Partie 1 : RESET
Chapitre 1
Quand Nigel ouvrit de nouveau les yeux, on était au matin du mois d’Avril de l’an de grâce 283.
On avait été au mois de Juin 283 au moment de sa mort, pourtant quand il rouvrit les yeux, ses blessures avaient disparu et il était revenu en arrière dans le temps.
En fait, il crut d’abord qu’il avait fait un long rêve. Cela n’avait aucun sens qu’Inas le tue ou bien qu’un mort avait pu ressusciter et revenir en arrière.
Cependant, après un jour, une nuit, un deuxième jour, un troisième, puis un quatrième jour, Nigel dut bien accepter sa situation quand tout se répéta exactement à l’identique comme dans ses souvenirs.
L’impossible s’était produit.
Il se pouvait que Nigel avait été bel et bien tué par Inas et était revenu dans le passé.
Même alors qu’il était clair qu’il était revenu en arrière dans le temps, Nigel continua à douter. C’était sûrement parce qu’il refusait d’admettre qu’Inas avait pu le tuer.
Si les souvenirs qui étaient restés dans l’esprit de Nigel n’étaient qu’un rêve ou une illusion, il pouvait ignorer ces pensées sinistres et continuer à vivre heureux comme avant. C’était ce que souhaitait Nigel. Parce qu’il ne voulait pas douter de son bien-aimé Inas.
Malheureusement, le souvenir de ces deux mois passés — ou à venir — était tout bonnement trop limpide pour n’être qu’un rêve. Nigel ne pouvait donc pas fermer les yeux là-dessus.
Si c’était bel et bien arrivé, alors que devait-il faire ? Et si cela voulait dire qu’Inas avait joué la comédie en prétendant être un chevalier loyal et qu’il était en réalité un espion envoyé pour assassiner le duc de Magnus ?
Cette pensée était terrifiante. Nigel se rongea nerveusement les ongles. En même temps, sa tête était remplie de diverses pensées.
Si Inas était vraiment un espion, il n’avait qu’à envoyer les chevaliers pour le capturer. Il mènerait ensuite une enquête minutieuse pour découvrir qui diable avait dévoyé Inas et il le détruirait complètement.
Mais il n’y avait que très peu de chances qu’Inas soit un espion. Durant la grande bataille qui avait eu lieu il y avait trois ans, Inas avait pris la tête de l’armée du duché de Magnus. Alors s’il voulait faire quelque chose, il aurait plutôt agi dans le duché au lieu de la capitale.
Et s’il avait simplement tué Nigel parce qu’il était mécontent de lui ? Ce n’était pas non plus très probable mais si c’était bien le cas, il était toujours possible de se réconcilier. Et si ça ne marchait pas, Nigel n’aurait qu’à retourner dans le duché de Magnus pour enchaîner Inas dans le donjon. Comme ça, il pourrait garder un œil sur lui et l’empêcher de partir…
Nigel, dont les pensées étaient allées si loin, secoua la tête en signe d’auto-dérision.
Même dans de telles circonstances… je n’arrive pas à m’imaginer tuer Inas.
Nigel rit de son côté faible. Mais il ne pouvait pas s’en empêcher. Il ne pouvait pas tuer Inas qu’il aimait plus que sa propre vie, même si l’autre était un traître.
Même si Inas l’avait tué de ses propres mains.
Traduction faite par Karura Oh. Lisez sur mon site http://karuraoh.free.fr ou sur Scan Manga. Si vous la voyez sur un autre site, c'est qu'ils ont volé cette traduction !
Les mains tremblantes, Nigel saisit son torse qui avait été transpercé dans sa vision. Rien que la pensée du sang lui donnait envie de vomir. Il tenta de calmer sa nausée en portant une main à sa bouche.
Depuis toujours, Nigel était incapable de supporter la vue du sang ou même celle d’une simple blessure. La terreur l’envahissait dès qu’il voyait un blessé, comme à deux doigts de s’évanouir. Cette phobie de Nigel n’avait fait que grandir, surtout après qu’il ait vu une fois Inas gravement blessé.
