Chapitre 67
Quand Sang Xinghe dit cela, il ne s'attendait pas à ce que l'autre le croit. Toutefois, il n'avait vraiment aucun souvenir des deux derniers jours ; c'était même à tel point qu'il ne se rappelait pas le moment où il s'était réveillé. Pour lui, il venait juste d'enfoncer son épée dans le cœur de Yu Ci l'instant d'avant et l'instant d'après, il se faisait réveiller par sa petite sœur martiale.
L'instant d'avant, on était en hiver et à présent, le printemps avait débuté. Sang Xinghe avait l'impression que tout ce qu'il voyait n'était qu'un rêve. Il vivait dans un rêve de manière confuse, mais quel genre de rêve aurait l'air si réel ?
Il ne put que se sentir un peu abattu. Ce fut alors qu'il entendit à son oreille —
« Je te crois. »
Sang Xinghe en resta interloqué puis leva aussitôt la tête pour regarder Shen Jue.
« Tu me crois vraiment ? »
Shen Jue le fixa froidement.
« Je te crois, alors tu peux partir maintenant ? »
Sang Xinghe soupira intérieurement. L'autre restait méfiant, c'était tout. Il n'aurait jamais pensé que quelqu'un le croirait. Si on lui avait dit ça, lui-même n'y aurait pas cru. Sang Xinghe nourrissait toujours quelques doutes dans son cœur et se promit d'aller consulter un médecin à propos de sa situation. Mais le plus urgent pour le moment était d'amadouer l'autre jeune homme pour qu'il revienne.
« Xiao Jue, si tu veux être fâché contre moi, tu peux me frapper et me crier dessus. Mais ne reste pas ici, il y a bien trop de gens et d'agitation. »
Il parlait d'une voix douce, chaleureuse et cajoleuse. Shen Jue plissa le front en voyant l'autre homme se comporter ainsi.
Le Sang Xinghe en face de lui était celui qu'il connaissait bien, tandis que le Sang Xinghe de ces deux derniers jours avait un caractère imprévisible et déraisonnable, comme s'il était devenu une autre personne. Shen Jue n'avait strictement rien fait pour offenser Sang Xinghe durant ces deux jours, alors l'autre homme n'avait eu aucune raison de se montrer si cassant avec lui.
À cette pensée, Shen Jue s'avança soudain et toucha le visage de l'autre homme.
Ce contact surprit Sang Xinghe puis il vit Shen Jue tâter soigneusement et même sa nuque. Comme il était intelligent, il comprit aussitôt :
« Tu crois que j'ai changé de visage ? »
Ce fut comme l'autre fois : Shen Jue ne sentit rien. Il se mordit les lèvres et retira sa main. Il fit face à Sang Xinghe et secoua simplement la tête. Il fit ensuite :
« Allons-y. »
Shen Jue s'était rendu au Pavillon de la Brise Printanière pour se retirer et voir comment Sang Xinghe réagirait. Ce dernier avait accouru pour s'excuser, comme il l'avait prévu, toutefois sa réaction était différente de ce qu'il avait pu imaginer.
La nuit précédente et celle d'avant, Sang Xinghe semblait être quelqu'un d'autre. Shen Jue se dit qu'il y avait quelque chose de louche dans tout ça et qu'il ne pourrait mettre le doigt dessus qu'en restant aux côtés de Sang Xinghe.
Quand Sang Xinghe entendit que le jeune homme était d'accord pour rentrer avec lui, un sourire naquit aussitôt sur ses lèvres. Cependant, il vit de nouveau les marques sur le corps de Shen Jue et ses yeux s'assombrirent. Bien qu'il ne se mette pas en colère, il demanda d'un ton hésitant :
« Ces marques sur ton corps... »
Shen Jue lui lança un regard et Sang Xinghe en resta stupéfait.
« Moi ? »
Le jeune homme hocha la tête.
Sang Xinghe fronça légèrement les sourcils puis regarda de plus près. Les marques sur le corps du jeune homme n'étaient effectivement pas récentes. Elles semblaient dater d'au moins un jour ou deux... Cela s'était donc produit durant ces deux jours dont il ne se souvenait pas. Cela voulait donc dire qu'il avait couché avec Shen Jue ainsi, était ensuite allé au Pavillon de la Brise Printanière pour boire du vin et s'amuser toute la nuit avant de revenir se disputer avec l'autre et l'énerver à tel point que Shen Jue était parti au Pavillon de la Brise Printanière ?
