Ancient Gods Sanctuary 1

Chapitre Un : Le vol


Au centre du village de Hartros, on pouvait entendre les rires des enfants par-dessus le doux murmure de la fontaine au centre du village. Et pourquoi les enfants ne s'amuseraient-ils pas ? Il faisait beau, les récoltes déjà bien entamées promettaient d'être abondantes et dans l'ombre d'Olympias, la Montagne des Dieux, le village ne craignait aucune attaque. Assise sur le rebord de la fontaine, la voyageuse s'était arrêtée pour goûter un dernier moment de calme. Malgré la température estivale, elle portait une fine cape écrue dont la capuche relevée dissimulait son visage. Elle avait surgi de nulle part et personne ne semblait avoir remarqué sa présence. Bien qu'elle soit clairement une voyageuse, elle n'avait aucun bagage et n'avait pas cherché à se rendre à l'unique auberge du village pour se restaurer ou se débarrasser de la poussière du voyage. Cela faisait déjà une heure qu'elle était assise là, comme si elle hésitait à poursuivre son chemin. Finalement elle se leva résolument et s'éloigna de la fontaine.


L'un des enfants qui s'amusaient en bande sur la place principale ne la vit que trop tard, à savoir quand il la bouscula sans faire exprès alors qu'il cherchait à éviter de se faire rattraper par un de ses amis. Le choc ne fut pas trop violent, il fit juste vaciller les deux impliqués. Penaud, le garçon leva les yeux vers la femme, bouche bée, trop surpris pour pouvoir parler.

« Malki ! »

L'appel venait d'une jeune femme à peine sortie de l'enfance, apparemment chargée de surveiller les enfants. Elle courut vers le petit garçon, ses longs cheveux violets s'agitant sous le rythme rapide de ses foulées, et elle lança un regard d'excuse à la voyageuse.

« Pardonne à mon cousin, fit-elle. Il n'a pas grand-chose dans le crâne.

- Hé ! s'offusqua le concerné. Alinda, je vais le répéter à ta mère ! »

La jeune fille posa les mains sur les hanches et le toisa avec un grand sourire.

« Ce genre de menaces ne fonctionne que sur les enfants, tu sais, » le taquina-t-elle.


Pour toute réponse, le garçon lui tira la langue et repartit jouer avec ses amis. Alinda soupira et se tourna vers l'inconnue qui avait observé cet échange sans réagir.

« Encore désolée, répéta-t-elle.

- Ce n'est rien, » répondit enfin l'étrangère.

Elle avait une voix mélodieuse et profonde. Alinda se sentit intriguée, sans trop savoir pourquoi.

« Vous venez de loin ? » demanda-t-elle.

L'air de rien, elle se pencha légèrement afin d'apercevoir le visage de l'autre femme. Elle ne put voir qu'une mèche de cheveux blonds et un nez bien dessiné avant que la voyageuse ne lui tourne le dos, sa longue cape volant autour d'elle.


Confuse, Alinda n’eut même pas le courage de l’interpeller alors que la voyageuse s’éloignait de plus en plus. Elle sentit quelque chose s’agiter en elle, une curieuse émotion qu’elle n’avait encore jamais ressentie et qu’elle ne pouvait nommer. Terreur et émerveillement… C’était bien trop confus.

« C’était qui ? » demanda Malki, revenu finalement à côté d’elle.

Comme Alinda ne répondit pas tout de suite, il leva les yeux vers sa cousine.

« Hein ? c’était qui ? » insista-t’il.

La jeune femme cligna des yeux, sortant de sa stupeur, et tourna la tête pour croiser son regard.

« Je ne sais pas. Juste une voyageuse. Tu as fini de jouer ? »

Comme le garçon acquiesçait, elle poursuivit :

« Alors je te ramène chez toi. »


Les deux cousins prirent la direction du village. Alinda ne put s’empêcher que l’étrangère semblait se diriger vers la Porte des Dieux… Mais cela ne voulait rien dire. Tant de gens faisaient le chemin jusqu’à la Porte dans l’espoir d’obtenir une faveur des dieux, faveur qu’ils n’avaient pu obtenir en priant dans les temples. Mais les dieux étaient impitoyables et personne ne revenait vivant de là. Cette inconnue avait sans doute hésité longtemps avant de se décider à se rendre à la Porte des Dieux… mais elle finirait morte comme les autres, à coup sûr.


Les dieux ne favorisaient aucun mortel. Telle était leur sublime et cruelle nature.

~*~

Le chemin à travers le défilé rocailleux s’interrompait brutalement sur une paroi rocheuse à-pic. S’élevant jusqu’à une hauteur vertigineuse, à travers les nuages, le sommet d’Olympias ne se dévoilait pas aux yeux des mortels. Un vent sec soufflait sans cesse, balayant la fine poussière et rendant l’air sec et aride. Les aigles tournoyaient dans le ciel, leurs ombres se projetant sur la roche grise. Les animaux terrestres évitaient soigneusement cet endroit, leur instinct leur dictant de ne jamais s'en approcher. Dans cet endroit désert se tenait pourtant un monument d’exception : la Porte des Dieux. Deux colonnes de pierre, l’une surmontée du symbole de la lune, l’autre du symbole du soleil, surgissaient de la montagne et entre elles, on pouvait apercevoir des marches taillées à même la pierre. Ce gigantesque escalier semblait ne jamais se finir. Même s’ils avaient commencé à la Création, l’Humanité n’aurait jamais pu accomplir un tel exploit. Cet escalier avait été créé par les dieux, aucun doute là-dessus, et il menait droit à Olympias, leur demeure.


