Chapitre 64
De toute sa vie, jamais personne n'avait appelé laideronne la jeune fille et là, c'était en plus son grand frère martial adoré qui l'appelait ainsi ! Elle cligna deux fois des yeux, confuse, puis fondit en larmes. Elle était si triste qu'elle en pleurait, pourtant le coupable ne la regardait même pas.
Sang Xinghe tourna la tête pour regarder tout autour. Il fronça légèrement les sourcils puis se redressa sur un coude. Tout à coup, sa tête lui fit horriblement mal. Sang Xinghe dut presser une main sur sa tête.
La petite sœur martiale sanglotait dans son coin. Quand elle vit le visage pâle de Sang Xinghe et le fait qu'il se tenait la tête, elle ravala un sanglot et s'écria :
« Grand frère martial, tu as mal à la tête ? Je vais chercher le docteur. »
Elle allait partir en courant aussitôt qu'elle eut fini de parler mais Sang Xinghe l'interpella :
« Arrête. »
La jeune fille se figea. Pourquoi le ton de son grand frère martial était-il si féroce ?
L'instant d'après, il n'y eut pas que le ton de Sang Xinghe qui était féroce, ses paroles aussi :
« Reviens tout de suite ou je te brise tes minuscules jambes.
– !!! »
Ses jambes n'étaient pas minuscules !
La jeune fille en fut vraiment terrifiée alors elle retourna lentement à côté de Sang Xinghe, des larmes toujours au coin des yeux. Elle avait l'air très misérable, cependant Sang Xinghe ne ressentit pas la moindre pitié pour elle. Il la fixa d'un air calme.
« Laideronne, comment tu m'as appelé à l'instant ? »
Bou ouh ouh, elle n'était pas une laideronne.
La jeune fille lança un regard effrayé à Sang Xinghe.
« Grand frère martial. »
À ces mots, le visage de Sang Xinghe changea légèrement d'expression. Il fit ensuite :
« Donne-moi le miroir en bronze. »
La jeune fille s'exécuta docilement mais peu de temps après qu'elle lui ait tendu le miroir, elle vit son frère aîné martial qui était toujours d'humeur douce fracasser directement le miroir par terre, le visage encore plus sinistre. Cela la fit trembler un peu. Pourquoi son grand frère martial paraissait si différent après son réveil ?
C'était terrible.
La jeune fille trembla comme une feuille et le mot peur était clairement écrit sur son visage. Sang Xinghe plissa le front et réfléchit un moment, puis ramena naturellement son regard sur la petite sœur martiale.
Ainsi fixée par Sang Xinghe, la jeune fille recula de deux pas involontairement.
Après que Sang Xinghe ait dévisagé la jeune fille un long moment, un sourire apparut au coin de ses lèvres.
« J'ai mal à la tête et je t'ai fait peur, hein ? Où est Shen Jue ? »
Voyant que Sang Xinghe semblait être redevenu normal, la jeune fille fut soulagée.
« Shen Jue ? Qian Song et lui sont sortis, grand frère martial. Je vais envoyer quelqu'un l'avertir tout de suite. Shen Jue a pris soin de toi durant tout ce temps, de jour comme de nuit. Il a perdu beaucoup de poids. Quand il apprendra que tu as repris conscience, grand frère martial, il va être tellement heureux. »
Le sourire sur les lèvres de Sang Xinghe s'élargit pourtant il n'y avait aucune joie dans ses yeux, seulement un courant violent sous la mer calme.
« Vraiment ? J'espère qu'il sera tout aussi content de me voir. »
La jeune fille ne comprit pas ce qu'il voulait dire. Toutefois, son grand frère martial avait été blessé à la tête alors cela se comprenait qu'il soit un peu confus dans son langage. Le plus important était qu'il avait repris connaissance.
Alors la jeune fille sortit prévenir joyeusement tout le monde que Sang Xinghe était réveillé. Elle envoya également un serviteur prévenir Shen Jue. Quand elle quitta la chambre, Sang Xinghe se leva du lit. Il se pencha pour ramasser le miroir en bronze par terre. C'était un miroir de bonne qualité alors il ne s'était même pas brisé en tombant.
