Chapitre 18
« Tout le monde regarde par ici, » murmura Etna en se penchant.
Nigel mit un terme à ses pensées qui n’aboutissaient à rien et regarda autour.
Cela ne faisait même pas deux ans qu’Etna était mort. Encore pas mal de domestiques se rappelaient de lui, le fils aîné du manoir. Alors ils étaient forcément confus en voyant débarquer un jeune homme qui lui ressemblait comme deux gouttes d’eau. Il fallait attendre de voir quel genre de rumeurs cela allait engendrer, mais ce ne serait certainement pas des rumeurs positives.
Le cœur de Nigel l’élança. Un peu lâchement, il fut bien content et soulagé de ne pas être le duc actuellement.
« Oui, c’est normal qu’ils soient surpris… commenta-t’il.
– Parce que ton grand frère est tellement beau ?
– … »
Etna était rempli d’assurance. Nigel ne voulut pas le contredire parce que c’était la vérité. Bien que le visage d’Etna ressemblait un peu à celui de Nigel adulte, il avait une beauté bien plus masculine.
« Nigel est aussi très mignon.
– Tu devrais plutôt dire que je suis beau, » répliqua Nigel en se mordant les lèvres, un peu vexé.
Plutôt que d’être d’accord avec lui, Etna secoua la tête.
« Tu es mignon parce que tu es encore jeune. Tu as des petites mains et des petits pieds tous mignons. En fait, je pense que tu seras mignon même une fois grand, parce que tu ressembles à notre mère. »
Nigel tressaillit brièvement quand il parla de leur mère. Le fantôme de Rimera qu’il avait vu dans la session précédente lui revint à l’esprit.
Sa mère était morte jeune et errait en tant que fantôme dans le manoir du duc. Si ça se trouvait, elle était en train d’errer en ce moment même dans le manoir de la capitale ?
Ce serait normal qu’il se sente désolé pour elle mais en réalité, son cœur était calme, comme s’il n’était qu’un ingrat. Après tout, la duchesse était morte quand il était tout petit, il n’avait jamais vraiment vu son visage. Il serra plus fort la main d’Etna.
« Plus tard…
– Hum ?
– Tu me parleras plus tard de notre mère. J’ai envie d’entendre parler d’elle. »
Il n’avait jamais vraiment entendu parler de Rimera. Luther l’avait tellement aimée qu’il ne s’était jamais remarié après sa mort mais en même temps, il avait été si bouleversé qu’il ne voulait plus voir la moindre trace d’elle. Alors il avait fait retirer tous les portraits de Rimera, même les plus petits, du manoir. Ce n’était qu’après la mort de son père que Nigel avait découvert qu’il restait un petit portrait d’elle dans la chambre du duc, retourné à l’envers.
En tout cas, il était pratiquement impossible pour Nigel, qui n’avait aucun souvenir de sa mère, de se rappeler d’elle.
Etna semblait fort surpris que son petit frère réclame subitement qu’il lui parle de leur mère. Il écarquilla les yeux, mais acquiesça bien vite.
« Oui, bien sûr ! Si c’est ce que tu veux. »
Tout en discutant encore un peu, ils arrivèrent dans la salle à manger. Ils entrèrent joyeusement.
Toute la nourriture avait déjà été disposée sur une longue table rectangulaire dans la pièce. Cela semblait avoir été fait pour que les domestiques n’aient pas à les servir entre chaque plat. C’était sûrement pour qu’ils puissent parler librement sans la présence de tierces personnes.
« Vous êtes là, tous les deux ? » sourit doucement Luther en voyant ses deux fils.
Nigel remarqua que les yeux de son père étaient légèrement gonflés à force d’avoir pleuré, ce qui était inhabituel chez lui. Il eut un léger sourire et prit place à table.
Un petit-déjeuner en famille à eux trois. Cela faisait si longtemps que Nigel eut une sensation de nouveauté. C’était une scène qu’il n’aurait jamais cru revivre un jour, alors il eut l’impression qu’il allait de nouveau fondre en larmes. Il se retint de justesse. Heureusement, Luther et Etna semblaient dans le même état d’esprit, alors personne ne dit rien pendant un bon moment.
Traduction faite par Karura Oh. Lisez sur mon site http://karuraoh.free.fr ou sur Scan Manga. Si vous la voyez sur un autre site, c'est qu'ils ont volé cette traduction !
Etna fut le premier à se ressaisir. Il regarda la table et fronça soudain les sourcils.
Nigel suivit son regard et examina la table. Un petit-déjeuner fastueux était servi, sauf que le couvert n’avait été mis que pour deux personnes.
C’était le premier repas pour accueillir le retour d’Etna. Les plats préparés pour l’occasion étaient somptueux, sauf qu’il n’y avait aucune nourriture de prévue pour Etna. C’était ironique.
Luther, qui luttait contre ses émotions, revint à lui et regarda son fils aîné.
« Tu peux manger aussi ?
– Sinon quoi ? Je vais mourir de faim ?
– Non, mais… »
Luther ne put parler correctement et referma simplement la bouche. Etna soupira lourdement.