Cela n’avait pas été la seule fois où il avait eu peur. Quand Inas avait été blessé par un assassin ou pendant une partie de chasse, ou bien quand il avait reçu le coup à la place de Nigel qui voulait se suicider…
« Non… une minute. »
Nigel fronça les sourcils devant ce souvenir étrange qui avait subitement surgi dans son esprit. Il n’arrivait pas à croire qu’il venait de songer à un suicide… Il n’avait pourtant jamais essayé de s’ôter la vie. Bien sûr, il s’était plaint plus d’une fois alors qu’il était vraiment épuisé qu’il préférait encore mourir, mais il n’avait jamais sincèrement songé à se suicider.
Jusque là, la vie de Nigel avait toujours été calme, sans aucun trouble. En plus, il n’était pas irresponsable au point de mourir sans avoir désigné un successeur.
Pourtant, il allait de toute évidence mourir cet été…
Un souvenirs étrange ressurgit dans son esprit. Il était recouvert d’un liquide chaud et dégoûtant et ne savait pas s’il s’agissait de sang ou de sueur.
Nigel pointait son pistolet contre sa propre tempe.
« Je te préviens… Tu ne pourras pas m’en empêcher. »
Avec un air extrêmement amical, Inas lui fit calmement, sans chercher à l’arrêter :
« Si tu veux mourir, alors meurs. Nous nous reverrons. »
Est-ce que Nigel avait pleuré en voyant le visage souriant et calme de l’autre, ou bien était-il lui aussi très calme ?
Il ne s’en souvenait pas. Par contre, il était sûr que le Nigel de son souvenir avait ensuite appuyé sur la détente et que son sang avait tout éclaboussé… Puis les ténèbres s’étaient emparées de lui.
« C’est absurde… »
S’il commençait à avoir des hallucinations où il se suicidait, c’était que son état était très grave. Pourquoi diable tous ces affreux souvenirs venaient le tourmenter ? Nigel se demanda très sérieusement s’il n’était pas en train de perdre la tête. S’il était fou, cela expliquerait pourquoi il avait eu une hallucination dans laquelle il se suicidait et une autre dans laquelle Inas le tuait.
« Je dois avoir trop forcé sur le travail… »
Oui, tout ça ne pouvait pas être réel. Il aurait dû écouter Inas quand ce dernier lui avait conseillé de se reposer. Nigel s’enfouit dans les couvertures sans se changer. Après un peu de repos, il pourrait de nouveau réfléchir et penser de manière rationnelle. Mais il se trompait lourdement.
Ce qui attendait Nigel au réveil, ce ne fut pas un esprit lucide débarrassé de toute illusion, mais la nouvelle brutale qu’Inas avait subitement commis un massacre sans raison avant de prendre la fuite.
« C’est impossible qu’Inas ait pu faire une chose pareille. »
Nigel jeta le rapport que venait de lui apporter son assistant, Heize. Ce dernier ramassa le document avec l’air de celui qui savait que cela allait arriver.
« Je pensais aussi qu’il ne pouvait s’agir que d’une erreur, mais… Nous avons à présent beaucoup de témoins, seigneur Nigel. Il est clair que c’est bien sire Inas qui a commis ce crime.
– Impossible.
– Oui, c’est aussi ce que je me dis. Sire Inas n’est clairement pas du genre à tuer sans raison. Il doit y avoir une explication à tout ça.
– Et quelle explication ?! » rétorqua sèchement Nigel.
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Il se rendit subitement compte qu’il avait perdu son calme et porta une main à son front. Heize l’approcha avec circonspection, comme s’il comprenait sa vive réaction.
« Calmez-vous pour le moment et lisez le rapport. »
D’une main tremblante, Nigel prit le rapport que lui tendait de nouveau Heize.
La veille dans l’après-midi, Inas s’était rendu dans une petite taverne au sud du royaume. Sans la moindre hésitation, il avait tué un jeune homme qui était en train de négocier avec le tavernier pour une chambre. Les compagnons du jeune homme, qui avait eu la tête tranchée d’un seul coup d’épée, s’attaquèrent à Inas, en vain. Après avoir tué le reste du groupe ainsi que la plupart des témoins sur place, Inas avait mis le feu à l’auberge et s’était enfui avant l’arrivée de la garde.
Le rapport fut horriblement froissé dans les mains de Nigel.