Il contempla longuement le visage dans le miroir sans rien dire puis il se mit à rire doucement. Ce rire était effrayant dans la chambre silencieuse.
« Voilà qui est amusant, hein ? »
Quand Shen Jue revint en courant à la secte de Soie Céleste, il y avait déjà une foule autour de Sang Xinghe. Les gens étaient si agglutinés que Shen Jue ne put se faufiler. Il dut se résoudre à rester en périphérie et à écouter les gens poser des questions à Sang Xinghe de toute part.
Sang Xinghe avait un léger sourire aux lèvres et répondait volontiers à toutes les questions. Au bout du compte, sa petite sœur martiale n'y tint plus et fit :
« Bon, vous l'avez assez vu comme ça. Grand frère martial vient juste de reprendre conscience et vous, vous l'assommez de questions. Vous voulez qu'il s'évanouisse à nouveau ? »
Tout le monde eut un rire embarrassé. L'un d'eux fit :
« Le maître est encore en retraite spirituelle, devons-nous l'informer que grand frère martial a repris connaissance ? »
Le regard de Sang Xinghe se modifia imperceptiblement et il répondit tranquillement :
« Puisque le maître est encore en retraite, ne le dérangeons pas pour quelque chose de si trivial.
– Grand frère martial a raison, fit un autre disciple. Nous attendrons que le maître sorte de sa retraite. »
Tout le monde commença à sortir de la chambre de Sang Xinghe. Dès que ces gens partirent, la petite sœur martiale vit Shen Jue à la porte et ses yeux s'illuminèrent. Elle lui fit rapidement signe de la main.
« Shen Jue, viens. Grand frère martial t'attendait. »
Sang Xinghe se tourna vers la porte à ces mots. Quand il vit Shen Jue, ses pupilles se contractèrent légèrement et son sourire s'élargit. Shen Jue entra et s'avança vers lui. Il n'eut pas le temps de dire un mot que Sang Xinghe le prit dans ses bras.
« Ah ! s'écria la petite sœur martiale en se couvrant rapidement les yeux. Grand frère martial, je suis encore là. »
Sang Xinghe passa ses bras autour de la taille de Shen Jue et étira les lèvres.
« Alors tu peux partir maintenant. »
La jeune fille renifla puis sortit rapidement, un peu embarrassée. Elle allait trouver Qian Song pour lui demander un câlin aussi.
Shen Jue se fit soudain enlacer et prit un air sidéré.
« Tu es content de voir que je suis réveillé ? »
Sang Xinghe caressa sa nuque affectueusement. Le cou de Shen Jue était très fin, comme s'il pouvait se briser d'une simple pression ;
Shen Jue voulut se libérer mais il se retint. Il hocha la tête et demanda doucement :
« Tu as encore mal à la tête ? »
Sang Xinghe s'était déjà baigné et changé. Il y avait une odeur d'encens sur ses vêtements qui mit Shen Jue un peu mal à l'aise.
« Encore un peu, murmura Sang Xinghe. Yu Ci est mort, n'est-ce pas ? »
Shen Jue émit un mmm, réfléchit puis ajouta :
« He Qiaoying a ramené son corps à l'Île des Dix Absolus. »
Quand Sang Xinghe apprit cela, quelque chose passa dans ses yeux. Il contempla l'air aimable de Shen Jue et le coin de ses lèvres frémit légèrement.
« Tant mieux qu'il soit mort. Comme ça, tu n'auras plus à avoir peur qu'il te fasse encore du mal. Tu es content qu'il soit mort ? »
Shen Jue se dit que cette question était un peu bizarre. Ses sourcils frémirent et il répondit :
« Sans plus. »
Sang Xinghe haussa un sourcil.
« Sans plus ? Il s'est montré si méchant avec toi et il a tenté de te tuer. Il est mort, tu devrais être très heureux, non ? »
Shen Jue ne ressentait pas plus que ça par rapport à la mort de Yu Ci, mais cela avait au moins permis à Sang Xinghe de vivre, ce qui était bien.
