Chapitre 12

Au lieu d’accepter comme le faisait Inas, Nigel bondit sur ses pieds et se fâcha.

« Attendez un peu ! Qu’est-ce que Inas a fait de mal…

– Ce n’est rien, jeune seigneur, » intervint calmement Inas.

Nigel lui adressa un regard furieux, puis il se rendit compte qu’Inas n’était guère en position de protester.

Roshan ne pouvait pas punir directement Nigel, alors c’était courant qu’un subordonné soit tenu pour responsable quand il n’était pas possible de punir son supérieur. Son père avait souvent employé cette méthode, ce qui était une des raisons pour lesquelles Nigel s’était opposé à lui. Bien entendu, Nigel savait que cette fois, cet ordre ne venait pas de son père.

Il soupira profondément. C’était dur de nettoyer les écuries. Comme il s’agissait d’une punition, il était clair que Roshan avait délibérément choisi le matin pour faire plus souffrir Inas Après toute une nuit, vous imaginez bien que les chevaux ont crotté à cœur joie ! (1). Nigel se mit aussitôt à bouder parce qu’il se sentait coupable envers l’adolescent. Le visage sévère de Roshan s’adoucit un peu.

« Je n’ai pas l’intention de le faire travailler trop dur. Après tout, il a aussi son entraînement de chevalier durant la journée. Alors ne vous en faites pas pour ça et reposez-vous un peu.

– Si ce n’est pas trop dur, alors laissez-moi le faire à sa place, protesta Nigel.

– Ha ha… Bien, je vous laisse.

– Attendez. »

Nigel retint Roshan qui essayait d’esquiver sa proposition compliquée.

« Qu’en est-il de sire Schumach ?

– Ah, je l’ai confié au majordome, alors il sera bien traité. Il est déjà tard, allez vous coucher et nous en reparlerons demain.

– Bon, d’accord. »

Il n’y avait rien à redire, c’était impeccable et net. Roshan s’inclina poliment, puis recula pour sortir.

Nigel et Inas furent les deux seuls à rester dans la pièce, comme si cela avait été arrangé.

Dans cette ambiance tendue, Nigel jeta un coup d’œil à l’adolescent. Le regard indifférent d’Inas croisa le sien.

Puis Inas s’approcha d’un air inexpressif et tendit les mains vers Nigel. Ce dernier tressaillit un instant, mais Inas ne fit que l’aider à se déshabiller et il le servit avec des gestes familiers. Des mains ni trop rapides ni trop lentes retirèrent les vêtements du garçon. Finalement, alors que Nigel n’avait plus que sa chemise sur lui, Inas lui apporta sa chemise de nuit.

« Vous désirez vous baigner avant de vous mettre en pyjama ? »

Il n’y avait rien à redire à cette attitude impeccable. Pourtant, Nigel était sûr que ce n’était pas ce que Inas voulait dire. Il le regarda en silence, mais l’adolescent resta debout en tenant la chemise de nuit, prétendant ne rien savoir.

Nigel ne voulait pas que les choses restent non dites entre eux, alors il dut aborder le sujet de lui-même avec l’impression de se jeter au feu.

« Tu ne vas vraiment rien me demander ? »

Inas soupira et le regarda.

« Vous voulez que je vous pose la question ?

– Je préfère régler ça maintenant, plutôt que tu en parles plus tard.

– Entendu. Alors, vous avez été voir Glarus ?

– Oui.

– Bon, très bien.

– Tu ne vas rien me demander de plus ? »

Il ne s’attendait pas à n’avoir que cette question bête à la réponse très simple qui ne réglait rien du tout.

Traduction faite par Karura Oh. Lisez sur mon site http://karuraoh.free.fr ou sur Scan Manga. Si vous la voyez sur un autre site, c'est qu'ils ont volé cette traduction !

Face à la question de Nigel posée sur un ton provocateur, Inas s’arrêta de bouger. Le regard qu’il lança à Nigel était si glacial que ce dernier se demanda comment il avait pu penser que cela pouvait se régler facilement. Inas, qui d’ordinaire parlait sans hésiter, ouvrit et referma la bouche plusieurs fois avant de se lancer :

« Vous voudriez que je vous demande ce que vous êtes en train de comploter avec Glarus ? Mais si jamais j’entendais la réponse, je pense que ça m’inciterait à vouloir vous tuer, seigneur Nigel. Alors je préfère prendre sur moi. »

Nigel avait eu l’intention de tenir le coup et d’écouter pour une fois tout ce qu’avait à dire Inas, mais il se mit à sangloter intérieurement avant même que l’adolescent n’arrive au bout. Cela semblait être une réponse courtoise, mais ce qu’elle cachait était très rude.