On pouvait se demander à juste titre pourquoi les dieux — censés détenir des pouvoirs qui défiaient l’imagination — avaient bâti quelque chose d’aussi commun qu’un escalier. Les théologiens se perdaient en conjectures à ce sujet. Certains prétendaient qu’à une époque, les dieux et les mortels étaient bien plus proches et que cet escalier permettait aux mortels de rendre visite à leurs divins amis. Ceux qui osaient émettre cette hypothèse se faisaient aussitôt rire au nez. Les dieux et les mortels, amis ? C’était là tout bonnement inconcevable.


D’autres disaient que les dieux eux-mêmes ne se rappelaient plus de la raison d’être de cette Porte. Ceux-là se rendaient coupable d’hérésie car ils osaient supposer que les dieux puissent oublier quelque chose et donc étaient faillibles. En général, ils se faisaient brûler pour leur blasphème.


Et enfin, certains encore plus fous osaient soutenir que la Porte existait bien avant les dieux, insinuant par là qu’Ils n’avaient pas créé le monde… Ces gens-là, très peu nombreux au demeurant, finissaient aussitôt frappés par la foudre (alors que le ciel était clair), s’enflammaient brusquement jusqu’à ne plus laisser qu’un petit tas de cendres ou alors vieillissaient en une seconde avant de mourir brutalement. Nul besoin de justice humaine dans ce cas, les dieux se chargeaient personnellement de ces déments qui osaient mettre en doute leur suprématie sur ce monde. Bien entendu cela ne s’était plus produit depuis fort longtemps mais les histoires transmises de génération en génération en faisaient toujours mention, dans le but de dissuader les plus audacieux.


Quant à la véritable origine de cet escalier... En réalité, il n'était pas si vieux que ça, il avait moins de deux mille ans — une éternité pour les mortels, un battement de cil pour les dieux. Et les circonstances de sa création étaient très particulières si bien que chaque dieu s'en rappelait parfaitement. Mais l'histoire de cet escalier attendrait encore un peu.


De toute façon, seuls les gens les plus désespérés se rendaient à la Porte car l’on savait que c’était la mort assurée. Les dieux avaient bien mieux à faire que d’écouter les suppliques des mortels et par-dessus tout, ils n’appréciaient guère qu’on vienne les déranger en bas de chez eux. C’était de notoriété publique, pourtant il y avait toujours des inconscients pour se présenter à la Porte. Comme cette voyageuse qui avançait sans crainte, sa cape écrue balayée par le vent. Elle s’arrêta au pied de l’une des colonnes, celle qui portait le symbole du soleil, et osa poser une main dessus. Sa capuche toujours rabattue sur son visage, elle resta là un moment, perdue dans ses pensées avant qu’un sourire nostalgique ne vienne étirer ses lèvres. Finalement, ses épaules se soulevèrent alors qu’elle prenait une profonde inspiration puis elle fit un pas vers l’escalier.


Un fragment de pierre explosa soudain à ses pieds. Reculant instinctivement, elle se tourna dans toutes les directions à la recherche de l’origine de cet incident. À plusieurs pas derrière elle, un homme avait surgi de nulle part. Les cheveux noirs et bouclés, il semblait à peine sorti de l’adolescence pourtant il dégageait une ferme assurance qui transparaissait dans ses yeux sombres dont la profondeur aurait mieux convenu à quelqu'un de plus âgé. Vêtu d’une tunique bleue sans manche, une cape dorée sur les épaules, il s’avança vers l’inconnue qui s’était figée en le voyant.

« Encore un mortel qui s’imagine pouvoir parler aux dieux, marmonna-t-il. Ne sais-tu donc pas que c’est la mort garantie pour celui qui ose souiller cet endroit de sa présence ? »


La voyageuse ne répondit rien. Elle ne paraissait pas particulièrement effrayée, seulement… ennuyée.

« Hé, mais tu es une femme ! réalisa-t’il soudain avec un sourire. Montre-moi un peu ton visage et si tu es jolie, je pourrai songer à épargner ta vie… en échange d’un peu d’affection ! » ajouta-t’il avec un rire goguenard.

La femme se raidit en entendant cela.

« Répugnant, fit-elle d’un ton digne. J’ignorais que toi, Persée, chevalier d’Athéna, partageait les goûts douteux de Zeus en ce qui concerne les mortelles ! »

Le dénommé Persée écarquilla les yeux, saisi par l’étonnement d’avoir été reconnu mais aussi par l’indignation devant ces propos insultants envers le roi des dieux grecs.


« Que… De quel droit te permets-tu de parler ainsi du grand Zeus ? Qui es-tu ? Au nom de ma maîtresse, la divine Athéna, gardienne d’Olympias, je t’ordonne de décliner ton identité ! » fit-il en pointant un doigt impérieux vers elle.

La femme eut un sourire moqueur.

« Tu n’as rien à m’ordonner, misérable petit chevalier, et sache que si tu me mets en colère, tu le regretteras. »

Persée plissa les yeux. Il était clair qu’il n’avait pas une mortelle en face de lui, contrairement à ce qu’il avait cru au départ. C’était soit une chevalière comme lui, soit une déesse. En tout cas, au vu de ses propos inadmissibles envers Zeus, elle venait forcément des dieux antiques… Persée se mordit les lèvres. Le fait que cette racaille cherche à s’introduire dans Olympias par la porte dérobée ne présageait rien de bon : seuls ceux qui souhaitaient que leur présence à Olympias reste secrète agissaient ainsi.


