Cent façons de tuer un prince charmant 21

Chapitre 21


À l'approche de la fin de l'année, le temps était de plus en plus froid et il y eut même un peu de grêle qui tomba ce jour-là.

Quand le temps était si froid, ce n'était plus aussi confortable de dormir sur le repose-pieds. Après tout, un repose-pieds n'était pas aussi chaud qu'un lit.

Shen Jue se tenait près du lit et préparait Murong Xiu pour le coucher. Il était sur le point de retirer la tunique de l'Empereur. Murong Xiu était plus grand que Shen Jue alors ce dernier devait tendre les bras pour l'aider à se déshabiller. Murong Xiu devait lever le menton pour ne pas se faire heurter par le sommet de la tête de l'eunuque.

Une fois, Murong Xiu s'était montré excessif : à peine les cheveux de Shen Jue avait-il effleuré son menton, le chatouillant simplement, qu'il l'avait forcé à rester à genoux en guise de punition.


Ce soir, Murong Xiu baissa les yeux vers Shen Jue puis vers le repose-pieds. Ses yeux bougèrent un moment sous ses longs cils puis il fit calmement :

« Ce n'est pas trop froid de dormir au pied du lit ? »

Shen Jue plia soigneusement la ceinture de Murong Xiu sur un plateau rouge laqué à côté et murmura en réponse :

« Ce n'est pas froid. »

Murong Xiu toussota.

« J'ai un peu froid ce soir. »

Shen Jue leva les yeux vers lui.

« Cet esclave a réchauffé deux bouillottes pour votre Majesté ce soir. Mettez-les contre vos pieds, je pense que cela ira mieux. »


Les sourcils de Murong Xiu se froncèrent comme de coutume en voyant l'autre qui jouait les naïfs. Il dévisagea Shen Jue et sentit qu'il ne devait plus tourner autour du pot.

« Tu dors avec moi ce soir. Tu risques d'attraper un rhume en dormant sur le repose-pieds, et alors qui me servira ? »

Voyant que Shen Jue ouvrait la bouche, il coupa court à ses protestations :

« Les autres ne me servent pas aussi bien que toi. C'est décidé, tu n'as plus rien à dire. »

Shen Jue se mordit la lèvre inférieure, embarrassé.

« Mais ce n'est pas convenable, ah ? Comment un eunuque et l'Empereur pourraient-ils partager le même lit ?

– Qui a dit que ce n'était pas convenable ? L'Empereur Chongwen avait les pieds froids de naissance alors l'eunuque à son service lui réchauffait souvent les pieds la nuit. »

Murong Xiu pointa son menton en avant.

« Tu dors dans le lit ce soir. »


Shen Jue ne pouvait pas arguer avec Murong Xiu aussi ne put-il qu'obéir. Toutefois, le fait que Murong Xiu insiste autant pour que Shen Jue dorme dans le lit lui donna un curieux sentiment. Mais le raisonnement de Murong Xiu était très simple : la dernière fois qu'il avait dormi avec l'adolescent, ce dernier s'était collé à lui. Il n'avait pas osé le repousser de peur de le réveiller ou de le faire tomber du lit. Cette fois, il voulait que Shen Jue dorme avec lui, alors il ne craignait pas de le prendre par la main pour l'allonger.

Murong Xiu s'était mentalement préparé à se faire coller par l'autre personne, toutefois Shen Jue dormit bien tranquillement cette nuit-là. Non seulement il ne le colla pas, mais ce fut à peine s'il bougea. Murong Xiu ouvrit soudain les yeux et lança un regard mécontent au dormeur à côté de lui. Cependant, Shen Jue dormait à poing fermé et n'avait même pas conscience qu'on l'observait. Il fallait dire que le lit de dragon de Murong Xiu était vraiment confortable. Shen Jue, qui était particulièrement fatigué ce jour-là, s'était endormi aussitôt la tête posée sur l'oreiller.