Il était donc si horrible que ça ?
Pendant que Sang Xinghe procédait à son introspection, Shen Jue regarda les vêtements sous le lit puis lança un regard un peu dégoûté à l'autre homme.
« Je ne veux pas porter des vêtements d'hier. »
Sang Xinghe fit alors d'un ton conciliant :
« Je vais aller t'acheter des nouveaux vêtements et je reviendrai. Après mon départ, n'oublie pas de bien verrouiller la porte. »
Sur ce, il sortit et fit coulisser soigneusement la porte derrière lui. Tous ces détails rendirent Shen Jue encore plus dubitatif. Le Sang Xinghe qu'il avait vu il y avait deux jours était-il le vrai Sang Xinghe ? Mais il l'avait examiné la veille et il n'y avait aucune trace de changement de visage. Une potion de changement de visage pouvait au plus changer juste le visage d'une personne mais pour prendre totalement l'apparence de quelqu'un, il fallait un masque de peau.
En prenant du recul, si le Sang Xinghe de ces deux derniers jours était un imposteur, pourquoi le vrai Sang Xinghe ne s'était-il pas manifesté ? Il n'était apparu que deux jours plus tard et même à présent qu'il s'était baigné, il sentait encore un peu l'alcool comme l'autre lui.
Cela renforça les doutes de Shen Jue.
Quand Sang Xinghe était parti, la petite sœur martiale avait attendu son retour aux portes de la secte. Elle vit donc Shen Jue et Sang Xinghe revenir ensemble. Elle les rejoignit aussitôt en courant et avec un grand sourire.
« Shen Jue, tu es enfin de retour. »
Elle tira Shen Jue par le bras.
« Tu n'as pas encore pris ton petit-déjeuner ? Je vais demander à la cuisine de te préparer quelque chose de délicieux. Viens vite manger avec moi. »
Shen Jue fut entraîné par elle et Sang Xinghe, qui était resté en arrière, toussota. Il faisait ça pour attirer l'attention mais à son grand dam, les deux personnes devant lui ne se retournèrent même pas. Il fut donc obligé de parler :
« Yangyang, je n'ai pas non plus pris de petit-déjeuner. »
La jeune femme ne se retourna même pas.
« Grand frère martial, et si tu allais manger au Pavillon de la Brise Printanière ? Il paraît que la nourriture y est délicieuse. »
Encore ce foutu Pavillon de la Brise Printanière, ne put s'empêcher de jurer Sang Xinghe mentalement.
Il vit que sa petite sœur martiale ne l'attendait vraiment pas alors il n'osa pas la suivre. Après être entré dans la secte de la Soie Céleste, il tourna sur le côté et se dirigea vers la cour du docteur An Zhong.
Le médecin était en train de trier des herbes. Quand il vit Sang Xinghe arriver, il posa rapidement ce qu'il tenait.
« Qu'est-ce que tu fais là ? Tu te sens bien ? »
Quand Sang Xinghe s'était réveillé, c'était ce docteur qui était venu l'examiner et il avait vu que l'autre homme était vivant et en bonne santé.
Sang Xinghe hésita puis fit :
« Je crois qu'il y a un problème chez moi.
– Tu as des migraines ? demanda le docteur d'un ton soucieux.
– Non, répondit Sang Xinghe en secouant la tête. J'ai apparemment des trous de mémoire. »
Il expliqua son problème en détail au médecin. Après l'avoir écouté, le docteur fronça les sourcils et prit un air grave.
« Ce genre de chose... Mon livre de médecin fait mention du syndrome de l'âme errante mais ta situation actuelle n'y ressemble pas vraiment. Tu es sûr de n'avoir aucun souvenir même vague de ces deux derniers jours ?
– Ce n'est pas que ces deux derniers jours. En fait, mon dernier souvenir remonte au jour où j'ai tué Yu Ci. »
Sang Xinghe fit une vilaine tête.