« Je suis heureux. »
Shen Jue prononça ces trois mots après réflexion.
Dès qu'il eut dit cela, il sentit soudain la main sur son cou serrer très fort. Il toussa et Sang Xinghe le lâcha aussitôt. Il lança un regard d'excuse au jeune homme.
« Je t'ai fait mal, pardon. J'ai juste senti une vive douleur à la tête et ma main s'est contractée involontairement. »
Shen Jue fronça les sourcils et secoua la tête.
« C'est bon. »
Il voulut se libérer de l'étreinte de Sang Xinghe mais dès qu'il bougea, les bras de l'autre homme se resserrèrent autour de lui.
« Shen Jue, fit-il à son oreille en baissant la tête. J'ai dormi pendant si longtemps et mon corps est si faible. Tu peux me donner de l'énergie interne ? »
Shen Jue sentit le souffle de l'autre envelopper son oreille. Il pencha la tête, mal à l'aise. Il comprenait très bien ce que voulait dire Sang Xinghe.
« Tu viens juste de te réveiller et on est encore en plein jour. »
Shen Jue posa la main sur le torse de l'autre homme, sa voix aussi faible que celle d'un moustique. Il y avait une touche de rouge sur son visage.
« On en reparlera dans quelques jours.
– Non, je veux le faire maintenant, » répliqua Sang Xinghe en refusant de le lâcher.
Shen Jue baissa les yeux et son visage exprimait clairement sa réticence. Pourtant, Sang Xinghe se contenta de le regarder calmement, sans le lâcher ni dire quoi que ce soit, comme s'il attendait de voir ce que le jeune homme déciderait.
Allait-il accepter ou bien carrément refuser ?
Après un moment, quand il vit Shen Jue hocher légèrement la tête, une lueur moqueuse parcourut son regard.
Sang Xinghe leva la main pour saisir le menton du jeune homme. Contrairement à son regard, il y avait un sourire chaleureux au coin de ses lèvres.
« Tu es si bon, je t'aime tellement. »
Shen Jue regarda Sang Xinghe et ressentit une panique inexplicable. Il ignorait d'où elle venait et il n'eut pas vraiment le temps d'y réfléchir parce que l'instant d'après, Sang Xinghe l'avait directement soulevé dans ses bras.
Shen Jue avait vraiment horreur de ça. Ce n'était pas comme s'il n'avait pas de jambes, alors pourquoi fallait-il que l'autre le porte pour marcher ?
Sang Xinghe déposa l'autre personne sur le lit et il y avait un léger sourire dans ses yeux comme les eaux limpides d'automne. Après un moment, il tendit le main pour arracher la tenture et recouvrir avec la scène de printemps qui avait lieu dans le lit.
Il y a un poème qui dit : « Les tentures de brocart s'attiédissent tandis que le brûle-parfum répand son odeur. Assis face à face, jouons du sheng Tiré d'un poème de Zhou Bangyan : Un jeune sur la route - un couteau comme l'eau. Cela parle d'un homme et une femme dans une pièce. L'homme veut rester pour la nuit mais la femme est réticente. (1). »
Un autre poème dit : « Plie la taille comme le saule, ouvre légèrement le cœur de la fleur et les gouttes de rosée s'épanouiront sur la pivoine Tiré de l'Histoire du Pavillon d'Occident (Xixiang Ji), une pièce de théâtre de Wang Shifu. Le sens est assez clair ! (2). »
Sang Xinghe sortit du lit et ramassa une tunique par terre avant de l'enfiler rapidement. Le soleil se couchait à l'ouest. Un serviteur était venu plus tôt porter de la nourriture. Il avait dû entendre le bruit à l'intérieur alors il avait annoncé qu'il posait la nourriture devant la porte. Sang Xinghe marcha lentement vers la porte puis l'ouvrit. Sans surprise, la nourriture était déjà froide. Il sortit alors de la chambre. Dans le couloir, un disciple de la secte de Soie Céleste aperçut Sang Xinghe et le salua. Puis quand il vit son état débraillé, son visage manifesta sa stupéfaction.
