Chapitre 11
Avec un vlan et un ding, le chandelier tomba par terre.
Le bruit parut réveiller Murong Xiu. La gratitude précédente disparut et il ne resta plus que de la panique dans son cœur. Il lança un regard anxieux en direction du couloir. Le régent ne pouvait pas mourir maintenant. S'il mourait, non seulement les gens du régent le tueraient mais il craignait fort que ses oncles impériaux et ses seigneurs vassaux ne le soutiendraient pas.
Quand il vit que personne ne vint, il tourna rigidement la tête pour regarder le régent qui était étalé sur le divan, avec du sang à l'arrière de sa tête.
« Il est... Il est mort ? »
Shen Jue se tourna vers Murong Xiu qui était visiblement effrayé. Il aida d'abord l'Empereur à se rhabiller avant de le faire s'asseoir de l'autre côté du lit.
« Votre Majesté, ne craignez rien. »
Murong Xiu était effrayé par le retournement de situation subit de ce soir. Avec l'alcool qu'il avait consommé, il était très léthargique et ne nota pas le changement en Shen Jue. Il écouta même instinctivement l'autre personne. Shen Jue réconforta Murong Xiu avant d'aller vérifier l'état du régent. Il mit sa main sous le nez de l'homme puis sentit son souffle.
« Votre Majesté, le régent est en vie, » fit doucement Shen Jue.
Murong Xiu poussa à un soupir de soulagement à cette nouvelle mais aussitôt, son cœur s'affola à nouveau.
« Shen Jue, s'il se réveille, nous... »
Le régent ne les laisserait jamais s'en tirer.
Murong Xiu grinça des dents et n'osa tout simplement pas imaginer les conséquences.
L'expression de Shen Jue était sereine. Il s'avança vers l'Empereur puis s'accroupit. Son visage était encore couvert du sang du régent et il avait l'air vraiment terrifiant.
« C'est le régent qui a offensé votre Majesté le premier. Cette affaire ne vous concerne en rien. C'est également cet esclave qui a porté le coup. Votre Majesté peut simplement livrer cet esclave le moment venu.
– Non, répliqua aussitôt Murong Xiu. Tu as fait ça pour me protéger, je... je n'ai que toi à mes côtés. »
Sans Shen Jue, il aurait déjà été déshonoré ce soir.
Murong Xiu tourna la tête pour regarder le régent qui était inconscient, et une lueur de haine s'illumina dans ses yeux. Pourquoi cet homme s'était-il entiché de lui ? Il était de toute évidence un homme on ne peut plus normal. Il était l'Empereur, pas un jouet au lit.
« Mais si vous ne livrez pas cet esclave, votre Majesté, le régent n'en démordra pas, fit Shen Jue avant de baisser les yeux. Cependant si cet esclave n'est plus là, j'ai bien peur qu'il n'y aura plus personne pour protéger sa Majesté à l'avenir. »
Murong Xiu ne put s'empêcher de serrer les points à ces paroles. Ses ongles s'enfoncèrent presque dans sa peau.
« Pourquoi devrais-je te livrer ? Le régent... c'est lui qui m'a agressé le premier, je n'ai fait que me défendre. »
Il se sentit honteux en disant cela. Il était de toute évidence un homme adulte mais il devait s'inquiéter pour sa virginité en permanence.
Même s'il livrait Shen Jue cette fois, le régent ne le laisserait jamais en paix.
À cette pensée, Murong Xiu saisit subitement la main de l'eunuque.
« Shen Jue, y aurait-il un moyen pour dissuader le régent de s'intéresser à moi ? »
Il avait eu si peur ce soir qu'il paniquait et s'accrochait à Shen Jue comme à sa planche de salut.
L'adolescent baissa les yeux sur la main de l'Empereur qui tenait fermement son bras et un sourire passa dans ses yeux. Il leva légèrement la tête et contempla la beauté en face de lui avec révérence. Il fit d'une voix très basse :
« Bien sûr, votre Majesté. »
Les yeux de Murong Xiu se posèrent sur l'eunuque et il en resta sans voix.