« Et j'ai apparemment fait toutes sortes de choses stupides ces deux derniers jours. Non seulement je ne m'en souviens pas mais en plus, je ne crois pas que ce sont des choses que j'aurais pu faire. »
Le médecin n'avait aucune réponse à fournir à Sang Xinghe sur son état alors il ne put que dire vaguement :
« Peut-être que ta blessure à la tête n'est pas encore guérie, c'est pour ça que tu as perdu une partie de tes souvenirs. Ce n'est pas impossible. »
Cela pourrait-il être causé par sa blessure à la tête qui n'était pas encore guérie ?
Sang Xinghe en doutait un peu, toutefois il n'avait pas d'autre choix que d'accepter cette explication. Il retourna dans sa cour.
Sang Xinghe retourna d'abord dans sa chambre et découvrit bientôt que sa longue épée qui aurait dû normalement être accrochée au mur avait disparu. Il appela immédiatement le serviteur chargé du nettoyage.
« Tu as vu l'épée de la Lune Claire qui se trouvait au mur ? »
Cette épée lui avait été offerte par son maître quand il avait atteint l'âge de porter le guan. Il l'avait toujours énormément chérie.
Le serviteur entendit la question de Sang Xinghe et son visage prit un air un peu stupéfait.
« Cette épée, vous avez ordonné à cet humble serviteur de l'enterrer et...
– Quoi d'autre ? »
Sang Xinghe avait un mauvais pressentiment.
Ce serviteur avait toujours travaillé dans la cour de Sang Xinghe. Il savait donc à quel point l'épée de la Lune Claire comptait pour Sang Xinghe. Il eut si peur que de la sueur froide coula sur son front.
« Et aussi... vous avez ordonné à cet humble serviteur de... pisser dessus.
– ... »
Sang Xinghe garda le silence un bon moment avant de dire :
« De pisser sur l'épée ou bien sur le sol où est enterrée l'épée ? »
En voyant l'air mauvais de l'autre homme, le serviteur déglutit avant de se résoudre à répondre :
« Les deux....
– Bon, je vois. »
Sang Xinghe se sentit très las et ne voulut pas en entendre plus. Il agita faiblement la main.
« Tu peux partir. »
Il désirait être seul pour le moment.
Il n'avait plus envie de récupérer son épée, il était si écœuré qu'il avait simplement envie de vomir.
Mais qu'est-ce qu'il avait bien pu faire ces deux derniers jours... ?
Dans une chambre annexe, la petite sœur martiale et Shen Jue avaient fini leur petit-déjeuner. Elle se mit à bavarder avec lui. En le regardant, Shen Jue se rappela de quelque chose.
« Quand tu m'as vu la première fois, tu as parlé d'une peinture. Tu t'en souviens ?
– Une peinture ? »
La jeune femme cligna des yeux et réfléchit un moment avant de se souvenir.
« Tu veux parler du portrait qui se trouve dans le bureau de mon grand frère martial ? »
Le bureau de Sang Xinghe ?
Shen Jue cacha sa surprise et demanda calmement :
« Tu as dit que c'était moi sur cette peinture, n'est-ce pas ? »
La petite sœur martiale commença par hocher la tête avant de la secouer.
« Je ne sais pas. Le visage que j'ai vu te ressemble beaucoup mais plus je passe de temps avec toi et plus je me dis que la personne représentée ne peut pas être toi. Ce portrait semble dater de plusieurs années et tu n'as que dix-neuf ans, cela ne peut donc pas être toi sauf si quelqu'un avait peint à l'avance ce à quoi tu ressemblerais maintenant, mais comment quelqu'un aurait-il pu savoir à quoi tu ressemblerais maintenant ? »
Cela laissa Shen Jue quelque peu perplexe. Il y songea et décida d'aller lui-même dans le bureau de Sang Xinghe.
Quand il s'y rendit, Sang Xinghe ne se trouvait plus dans sa cour alors Shen Jue put entrer directement dans son bureau sans souci. Toutefois il eut beau regarder tout autour, il ne vit pas cette fameuse peinture.
Il contourna le bureau et découvrit un petit cabinet fermé sous le meuble. Il regarda le cadenas et se rendit compte qu'il ne s'agissait pas d'un cadenas ordinaire mais un cadenas codé à neuf chiffres. Ce genre de cadenas changeait de code à chaque fois qu'il était déverrouillé. Alors à part pour son propriétaire, ce serait compliqué pour quelqu'un d'autre de trouver le code. Qu'y avait-il dans ce cabinet pour que Sang Xinghe ait recours à un cadenas si complexe ?