Persée concentra son pouvoir, plus déterminé que jamais à arrêter cette femme. Il devait découvrir son identité et les raisons de sa venue à Olympias. Un chevalier n’avait pas le droit de se battre contre un dieu mais puisqu’elle refusait de donner son nom et son statut, il était parfaitement en droit de l’attaquer même s’il avait ses doutes quant à son statut.

« Dis-moi qui tu es, » exigea-t’il de nouveau.

La femme eut un sourire féroce… et l’air explosa autour d’elle.

« Aaah ! »

Balayé par le souffle de cette subite explosion, Persée heurta rudement la paroi rocheuse de la Montagne des Dieux, à tel point que son corps s’enfonça dans la pierre. Il relâcha un cri de douleur en même temps qu’un caillot de sang. Plusieurs de ses organes internes avaient cédé sous la pression, il avait quelques côtes brisées et son crâne avait également reçu un sérieux coup. Un mortel serait mort sur-le-champ mais un chevalier était un peu plus résistant que cela. Il avait juste besoin de quelques minutes pour se régénérer, à condition que son adversaire lui en laisse le temps.


La mystérieuse femme retira sa capuche et ses longs cheveux dorés attachés en queue de cheval haute flottèrent au vent. De ses yeux d’un violet profond — une autre preuve indéniable qu’elle n’était pas mortelle car seuls les dieux et leurs chevaliers pouvaient obtenir des attributs physiques aussi improbables — elle l’examina avec froideur. Persée lui rendit son regard, même s’il peinait à garder les yeux ouverts et qu’un voile de sang gâchait sa vision. Il savait qu’il était vulnérable et qu’elle pouvait le tuer d’un geste. Pourtant ce geste ne venait pas.

« Non, murmura-t-elle, je ne suis pas venue pour tuer… J’ai déjà assez d’ennuis comme ça, je n’ai pas besoin en plus qu’Athéna vienne me chercher querelle pour un stupide chevalier. Ça n’en vaut vraiment pas la peine. »


Persée en eut froid dans le dos. Impuissant, il la vit se détourner soudain de lui comme s’il n’avait plus aucune importance, et se diriger vers l’escalier. Elle disparut rapidement de sa vue et il lâcha un gémissement. Il avait failli dans sa mission de gardien de la Porte et ce fut rempli de honte qu’il contacta mentalement sa maîtresse, Athéna. Une racaille antique avait pénétré dans Olympias. La paix était à nouveau menacée.

~*~

Dans sa demeure, la divine Artémis dînait avec sa sœur, la toute aussi divine Athéna. La demeure était aussi luxueuse que le palais d’un roi et l’opulence se dégageait du moindre détail : du sol marbré aux tentures de soies, de la table finement sculptée en bois satiné aux couverts en argent ornés de pierres précieuses, des robes somptueuses des deux déesses aux plats extravagants dont elles se nourrissaient. Les dieux étaient habitués à vivre dans le luxe et jamais ils ne s’en lasseraient, même après une éternité ou deux.


Athéna venait de finir de raconter une anecdote sur sa dernière incursion dans le monde des mortels : un libraire qui ne l’avait pas reconnue — fallait-il être aveugle pour cela — lui avait interdit l’entrée de son échoppe. Désormais, l’inconscient ne pouvait plus que se nourrir de papiers, condamné à manger les livres qu’il aimait tant sous peine de mourir de faim. Artémis avait ri de bon cœur, ses yeux bleus pétillant.

« Encore une histoire que les mortels se transmettront entre eux, fit-elle, et qui leur fera craindre davantage les dieux. Je trouve vraiment que ton châtiment contenait une certaine forme de poésie, ma chère sœur.

- Venant de la part de la jumelle du dieu des Arts, du Chant et de la Poésie, ton compliment me va droit au cœur, ma demi-sœur. »


La déesse blonde de la chasse laissa échapper un soupir devant la correction de sa parente.

« Tu ne changeras décidément jamais ! commenta-t’elle affectueusement. Toujours aussi à cheval sur les détails ! »

Athéna plissa ses yeux pers.

« Ce sont les détails qui font tout, insista-t-elle. Pour les mortels, Zeus est notre père mais nous n’avons pas la même mère. Donc nous ne sommes que demi-sœurs. »

Artémis fit la moue.

« Pour les mortels, tu es née de la tête de Zeus ! Faut-il être vraiment stupide pour croire à une pareille fable ! »

Elle porta une fine main à sa bouche pour cacher son rire.


Athéna saisit une mèche de ses longs cheveux bruns qui tombaient en cascade sur son dos, seulement maintenus en place par un diadème étincelant. Sa robe noire était de coupe simple, laissant ses épaules dénudées et tombant jusqu’au sol, mais le tissu était d’excellente facture. Les mortels n’auraient sans doute pas reconnu en elle la déesse guerrière, oubliant qu’elle représentait à la base la sagesse, les sciences et les arts. Elle n’avait pas toujours été aussi féminine mais depuis un certain événement, elle se laissait aller à une certaine coquetterie. Assise en face d’elle, Artémis, la déesse de la chasse et la sœur jumelle d’Apollon, était non moins élégante. Comme la grande majorité des dieux, elle n’avait jamais modifié son apparence physique : des yeux bleus, de longs cheveux blonds, un visage fin aux traits délicats, plutôt petite mais loin d’être frêle.