Dans un accès de colère, Nigel répliqua :

« C’est donc si facile pour toi de me tuer ?

– Bien sûr, parce que votre vie n’a aucune valeur.

– … »

Nigel ravala ses insultes et se rongea les ongles inconsciemment. Inas tendit aussitôt la main pour baisser efficacement la main du garçon. Malgré ce geste amical, le cœur agité de Nigel ne se calma pas du tout.

Sa valeur. Nigel aurait bien aimé convertir sa vie en argent pour le montrer à Inas. S’il devenait l’héritier de la famille de Magnus et le messager de Dieu, sa vie ne vaudrait-elle pas au moins des centaines de millions de rubels ?

Après avoir pensé aussi loin, Nigel se sentit un peu déprimé. Quelle que soit la valeur monétaire de sa vie, Inas pouvait facilement l’anéantir. Après tout, de l’argent qui allait disparaître une fois que le monde serait réinitialisé n’avait pas la moindre valeur pour Inas.

« Je n’ai rien fait de ce genre, se défendit-il d’une voix qui se voulait calme. Je suis juste allé au temple parce qu’il y avait quelque chose que je voulais vraiment demander à Glarus.

– Fort bien.

– Tu ne vas vraiment pas me demander ce que c’est ?

– En effet.

– Même si après cette session, ce sera la fin de tout ?! »

Face à ces mots presque crachés, Inas haussa un sourcil. Il médita les paroles de Nigel un moment, puis répéta :

« Cette session sera la dernière ?

– Oui !

– C’est de ça dont vous êtes allé parler avec Glarus ?

– Oui. Il a dit que le monde avait atteint sa limite, » répondit doucement Nigel.

Il n’arrivait pas à croire qu’il pouvait parler librement. Il aurait cru qu’il serait empêché de parler à cause des restrictions.

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Il continua rapidement, se demandant si sa liberté subite de parole n’était pas due à un bug ou autre chose :

« En fait, j’ai trouvé quelque chose du nom de Save Data dans le manoir.

– Save Data ?

– Oui, c’est le titre d’un livre qui contient toutes les sessions jusqu’à celle-ci. J’ai pu voir toutes les sessions que tu as vécues. Le problème, c’est que nous sommes dans la cent millième session, mais que c’est la limite de capacité du livre. On ne peut pas aller au-delà. »

Heureusement, Nigel put aller au bout de son explication. Inas regarda un Nigel à bout de souffle d’un air qui ne laissait rien deviner de ses pensées. Au bout d’un long moment, il ouvrit la bouche avec un air bizarre :

« Un tel livre existe ?

– Tu ne le savais pas ?

– Non. »

Le regard d’Inas, qui répondit tout de suite, ne montrait absolument pas l’étonnement dû au fait d’avoir appris quelque chose d’inconnu. On aurait plutôt dit qu’il trouvait que Nigel disait quelque chose de bizarre et ses yeux étaient remplis de doute.

De son côté, Nigel n’était pas non plus entièrement convaincu par la réponse d’Inas. Lui qui avait répété cette boucle cent mille fois d’après le livre dans le bureau, comment aurait-il pu ignorer son existence ? Pour Nigel, c’était normal de voir ce livre pour la première fois mais Inas, qui avait plus de lien avec le système à cause des régressions répétées, aurait dû l’avoir vu au moins une fois.

Nigel fit claquer sa langue en voyant leurs regards suspicieux. Leur confiance mutuelle était vraiment très faible.

« Il est dans le bureau. Tu ne l’as vraiment jamais vu ? insista-t’il.

– Je ne l’ai jamais vu. »

Nigel avait bien du mal à y croire. Cependant, Inas n’était pas du genre à agir ainsi s’il savait vraiment tout. Nigel dut en conclure qu’Inas ne savait bel et bien rien au sujet du livre.

Il n’y avait donc qu’une seule chose à faire.

« Suis-moi. »

Tu me croiras une fois que je te l’aurai montré.

Nigel attrapa aussitôt la main d’Inas et sortit dans le couloir pour se diriger vers le bureau. Il ignorait si Inas serait capable de lire le contenu du livre mais au moins, rien que l’existence particulière de ce livre servirait à prouver que Nigel avait dit vrai.

Le garde dans le couloir les salua et ils arrivèrent rapidement au bureau, qui était désert.

