Cent façons de tuer un prince charmant 22

Chapitre 22


Dès que Shen Jue entendit Feng Qingbao entrer, il se cacha plus loin sous la table. Cependant, qui aurait cru que Murong Xiu ne renoncerait pas ? Ses pieds lui piétinèrent exprès le ventre et en plus, il laissa délibérément Feng Qingbao s'approcher.

Shen Jue entendit ce que l'Empereur dit à l'autre eunuque et ses yeux changèrent d'expression.

Quand Feng Qingbao entendit les paroles de Murong Xiu, il se prosterna aussitôt sous le coup de la terreur et implora vivement sa pitié.

« Cet esclave n'oserait pas ! »

Mais du fait qu'il était tombé à genoux, il vit ainsi Shen Jue caché sous la table.


Les yeux de Feng Qingbao s'écarquillèrent aussitôt et il lança un regard surpris à l'autre eunuque. L'apparence actuelle de Shen Jue faisait vraiment peine à voir : sans parler de sa tenue débraillée, son visage affichait une expression étrange et grimaçante. Les deux eunuques se regardèrent un moment, puis Shen Jue détourna les yeux le premier.

Évidemment, Feng Qingbao ne put que voir où se trouvaient les pieds de Murong Xiu. Il se mordit les lèvres et baissa la tête.

L'Empereur lança un regard glacial à Feng Qingbao et fit sur le même ton :

« Disparais. »

Feng Qingbao émit un son d'assentiment et se retira dans le couloir. Une fois sorti, son visage pâlit soudain comme sous l'effet d'un immense choc. C'était Liang Rong qui surveillait la porte de la salle cette fois. Quand il vit Feng Qingbao sortir avec un regard confus, il ricana et l'ironie pouvait se lire dans son regard.


Feng Qingbao fut ramené à lui en entendant ce rire moqueur. Il lança un regard incertain à l'autre eunuque et murmura :

« Tu l'as fait exprès ? »

Liang Rong ricana de nouveau.

« Feng Qingbao, qui l'a fait exprès, qui voulait que tu voies cette scène, tu ne le devines donc pas ? »

Feng Qingbao en resta bouché bée à ces mots. Ses yeux exprimèrent son incrédulité et il marmonna pour lui-même :

« Com... Comment ? »

Il avait toujours pensé que Shen Jue était simplement favorisé par l'Empereur, mais se pouvait-il que cette faveur soit en réalité ce genre de faveur ?

Mais... Shen Jue ne lui avait jamais parlé de ça.


Feng Qingbao songea soudain au soir où il était allé trouver l'autre eunuque. Shen Jue avait alors été trempé et marchait pitoyablement dans l'allée. Il s'avérait donc que la vie de Shen Jue n'était pas aussi belle qu'il l'avait imaginé. Les yeux du jeune eunuque se mirent à rougir. Il avait demandé à Shen Jue de l'aider à réintégrer la Cour impériale et il ignorait totalement ce que l'autre eunuque avait dû endurer pour réaliser ce transfert.


Cela faisait longtemps Feng Qingbao était au palais, il connaissait également certaines choses peu ragoutantes : certains eunuques âgés du palais appréciaient de goûter aux jeunes eunuques. Feng Qingbao avait eu de la chance avec un bon maître, mais un autre jeune eunuque entré au palais en même temps que lui n'avait pas eu cette chance. Il était tombé sur un eunuque au cœur sombre qui le prenait dans son lit toutes les nuits. Le jeune eunuque avait fini par tomber malade puis en était mort. Feng Qingbao lui avait rendu visite une ultime fois. Le jeune eunuque lui avait souri, cependant les larmes s'étaient vite mêlées au sourire. Ce jeune eunuque lui avait dit que sa vie n'était pas bonne.

À l'époque, la peau visible du garçon était couverte de marques bleues et violacées, sans parler que sous ses vêtements il y avait aussi de nombreuses marques de morsures sanglantes.


Feng Qingbao ressuya du revers de la main les larmes au coin de ses yeux. Il ne pouvait plus rester dans le couloir, quand bien même Liang Rong se trouvait là. Il tourna les talons et partit. Bien que les eunuques n'avaient plus d'outil, ils n'en restaient pas moins des hommes. En tout cas, ils avaient été des hommes autrefois. Et quel homme accepterait de se faire prendre par un autre homme ?


* * *


Pendant que Feng Qingbao ravalait ses larmes à l'extérieur, Shen Jue baissa les yeux dans la salle et fronça les sourcils, contemplant son ventre sans rien dire. Murong Xiu lui jeta un regard puis retira ses pieds et fit calmement :

« Tu es fâché ?