Athéna se leva brusquement, le visage figé, et Artémis la fixa avec surprise.

« Que… ? »

La déesse de la sagesse leva une main pour la faire taire tandis qu’elle semblait écouter quelque chose. Finalement elle fronça les sourcils.

« Désolée, ma demi-sœur, mais je dois te quitter tout de suite. Une affaire urgente. »

Sans même un signe de la part d’Athéna, l’un de ses deux chevaliers, Bellérophon, s’avança vers sa maîtresse. Son visage était également grave, à tel point que cela intrigua Artémis.

« Dis-moi ce qui se passe, Athéna, » demanda-t-elle d’un ton empressé.


L’autre déesse hésita puis soupira.

« Persée a été blessé en voulant empêcher quelqu’un de passer par la Porte.

- Qui était-ce ? Un des nôtres ou des leurs ?

- Il ne l’a pas reconnue mais il affirme que c’était l’une des leurs… une chevalière ou une déesse antique. »

Artémis renifla d’indignation.

« Ai-je bien entendu ? Cette vermine serait donc revenue. Mais quel culot !

- Tu oublies un peu vite que c’est notre père qui leur a permis de vivre parmi nous, » rappela Athéna en fermant un instant les yeux.


Artémis n’avait rien oublié, de même qu’Athéna. Comme tous les autres dieux grecs, elles s’étaient vaillamment battues contre les dieux antiques qui avaient voulu s’emparer d’Olympias. Ces derniers étaient finalement parvenus à leurs fins… pour ainsi dire.

« Je n’arrive toujours à croire que notre père ait cédé devant eux et leur ait accordé la moitié de notre Demeure ! fit Artémis en fronçant ses fins sourcils. On aurait dû continuer à nous battre jusqu’au bout ! »

Athéna haussa un sourcil.

« Tu veux dire, jusqu’à la destruction complète et totale de l’Univers ? Parce que c’était ce qui allait se produire, me semble-t’il, et ce fut aussi ce qui décida notre père à passer cet accord. »

Artémis renifla à nouveau. Elle n’était pas près de reconnaître ce point même si elle n'avait guère apprécié de devoir se battre.

« De toute façon, on se demande pourquoi ils voulaient tant Olympias ; on ne les voit quasiment plus ces derniers temps ! » marmonna-t'elle.


Il était vrai que le quartier des dieux antiques était pratiquement désert. Juste après leur victoire, ils s’étaient effectivement installés en nombre mais ces dernières décennies… cette partie d’Olympias s’était peu à peu dépeuplée pour des raisons inconnues et il était devenu rare de croiser un dieu antique, que ce soit à Olympias ou dans le monde des mortels.

« Quoi qu’il en soit, reprit Athéna, l’une des leurs s’est introduite furtivement dans Olympias. En tant que gardienne, et en l’absence de notre père, je me dois de l’appréhender et de l’interroger.

- Alors je viens avec toi, insista l’autre déesse. Avec cette racaille, il vaut mieux être prudent. »

Athéna ne trouva aucune raison de refuser. En un battement de cil, les deux femmes changèrent leur tenue élégante pour une armure divine — un autre aspect pratique de leurs pouvoirs. Accompagnées de leurs chevaliers — Bellérophon, second chevalier d’Athéna en plus de Persée, et Hélios, unique chevalier d’Artémis — elles quittèrent la demeure d’Artémis pour remonter la grande rue pavée et gagner l’autre côté de la colline d’Olympias : le quartier des dieux antiques.


Artémis contempla les demeures alignées et frémit intérieurement. Contrairement au quartier des dieux grecs, l’endroit était désert, voire quasiment lugubre tandis que la nuit s’emparait peu à peu du Domaine des Dieux. Normalement, des sphères magiques auraient dû apparaître automatiquement dès la tombée de la nuit afin d’illuminer les demeures, mais il n’y avait rien de tout cela en ces lieux. Ou plutôt, il n’y avait plus personne pour s’en préoccuper.

« Ce n’est pas plus mal, songea Artémis. Les dieux antiques ne vont plus tarder à se lasser d’Olympias et nous pourrons enfin récupérer cet endroit pour nous tous seuls ! »

Ce n’était pas qu’ils manquaient de place, c’était plutôt une question de fierté. Artémis trouvait difficile de garder la tête haute devant qui que ce soit, même des mortels, tandis que le souvenir de cette cuisante défaite la taraudait sans cesse. Elle jeta un regard en coin à sa sœur. Athéna avait perdu bien plus qu’une bataille et sa fierté ce jour-là.


« Maîtresse, fit soudain Bellérophon qui se trouvait en avant, là-bas. »

Les deux déesses regardèrent dans la direction indiquée et malgré l’obscurité naissante elles purent apercevoir une silhouette furtive quitter l’une des demeures. Artémis invoqua un orbe de lumière juste à côté de la fugitive.

« Halte-là ! s’écria Bellérophon. Au nom du puissant Zeus, viens te présenter à nous ! »

La personne était revêtue d’une longue cape claire à capuche, son visage dissimulé. Elle s’était figée quand l’éclat de l’orbe l’avait surprise. Hélios, le chevalier d’Artémis, se tenait prêt à la pourchasser si jamais elle tentait de s’enfuir mais il semblait que telle n’était pas son intention. Elle se dirigea tranquillement vers eux, sans pour autant montrer son visage.