Quand il avait suivi Sang Xinghe en tant qu'âme désincarnée dans ses vies précédentes, il n'avait jamais remarqué cela.
Pendant que Shen Jue tenait le cadenas pour l'examiner, il entendit soudain des bruits de pas à l'extérieur du bureau. Il reposa aussitôt le cadenas et se leva. Il vit alors Sang Xinghe entrer.
L'homme fut surpris de le voir.
« Tu cherchais quelque chose dans mon bureau ? »
Shen Jue hocha la tête et mentit :
« Je veux apprendre à peindre avec Qian Song mais le papier qu'il utilise est très cher. Comme je ne suis qu'un débutant, je ne voudrais pas gâcher du si bon papier alors j'ai pensé à venir voir si tu avais du papier de basse qualité pour peindre dessus.
– Oui. »
Sang Xinghe s'avança vers le bureau et ouvrit un tiroir non verrouillé.
« Voici le papier dont je me servais avant pour peindre. Tu peux venir quand tu veux. Tu peux en prendre autant que tu veux.
– Tu peignais toi aussi ? » s'enquit Shen Jue.
Sang Xinghe hocha la tête puis prit une pile de papiers du tiroir.
« J'ai appris avec mon maître pendant un temps mais après, j'ai arrêté. »
Il tourna la tête pour regarder le jeune homme.
« J'ai aussi des ustensiles pour peindre, tu les veux ? »
Shen Jue prit le papier des mains de Sang Xinghe.
« Non, Qian Song a ce qu'il faut. »
En parlant du maître de Sang Xighe, cela faisait plusieurs mois que Shen Jue vivait ici mais il ne l'avait jamais vu. D'après la petite sœur martiale, leur maître était parti en retraite spirituelle peu de temps après que Sang Xinghe ait disparu. Le lieu spirituel était la montagne derrière la Secte de Soie Céleste.
Une fois que Shen Jue prit le papier pour peindre, il feignit de s'intéresser au bureau de Sang Xinghe. Après en avoir fait le tour plusieurs fois, il demanda soudain :
« Est-ce que tu as ce genre d'album illustré ? »
Sang Xinghe ne comprit pas.
« Hein ? »
Shen Jue se tourna vers lui.
« Le genre d'album que le Pavillon de la Brise Printanière doit posséder. »
L'homme comprit alors. Il toussota avec le poing devant la bouche.
« Je... non. »
Après ça, les lobes de ses oreilles rougirent légèrement. Il n'en possédait vraiment pas, cependant il avait été curieux à ce sujet étant plus jeune. Il avait regardé en cachette les albums illustrés d'un de ses petits frères martiaux, cependant il n'avait rien ressenti de particulier à l'époque. Il s'était seulement dit que les deux personnages qui s'affrontaient dans les images n'étaient pas aussi intéressants que les personnages qui s'affrontaient dans les méthodes d'arts martiaux.
Il était terriblement embarrassé, toutefois Shen Jue ne le lâcha pas et s'approcha même de lui.
« Tu n'en as vraiment pas ? Tu ne les caches pas quelque part, hein ? »
Sang Xinghe contempla le visage tout proche et songea étrangement à toutes ces images enchanteresses. Quand il était plus jeune, il avait trouvé ça ennuyeux mais à présent, c'était plutôt intéressant d'y songer. À cette idée, Sang Xinghe rougit. Il recula d'un pas et fit d'un ton gêné :
« Non, je ne t'ai pas menti. »
Shen Jue roula des yeux et désigna le cabinet verrouillé.
« Alors qu'est-ce qu'il y a là-dedans ? »
Sang Xinghe suivit la direction pointée par Shen Jue et regarda. La chaleur sur son visage disparut peu à peu.
« Ce n'est rien, juste quelques lettres. Je les ai mises sous clef là parce qu'elles viennent de vieux amis et que j'ai peur de les perdre, » expliqua-t'il.
