Chapitre 10
L'anniversaire
de Murong Xiu à partir duquel il pourrait porter le guan C'est un ornement de cheveux que les hommes portaient à partir de l'âge adulte au sommet de leur tête, autour d'un chignon. Dans la Chine ancienne, les coiffures étaient très codifiées selon l'âge, le rang, le sexe, etc. (1),
évidemment que le régent y attachait une énorme
importance.
Le Ministère des Rites avait commencé les préparatifs depuis trois mois.
Le jour de son anniversaire, Murong Xiu était assis en hauteur et recevait les félicitations des officiels civils et militaires avec un sourire réservé ornant son magnifique visage. Comme il s'agissait de son anniversaire, il devait forcément en profiter avec les officiels alors il but quelques coupes d'alcool. Cela le rendit un peu ivre mais à ce moment, un bol de soupe apparut sous ses yeux.
Murong Xiu fut pris par surprise puis vit Shen Jue.
L'eunuque posa le bol de soupe et se plaça sur le côté d'un air servile.
« Votre Majesté, l'alcool est néfaste pour votre corps alors buvez-moins. Voici une soupe de dessaoulement, votre Majesté. Buvez-en un peu, murmura Shen Jue. Je l'ai déjà testée pour le poison. »
Murong voulut d'abord refuser mais il aperçut du coin de l'œil la main de Shen Jue qui tenait le plateau et qui portait des marques de fouet non guéries. Il avait interrogé le médecin impérial Xu : Shen Jue était allé le trouver pour demander de l'onguent ces derniers jours.
Dans le palais, qui oserait punir quelqu'un à son gré et qui plus est contre la volonté de l'Empereur ?
Il n'y avait que le régent.
Murong Xiu baissa les yeux et ses longs cils dissimulèrent les émotions complexes dans son regard.
Il haïssait et craignait le régent à la fois. Il ne savait même pas pourquoi l'autre l'appréciait.
Il ne put s'empêcher de se masser le front. Au moment où il allait prendre le bol de soupe de dessaoulement, une main surgit à côté de lui et le prit de vitesse pour retirer le bol.
« L'eunuque Shen ne peut rien donner à manger à sa Majesté. »
C'était l'eunuque Liang Rong qui avait été récemment affecté au service de Murong Xiu par le régent.
Liang Rong avait été nommé eunuque en chef par le régent et il avait pris en charge tous les eunuques du palais de Murong Xiu. Comme Shen Jue avait été cloué au lit ces derniers jours, il n'avait pas trop eu affaire avec cet eunuque en chef.
Liang Rong donna directement la soupe à un petit eunuque derrière lui.
« Va jeter ça, » ordonna-t'il.
Une fois fait, il se retourna et adressa un petit sourire satisfait à Shen Jue.
Murong Xiu se mit un peu en colère.
« Liang Rong ! »
L'eunuque en chef poussa un léger cri puis s'agenouilla précipitamment, feignant la frayeur.
« J'implore sa Majesté de pardonner cette impudence à cet esclave mais le régent a stipulé que la nourriture et les boissons de sa Majesté doivent passer par les mains de cet esclave afin d'empêcher les agissements de certains perfides. »
Murong Xiu faillit s'étouffer de rage à ces mots.
Un castrat osait se servir du régent pour le commander.
Shen Jue savait que ce bol de soupe n'aurait jamais fini dans l'estomac de Murong Xiu alors il n'en fut pas déçu. Au contraire, il plaida en faveur de Liang Rong :
« L'intendant Liang est aussi désireux de protéger le maître. C'est cet esclave qui ne comprend pas les règles. »
En entendant Shen Jue dire "désireux de protéger le maître", son visage se tordit de rage et sa main se crispa sur la coupe d'alcool qu'elle tenait. Avec cette pression, la coupe se brisa. Shen Jue poussa un cri et s'avança rapidement pour récupérer les débris dans la main de Murong Xiu. Cependant, il fut repoussé par Liang Rong.
Murong Xiu fronça les sourcils en voyant cela et il lança un regard mauvais à Liang Rong.
« Toi, recule. »
Liang Rong était clairement réticent mais n'eut pas d'autre choix que de reculer.