Sang Xinghe regarda ce disciple et fit :
« La nourriture dans ma chambre est froide. Je n'ai pas trouvé le serviteur. »
Le disciple fit rapidement :
« Je vais aider grand frère martial à appeler quelqu'un. »
Le disciple fit demi-tour et s'apprêtait à partir quand Sang Xinghe le héla de nouveau :
« Au fait, il faut aussi deux seaux d'eau chaude. »
Le disciple n'osa pas tourna la tête vers lui. Il acquiesça et partit en courant.
Sang Xinghe avait toujours été rigoureux. Il portait des tuniques avec des hauts cols. Il ne dévoilait jamais son torse. Alors le disciple n'avait pas osé regarder de nouveau, de peur d'avoir des pensées impures envers son grand frère martial. Après tout, son grand frère martial était vraiment très avenant.
À présent que Sang Xinghe avait trouvé quelqu'un pour s'occuper de ça à sa place, il revint sur ses pas. L'odeur dans la chambre semblait un peu trop forte. Après y avoir réfléchi, Sang Xinghe ouvrit la petite fenêtre afin de ventiler et alluma une bougie parfumée avant de s'approcher du lit.
Derrière la tenture turquoise, la silhouette dans le lit était indistincte.
Sang Xinghe tendit la main pour ouvrir doucement la tenture turquoise. La personne au lit était endormie. Il y avait des marques rouges profondes ou légères comme des fleurs de prunier sur l'une des épaules non recouverte par la couverture en brocart, et un visage délicat perçait sous le voile de cheveux noirs qui semblait sans fin.
Sang Xinghe contempla cette scène mais son visage était glacial et il y avait même une lueur de dégoût dans ses yeux. Il se tint au bord du lit et regarda jusqu'à ce qu'on toqua à la porte.
Quand Shen Jue se fit réveiller par Sang Xinghe, il avait mal dans tout le corps. Il était épuisé et son corps encore plus. C'était comme si on lui avait déboîté tous les os pour les lui remettre en place. Chaque parcelle de son corps lui faisait mal. Quand Sang Xinghe l'appela d'une voix tendre, il n'avait qu'une envie : enfouir son visage sous la couverture.
« Lève-toi et mange un peu. Je te porterai pour prendre un bain ensuite, puis je te ramènerai au lit après le bain, l'amadoua patiemment l'autre homme. Tu es poisseux et ça ne doit pas être agréable pour dormir, hein ? Les draps ont aussi besoin d'être changés. Allez, debout. »
Cette remarque fit passer l'envie de dormir à Shen Jue.
Il fronça les sourcils et s'assit lentement en tenant la couverture contre lui. Il ouvrit ensuite une paire d'yeux bleus embrumés et tâtonna sur la couverture pour essayer de trouver ses vêtements.
En voyant ça, Sang Xinghe lui tendit les vêtements qu'il lui avait proposés le matin.
Shen Jue était si confus qu'il ne vit pas clairement les vêtements alors il les enfila. Ce ne fut qu'à la moitié du processus qu'il se rendit soudain compte qu'il mettait des vêtements de femme.
Shen Jue cligna des yeux et regarda Sang Xinghe d'un air hébété. Sa voix était un peu enrouée.
« Non... pas ça. »
Sang Xinghe caressa le visage du jeune homme.
« Si, ça. »
Ses yeux étaient gentils et son ton aimable.
« Je suis sûr que tu auras l'air très beau avec ça. Notre Xiao Jue va porter des vêtements de femme à l'avenir. Comme ça, j'aimerais Xiao Jue encore plus. »
Notes du chapitre :
(1) Tiré d'un poème de Zhou Bangyan : Un jeune sur la route - un couteau comme l'eau. Cela parle d'un homme et une femme dans une pièce. L'homme veut rester pour la nuit mais la femme est réticente.
(2) Tiré de l'Histoire du Pavillon d'Occident (Xixiang Ji), une pièce de théâtre de Wang Shifu. Le sens est assez clair !
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