– Cet esclave n'oserait pas, répondit-il.

– Tu n'oserais pas ? Cela veut donc dire que tu es fâché ? »

Murong Xiu posa ses pieds devant Shen Jue.

« Aide-moi à remettre mes bas et mes bottes. »

Shen Jue s'exécuta. Dès qu'il eut fini de remettre les bas et les bottes de l'Empereur, ce dernier le tira soudain pour le lever et enroula même fermement son bras autour de sa taille.

« Ne sois pas fâché. Tiens, bois cette soupe. »

Il parlait de la soupe que Feng Qingbao venait d'apporter.


Les vêtements de Shen Jue étaient légèrement béants. Il se pinça les lèvres et fit à voix basse :

« Cet esclave remercie votre Majesté pour cette récompense. »

Tout en parlant, il se libéra de la main de Murong Xiu. Toutefois, la prise de ce dernier se resserra un peu.

« Bois ici, inutile de t'éloigner. »

Ses yeux magnifiques descendirent légèrement et se posèrent sur le col entrouvert de l'eunuque.

« Je n'ai encore jamais aidé quelqu'un à s'habiller. Bois la soupe, je vais m'y essayer. »

Le désir de Murong Xiu de le monopoliser était survenu si vite que Shen Jue ne pouvait pas s'y adapter.

Surtout quand il se rendait compte que toutes les choses que le régent avait faites à Murong Xiu dans les vies précédentes étaient reproduites sur lui l'une après l'autre.

D'une certaine manière, Murong Xiu et le régent étaient vraiment faits l'un pour l'autre : ils utilisaient même des approches similaires.


Comment l'Empereur aurait-il été capable d'aider quelqu'un à s'habiller ? Après avoir œuvré un bon moment, les vêtements de Shen Jue furent seulement encore plus froissés et toujours pas bien mis. Au final, Shen Jue n'y tint plus : il posa la cuillère et prit sa ceinture des mains de l'autre homme. Il ne lui adressa pas un mot et se contenta de remettre de l'ordre dans sa tenue. Murong Xiu observa ce mince jeune homme qui baissait la tête, étira les lèvres en sourire un peu gêné puis regarda sur le côté.

Il vit la soupe sur la table et fit soudain :

« Je n'ai encore jamais donné à manger à quelqu'un... »

Murong Xiu ne put finir sa phrase car Shen Jue leva soudain la tête pour le regarder droit dans les yeux.

« Votre Majesté, laissez cet esclave faire ça. »

Le visage de l'eunuque resta inexpressif.

Murong Xiu le contempla en se sentant inexplicablement en tort alors il n'osa rien dire. Il se contenta de regarder Shen Jue. Ce dernier se dépêcha de boire la soupe et voulut débarrasser le bol. Murong Xiu aurait préféré demander à Liang Rong d'entrer et de s'en charger mais le regard de Shen Jue l'en dissuada.


Shen Jue porta le plateau rouge laqué hors de la salle. Liang Rong se tenait toujours à la porte et quand il le vit sortir, il eut un sourire bizarre.

« Oh, l'eunuque Shen est enfin sorti.

– Intendant Liang, vous avez vu Feng Qingbao ? » s'enquit Shen Jue en ignorant la pique de l'autre eunuque.

Quand Liang Rong entendit que Shen Jue était à la recherche de Feng Qingbao, le regard qu'il posa sur lui devint encore plus indescriptible. Il le toisa de la tête aux pieds : hormis la peau claire, il ne lui voyait vraiment aucun atout. Il n'était pas beau, pas bien grand, ses fesses... ses fesses étaient cachées par les vêtements alors il ne pouvait pas voir si elles étaient arrondies ou pas, cependant il n'y croyait pas vraiment. Il ignorait totalement comment l'Empereur pouvait se laisser séduire par ce renard éhonté.


Son regard exprimait ses pensées à nu. Shen Jue fronça les sourcils et se rappela à l'autre personne :

« Intendant Liang ? »

Liang Rong toussota légèrement.

« Feng Qingbao, il est parti par là. J'ai l'impression qu'il pleurait. Est-ce que sa Majesté l'a réprimandé ? »

À ces mots, Shen Jue posa directement le plateau dans les mains de Liang Rong et fit :

« Désolé de vous embêter avec ça, intendant Liang. »

Sur ce, il tourna les talons et partit à la recherche de Feng Qingbao.

Liang Rong regarda le plateau dans ses mains et grinça des dents, furieux. Ce vil renard était de pire en pire. Cependant, il ne ferait plus le malin très longtemps. Liang Rong eut un sourire mauvais : le fait de s'opposer au régent lui vaudrait la mort.