Pourquoi trouvait-il soudain que l'adolescent en face de lui semblait être une toute autre personne ? Cela ne semblait plus être Shen Jue, mais un démon. Ce démon se montrait gentil et considéré envers lui, et apaisait son esprit agité, mais il avait néanmoins l'impression qu'il était très dangereux, comme si ce démon l'avait sauvé d'un abysse uniquement pour le jeter dans un autre, un abysse dont il ne pourrait jamais sortir cette fois.
Shen Jue ne se soucia guère du regard troublé de Murong Xiu et il poursuivit :
« Le régent aime le visage de votre Majesté. Si vous n'avez plus ce visage, le régent cessera alors naturellement de vous importuner. »
Les yeux de Murong Xiu vacillèrent.
« Vrai... ment ?
– Oui, votre Majesté, répondit Shen Jue d'un ton de certitude. Vous n'aviez pas encore remarqué? Avant, le régent était clairement du côté du second prince mais juste après avoir vu votre Majesté, il a changé d'idée et même ignoré les protestations de ses subordonnés. Votre Majesté n'a jamais beaucoup apprécié le régent, pourtant il s'accroche et refuse de renoncer. D'après vous, pourquoi le régent vous aime à ce point ? »
Murong Xiu plissa légèrement le front et se dit que Shen Jue n'avait pas tort.
Le régent était tombé amoureux de lui, mais seulement pour son apparence.
S'il perdait cette apparence, le régent ne l'importunerait plus.
Oui, à partir du moment où il n'aurait plus ce visage, le monde redeviendrait tranquille et il n'aurait plus à s'inquiéter pour sa virginité.
L'expression de Murong Xiu changea peu à peu et il regarda Shen Jue avec des yeux frénétiques.
« Tu as raison : je suis un homme, pourquoi devrais-je me soucier de mon apparence ? Si je n'ai plus ce visage, je pourrai continuer à être le fils du Ciel et non un jouet. »
Le régent ne le regarderait plus jamais de cette manière.
« Shen Jue, que dois-je faire ? Comment détruire ce visage ? » demanda Murong Xiu avec anxiété.
Shen Jue posa la main de Murong Xiu sur le dos de la sienne et la tapota de l'autre main pour le réconforter. Il fit doucement :
« Si votre Majesté fait confiance à cet esclave, laissez faire cet esclave. Mais cela va faire un peu mal. »
Murong Xiu eut un rire bref.
« Je n'ai pas peur de la douleur. Vas-y, je te fais confiance. »
Quand Shen Jue vit Murong Xiu se comporter ainsi, il eut presque envie d'éclater de rire.
Comme il était stupide, mais il avait dû sacrifier plusieurs vies pour avoir un Murong Xiu si stupide.
L'amour dont parlait son frère martial aîné n'avait vraiment aucun sens.
Shen Jue se leva et s'avança vers la coiffe impériale de Murong Xiu, dont faisait évidemment partie le guan de l'Empereur. Shen Jue lui jeta un coup d'œil puis retira l'épingle dorée de la coiffe. Il la tint dans sa main et eut un sourire de satisfaction.
Shen Jue songea plus ou moins à la santé de Murong Xiu, alors il passa la pointe de l'épingle dorée à la flamme d'une bougie.
Quand Murong Xiu vit Shen Jue revenir avec l'épingle dorée, il ne réagit toujours pas.
Shen Jue tendit la main, paume vers le ciel, et l'épingle dorée était posée dessus. C'était l'épingle que Murong Xiu avait l'habitude d'utiliser pour retenir ses cheveux.