« Tiens donc, fit-elle. Artémis et Athéna… Je ne m’attendais pas à vous voir ici. Vous vous êtes égarées ? »


Athéna fronça les sourcils. Vu la familiarité avec laquelle cette femme s’adressait à elles, il ne pouvait s’agir que d’une déesse antique et non une chevalière. Quelle que soit leur origine, les chevaliers devaient le respect aux dieux des deux camps.

« Je suis venue accomplir mon devoir en tant que gardienne d’Olympias, répliqua la déesse de la sagesse calmement mais fermement. Tu t’es introduite en secret dans la Demeure des Dieux et tu as attaqué un de mes chevaliers. Dis-moi qui tu es et quelles sont tes intentions. »

La femme retira sa capuche. Les deux sœurs la dévisagèrent avec attention puis Artémis fit une grimace écœurée. Elle ne reconnaissait pas la déesse blonde aux yeux mauves.

« Pouah, pourquoi certains s’amusent encore à tenter de changer d’apparence  ? pesta-t'elle. C’est passé de mode et cela prouve seulement une grande inconstance, tu sais ?! »

Sentant le regard lourd de sa sœur sur elle, elle se reprit aussitôt :

« Oui mais toi, ce n’est pas pareil, Athéna ! Tu as juste changé une fois et encore, juste un peu… »


Athéna secoua la tête en signe d’impuissance et d’exaspération devant la frivolité de l’autre déesse. Elle préféra se concentrer de nouveau sur la déesse antique :

« Dis-nous ton nom, par ordre de Zeus, roi des dieux grecs et dieu du ciel. »

La femme blonde eut un sourire moqueur.

« Ton roi n’a aucune autorité sur moi. »

Athéna ne se laissa pas démonter.

« Alors par ordre de Myst Nail, roi des dieux antiques et dieu du mal. D’après l’accord signé à la fin de la Bataille d’Olympias, la sécurité intérieure est assurée par mes soins et tous, grec ou antique, doivent se soumettre à mon autorité. »

Le sourire s’élargit et Athéna sentit soudain une étrange inquiétude poindre en elle.

« Je ne réponds qu’à moi-même, répliqua la déesse inconnue. J’ai fini de faire ce que je voulais ici et j’étais sur le point de repartir. Et si on disait que vous ne m’aviez pas vue ? Après tout, aucun mal n’a été commis.

- Et ce pauvre Persée que tu as presque tué ?! intervint Artémis avec indignation. Comment oses-tu dire qu’aucun mal n’a été commis ?

- Ce misérable chevalier m’a manqué de respect, répliqua la déesse en tournant la tête. Une telle attitude méritait un châtiment.

- Aussi terrible ?

- Oh ça va, il n’est pas mort ! Et quand bien même ce serait le cas, quelle importance ? Ce n’est qu’un chevalier, après tout… ils peuvent se réincarner comme nous, de toute façon. »


Athéna écarquilla soudain ses yeux pers et prit une brusque inspiration, frappée par l’illumination. Cette attitude hautaine, ce mépris évident envers les chevaliers… Elle invoqua un orbe de lumière pour éclairer la demeure dont était sortie l’intruse. Ses craintes furent confirmées. Frénétique, elle se tourna alors vers la déesse qui avait suivi ses actions et dont le visage s’était assombri.

« Alors c’est toi… »

Athéna fit un pas vers elle tandis que l’autre femme fermait les yeux, le visage impénétrable.

« Shao Paï… »

Le murmure qui s’échappa des lèvres de la déesse de la sagesse parut s’amplifier et résonner tout autour d’eux comme un écho sans fin. Artémis se tourna vers sa sœur, muette de surprise, avant de regarder de nouveau la déesse antique. Finalement, elle haussa les sourcils.

« Tu es sûre que c’est elle ? demanda-t’elle prudemment.

- Elle est sortie de la demeure de Shao Paï, répondit Athéna. Personne d’autre n’oserait y entrer ! »


La dénommée Shao Paï soupira avant de rouvrir les yeux et de darder un regard mécontent vers les deux autres déesses.

« C’est malin, fit-elle. Et moi qui voulais rester discrète… Enfin, il me reste toujours la possibilité de vous tuer sur-le-champ. »

Une flamme s’alluma dans ses yeux mauves alors qu’elle retirait sa cape. Le corps fin et svelte recouvert d’une courte tunique blanche aurait plutôt convenu à une danseuse mais les apparences ne voulaient rien dire avec les dieux. Athéna et Artémis savaient très bien qu’elles avaient en face d’elles l’une des plus puissantes déesses antiques, celle que l’on prétendait même l’égale de Myst Nail ou de Zeus, la très fantasque et controversée Shao Paï, déesse de la destruction.


« Te voilà de retour, » fit Athéna en faisant un pas de plus vers l’autre déesse.

À ses côtés, Artémis lui lança un regard inquiet.

« Ma sœur… »

Cependant, Athéna semblait être entièrement concentrée sur la femme en face d’elle, ses lèvres se retroussant peu à peu pour dévoiler un sourire qui faisait froid dans le dos. La partie guerrière de son être semblait avoir refait surface.

« Tu dis que tu veux me tuer ? lui lança Athéna. Rien ne pourrait me faire plus plaisir… Si tu savais depuis combien de temps j’attendais que tu commettes une erreur de ce genre, juste pour pouvoir t’affronter de nouveau… depuis la Bataille d’Olympias… »


Athéna tendit la main droite à côté d’elle et dans un flot de lumière, une lance se forma. C’était là son attribut et son arme de prédilection.