Il prit la main de Shen Jue et fit :
« Sortons, il n'y a rien d'amusant à faire ici. »
Shen Jue avait délibérément mentionné le cabinet en présence de Shen Jue afin de le tester. D'une part, il voulait savoir si le contenu du cabinet était important ou pas. D'autre part, il voulait tester son importance actuelle dans le cœur de Sang Xinghe. Sauf que pour le moment, il semblait que l'autre homme n'avait que des sentiments limités pour lui.
Durant les jours qui suivirent, Sang Xinghe se comporta normalement, comme si le Sang Xinghe violent des premiers jours n'existait pas. Pendant le jour, soit Sang Xinghe restait à la secte pour entraîner ses petits frères et sœurs martiaux, soit il sortait venir en aide aux villageois ou aux personnes âgées. Il s'occupait aussi des tâches plus dangereuses, comme réparer un toit.
Il était très bien auto-discipliné, comme Shen Jue put pleinement s'en rendre compte durant ces quelques jours.
Sang Xinghe se levait avant l'aube. Il appelait ensuite Shen Jue qui dormait dans l'autre chambre pour qu'il vienne avec lui. Il croyait que la raison de la faiblesse de Shen Jue était qu'il ne s'exerçait pas suffisamment, alors tous les matins, il emmenait Shen Jue courir sur une piste dans la montagne.
« Pour nous qui pratiquons les arts martiaux, le corps est le plus important. Quand le corps est résistant, notre cultivation sera naturellement bonne, » expliqua Sang Xinghe.
Il tira par le bras un Shen Jue déjà à bout de souffle pour faire deux tours de plus.
Shen Jue sentait bien que son corps était faible et l'approche de Sang Xinghe correspondait vraiment à ce qu'il désirait, cependant il y avait une chose gênante. À force de rester près de Sang Xinghe, son corps finissait toujours par émettre son parfum particulier. En plus, le fait de courir faisait justement battre le cœur plus vigoureusement. En général, Sang Xinghe s'arrêtait après quelques tours pour annoncer avec un air un peu embarrassé :
« Je vais me laver le visage. »
Shen Jue regardait sans un mot la partie inférieure du corps de l'autre homme et faisait comme s'il ne se rendait compte de rien.
Depuis qu'il était redevenu lui-même, Sang Xinghe n'avait rien tenté de trop intime avec lui, il se comportait plus comme si Shen Jue était son petit frère martial qu'il entraînait.
Pour Shen Jue, c'était à la fois un bien et un mal.
Un soir, la petite sœur martiale invité Shen Jue et Sang Xinghe pour fêter la sortie du nouvel album de Qian Song. Durant le repas, Sang Xinghe n'autorisa pas Shen Jue et la jeune femme à boire, seuls Qian Song et lui purent boire. Cela ne ravit pas la petite sœur martiale qui s'approcha pour murmurer en douce à l'oreille de Shen Jue :
« Grand frère martial est vraiment trop strict, il ne nous laisse pas boire. »
Shen Jue prit une gorgée de jus de prune aigre et répondit à voix basse :
« L'alcool n'est effectivement pas quelque chose de bien, tu n'as pas besoin d'en boire. »
Voyant que Shen Jue n'était pas de son côté, la jeune femme soupira. Elle ne put que lorgner sur la coupe de Qian Song.
Après le repas, Sang Xinghe alla se promener avec Shen Jue. Le temps s'était rafraîchi mais la nuit restait agréable. Sous les myriades d'étoiles et dans l'air raffiné, Sang Xinghe était déjà ivre. Le fait de prendre l'air augmenta son état d'ébriété. En voyant la manière dont il marchait, Shen Jue ne put que l'avertir :
« Ne tombe pas. »
L'autre homme pencha la tête sur le côté pour lui sourire.
« C'est bon, je ne vais pas tomber. »
Dès qu'il eut dit cela, Shen Jue vit le corps de Sang Xinghe trembler et s'écrouler directement par terre, la tête la première.
Il tomba et ne se releva pas.
Shen Jue s'accroupit pour vérifier l'état de l'autre homme.
« Sang Xinghe ? »
Il retourna l'autre homme et vit que sa tête avait apparemment heurté une pierre. Bien que cela ne saigne pas, la peau était un peu éraflée. L'homme avait les yeux fermés et Shen Jue ne pouvait dire s'il était inconscient ou juste endormi.