« Votre Majesté, cet esclave compte ruiner votre visage avec cette épingle. Si votre Majesté a des hésitations, il n'est pas encore trop tard, fit-il doucement. C'est juste que le régent n'abandonnera pas aussi facilement. »
Murong Xiu contempla l'épingle dorée. Ses lèvres tremblèrent légèrement et une myriade d'émotions défilèrent dans ses yeux. Au final, il n'en resta qu'une. Il lança un regard déterminé et obstiné à Shen Jue.
« Fais donc, je veux être le fils du Ciel. »
À ces mots, Shen Jue leva la main pour caresser légèrement le visage de Murong Xiu.
Il avait adoré ce visage pendant plusieurs vies et à présent, il allait le détruire de ses propres mains.
« Peu importe ce que votre Majesté devient, cet esclave vous restera loyal. Cet esclave n'aura qu'un seul maître dans toute sa vie, et c'est votre Majesté, » fit Shen Jue en détachant chaque mot.
Il leva sa main droite qui tenait l'épingle dorée.
Murong Xiu regarda du coin de l'œil cette épingle. Ses longs cils frémirent et finalement il ferma lentement les yeux.
Il faisait confiance à Shen Jue, Shen Jue ne lui mentirait pas.
Shen Jue se pinça les lèvres et sourit. Le coin de ses yeux devint un peu rouge. Quand son expression souriante s'atténua un peu, il ne resta plus qu'un air grave dans son regard. Il leva la main puis l'abaissa lourdement sur le visage de Murong Xiu. Ce dernier poussa un cri. Shen Jue dut le retenir fermement d'une main.
« Votre Majesté, n'ayez pas peur. »
Sa voix était si gentille, cependant si Murong Xiu avait ouvert les yeux en cet instant, il aurait découvert que le regard de Shen Jue ne différait guère de celui d'un esprit diabolique.
Shen Jue n'était plus l'immortel d'autrefois.
Il ressemblait plus à présent à un démon sous forme humaine.
Shen Jue lécha le sang qui avait éclaboussé le coin de ses lèvres puis continua en assénant un second coup au visage de Murong Xiu.
Ce dernier tremblait de douleur et se mit même à gémir le nom de Shen Jue.
« Votre Majesté, cet esclave est là, » le réconforta l'eunuque tout en détruisant lentement le splendide visage devant lui.
Puisque le Ciel ne voulait pas qu'il soit un immortel, il deviendrait alors un démon.
Lui, Shen Jue, n'avait plus dorénavant qu'un cœur rempli de vengeance.
La souffrance qu'il avait endurée, il la rendrait au décuple, au centuple, un millier de fois.
Murong Xiu cria de douleur. Ses larmes se mêlèrent au sang sur son visage et il avait vraiment l'air misérable. En voyant ça, Shen Jue jeta l'épingle au loin, serra la pauvre beauté dans ses bras avec pitié et le réconforta doucement.
« Votre Majesté, tout va bien. C'est déjà fini.
– Ça fait mal, Shen Jue, ça fait tellement mal. »
Murong Xiu ne pouvait pas ouvrir les yeux car ils étaient complètement obscurcis par le sang.
La douleur lui fit oublier d'utiliser le ton impérial.
Shen Jue lui tapota gentiment le dos et ce bruit parut provenir d'un endroit lointain.
« Cet esclave restera aux côtés de votre Majesté comme il l'a toujours fait. »
Alors s'il-te-plaît, tombe vite amoureux de moi.
Parce que je brûle d'impatience de t'emmener en Enfer.
La parole à l'auteur :
Envoyez une vague de pitié pour le beau Murong.
Régent : Et moi, personne ne me prend en pitié ? Je me suis fait fracasser le crâne, je vais finir idiot ???
PS : Ceci est juste un roman. Ne vous demandez pas comment un empereur défiguré peut quand même rester empereur.
Note de Karura : Pour ceux qui avaient pitié de ce pauvre Shen Jue maltraité et ignoré... ne vous en faites pas pour lui, il sait très bien se défendre.
Concernant la remarque de l’auteur, il faut savoir que dans la Chine antique, un empereur ne pouvait souffrir d’aucune difformité physique.
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