à présent de cet incident pour piéger l'autre homme.


Shi Jian recula un peu pour l'éviter, son visage toujours impassible, mais une lueur fugitive passa dans les yeux gris pâle.

« De quoi parlez-vous, votre Majesté ? »

Yan Tuo se rapprocha davantage et murmura à son oreille :

« Précepteur national, avez-vous pris du plaisir cette nuit-là ? Cela vous a plu ? »

Shi Jian se raidit sans un mot, sa pomme d'Adam tressauta mais les yeux posés sur le jeune roi étaient sombres et indéchiffrables.

Yan Tuo diminua un peu la distance entre eux, prit une gorgée d'eau-de-vie puis passa une main autour de la nuque de Shi Jian pour lui donner directement à boire...

Quand leurs lèvres et leurs dents s'entre-choquèrent, il fut pressé sur la table basse, la jarre en saphir fut renversée et l'alcool ambré se répandit sur sa tunique, mouillant instantanément une bonne partie de ses vêtements...


* * *


Sa Majesté ne retourna pas au palais cette nuit-là.

Ce ne fut que le soir que l'intendant de garde à l'extérieur entendit la voix rauque du roi dire qu'il avait des questions spirituelles à poser au précepteur national, qu'il devrait parler avec lui toute la nuit et que donc il resterait au temple toute la nuit.

Son précepteur national n'avait jamais ressenti le moindre désir charnel, personne n'aurait jamais eu l'audace de penser que Yan Tuo serait assez arrogant et provocateur pour séduire et profaner cet homme. Plus cela durait, plus vite il sombrait dans la déchéance — il le laissa connaître le plaisir ultime, s'en servit comme pour l'appâter mais le poisson ne se laissait pas séduire si aisément.

Quand il y avait déjà eu une première fois puis une seconde, la troisième fois venait naturellement et ne nécessitait même plus de se trouver des excuses.


Il attendit au temple dans la chambre de Shi Jian. Quand l'autre homme revint, il retira sa tunique supérieure, enlaça Shi Jian par derrière et l'embrassa tout naturellement.

Le corps de Shi Jian se raidit un peu. Il saisit les poignets de Yan Tuo devant et murmura :

« Votre Majesté, ne faites pas ça.

– … mais tu as clairement apprécié la dernière fois, » répliqua bassement Yan Tuo.

La première fois ne comptait pas parce qu'il avait été dans un état semi-comateux. La seconde fois, afin de séduire Shi Jian, il l'avait délibérément servi pour lui procurer du plaisir et ce jusqu'à ce que le visage toujours si indifférent de cet homme s'anime et montre qu'il était aux limites de sa maîtrise de soi.


« Votre Majesté, ce n'est pas quelque chose qui peut nous procurer du plaisir ou une bonne chose. Je suis le précepteur national, vous êtes le roi et Dieu est partout. Il peut nous observer en ce moment même. »

Shi Jian tenait fermement ses poignets. Comme Yan Tuo était alors pressé contre son dos, il tenta de lever la tête pour sucer son lobe d'oreille.

« Où est le problème ? fit-il vaguement en l'embrassant. Je fais plaisir à mon précepteur national, je te laisse apprécier. Tu es le représentant de Dieu alors je fais plaisir à Dieu à travers toi. N'est-ce pas normal ? »

Il se mit à murmurer et ses mots se firent ambigus.

« Pense à moi comme à un sacrifice volontaire pour Dieu. Alors, précepteur national, tu dois bien profiter de moi au nom de Dieu... »

Il n'avait pas encore fini sa phrase qu'il fut pressé contre le mur, ses mains dans celles de Shi Jian.


* * *


Ce jour-là ils goûtèrent à toutes sortes de plaisir. Peu leur importait qu'ils se trouvaient dans le temple, seul l'autre comptait aux yeux de chacun. Sous le prétexte de prier pour le royaume, Yan Tuo resta trois jours au temple avant de regagner le palais avec ses intendants.

À partir de ce moment, le précepteur national le regardait avec des yeux de plus en plus sombres dans lesquels un profond désir ne pouvait plus se cacher.



Notes du chapitre :
(1) C'est un dicton pour dire qu'on devient vite accro à quelque chose.






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