« Athéna, fit soudain Artémis d’une petite voix angoissée, nous ferions mieux d’avertir…

- Silence ! la coupa sa sœur en brandissant son arme. Je te défends d’intervenir ou d’appeler qui que ce soit ! C’est entre elle et moi, compris ? »

Artémis acquiesça rapidement. Elle savait mieux que quiconque à quel point sa sœur s’était sentie humiliée après sa défaite contre Shao Paï, mais il y avait encore bien plus derrière…


Shao Paï était restée immobile, indifférente devant la fureur d’Athéna. Elle n’avait même pas fait apparaître son arme. Seul un air songeur flottait sur son visage.

« Tu dis que tu m’en veux pour la Bataille d’Olympias ? fit-elle. Mais cela fait quoi, mille ans ? Deux mille ans ?

- Mille huit cents ans, rétorqua Athéna qui en avait compté chaque année.

- Tant de choses se sont passées depuis, fit Shao Paï en croisant les bras. Tu n’es pas passée à autre chose ? Parce que moi, j’ai déjà oublié depuis longtemps… »

Les doigts d’Athéna saisirent la hampe de la lance encore plus fort, à tel point que les jointures blanchirent. La déesse de la sagesse tremblait de la tête aux pieds, non pas de peur mais du désir retenu de tuer celle qui lui faisait face.

« Tu as oublié, répéta-t-elle avec incrédulité, sa fureur se décuplant. Alors laisse-moi te rafraîchir la mémoire ! »

Et elle s’élança vers son ennemie avec un cri de guerre, sa force divine se déployant autour d’elle.

~*~

Les dieux grecs et leurs chevaliers étaient tous réunis à Olympias, presque une centaine de personnes en tout, toutefois ce n’était pas en raison d’un banquet. Bien au contraire, les mines étaient sombres car nul n’ignorait la situation actuelle : les dieux antiques avaient quelques temps auparavant réclamé le libre accès au domaine des dieux grecs ainsi que le droit d’y installer eux aussi leur demeure. Quand Zeus le leur avait refusé, ils avaient menacé de prendre les lieux par la force. Et ils avaient tenu parole. Voilà pourquoi ils se trouvaient à présent tous réunis au pied d’Olympias, légèrement moins nombreux que les dieux grecs mais tout aussi redoutables.


Zeus et Héra, les souverains des dieux grecs, préparaient en ce moment même une stratégie de défense. Les dieux antiques n’avaient pas encore attaqué. Ils ne pouvaient pas se matérialiser directement sur le territoire d’Olympias à cause du champ de force érigé par Zeus pour protéger le Domaine des Dieux. Ce champ de force permettait en général à n’importe qui d’entrer sauf que Zeus en était aussitôt averti. Depuis les menaces des dieux antiques, le roi des dieux grecs avait modifié la protection pour ne plus laisser passer aucun dieu ou chevalier antique, mais nul ne doutait qu’ils finiraient par trouver une méthode pour entrer. La seule question à se poser était de savoir si les dieux grecs devaient les attaquer avant. Le temps des négociations était terminé depuis longtemps et les deux camps ne rêvaient que d’en découdre avec l’autre.


Dans les rues pavées du domaine, Artémis regardait anxieusement en direction du campement invisible de leurs ennemis.

« Calme-toi, petite sœur, lui conseille Apollon, son frère jumeau et dieu des arts. Garde ton énergie pour la bataille. »

Physiquement les deux dieux se ressemblaient — blonds, les yeux bleus et le visage fin — mais leurs caractères différaient énormément.

« Je ne suis pas comme toi ! répliqua Artémis. J’ai horreur de me battre ! Rah, ces maudits dieux antiques… Pourquoi faut-il qu’ils viennent nous narguer jusque chez nous ?! C’est déjà bien pénible de devoir partager nos adorateurs avec eux, ils veulent en plus qu’on partage notre demeure ? »

Elle tapa du pied sur le sol, vêtue de son armure selon les ordres du Roi des dieux grecs.


« Continue comme ça, fit une voix moqueuse derrière elle, je suis sûre que tes grognements vont beaucoup impressionner les dieux antiques ! »

Piquée au vif, Artémis se retourna mais ravala toute réplique en croisant le regard pers d’Athéna. La déesse de la Guerre tenait sa lance sur ses épaules, ses cheveux noirs et courts comme ceux d’un homme ne dépassaient pas de son casque de guerrière, et toute son attitude trahissait l’anticipation du combat à venir. Derrière elle, ses deux chevaliers, Persée et Bellérophon, se tenaient également prêts à se battre.

« On ne devrait pas laisser des amateurs prendre part au combat, reprit Athéna en ne prenant pas la peine de dissimuler son mépris. Entre toi et Aphrodite, je ne saurais dire laquelle des deux va se faire massacrer la première… »


Artémis se recroquevilla, incapable de répliquer. Elle ne s’était jamais bien entendu avec sa sœur étant donné qu’Athéna méprisait tout ce qui était trop féminin à son goût. Mais de là à la comparer à cette empotée d’Aphrodite qui s’était confectionnée une robe armure en dentelles et lacis pour son chevalier Éros et elle… Le visage rouge de honte, Artémis supporta les piques cinglantes sans broncher mais elle bouillonnait intérieurement.

« Athéna, tu n’as pas mieux à faire ? » intervint Apollon au secours de sa jumelle.

Le sourire de la déesse de la sagesse s’élargit.

« Oh que si, répliqua-t-elle, j’aimerais bien affronter les dieux antiques mais Père ne veut toujours pas donner l’ordre d’attaquer alors en attendant… je m’occupe comme je peux ! »

Et sa meilleure façon de passer le temps semblait être de martyriser les plus faibles.