Shen Jue tapota le visage de Sang Xinghe sans obtenir de réponse. Il lui pinça alors le philtrum La pliure en forme de goutte entre la bouche et le nez. C'est un point d'acupuncture. (1) et cette fois, l'homme se réveilla.
Dès qu'il ouvrit les yeux, il agrippa fermement la main de Shen Jue.
Le regard de Sang Xinghe était acéré et il regardait l'autre jeune homme d'un air pas content du tout. Il fit d'une voix grave :
« Qu'est-ce que tu fais ? »
Shen Jue en resta surpris un moment puis répondit :
« Tu viens de t'évanouir après une chute. Je voulais te pincer le philtrum pour te réveiller. »
Sang Xinghe lâcha alors la main de Shen Jue et se releva tout seul. Il lança un regard indifférent au jeune homme.
« Tu as été si brute que j'ai cru que tu voulais me tuer. Mais en fait tu voulais me sauver, ah. »
Shen Jue regarda l'autre homme qui parlait si méchamment. Il fronça les sourcils sans rien dire. Cet homme semblait se comporter comme l'autre Sang Xinghe à son réveil.
C'était trop étrange.
Il réfléchit un moment puis voulut quitter Sang Xinghe, qui était de toute évidence bien plus dangereux, afin d'aller chercher la petite sœur martiale et Qian Song.
« Tu viens de te cogner la tête. Je vais chercher le médecin pour qu'il t'examine. »
Mais avant qu'il ne puisse courir quelques pas, il se fit rattraper par l'homme derrière lui. Sang Xighe saisit le bras de Shen Jue et l'attira vers de la rocaille non loin. Ses paroles étaient toujours désagréables.
« Pour quoi faire un docteur ? Donne-moi juste un peu d'énergie interne. »
Shen Jue se débattit dès qu'il entendit ça, cependant il ne faisait pas le poids contre Sang Xinghe et se fit immobiliser en quelques coups. Il finit même avec les mains attachées avec sa ceinture.
« Sang Xinghe, tu es devenu fou ? » s'écria Shen Jue, rouge de colère.
L'homme dénoua sa propre ceinture et fit d'un ton sans gêne :
« Oui, je suis fou. Toi seul peux guérir ma folie.
– Enfoiré... tu … ne vas quand même pas...
– Oh que si. »
Non, il avait beau retourner la situation dans tous les sens, il y avait un problème. Comparé à l'autre fois, Shen Jue sentit clairement que cet homme n'était plus le même. Sang Xinghe était seulement tombé et quand il avait rouvert les yeux, il était devenu une autre personne.
Shen Jue avait déjà entendu parler de ce genre de situation : une déviation de Qi quand on cultivait trop et qui engendrait la présence de deux personnalités dans un même corps. Cependant, Sang Xinghe ne semblait pas avoir fait une déviation du Qi, alors pourquoi cela se produisait-il ?
Ce monde était une illusion alors certaines choses pouvaient effectivement sortir du cadre de la logique. Pourtant, Sang Xinghe ne pouvait pas changer radicalement de personnalité comme ça, non ? En plus pour passer d'un extrême à l'autre ?
Sang Xinghe plissa légèrement ses magnifiques yeux. Il n'apprécia pas de voir l'autre plongé dans ses pensées. Il ne put s'empêcher de se pencher pour mordre le lobe d'oreille de Shen Jue puis il grinça des dents et fit :
« Dans un moment pareil, tu arrives quand même à penser à autre chose. Tu n'es vraiment pas croyable, ah. »
Shen Jue haussa les sourcils à cause de la douleur. Il tourna la tête pour lancer un regard compliqué à Sang Xinghe qui se trouvait tout près de lui.
« Qui es-tu ? Tu n'es pas Sang Xinghe. »
Quand l'autre homme entendit ça, il ricana.
« Pourquoi tu dis ça ? Je suis Sang Xinghe. J'ai ses souvenirs, sa cultivation, son corps... Si je ne suis pas Sang Xinghe, alors qui d'autre le serait ? »
À ces mots, il s'enfonça soudain de toutes ses forces et eut un sourire ravi en voyant l'autre inspirer brusquement.
Il baissa légèrement la tête, sa voix grave enrouée de désir :
« Tu peux considérer que je suis le démon intérieur de Sang Xinghe. Je fais seulement ce qu'il désire mais n'ose pas faire. »
Un démon intérieur ? C'était donc un démon intérieur ? On aurait plutôt dit un démon lubrique.