Quand Shen Jue était un immortel, il n'avait pas l'habitude de dormir avec quelqu'un. Après mille ans de réincarnations, il avait fini par ignorer totalement la personne sur l'oreiller d'à côté.

Du coup, l'attente de Murong Xiu était destinée à rester vaine. Si Shen Jue l'avait collé la dernière fois, c'était parce qu'il ne pouvait pas du tout dormir à cause de ses blessures qui lui faisaient trop mal alors il s'était délibérément rapproché de Murong Xiu. Cette fois, Shen Jue dormait paisiblement, comment aurait-il pu encore songer à se rapprocher du jeune homme ?


Murong Xiu se redressa un peu. À cause du froid de l'hiver, Shen Jue dormait avec la couverture remontée jusqu'à la moitié de son visage. Seulement à partir de ses sourcils son visage était exposé. Les sourcils de Shen Jue n'étaient pas très épais. Bien qu'il avait de longs cils, ils n'étaient pas très denses. Murong Xiu contempla le visage de Shen Jue et se dit que ses cheveux n'étaient pas non plus très épais, il se demanda si cela avait quelque chose à voir avec la purification La castration. (1).

À cette idée, Murong Xiu souleva légèrement la couverture et contempla la moitié inférieure du visage de l'eunuque.

Son menton était glabre et il n'y avait pas du tout l'ombre d'une barbe.

Murong Xiu ne put s'empêcher de toucher son propre menton : au milieu de la nuit, sa barbe avait déjà commencé à pousser un peu. Il ramena son attention sur le visage de Shen Jue et tendit la main pour caresser doucement son menton. C'était aussi lisse que sa joue, comme il s'y attendait.


Murong Xiu avait les mains froides de nature. Ses doigts froids se pressèrent contre le menton de l'autre personne, comme pour se réchauffer avec le visage bien chaud.

Shen Jue fronça alors les sourcils, mal à l'aise à cause de la sensation de glace, et il se renfonça davantage sous la couverture. Il tourna aussi la tête comme pour repousser cette main gelée. Murong Xiu fut amusé en voyant ses actions. Il eut un léger rire et ce fut alors qu'il entendit Shen Jue murmurer doucement :

« Qingbao, arrête tes bêtises. »

Ce ne fut qu'un vague murmure mais Murong Xiu l'entendit très clairement.

Ses yeux devinrent aussitôt glaciaux et sa main resserra un peu sa prise sur le menton de Shen Jue. Cela réveilla aussitôt l'eunuque.


Shen Jue parut pris au dépourvu et il ouvrit des yeux confus. Quand il vit l'Empereur le regarder droit dans les yeux, il ne réagit toujours pas. Il se frotta lentement les yeux avant d'appeler à voix basse :

« Votre Majesté ? »

Murong Xiu regarda fixement Shen Jue de ses yeux splendides mais aussi froids que la neige. Shen Jue examina l'expression du jeune homme et sa confusion disparut peu à peu. Il se redressa aussitôt, se mit à genoux sur le lit et baissa la tête.

« Votre Majesté, pardonnez-moi.

– Oh ? et quelle faute as-tu commise ? » fit Murong Xiu d'un ton moqueur.

Sa voix était cependant glaciale, il était rare qu'il parle à Shen Jue sur ce ton.

Shen Jue garda le silence un moment puis secoua la tête.

« Cet esclave ne sait pas. Cet esclave a-t'il offensé votre Majesté ?

– C'est exact. Tu sais ce que tu viens de faire ? »

Murong Xiu se pencha légèrement en avant pour se rapprocher de l'eunuque. Shen Jue était agenouillé tandis que lui était à moitié assis. Quand Murong Xiu s'approcha, ses joues furent très proches de la tête baissée de l'autre personne, à tel point que son souffle se fit sentir sur le visage de l'eunuque.