« Techniquement, intervint Artémis afin de prouver qu’elle s’y connaissait quand même un peu, ils ne font rien de mal en restant au pied d’Olympias. Notre père attend sûrement qu’ils tentent une invasion. Il ne veut pas les attaquer le premier, tant qu’il n’est pas dans son bon droit.

- Pfff, renifla Athéna, le bon droit est celui des vainqueurs, et nous allons les massacrer à coup sûr ! À condition déjà qu’ils percent le champ de force entourant cet endroit et ça, ce n'est pas gagné ! »

Athéna vouait une admiration sans bornes à leur père, Zeus, et elle ne pourrait jamais envisager qu'un seul dieu puisse être plus puissant que lui. Son regard pers s’illumina de soif de sang à l'idée du combat à venir et Artémis retint un gémissement écœuré. Décidément, elle ne pourrait jamais s’entendre avec quelqu’un d’aussi brutal et obsédé par les combats !

« Elle aurait dû être un homme, se dit-elle. Elle aurait dû être Arès. »


C’était peut-être par dépit et dégoût pour son sexe qu’Athéna faisait tout pour ressembler à un homme : la coupe de cheveux, le corps musclé et les épaules carrées, le visage sec, sans parler de l’attitude. En dépit de leurs tentatives, les dieux ne pouvaient pas changer réellement d'apparence en se réincarnant : même s'ils choisissaient des parents mortels au physique très différent du leur, au moment où ils possédaient l'embryon, ce dernier finissait immanquablement par prendre leur apparence. Cela avait été une source de frustration énorme pour les dieux qui étaient joueurs. Leur seul recours était donc de se servir d'une illusion pour modifier leurs traits. Cependant cela leur demandait une grande concentration alors ils ne s'en servaient que temporairement.


Un dieu grec ne renonça pourtant pas à son obsession de vouloir changer de sexe : Hermès, dieu des inventeurs, des voleurs et des voyageurs. Allez savoir si c'était à cause de raisons inavouables mais il voulait devenir une femme et n'avait pas ménagé ses efforts dans ce but. Il finit par réussir à posséder un embryon féminin sauf qu'une fois né, il s'était retrouvé dans un corps hybride à la fois masculin et féminin. D'abord ravi de ce résultat, il s'était affublé d'un nouveau nom, Hermaphrodite — inutile de préciser que la déesse Aphrodite avait été outrée par ce choix. Quand les autres dieux virent ça, plus personne n’osa lui adresser la parole. Il devint considéré comme fou et aux dernières nouvelles, il s’était terré dans une demeure dans un coin reculé du monde et ne voulait plus voir personne, se contentant de sa propre présence. Même ses chevaliers avaient été bannis de sa vue et ils erraient désœuvrés, abandonnés par leur maître(sse ?). Personne n’avait envie de finir comme lui alors ces expériences cessèrent aussitôt.


Il y eut soudain de l’agitation en direction du sommet de la colline : Zeus et Héra arrivaient enfin, suivis par leurs chevaliers — les trois Furies pour Héra, Héraklès et Ganymède pour Zeus. Les souverains des dieux avaient revêtu leur armure étincelante et ils descendaient le long des pavés en direction du pied de la colline, parmi la foule de dieux et chevaliers rassemblés.

« Est-ce enfin le moment, Père ? » s’écria Athéna lorsqu’il passa près d’elle.

Il s’arrêta, se tourna vers elle et lui sourit avec indulgence. Loin de l'image de patriarche barbu que les mortels se faisaient de lui, c’était un fort bel homme dans sa prime jeunesse, ses yeux gris brillant d’un éclat tranquille et ses cheveux châtain aux mèches folles encadrant son visage à la mâchoire bien découpée. Il paraissait bien calme, au contraire de son épouse qui semblait se réjouir de la bataille imminente autant que sa fille Athéna.


« Pas encore, mon enfant, répondit le roi des dieux grecs. Myst Nail et les siens n’ont pas clairement prouvé leurs intentions. Peut-être attendent-ils de voir si nous allons céder les premiers.

- Bon sang ! jura Athéna en agitant sa lance. Il me tarde tant d’en découdre avec cette vermine antique !

- Athéna. »

Le ton était sévère et la déesse se figea, contrite. Seul Zeus possédait une telle autorité sur sa fougueuse fille.

« Ce n’est pas moi qui déclencherai cette guerre, » poursuivit-il d’un ton ferme et définitif.

À ses côtés Héra plissa ses yeux multicolores. Elle n’était clairement pas de l’avis de son époux sur la question mais elle ne le contredirait pas en public, pas ouvertement, en tout cas.

« J’ai proposé à Myst Nail de venir discuter de tout cela, de chercher une solution pacifique… mais il paraît qu’il a ri en entendant cela. »


Athéna serra les dents à ces mots. Si ce maudit dieu antique qui avait osé rire de son père adoré s’était tenu devant elle en cet instant, elle lui aurait déchiqueté la gorge à main nue sans l’ombre d’une hésitation. Le pire était que Zeus ne paraissait même pas insulté, juste tristement résigné. La rivalité entre les deux rois des dieux ne datait pas d’hier, toutefois il semblait qu’elle était plus entretenue par Myst Nail que par Zeus.

« Je le tuerai pour toi, père, » jura-t’elle.

Mais Zeus secoua la tête.