Murong Xiu secoua la main, prit un carré de soie pour retirer tranquillement les débris de sa main. Ensuite, il se leva et déclara :
« Mes chers ministres estimés, j'ai un peu trop abusé de l'alcool alors je ne boirai plus avec vous. Je vous laisse vous amuser entre vous. »
Il partit aussitôt fini et ne se soucia guère de la réaction des officiels. Par contre, il appela spécifiquement Shen Jue avant de se retirer.
Shen Jue comprit et se leva rapidement pour le suivre.
Le régent était alors entouré d'un groupe d'officiels. En voyant Murong Xiu se retirer, il ne put que regarder dans sa direction. En constatant que Shen Jue suivait l'Empereur, il haussa les sourcils. Ce petit hérisson était vraiment amusant. En présence de Murong Xiu, il jouait les chiens on ne pouvait plus fidèle mais en sa présence, il se tenait droit.
Il se rappela que la dernière fois qu'il avait fouetté Shen Jue, ce dernier n'avait même pas grogné.
Hé hé hé, c'était vraiment intéressant, ah.
Quand le groupe d'officiels eut fini leurs toasts et leurs flatteries, le régent était déjà éméché. Il avait également fait préparer des feux d'artifices pour Murong Xiu ce soir mais le principal intéressé était parti trop tôt de la scène. Dao Zhan aida le régent à marcher et murmura doucement :
« Maître, désirez-vous rentrer à présent ? »
Le régent ferma les yeux à moitié et secoua la tête.
« Non, je vais voir le paon. »
Les feux d'artifices n'avaient pas encore été lancés.
Il posa une main sur son front puis repoussa Dao Zhan. En faisant claquer ses manches, il se dirigea vers la chambre de Murong Xiu. Quand il arriva à la porte de la salle de repos, le régent ordonna à ses gens d'attendre dehors. Yang Xu fut un peu inquiet et voulut le suivre. Dao Zhan le tira en arrière et baissa la voix :
« Es-tu stupide ? Le régent est complètement ivre et pourtant il va dans la chambre de l'Empereur. Tu crois que c'est pour faire quoi ? »
Les yeux de Yang Xu se figèrent puis il baissa la tête.
Ils connaissaient tous les idées du régent à l'égard de Murong Xiu.
Yang Xu ne comprenait pas son maître. S'il l'aimait, il n'avait qu'à le prendre. Pourquoi s'embêter à jouer à l'empereur marionnette et d'autres manœuvres sinueuses du même genre ? Dao Zhan devina ses pensées et fit en souriant :
« Qui est le régent ? Ce n'est pas un homme sauvage des montagnes, encore moins quand il s'agit d'amour. C'est évidemment plus intéressant quand les deux sont amoureux l'un de l'autre. »
Yang Xu haussa les sourcils et demanda :
« Et si on ne peut pas avoir un amour harmonieux ? »
Dao Zhan eut un sourire mystérieux.
« Y a-t'il quelqu'un au monde qui pourrait échapper aux procédés de notre maître ? »
Murong Xiu empestait l'alcool suite au banquet alors il avait pris un bain dès son retour dans sa chambre. Maintenant, il était assis sur un divan dans la salle intérieure et corrigeait le mémorial d'aujourd'hui. Après avoir corrigé ses mémoriaux ici, il devait cependant les envoyer au régent. Même si ses corrections n'étaient guère utilisées, Murong Xiu avait quand même toujours voulu se comporter en empereur.
Shen Jue se tenait juste derrière lui et ressuyait soigneusement les longs cheveux de l'Empereur.
Quand les cheveux furent pratiquement secs, Shen Jue récupéra la serviette. Voyant que le thé servi à table avait refroidi, il sortit aussitôt pour en servir un nouveau. Dès qu'il sortit dans le couloir, il se retrouva nez à nez avec le régent.
Le régent était complètement ivre et son visage pâle était pour une fois rouge vif. En voyant Shen Jue, le coin gauche de ses lèvres s'étira en un sourire très malsain.
« Petit hérisson, ta Majesté est là ? »
Shen Jue referma aussitôt la porte derrière lui et lança un regard méfiant au régent.
« Sa Majesté est déjà couchée. Si le régent a quelque chose à lui dire, il devra attendre demain matin. »
Le régent se mit à rire. Comme il avait bien bu, il était de bien meilleure humeur qu'en temps normal et il était également plus patient. Il le bouscula un peu pour passer et lui pinça la joue.
« Petit hérisson, je suis de bonne humeur ce soir. Je ne vais pas m'embêter avec toi, alors libère le passage. »
Sur ces mots, il poussa Shen Jue puis entra directement dans la pièce.
