Cent façons de tuer un prince charmant 5

Chapitre 5


On était au milieu de la journée.

La pluie de ce début de printemps était exceptionnellement lourde. On pouvait entendre le plic ploc de la pluie qui s'abattait à l'extérieur du palais, les gouttes d'eau qui s'infiltraient par les ouvertures des murs en pierre comme des petites et grosses perles qui tombaient sur un plateau de jade. La pluie persistante détrempa le sol et rendit les gens irritables.

C'était tout à fait le cas de Murong Xiu en ce moment. Il n'avait qu'une envie : tendre la main vers les cieux pour repousser les couches de nuages noirs qui formaient comme une cage au dessus de la capitale.


Après un moment de contemplation silencieuse de la pluie, il entendit des bruits de pas derrière lui et ferma les yeux.

« Alors ?

– Votre Majesté, les blessures sur le visage de l'eunuque Shen sont sans gravité. J'ai prescrit un onguent qu'il devra appliquer trois fois par jour, et cela sera guéri d'ici quelques jours. Quand à sa langue, l'eunuque Shen devra faire attention à ce qu'il mange et surtout éviter les aliments trop épicés. »

C'était le médecin impérial Xu qui revenait faire son rapport à Murong Xiu. C'était également lui qui avait examiné Shen Jue la dernière fois qu'il était blessé.

Murong Xiu hocha légèrement la tête puis fit :

« Tu peux disposer. »

Le médecin impérial lança un dernier regard rapide à l'Empereur avant de s'incliner et de partir.


Le regard du médecin impérial avait été très discret, cependant Shen Jue, qui se tenait près de Murong Xiu et lui, le vit clairement. Il nota calmement l'attitude stupide du médecin impérial Xu : c'était effectivement un autre admirateur de Murong Xiu. Tous les hommes du palais tout entier, non, ce devait être de la capitale toute entière, admiraient Murong Xiu. C'était intéressant de voir qu'autant de gens appréciaient Murong Xiu et que pourtant, ce dernier n'était qu'une marionnette.


« Shen Jue. »

La voix de Murong Xiu interrompit ses réflexions.

Shen Jue baissa les yeux et murmura :

« Votre Majesté. »

Murong Xiu lui rendit son regard et vit que Shen Jue était comme un petit rat gris apeuré. Cela améliora un peu son humeur et il trouva ça amusant.

« Viens ici. »

Shen Jue s'avança docilement près de lui.

Murong Xiu poursuivit :

« Lève les yeux. »

Shen Jue s'exécuta.

Devant lui se trouvait le magnifique visage de Murong Xiu dont les gens ne parvenaient pas à détourner les yeux.

Shen Jue avait été fasciné par ce visage pendant plusieurs vies mais à présent qu'il avait recouvré sa mémoire, il avait l'impression de voir plutôt le visage d'un fantôme vengeur du dix-huitième cercle des Enfers.

Ce visage n'était qu'un bout de peau avec des os blancs en-dessous.

Traduction faite par Karura Oh. Lisez sur mon site http://karuraoh.free.fr ou sur Scan Manga. Si vous la voyez sur un autre site, c'est qu'ils ont volé cette traduction !

Murong Xiu ignorait les pensées de Shen Jue. Son regard s'arrêta sur son visage.

Sa joue gauche était très enflée et une couche d'onguent blanc était appliquée dessus. C'était peut-être lui ou le médecin impérial Xu qui s'en était chargé. Avec ses lèvres un peu fendues au bord, il avait l'air encore plus laid.

Il ressemblait davantage au chien noir qu'il avait vu autrefois.

Il était laid et sale.

Mais pourquoi Qin Yuan s'était entiché de lui ?

Murong Xiu se sentit intrigué. Bien qu'il exécrait Qin Yuan, il estimait aussi que Shen Jue n'avait rien d'esthétique dans son apparence et rien qui justifiait que Qin Yuan ait agi de la sorte. En terme d'apparence, Qin Yuan était bien plus beau mais ses yeux trahissaient le fait qu'il n'était pas quelqu'un de bien, ce qui ternissait tout son charme.


En y songeant, Murong Xiu ne put s'empêcher de tendre la main pour saisir le menton de Shen Jue et relever le visage du garçon afin de l'examiner attentivement.