« Père, je ne suis pas un mort-vivant. Vous m’avez pris dans vos bras hier, j’ai le corps chaud.
– Oui, oui… Je l’ai bien touché. »
Luther lui jeta un regard inquiet, comme s’il n’était toujours pas rassuré. À en juger par la tête qu’il faisait, il semblait inquiet de ce qui arriverait si la nourriture pourrissait à l’intérieur d’Etna une fois qu’il se serait nourri.
« Vous seriez convaincu si je vous montrais que mon sang coule ?
– Ne dis pas ça ! »
Cela n’était sans doute qu’une blague pour Etna, mais Luther répliqua rudement, très fâché. Etna se rendit compte qu’il avait été trop loin, alors il s’excusa aussitôt.
« Bon, la table est mise, tant pis. Par contre, il y a beaucoup à manger, alors vous allez partager avec moi, » fit le jeune homme avec un sourire malicieux.
Il prit une assiette vide et mit dessus un peu de la part de Nigel. Le garçon en profita pour lui refiler les plats qu’il n’aimait pas, mais il renonça calmement sous le regard sévère de leur père.
Le repas commença. Nigel comme Luther observèrent Etna manger avec une étrange anxiété.
Conscient de leur regard, Etna mâcha et avala la nourriture de manière naturelle et confiante. Après s’être assuré que tout allait bien, Luther prit seulement là ses couverts pour manger à son tour.
Ce furent principalement Etna et Luther qui animèrent la discussion à table. La plupart des problèmes d’ordre politique avaient été abordés la veille au soir, alors la conversation durant le petit-déjeuner fut plus légère : la chambre qu’Etna allait occuper, les vêtements qu’il allait porter, ses domestiques et d’autres sujets convenables pour les oreilles de Nigel. Le garçon se concentra sur son repas, ignorant ces sujets qui semblaient pourtant lui permettre de se joindre à la conversation.
« J’y pense, Nigel, fit soudain Luther.
– Oui ? »
Alors que le repas touchait à sa fin, Luther interpela soudain le garçon qui était en train de remuer les carottes qu’il ne voulait pas manger.
Quand Nigel redressa la tête, l’homme sourit doucement, comme le rassurer.
« Je pense que ce serait une bonne idée que de retourner bientôt dans la capitale.
– La capitale ?
– Oui, juste pour parler à sa Majesté. J’ai déjà envoyé un messager pour le mettre au courant de tout ça… Cela sera bien pour toi et ça aiderait notre famille.
– Bien, je comprends. »
C’était sûrement pour permettre à Etna de s’installer correctement que Nigel devait quitter le duché. Si le successeur désigné restait, ce serait difficile pour Taren, qui venait tout juste d’intégrer la famille en tant que fils adoptif, de se faire sa place.
Cela n’avait rien de surprenant, alors Nigel hocha la tête d’un air ignorant, comme s’il ne comprenait pas ce qui se cachait derrière.
« Je ne veux pas dire que tu dois partir tout de suite. On est encore en hiver, alors cela attendra le printemps. Il faut aussi que ton état de santé s’améliore.
– Mais je vais bien…
– Ah oui ? Combien de fois tu es tombé malade des derniers temps ? »
Nigel ne pouvait rien répliquer à ça. Toutefois, ce n’était pas à cause de son état de santé : c’était la faute de Glarus s’il avait perdu connaissance un long moment. Voyant son cadet baisser la tête d’un air sombre, Luther le réconforta :
« Je m’inquiète pour toi. Maintenant que ton grand frère est de retour, tu n’as plus besoin de te surmener.
– C’est vrai, renchérit Etna. Laisse ton grand frère se charger de tout !
– D’accord.
– Et Nigel, peut-être que… »
Luther laissa traîner sa voix, incertain. Nigel attendit calmement la suite.
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« Je ne sais pas. Tu voudrais peut-être aller à l’Académie Royale ou quelque chose dans le genre ?
– Quoi ?
– Cela pourrait t’aider. Comme ça, le temple ne pourrait pas s’en mêler inutilement. »
Effectivement, si Nigel entrait dans un établissement scolaire comme l’Académie Royale, le temple n’irait pas exiger que Nigel les rejoigne tant qu’il serait élève. En plus, beaucoup de nobles suivaient les cours de l’Académie Royale. Le duc de Magnus était un cas à part : étant donné qu’il devait mener une grande bataille tous les deux ou trois ans, il ne pouvait guère fréquenter l’académie, alors il étudiait de son côté. Toutefois, le niveau d’éducation proposé par l’Académie Royale était élevé et les gens préféraient s’y inscrire car cela leur permettait en plus d’établir très jeunes des relations sociales avec leurs pairs.
Cela pourrait en effet être bénéfique de s’y rendre. Considérant l’avenir de Nigel, qui ne pouvait plus devenir l’héritier, c’était même une bonne option. Mais ça ne lui plaisait pas du tout.