« Je ne peux pas y croire…
– Je n’y croyais pas non plus. Mais les faits sont là, seigneur Nigel.
– … »
Nigel ne pouvait rien répondre aux parole de l’autre homme.
Inas n’aimait pas tuer en temps normal. Bien sûr qu’il devait tuer en tant que chevalier, mais il y avait eu de nombreuses occasions où il s’était retrouvé blessé justement parce qu’il avait préféré le plus possible capturer un ennemi au lieu de le tuer. Et ce même Inas aurait tué des dizaines de gens, en commençant par un jeune homme ? Même s’il s’agissait de gens du peuple, ce n’était pas possible.
… Du moins, c’était ce que Nigel avait pensé jusqu’à ce qu’Inas le poignarde brutalement en plein cœur.
Il se pouvait que l’Inas qui n’aimait pas tuer n’avait été qu’une illusion fabriquée de toutes pièces par les fausses croyances de Nigel. En réalité, Inas avait enfoncé son épée dans le torse de Nigel avec un sourire nonchalant et il avait même ri.
Et si au fond, c’était la véritable nature d’Inas que de tuer brutalement ? Il avait commis un meurtre sans la moindre raison et s’était enfui pour échapper à la justice…
L’esprit rempli de doutes, Nigel ordonna à Heize de lancer un avis de recherche sur Inas. En même temps, il tâcha de rassembler des informations pour défendre Inas au cas où et pour faire taire les rumeurs. Il ne trouva pas grand-chose. Puisque Inas avait mis le feu à l’auberge pour faire disparaître toute trace, il n’y avait aucun moyen de savoir ne serait-ce que l’identité du jeune homme, alors la raison pour laquelle Inas l’avait tué restait un mystère.
Un avis de recherche fut lancé dans tout le royaume. Dès que les gens se rassemblaient, ils parlaient forcément de ce terrible massacre. Quant à Nigel qui défendait Inas Idenbach, l’opinion publique à son sujet devenait de plus en plus critique au fil des jours.
Nigel devait laisser tomber Inas. Mais même si Inas avait bel et bien tué ces gens, Nigel ne pouvait pas l’abandonner. En tout cas, pas avant d’avoir entendu une explication claire et franche de la bouche du concerné.
Nigel se démena pour trouver le moyen de sauver Inas. Il ne dormait plus que deux ou trois heures par nuit et se faisait tellement de souci qu’il en avait attrapé une terrible migraine.
Malgré tout, Inas ne se remontra pas et Nigel ne put trouver le moyen de l’innocenter. Pire encore, Nigel se surmena en pleine tension et ne put le supporter davantage : il tomba malade. Heize le confina dans sa chambre, pourtant Nigel continua d’essayer de travailler, malgré sa fièvre terrible.
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Dans un sommeil perturbé par la fièvre et les médicaments, Nigel rêva d’Inas. C’était un rêve où Inas commençait par l’aimer et le chérir, tout ça pour finir par le poignarder à mort.
« Inas…
– Oui, Nigel. »
Nigel, qui marmonnait dans son sommeil, se réveilla en sursaut à cause de la voix qui était bien trop claire pour être un rêve.
Des cheveux d’un noir de jais et des traits aussi ciselés que ceux d’une statue. Des yeux en général froids mais qui se réchauffaient en se posant sur Nigel. C’était un visage des plus familiers. Inas, que Nigel avait tant recherché, était assis juste devant lui, juste à côté de Nigel, à portée de main.
« Inas ! »
Plus que de la suspicion, de la peur ou toute autre émotion, ce fut une joie immense que Nigel ressentit en cet instant. Ces derniers temps, à cause de tout le royaume qui était à la poursuite d’Inas, Nigel avait eu peur qu’il soit déjà mort.
Toutes les questions qu’il voulait poser et tous ses doutes fondirent instantanément comme du sucre dans du thé chaud. Extatique, Nigel tendit la main vers Inas. Ce dernier prit fermement sa main et la posa sur sa joue. En sentant la chaleur bien réelle, Nigel faillit fondre en larmes.
« Vous étiez inquiet pour moi ?