C'était vraiment un visage très laid.

Murong Xiu caressa du bout des doigts la peau sous sa main. Shen Jue était un adolescent. Bien qu'il fasse un dur labeur tous les jours, la peau de son visage était restée douce.

Il força Shen Jue à ouvrir la bouche d'une légère pression.

Il examina les dents de l'eunuque : les minces dents blanches semblaient être encore des dents de lait.

Il détourna légèrement les yeux, retira sa main et demanda d'une voix grave :

« Qu'est-ce que Qin Yuan t'a fait tout à l'heure ? »


Le visage de Shen Jue se gonfla à ces mots, il devint blanc puis rouge, ce qui était extrêmement laid. Il marmonna et ouvrit légèrement la bouche. Il fut cependant incapable de sortir un mot cohérent. Murong Xiu finit par perdre patience et tendit la jambe pour lui donner un coup de pied.

Murong Xiu était alors assis mais Shen Jue qui se tenait debout n'était pas plus grand que lui.

« Parle. »

Shen Jue prit un air embarrassé. Ses épaules tremblèrent et il baissa la tête.

« Il voulait que cet esclave... que cet esclave...

– Oui ? le pressa Murong Xiu.

– Il voulait que cet esclave le... le touche, » parvint enfin à répondre Shen Jue.

L'expression de Murong Xiu varia imperceptiblement.

« Le touche où ? »

Shen Jue baissa encore plus la tête.

« Cet esclave ne veut pas souiller les oreilles pures de sa Majesté. »


En fait, les paroles de Shen Jue étaient plus que claires et en plus, Murong Xiu avait vu une partie de la scène avant. Cependant il en fut encore plus surpris et incrédule. Même si Qin Yuan voyait les choses différemment des autres, n'était-il pas un eunuque ? Pouvait-il y avoir une réaction en se faisant toucher là ?

Murong Xiu ressentit soudain un choc presque physique.

Son regard glissa bizarrement trois pouces en dessous du nombril de Shen Jue.

Murong Xiun n'avait jamais clairement compris la méthode dont les eunuques se purifiaient le corps Une expression qui se réfère à la castration. (1), toutefois il savait très bien qu'un eunuque ne pouvait pas faire ce genre de chose.

« Toi... Déshabille-toi. »

Il était vraiment curieux.


Les mains de Shen Jue se crispèrent légèrement sur ses manches et il resta là sans bouger ou dire un mot. En le voyant ainsi, Murong Xiu regretta un peu sa demande. Qu'y avait-il d'intéressant à voir sur le corps d'un eunuque ? Il allait dire à Shen Jue de ne pas se déshabiller quand il vit l'adolescent porter une main à sa ceinture.

Il se déshabilla bien trop vite, Murong Xiu n'eut pas le temps de l'arrêter.

Les vêtements furent jetés en tas désordonné à ses pieds. Bien qu'il était midi, la salle n'était pas très lumineuse. Un rayon de soleil tamisé tomba sur le corps du garçon. Ce corps n'était pas très beau et il avait d'anciennes cicatrices sur lui.

Murong Xiu regarda la partie qui l'intriguait et en resta sidéré.

Cela ressemblait donc à ça.

« C'est hideux. »

Il ne put s'empêcher de dire la vérité.

Traduction faite par Karura Oh. Lisez sur mon site http://karuraoh.free.fr ou sur Scan Manga. Si vous la voyez sur un autre site, c'est qu'ils ont volé cette traduction !

À peine eut-il prononcé ces mots qu'il vit le corps en face de lui virer au rose.

C'était à cause de la honte.

L'adolescent se pencha et saisit ses vêtements avec embarras afin de cacher ses parties intimes.

Murong Xiu trouva ça un peu amusant. Il étira ses lèvres et fit :

« Interdiction de te couvrir. »

Les gestes de l'eunuque se figèrent soudain puis il baissa lentement les mains. Il baissa la tête comme une moule dont on avait retiré de force la coquille : elle révélait toute sa douceur à l'intérieur et avait bien trop peur pour faire quoi que ce soit.


Murong Xiu en avait assez vu. Après avoir jugé en son cœur, il détourna les yeux avec satisfaction.