Mentalement, il avait vingt-trois ans, bientôt vingt-quatre. Cela voulait donc dire qu’il allait devoir aller à l’école avec des gamins de douze, treize ans ? C’était insensé. Pour la première fois de la journée, Nigel secoua fermement la tête.
« Ça ne me plaît pas. Si je tombe malade, je risque trop souvent de manquer les cours.
– Si on explique ça à l’Académie, je suis sûr qu’ils sauront s’arranger pour toi.
– Je ne veux pas.
– Nigel, arrête de t’entêter pour rien ! Tu vas bientôt avoir treize ans cette année, alors il serait grand temps que tu commences à réfléchir à ton avenir ! » le réprimanda sévèrement Luther.
Nigel aurait pensé que son père allait continuer à s’occuper de lui même une fois qu’il ne serait plus l’héritier, mais il s’était trompé. Alors que Nigel était frustré, Etna intervint en sa faveur de manière inattendue :
« Père, oubliez ça. Nigel est bien trop fragile.
– Justement, ça lui ferait du bien de vivre dans un endroit où le temps est plus clément.
– Pas sûr. Vous ne croiriez pas, mais un endroit comme l’Académie Royale demande beaucoup d’énergie. Vous vous rappelez du baron Atlut ? Le lieutenant d’oncle Jérémie.
– Oui, je vois qui c’est.
– Le troisième fils du baron Atlut avait aussi une constitution fragile. Après être allé à l’Académie Royale, il en est vite revenu parce que son état avait empiré.
– Son troisième fils… il n’est pas mort il y a quelques temps ? »
L’atmosphère se figea un moment à cause de ce murmure grave. Nigel se recouvrit la bouche d’une main pour tenter de masquer le sourire qui lui montait aux lèvres. Après une histoire pareille, il était impossible que son père continue à insister pour l’envoyer à l’Académie Royale.
« Nigel a une constitution qui exige de lui qu’il se repose dès qu’il en a besoin. La vie réglée de l’Académie ne lui conviendra pas, » fit Etna en continuant d’enfoncer le clou.
Luther soupira lourdement et ne tarda pas à se laisser convaincre.
« C’est vrai. Désolé, Nigel, fais comme si je n’avais rien dit. »
Vu qu’il ne voulait absolument pas aller là-bas, Nigel hocha rapidement la tête.
Après le repas, Nigel prit congé avec Etna. Luther devait s’occuper des affaires du duché, alors Etna avait proposé de raccompagner son petit frère dans sa chambre. Luther semblait un peu mécontent, mais il finit par le laisser faire.
Sans surprise, à présent qu’Etna était revenu, Luther avait abandonné son air devenu plus doux et gentil. Il avait repris son côté sévère pour éduquer son successeur. Nigel l’avait déjà vu ainsi autrefois, alors cela lui était familier.
Une fois dans le couloir désert, Etna emmena subitement Nigel dans une petite pièce et lui demanda subitement :
« Nigel, tu es fâché ?
– Quoi ?
– À cause de ce que j’ai dit à Père. »
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Nigel pencha la tête sur le côté, pas sûr de ce qu’il devait répondre à ça. Il ne savait même pas précisément de quoi voulait parler Etna. Puis son grand frère murmura :
« Pour l’Académie. »
Encore plus perplexe, Nigel cligna des yeux.
« Pourquoi je serais fâché pour ça ? »
L’intervention édifiante d’Etna avait bien marqué le coup, garantissant que cette histoire d’Académie ne serait plus jamais mentionnée. Nigel lui en était plutôt reconnaissant. Toutefois, sa réponse modifia subtilement l’expression sur le visage d’Etna.
« Tu ne trouves pas que je t’ai rabaissé ?
– Non, c’est vrai que j’ai une santé fragile. »
Bien entendu, cela n’avait rien d’agréable à entendre, mais qu’est-ce que Nigel pouvait y faire ? Il était né avec une santé fragile.
Quand Etna l’entendit répondre ainsi calmement, il écarquilla les yeux de surprise. Puis il se baissa pour le serrer fort dans ses bras.
« Tu as vraiment grandi, Nigel. »
Nigel se retrouva ainsi fermement coincé dans l’étreinte puissante de son grand frère. Etna lui tapota le dos un long moment, puis soupira.
« Nigel.
– Oui.
– Tu vas vraiment bien ?
– Pardon ? »
Etna le relâcha soigneusement. À contre-jour de la fenêtre d’où provenait la lumière du matin, son visage était caché par les ombres. Dans cette obscurité, ses yeux parurent luire comme de l’or.
« Nigel, tu ne te rappelles donc pas ?
– De quoi ?
– Nous nous sommes disputés. »
C’était nouveau. Il s’agissait clairement de quelque chose qui s’était passé entre Nigel et Etna, pourtant c’était la première fois que Nigel en entendait parler.
Note de Karura : Toujours pas d’Inas dans ce chapitre. Il est en train de bouder dans la chambre de Nigel, attendant désespérément le retour de son maître avec Ryno.
Nigel, deux adorables petits chiots t’attendent ! Hum non, Inas n’a rien d’un adorable petit chiot. C’est plutôt un grand méchant loup affamé !
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