« Je ne doute ni de ta détermination ni de ton courage, mon enfant, mais c’est à moi qu’il revient de l’affronter. Personne d’autre ici n’a de chance de le vaincre. M’as-tu bien compris ? Même si tu le vois, je te défends de l’attaquer. »

Décontenancée, Athéna voulut protester :

« Mais…

- C’est un ordre, Athéna. »

À cela, elle ne pouvait répliquer. Le regard de Zeus se porta alors sur les jumeaux et il sourit en voyant Artémis.

« Votre présence à tous m’encouragera suffisamment pour que je trouve la force de le vaincre. Tout ira bien. »

Artémis sourit à son tour, entièrement rassurée par la force tranquille de son père. S’il disait que tout irait bien alors elle ferait de son mieux pour ne pas le décevoir.


Un grondement énorme emplit soudain l’atmosphère et les montagnes autour d’eux se mirent à trembler.

« Qu’est-ce que c’est ? s’écria Artémis en s’agrippant à son frère pour ne pas tomber.

- Les dieux antiques cherchent à percer le champ de force ! jubila Athéna. Ils veulent entrer ici !

- Non, la corrigea Zeus, je ne perçois aucune agression dans la barrière de protection que j’ai érigée autour d’Olympias. »

Incrédule, Athéna regarda tout autour d’elle pour chercher d’où venait alors l’invasion. Un nuage de poussière à l’est attira son regard pers.

« Là-bas ! » fit-elle.

Les autres dieux suivirent son regard et quand le nuage se fut dissipé, un silence stupéfait s’abattit sur les résidents d’Olympias.

« Qu’est-ce que… » commença Athéna avait de se taire, incapable d’en dire plus.

L’une des montagnes à l’est d’Olympias s’était scindée en deux sous l’effet d’une force inconnue. Mais il n’y avait pas que ça : le sommet s’était aplani et au centre avait surgi de la roche toute une volée de marches qui conduisaient droit à la Demeure des Dieux.


L’idée était d’une extrême simplicité : puisque les dieux antiques ne pouvaient se transporter directement à Olympias à cause du champ de force dressé par Zeus, ils s’étaient créé leur propre chemin à travers les hautes montagnes. Néanmoins la réalisation était tout bonnement ahurissante. Bien entendu, tous les dieux avaient le pouvoir de création, de tirer la matière du néant — c’était d’ailleurs cela qui les différenciait des chevaliers. Mais depuis fort longtemps ils n’utilisaient ce pouvoir que pour de petits actes du quotidien — les vêtements, la nourriture, leurs armes, punir les mortels qui les avaient offensés, etc. Créer un escalier tout entier sur une telle longueur et tout cela en si peu de temps, cela demandait un puissant pouvoir.


« Ah, fit Zeus avec un sourire amusé, on dirait que Myst Nail est parvenu à convaincre Shao Paï d’agir. Je donnerais cher pour savoir comment il y est arrivé.

- Shao Paï, » répéta Athéna d’un ton dubitatif.

Elle voyait un peu de qui il s’agissait : la déesse de la destruction — ce nom effrayant ne voulait pas dire grand-chose vu la propension des dieux antiques à s’affubler de noms tape-à-l’œil comme le dieu du mal (Myst Nail), la déesse de la mort (Kali Ness) et tant d’autres encore. Shao Paï agissait en général de façon autonome et se mêlait rarement aux autres dieux. Bizarrement, elle était l’une des rares déesses antiques à être déjà venue à Olympias, invitée par Zeus en personne, alors même qu’elle n’occupait pas un rang important dans la hiérarchie des dieux antiques. En tout cas, si elle possédait vraiment un si puissant pouvoir de création alors il y avait de fortes chances pour qu’elle fasse un adversaire convenable pour Athéna, à défaut de ne pas pouvoir combattre le roi des dieux antiques.

« Je vengerai l’affront qu’elle a commis en défigurant notre merveilleuse montagne ! » se jura Athéna.


Bien que le sommet de l’escalier se trouvait bien loin, les dieux grecs pouvaient parfaitement en distinguer la moindre marche, utilisant leurs pouvoirs pour améliorer leur vision. Ils ne ratèrent donc pas l’arrivée triomphale des dieux antiques : Myst Nail était en tête suivi par sa reine, Hane Lath, déesse de la musique, ainsi qu’une autre femme.

« C’est bien Shao Paï, » murmura Zeus avec un ton où l'amusement et la tristesse se disputaient.

Athéna l’entendit et mémorisa le visage de sa future adversaire : une silhouette très féminine, de longs cheveux châtains ondulés, des yeux bleus, un visage fin et… maquillé ? Mais quel genre de guerrier allait au combat avec du maquillage ?! Athéna fit une grimace de dégoût. Maintenant qu’elle y songeait, cette femme lui faisait tout à fait penser à Artémis… ou même Aphrodite ! Déçue, elle soupira. Elle qui rêvait d’un grand combat, elle allait se battre contre une femme plus préoccupée par son apparence que par sa force. Car Athéna le savait depuis longtemps : pour qu’une femme acquière de la puissance, elle devait renoncer à sa féminité, comme elle-même l’avait fait depuis si longtemps.

« Bon, se dit-elle, je ne reviendrai pas sur mon serment. Je la tuerai rapidement et ensuite je me mettrai à la recherche d’un adversaire de valeur. Avec un peu de chance, ils ne seront pas tous déjà pris ! Arès a intérêt à m'en laisser un peu. »

Un sourire impitoyable étira ses lèvres. Comme elle adorait le combat !






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