« Y a-t'il une réaction quand on le touche ?

– Non, murmura Shen Jue en fermant les yeux.

– Vraiment ? Alors pourquoi Qin Yuan voulait que tu touches le sien ? »

Cela intriguait vraiment Murong Xiu.

Shen Jue ne répondit pas.

Murong Xiu réfléchit puis fit :

« Touche-le, que je voie. »

Quand il eut prononcé ces mots, il vit que Shen Jue restait immobile. Il fronça les sourcils puis vit alors de l'eau couler du menton de l'adolescent. Murong Xiu en resta ébahi. Il avait déjà vu des gens pleurer devant lui, la plupart du temps pour demander grâce, mais jamais encore il n'avait vu quelqu'un pleurer en silence, sans faire le moindre bruit.


« Shen Jue, tu... »

Murong Xiu ne put s'empêcher de tendre la main pour saisir le menton de l'adolescent et le forcer à le regarder.

Shen Jue ne voulait visiblement pas que Murong Xiu le voie en train de pleurer. Il se tourna plusieurs fois afin de dissimuler son visage. Au final, l'Empereur grogna froidement pour qu'il cesse de bouger. Murong Xiu saisit le menton de Shen Jue et pressa légèrement. Ce fut seulement là qu'il put voir les larmes sur le visage de l'autre.

Shen Jue pleurait toujours.

De grosses larmes coulaient de ses yeux l'une après l'autre.

Les yeux de Murong Xiu vacillèrent légèrement. Est-ce que Shen Jue pleurait parce qu'il se faisait martyriser ?


Il garda le silence un moment puis retira calmement sa main et fit à voix basse :

« C'est bon, ne pleure plus. Tu peux te rhabiller. »

Shen Jue remit ses vêtements aussi vite qu'il s'était déshabillé, toutefois sa main tremblait encore quand il renoua sa ceinture. Murong Xiu remarqua cela et soupira intérieurement. On aurait cru qu'il avait vraiment martyrisé l'adolescent.

Mais Shen Jue était son esclave. Il n'avait fait que regarder son corps. Il prenait un bain tous les jours et Shen Jue l'assistait. N'avait-il pas vu aussi son corps ?

Néanmoins, lui-même était un homme normal alors ce n'était pas un problème qu'on le regarde, ce qui n'était pas le cas de Shen Jue.

Il semblait aussi avoir dit que cet endroit de Shen Jue était hideux.


Pour la première fois de sa vie, Murong Xiu tenta de se mettre à la place de quelqu'un d'autre et se demanda comment il réagirait à la place de Shen Jue.

Il serait sans doute triste.

Murong Xiu connaissait les origines de Shen Jue, il savait que c'était un orphelin donc il avait été vendu très jeune au palais. Dans ce monde, aucun homme n'accepterait de devenir eunuque pour intégrer le palais à moins de n'avoir pas d'autre choix pour survivre. Donc Shen Jue avait intégré le palais car il n'aurait pas survécu autrement.

Murong Xiu se sentit coupable pour la première fois de sa vie.

Ne devrait-il pas traiter un peu mieux l'adolescent ?

Mais pourquoi diable Qin Yuan avait-il voulu que Shen Jue le touche ?


Dans la chambre, Shen Jue avait déjà remis ses vêtements. Il ressuya ses larmes du revers de sa main. L'Empereur fronça les sourcils devant ce comportement grossier. Il agita la main, un peu écœuré.

« Va te laver le visage. Tu n'as pas à me servir aujourd'hui. Soigne d'abord les blessures sur ton visage.

– Merci, votre Majesté. »

Shen Jue quitta aussitôt le palais, tellement vite que ses pieds touchèrent à peine le sol.

Murong Xiu en resta sans voix en le voyant filer si vite.


* * *


Shen Jue quitta le palais de Murong Xiu sans demander son reste. Une fois dans sa maison, il fit chauffer de l'eau et prit un bain, trempant des pieds à la tête jusqu'à ce que sa peau soit rouge et fripée. En tant qu'eunuque ayant les faveurs de Murong Xiu, l'un des gros avantages était qu'il pouvait chauffer de l'eau et prendre un bain à tout moment. Les eunuques ordinaires ne pouvaient se baigner que la nuit et parfois, ils n'avaient même pas d'eau chaude et devaient alors s'asperger d'eau froide.