Ils s'étaient tous deux débattus dans le couloir, alors cela faisait un bon moment que Murong Xiu avait entendu le bruit depuis sa chambre. Quand il vit le régent ivre entrer dans la pièce intérieure, son visage se durcit et sa voix baissa de quelques degrés.
« Pour quelle raison le régent se présente-t'il si tard le soir ? »
Le temps était étouffant en été. Bien qu'il y avait des blocs de glace dans la chambre de Murong Xiu, il portait quand même des vêtements plus fins ce soir et juste une tunique. Murong Xiu avait également bien bu alors ses joues étaient légèrement rosies et il n'avait pas encore attaché ses cheveux. En cet instant, on n'aurait su dire s'il était un homme ou une femme.
Le régent voulait à la base inviter Murong Xiu à admirer les feux d'artifices. Cependant, en le voyant si charmant et splendide, il se sentit devenir aventureux et incontrôlable.
Il eut un léger sourire.
« Dans cette nuit sans fin, ce régent craint que sa Majesté ne dorme mal en étant seul, ah. »
Cette phrase était vraiment trop libertine. Le visage de Murong Xiu prit un air encore plus glacial.
« Sortez. »
Le régent secoua la tête.
« Dans une telle situation, comment pourrais-je partir ? En plus, j'ai encore un cadeau à offrir à sa Majesté. »
Il s'avança dès qu'il eut finit de parler.
Quand Shen Jue entendit depuis le couloir l'agitation s'intensifier, le coin de ses lèvres frémit légèrement.
Le régent avait laissé tous ses hommes à l'entrée du palais ce soir. Ces gens n'oseraient pas entrer sans un ordre de sa part. Liang Rong et les autres avaient été renvoyés par Murong Xiu ce soir, donc ils n'étaient pas en poste dans le couloir cette fois.
Il n'y avait présentement qu'eux trois dans cette grande chambre.
« Ni Xinyan ! Laisse-moi ! Dégage ! »
Shen Jue entendit les insultes furieuses de Murong Xiu à l'intérieur. Il se composa aussitôt une autre expression et se rua directement dans la chambre.
Quand il entra, le régent était couché sur Murong Xiu dont le pantalon avait été baissé jusqu'aux chevilles. Avec ses deux longues jambes à nu, le tableau était encore plus exquis.
Murong Xiu était censé assommer le régent avec un vase, cependant avant la venue du régent, Shen Jue avait retiré ce vase sous prétexte de changer l'eau avant la tombée de la nuit. L'Empereur ne s'était jamais beaucoup intéressé à la décoration de son palais alors il n'avait pas remarqué qu'il manquait un vase sur sa table de chevet.
Les cris de Murong Xiu cessèrent tout à coup mais le régent se contenta de sourire et de grogner. Il ne se rendit même pas compte que quelqu'un s'approchait par derrière.
Quand il le remarqua, le chandelier en cuivre dans les mains de Shen Jue s'était déjà abattu sur sa tête.
Le corps du régent se raidit. Avant qu'il ne puisse tourner la tête, il reçut un second puis un troisième coup à la tête... et finit par s'effondrer sur Murong Xiu, inconscient.
Les cils de l'Empereur frémirent légèrement. Il regarda d'abord le régent qui était affalé sur son corps puis Shen Jue dont le visage était aspergé d'une grande quantité de sang.
Le visage de l'eunuque était pâle et il tenait le chandelier couvert de sang à la main.
Le visage de Shen Jue n'était déjà pas beau à la base mais à présent qu'il était couvert de sang, il ressemblait à un esprit diabolique.
Murong Xiu frémit légèrement puis repoussa sans douceur le régent. Il se leva du lit, saisit la main de Shen Jue et lui dit en détachant bien chaque mot :
« Shen Jue, bien joué. »
Même si ce garçon est un esprit diabolique, il peut me sauver de cet enfer, songea Murong Xiu.
À ce moment il ne savait pas encore que cet esprit diabolique cherchait à prendre sa vie.
La parole à l'auteur :
La contre-attaque se poursuit dans le prochain chapitre.
Notes du chapitre :
(1) C'est un ornement de cheveux que les hommes portaient à partir de l'âge adulte au sommet de leur tête, autour d'un chignon. Dans la Chine ancienne, les coiffures étaient très codifiées selon l'âge, le rang, le sexe, etc.
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