Nigel regarda tout autour dans la pièce plongée dans les ténèbres. Contrairement à la dernière fois où il était venu, il n’y avait plus aucune trace de Rimera. Nigel se sentait toujours un peu coupable de ne pas avoir reconnu sa mère et de l’avoir négligée sur le moment, préoccupé par autre chose.

Mais ce n’était pas ça qui comptait pour le moment. Nigel entraîna Inas directement vers l’endroit où il avait laissé le livre. Puis il leva sa lanterne et vérifia le divan.

« … »

Il n’y avait clairement pas de livre dessus.

Pourtant, il l’avait définitivement laissé là la dernière fois. Nigel regarda autour de lui, confus, mais il ne vit nulle part une trace de ce livre.

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« Alors, où est ce livre ?

– Attends un peu. »

Tandis qu’Inas resta là à le presser, Nigel fouilla dans tout le bureau. Il vérifia plusieurs fois l’étagère et même l’espace étroit sous le meuble. Ce livre n’avait pas pu se faire pousser des jambes pour s’en aller tout seul, alors pourquoi n’arrivait-il pas à le trouver ? Se pouvait-il que le livre soit allé automatiquement dans son inventaire ? Nigel ouvrit la fenêtre pour voir mais sans surprise, le livre n’était pas là.

Il n’était nulle part. Le livre s’était complètement volatilisé en l’absence de Nigel.

« Où, où a-t’il bien pu passer ?

– Nigel… »

Il y avait une pointe de pitié dans la voix d’Inas, qui était resté à le regarder.

Nigel secoua la tête désespérément.

« Quelqu’un a dû entrer et le prendre !

– Dans le bureau du duc de Magnus ?

– Euh… Non, bien sûr que non. »

Il était impossible de passer à travers la sécurité étroite et d’infiltrer le bureau du duc de Magnus pour voler un livre. D’autant plus qu’avec la disparition de Nigel en fin de journée, le manoir était passé en alerte et la sécurité avait dû être renforcée.

Nigel trouvait aussi que ses paroles n’étaient pas très convaincantes. Pourtant, il avait bel et bien vu ce livre qui avait maintenant disparu.

Inas observa un moment Nigel, qui était confus et frustré, avant de hausser les épaules.

Il aboutit ensuite à une conclusion qui ne plut pas du tout au garçon :

« Seigneur Nigel, vous êtes sûr que vous n’auriez pas été trompé par Glarus ?

– Non ! J’ai vraiment vu ce livre !

– Glarus est par nature un charlatan.

– C’est aussi le dieu qui protège l’équilibre du monde.

– Mais il ne se gêne pas pour mentir. Et vu que vous êtes partiellement sous son contrôle, il aurait pu facilement vous montrer une illusion.

– Ce n’est pas ce qui s’est passé. Ai-je vraiment vu ce livre ? Oui, je l’ai vraiment vu. Je l’ai vu et c’est pour ça que je suis allé voir Glarus. Il ne m’a pas du tout trompé…

– Nigel… »

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Le même Inas qui à peine tout à l’heure avait proféré des mots rudes et violents comme ‘je vais vous tuer si vous complotez contre moi’ avait à présent les yeux remplis de pitié. C’était comme s’il regardait un enfant innocent qui s’était fait arnaquer par un charlatan et avait acheté pour dix pièces d’or une soi-disant potion d’immortalité qui n’était en fait que de l’eau.

Voilà pourquoi il valait mieux se montrer direct, quitte à être cruel. Nigel se hérissa face à ces yeux qui le regardaient comme s’il manquait de bon sens.

« Je l’ai vraiment vu !

– Mais oui, très bien, vous l’avez sûrement vu, » concéda Inas comme pour cajoler un enfant dont il ne croyait pas les paroles.

Nigel allait devenir fou à force.

« Puisque je te dis que je l’ai vu ! »

Il était vraiment impossible de le convaincre sans preuve. Nigel vacilla à cause de la colère, ayant subitement le tournis. Son corps s’affaissa pathétiquement, n’ayant pas la force de rester plus longtemps en colère. Inas le prit dans ses bras.

« Je vous crois, alors soyez tranquille, Nigel. »

Tu ne me crois pas du tout, ce ne sont que des belles paroles ! C’est gentil, mais ça ne me fait pas du tout plaisir !

Nigel était mitigé. Où était donc passé ce fichu livre ? Cela n’avait pas du tout été une hallucination.

Note de Karura : Comme l’a dit Nigel, la confiance entre Inas et lui est vraiment très basse, dans les deux sens ! Ça a changé depuis le tout premier chapitre 😅

Notes du chapitre :
(1) Après toute une nuit, vous imaginez bien que les chevaux ont crotté à cœur joie !

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