* * *


Quand Shen Jue retrouva Feng Qingbao, ce dernier était assis sous un arbre de l'allée, ébahi. Il contemplait le bassin gelé devant lui, les yeux dans le vague. Il semblait plongé dans des pensées mystérieuses. Il ne remarqua même pas quand Shen Jue s'approcha.

« Feng Qingbao, » le héla-t'il.

L'autre eunuque tressaillit et tourna la tête dans sa direction. Quand il vit qu'il s'agissait de Shen Jue, il se leva précipitamment.

« Tu... Que fais-tu ici ? »

Shen Jue hésita puis fit :

« Ne parle à personne de ce qui s'est passé. »

L'autre eunuque lâcha un ah puis songea à quelque chose et ses yeux rougirent de nouveau.

« Ne t'en fais pas, je ne dirai rien. »


Shen Jue contempla l'état de Feng Qingbao et soupira.

« Très bien. Cessons de nous voir désormais, j'ai peur que cela tourne mal pour toi.

– Je n'ai pas peur ! protesta vivement l'eunuque. Je n'ai pas peur des conséquences, du moment que tu ne me rejettes pas. »

Il se força à arborer un vilain sourire.

« Shen Jue, on avait dit qu'on quitterait le palais ensemble. »

À ces mots, Shen Jue sourit sincèrement pour la première fois mais ce sourire n'atteignit pas ses yeux qui ne contenaient que de la tristesse.

« En. »

Personne ne pourrait jamais sortir du palais.

Ce n'était qu'un mirage, tout était faux, y compris Feng Qingbao. Ils n'étaient pas de véritables mortels, juste des gens dans cette illusion qui l'emprisonnait ici.

S'il se montrait trop tendre, ce cycle se poursuivait indéfiniment.

Dans ce cas, il était condamné à se montrer ignoble.


Depuis ce jour, Shen Jue commença à s'éloigner volontairement de Feng Qingbao. Ce dernier vint le voir plusieurs fois mais Shen Jue partait toujours très vite à cause de sa lourde charge de travail. Plus le temps passa, plus Feng Qingbao comprit à son tour que Shen Jue l'évitait.


* * *


En un rien de temps, ce fut la nuit du Nouvel An.

Pour le Nouvel An Lunaire, un grand banquet était organisé dans le palais et tous les officiels étaient invités pour fêter ensemble la nouvelle année.

Murong Xiu était assis en hauteur. Ces derniers temps, il avait constaté de ses propres yeux que Shen Jue s'était éloigné de Feng Qingbao et cela le rendait très heureux. En plus, il n'y avait aucun problème à la cour. Shi Jianan s'était clairement détaché du régent et était devenu son assistant compétent. De nombreux officiels nommés suite à l'examen impérial lui donnaient toute satisfaction. Après la sordide affaire de You Congxuan, ceux qui voulaient s'associer au régent se retirèrent temporairement et observaient la situation.

Voilà pourquoi Murong Xiu but énormément ce soir-là et il dut se retirer plus tôt car il était complètement ivre. Ce fut donc au premier ministre de présider les festivités.


Shen Jue aida Murong Xiu à regagner sa chambre et le prépara à se coucher avec du mal. Quand il eut fini, Liang Rong apparut soudain devant lui et lui tendit un pendentif en jade.

Ce pendentif lui parut familier et il l'examina jusqu'à ce que l'objet soit retiré.

Comme Liang Rong craignait de réveiller l'Empereur, il baissa délibérément la voix :

« Si tu veux revoir le propriétaire de ce pendentif, suis-moi. »

À ces mots, Shen Jue se souvint à qui appartenait ce pendentif.

C'était à Feng Qingbao.


Feng Qingbao lui avait montré une fois ce pendentif et avait expliqué que c'était la seule chose que sa famille lui avait laissée. Il avait fait percer un trou dans le jade et le portait autour de son cou en permanence.

Ce n'était pas du jade de grande qualité, pourtant Feng Qingbao le chérissait comme un trésor. Quand il l'avait montré à Shen Jue, il avait refusé de le laisser y toucher en disant qu'il craignait de faire tomber le jade et qu'il se brise par terre. Mais là, ce pendentif en jade se trouvait dans les mains de Liang Rong.

Shen Jue le contempla d'un regard glacial.

« Où est-il ? »

La seule personne qui pouvait avoir envoyé Liang Rong était le régent. Le régent voulait le voir ce soir. Ce serait peut-être l'étape finale pour que son piège se referme.


Note de Karura :

Dans le prochain chapitre, ce sera effectivement l'ultime étape... ou pas ? Surprise, surprise !







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