– Bien sûr ! Inas, que s’est-il passé, bon sang ? S’il y a quoi que je puisse faire pour aider… »
Nigel se retrouva tout à coup dans l’incapacité de parler, parce que Inas s’était penché sur lui pour le presser contre le matelas et l’embrasser. Ce baiser que Nigel s’était imaginé tant de fois ne fut pas aussi tendre et agréable que dans son imagination. Leurs lèvres se pressèrent ensemble et la langue d’Inas envahit sa bouche. En se rapprochant de lui, l’odeur inratable de sang assaillit les narines de Nigel. Il se mit à trembler comme s’il se faisait quasiment dévorer.
À nouveau, des souvenirs surgirent au hasard, des souvenirs où il se faisait tuer par Inas, que ce soit dans très longtemps ou dans un avenir très proche. Plusieurs morts furent extirpées de l’oubli pour revenir au grand jour.
« … ! »
Surpris, Nigel tenta de repousser Inas, mais cet homme qui en temps normal se serait reculé malgré la faible pression ne bougea pas d’un pouce. Pire encore, il continua à embrasser Nigel jusqu’à ce que l’autre soit à bout de souffle. Quand Nigel réussit à libérer de ce baiser qui dura très longtemps, Inas avait toujours l’air très calme, contrairement à Nigel qui était essoufflé et dont les vêtements étaient froissés.
« Nigel, vous êtes toujours aussi beau.
– De quoi tu parles… ?!
– Vous ne me croyez pas ? Mais j’ai toujours, toujours trouvé que vous étiez magnifique. Cela ne me suffisait plus de venir vous voir pendant que vous dormiez, j’aime aussi vous voir réveillé.
– Tu es venu me voir ?
– Oui. »
C’était vraiment n’importe quoi. Comment Inas, qui était recherché à travers tout le royaume, aurait pu venir voir Nigel toutes les nuits ? Inas semblait avoir perdu l’esprit. Le cerveau de Nigel fonctionna à toute allure. Oui, il était possible qu’Inas ait tué ces gens dans un état de confusion mentale et se soit ensuite enfui instinctivement. Que ce soit un délire, une hallucination causée par la magie ou par une drogue… Si cela pouvait être prouvé, alors les accusations pourraient être levées en reconnaissance pour tout ce qu’Inas avait fait pour le royaume.
« Nigel, s’il vous plaît, montrez-moi votre visage.
– Ce n’est vraiment pas le moment de parler de choses inutiles comme ça ! Dis-moi plutôt ce qui s’est passé. Je dois savoir… »
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Inas leva son index pour le poser sur les lèvres de Nigel. Ainsi réduit au silence, le jeune homme se renfrogna.
« Désolé. Je voulais nous laisser un peu plus de temps, mais il est trop tard. Je n’ai plus qu’à vous tuer à présent.
– Quoi ? »
C’était des paroles insensées. L’instant d’après, Inas plongea son épée dans le cœur de Nigel.
Exactement comme ce qui s’était passé la dernière fois, ou dans son rêve.
Poignardé, Nigel se demanda s’il n’était pas prisonnier d’un terrible cauchemar dont il n’arrivait pas à se réveiller. Il était censé avoir mal, mais cela ne faisait absolument pas mal. Cela rendait cette situation d’autant plus surréaliste. Encore plus que la dernière fois où Inas l’avait tué.
Inas le contemplait avec des yeux remplis de tendresse, comme s’il regardait quelque chose de très adorable. Cependant, Nigel fut ramené à la réalité quand du sang jaillit de son torse pour éclabousser la joue d’Inas.
« Ta réaction est vraiment trop adorable, mon cher.
– I-nas…
– Je t’aime, Nigel. Nous nous reverrons. »
Nous nous reverrons.
C’était aussi ce qu’il lui avait dit l’autre fois.
Les yeux de Nigel s’écarquillèrent et il eut l’impression de presque réussir à comprendre quelque chose. Mais avant de pouvoir y réfléchir davantage, Inas fit tourner l’épée qu’il avait enfoncé dans le torse de Nigel.
Une fois encore, tout devint noir.
Note de Karura : Alors, si je résume l’histoire pour le moment :
Nigel se réveille et se fait poignarder par Inas. Il meurt.
Nigel se réveille et se fait encore poignarder par Inas. Il meurt.
Nigel : … Je commence déjà à détester cette répétition !
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