Shen Jue enfila des vêtements propres, s'assit devant le miroir en bronze et commença à appliquer l'onguent sur son visage.

Bien que le médecin impérial était un admirateur de Murong Xiu, c'était un homme qui respectait l'éthique médicale, au contraire de Qin Yuan qui était jaloux de Shen Jue. L'onguent qu'il avait prescrit à l'eunuque était ce qu'il y avait de mieux.


Pendant que Shen Jue appliquait la pommade, on toqua à la porte.

« Shen Jue, tu es là ? »

C'était la voix de Feng Qingbao.

Shen Jue continua ses gestes et ne dit rien.

Feng Qingbao l'appela encore une fois puis ouvrit la porte pour entrer directement. Il vit Shen Jue dans la pièce en train de se soigner et ne put retenir un cri de surprise :

« Pourquoi tu ne dis rien si tu es là ?

– Tu es quand même rentré. »

Shen Jue leva la tête et s'examina soigneusement dans le miroir.

Feng Qingbao rougit.

« J'étais sûr que tu étais là, alors j'ai tenté d'ouvrir la porte. »

Il s'approcha de l'autre eunuque et quand il vit l'état de son visage, il inspira brusquement.

« C'est Qin... qui t'a frappé au visage ? »

Il ne prononça pas le nom de Qin Yuan.

« En, » répondit Shen Jue en terminant d'appliquer la pommade.

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Feng Qingbao alla d'abord fermer la porte puis trouva un tabouret pour s'asseoir. Il regarda à gauche et à droite avant de dire :

« Il a été exécuté sur ordre de sa Majesté. Je crois que tu devras faire attention dans les prochains jours. »

Tout le monde savait qui Qin Yuan servait.

Shen Jue acquiesça.

Feng Qingbao reprit :

« Pourquoi il t'a attiré dans un piège aujourd'hui ? C'était juste pour te frapper ? »

Shen Jue referma le pot d'onguent et fit d'un ton très calme :

« Non, il voulait abuser de moi.

– Hein ? »

Feng Qingbao en fut choqué. Il regarda Shen Jue de la tête au pieds, un peu incrédule.

« Il voulait ab... abuser de toi ? »


Shen Jue hocha la tête comme si c'était naturel.

« Il voulait que je le caresse. »

Feng Qingbao inspira de nouveau.

« Oh, quel cinglé. Non, c'est un pervers sexuel, il allait même s'en prendre à toi. »

Le regard qu'il lança à Shen Jue se fit tout à coup plus compatissant.

« Pas étonnant qu'il semblait toujours ne pas pouvoir te voir. C'est en fait parce qu'il était amoureux de toi. C'est effrayant. »

Shen Jue vit que Feng Qingbao sous-entendait clairement que Shen Jue ne méritait même pas qu'on tente d'abuser de lui. Il plissa donc des yeux et fit à voix basse :

« En fait, c'est toi qu'il voulait mais il avait peur que tu le dénonces. Alors il est venu me trouver. Quand il a voulu que je le caresse, il m'a aussi demandé d'imiter ta voix.

– !!! »

Après un moment, le visage pâle de Feng Qingbao rougit et il fit avec indignation :

« Je comprends mieux pourquoi j'ai toujours eu l'impression qu'il me regardait bizarrement. »


La parole à l'auteur : La curiosité est le premier pas vers l'amour.


Notes de Karura : Okay, je pense que beaucoup d'entre vous ont eu envie de frapper Murong Xiu pour son insensibilité. Shen Jue vient de se faire quasiment agresser par un homme et lui, il lui demande de se déshabiller pour satisfaire sa curiosité ?!

D'un autre côté, comme expliqué juste après, Murong Xiu n'a pas vu le mal dans sa demande puisque Shen Jue peut voir son corps tous les jours en le baignant. Son éducation ne l'a jamais poussé à faire preuve d'empathie et sa cruauté n'était pas intentionnelle.


Notes du chapitre :
(1) Une expression qui se réfère à la castration.






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