Shen Jue voulut reculer suite à la proximité de Murong Xiu mais ce dernier lui attrapa le menton avant ça, l'empêchant de s'éloigner.

« Tu as eu l'audace de m'appeler intimement par mon prénom. Ah Xiu Ah devant un prénom est une marque d'intimité, d'affection, etc. (2), est-ce ainsi que tu peux m'appeler ? » mentit Murong Xiu d'un air glacial.

Si Shen Jue ne s'était pas réveillé un peu avant, il aurait presque pu le croire.

Shen Jue ouvrit la bouche et feignit l'embarras. Il bafouilla :

« Cet esclave... cet esclave... »

Murong Xiu frotta ses doigts contre le menton de l'eunuque. En le voyant avoir du mal à parler, il étira légèrement ses lèvres.

« Tu quoi ? Tu m'as appelé par mon prénom, alors ne crois-tu pas que je devrais te punir ? »


Quand il eut fini de parler, il fixa le visage de l'adolescent et vit qu'il devenait blanc et rouge et que ses yeux exprimaient une profonde injustice. Murong Xiu plissa les yeux et fit d'un ton gracieux :

« Si tu ne veux pas que je te punisse, cela ne va pas être possible. À moins que... »

Il ne termina délibérément pas sa phrase. Quand l'autre jeune homme leva les yeux vers lui, il fit lentement :

« À moins que tu ne me réchauffes les pieds. »

Hein ?

Shen Jue aurait pensé que Murong Xiu exigerait autre chose d'excessif, comme de ne plus être si proche de Feng Qingbao. Il n'aurait jamais cru que l'Empereur allait lui demander de lui réchauffer les pieds.


Shen Jue était présentement l'eunuque personnel de Murong Xiu. Ce dernier n'avait donc qu'à ordonner ce genre de requête sans passer par une punition.

Après avoir entendu la condition de Murong Xiu, Shen Jue se baissa, prêt à serrer les pieds de Murong Xiu contre lui, toutefois l'Empereur esquiva subitement.

« Pas maintenant, demain. Quand je corrigerai le mémorial, tu viendras pour me réchauffer les pieds. »

Shen Jue fut pris par surprise et ne put qu'acquiescer.


* * *


Le lendemain, Shen Jue regarda Murong Xiu avec un air de réticence pour la première fois.

Murong Xiu lui avait en fait demandé de s'agenouiller sous la table et de réchauffer ses pieds contre son ventre.

Shen Jue vivait depuis bien des années mais c'était la première fois qu'il entendait une telle requête à son intention. Il se rappelait clairement que le régent des vies précédentes avait exigé cela de Murong Xiu, alors pourquoi cela tombait-il sur lui maintenant ?

Durant la vie précédente, le régent avait voulu que Murong Xiu lui réchauffe les pieds alors l'Empereur s'était assis sous le bureau, les vêtements défaits.

Son visage avait été rempli de la vigueur du printemps Le printemps fait référence à l'amour et l'excitation sexuelle. (3), il avait haleté et gémi tandis que les pieds du régent s'étaient aventurés un peu plus bas.


Murong Xiu s'assit sur la chaise du dragon et contempla Shen Jue d'un air grave.

« Tu ne veux pas ? Alors tu vas recevoir une autre punition. Je vois désormais à quel point tu es ambitieux. J'ai bien peur de ne plus vouloir de toi à la Cour Impériale. J'en toucherai un mot à Liang Rong. En attendant, fais venir Feng Qingbao. »

Il sourit soudain et ses yeux splendides devinrent des demi-lunes.

« Feng Qingbao me servira certainement mieux que toi. »

Les choses étant ce qu'elles étaient, Shen Jue n'eut pas d'autre choix que de se soumettre, même si cela le répugnait.

Il se pinça les lèvres et rampa sous la table. Il contempla un moment les pieds de l'Empereur avant de retirer les bottes.


Shen Jue voulait ne retirer que les bottes mais Murong Xiu agita les pieds et fit d'un ton calme :

« Les bas aussi.

– … Oui. »

Shen Jue dut ainsi retirer les bas d'un blanc immaculé de l'Empereur. En tant que maître de ce monde, les pieds de Murong Xiu étaient magnifiques. Il était difficile d'en détacher les yeux. Cependant, Shen Jue les contempla avec dégoût puis se résigna à défaire sa ceinture.

Il la dénoua puis écarta le col de sa tunique afin d'y placer les pieds de Murong Xiu.

Les pieds de l'autre homme étaient gelés. Le corps de Shen Jue trembla légèrement quand il les pressa contre son ventre. Il grinça des dents et remit ses vêtements en place. Il serra soigneusement les deux pieds de l'autre et les réchauffa de cette manière.


Murong Xiu sentit la chaleur sous la plante de ses pieds et ne put retenir un sourire. Il ne fallut pas bien longtemps avant que la voix de Qingbao s'élève de derrière la porte de la pièce.

« Votre Majesté, cet esclave est venu apporter la soupe de racines de lotus. »

Feng Qingbao qui se tenait dans le couloir était en fait un peu perplexe. Il n'avait à apporter la soupe en temps normal mais aujourd'hui, Liang Rong était venu le trouver exprès, l'avait accusé de ne rien faire de la journée puis lui avait ordonné d'apporter la soupe à la Cour impériale. Normalement, c'était une bonne occupation que d'apporter quelque chose à l'Empereur pourtant Liang Rong lui avait confié cette tâche.

« Entre. »

En entendant la voix venir de l'intérieur, Feng Qingbao composa rapidement son expression et entra prudemment dans la salle en transportant le bol de soupe.


Une fois entré, Feng Qingbao n'osa pas lever les yeux. Depuis que Murong Xiu avait été défiguré, son caractère était devenu des plus étranges. Feng Qingbao avait désormais très peur de lui. Au moment où il voulut poser le bol sur la table, il entendit Murong Xiu faire :

« Pose-le à ma droite.

– Bien. »

À cet ordre, Feng Qingbao dut reprendre le bol et contourner Murong Xiu pour se placer à sa droite. Il allait poser le bol sur la table quand ses yeux surprirent une paire de bottes du dragon par terre ainsi qu'un pan de vêtement turquoise qui était exposé.

Le pan de ce vêtement était exactement le même que celui qu'il portait.

Il y avait quelqu'un sous la table.

Feng Qingbao en fut choqué et il posa rapidement le bol de soupe. Il vit ensuite Murong Xiu remuer les jambes et le pan de vêtements bougea également.


« Qu'est-ce que tu regardes ? »

La voix de Murong Xiu retentit soudain aux oreilles de l'eunuque. Son corps trembla de frayeur, il en oublia même le tabou et leva les yeux vers Murong Xiu d'un air bête. Il vit l'Empereur sourire du coin de ses lèvres et le regarder gentiment.

L'attitude de l'autre personne semblait aimable, comme une douce brise de printemps, mais Feng Qingbao se sentit étrangement glacé.

Effectivement, les paroles suivantes de l'Empereur furent —

« Si tu t'avises encore de poser tes yeux immondes sur ce que tu ne devrais pas regarder, je dirai à Liang Rong de te les arracher. »


La parole à l'auteur :

Feng Qingbao : Qu'est-ce que je ne dois pas regarder ? Shen Jue, tu veux bien m'expliquer ce qu'a voulu dire sa Majesté ?

Liang Rong : On dirait que tu n'as vraiment plus besoin de tes yeux.


Note de Karura :

N'est-il pas mignon notre Murong Xiu quand il est jaloux ?


Notes du chapitre :
(1) La castration.
(2) Ah devant un prénom est une marque d'intimité, d'affection, etc.
(3) Le printemps fait référence à l'amour et l'excitation sexuelle.






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