Au final, Shen Jue se fit porter, ayant perdu connaissance. Quand il se réveilla le lendemain, il était déjà midi. Dès qu'il ouvrit les yeux, il sentit la douleur dans tous son corps. Sans parler de son dos, il avait également mal dans un endroit très embarrassant. Sang Xinghe l'avait forcé à implorer sa pitité sur la rocaille la nuit dernière, ainsi que de l'appeler Gege Grand frère, mais c'est aussi utilisé entre amants. (2). Shen avait refusé et l'expression du visage de Sang Xinghe avait alors changé, comme s'il n'avait pas vu de viande depuis dix ans. Il faillit le dévorer tout cru, à tel point que Shen Jue ne put en subir davantage : il finit par pleurer honteusement et appela plusieurs fois Gege l'autre homme.
En repensant à la nuit dernière, le visage de Shen Jue se tordit en une hideuse grimace.
À cet instant, la porte s'ouvrit.
Shen Jue se tourna aussitôt pour regarder et vit Sang Xinghe entrer avec un bol de bouillie de riz.
Sang Xinghe posa d'abord le bol puis se tourna vers le lit. Quand il vit que le jeune homme était réveillé, il fit :
« Puisque tu es réveillé, viens manger un peu. »
Shen Jue lui lança un regard méfiant. Après un moment, il fit :
« Tu es le démon intérieur ? »
Sang Xinghe avait arboré un gentil sourire. À ces mots, son sourire retomba peu à peu. Il ne sembla plus vouloir jouer la comédie et son ton devint froid.
« Viens manger la bouillie de riz. »
Shen Jue ne bougea pas.
Sang Xinghe attendit un moment mais finit par perdre patience. Il s'avança à grands pas vers le lit pour foudroyer l'autre du regard.
« Je ne le répéterai pas : lève-toi et viens manger. Sinon, tu le regretteras. »
Dès qu'il eut prononcé ces mots, il vit le jeune homme au lit détourner le visage. Avant qu'il ne puisse se fâcher, il entendit Shen Jue dire d'une toute petite voix :
« J'ai mal partout, je ne peux pas me lever. »
Sang Xinghe garda le silence un moment puis s'assit au bord du lit. Il posa la main sur la couverture qui recouvrait Shen Jue.
« Je t'ai pourtant appliqué un médicament hier soir, ça fait encore mal ? Comment tu peux être aussi douillet ? »
Ces mots furent comme une étincelle qui mit le feu aux poudres des émotions de l'autre personne alitée.
Shen Jue attrapa l'oreiller à côté de lui et frappa le visage de Sang Xinghe avec, d'un air sévère.
« Dégage d'ici, je ne veux plus te voir. »
Sang Xinghe se prit un oreiller en pleine figure et en resta sans voix un moment. Il vit ensuite que son assaillant était la première victime. Les yeux de Shen Jue étaient rouges et il le foudroya du regard. Ces yeux saphir étaient naturellement splendides mais là, ils étaient encore plus magnifiques quand ils brillaient de colère.
Sang Xinghe serra l'oreiller entre ses mains et contempla Shen Jue dans cet état. Son regard devint indescriptible et il détourna légèrement la tête. Il fit d'une voix douce :
« Je ne sais pas pourquoi tu as encore mal même après avoir eu le médicament... C'est qu'il ne doit pas fonctionner, alors ne te fâche pas. »
Juste après ça, il trouva ça anormal : pourquoi devait-il parler doucement à Shen Jue ?
Alors Sang Xinghe inspira, tourna la tête et se prépara à continuer de disputer Shen Jue. Au moment où il ouvrit la bouche, il la referma aussitôt parce que cette fois, l'autre jeune homme pleurait.
Les corps de Soie Céleste étaient vraiment un don du ciel. Ils n'étaient jamais laids même quand ils pleuraient, au contraire ils étaient encore plus beaux. Les gens n'avaient alors qu'une envie : prendre ce trésor dans leurs bras afin de le consoler d'une voix douce. Ce serait même encore mieux de pouvoir lécher les larmes sur les joues de l'autre.
Sang Xinghe garda le silence un bon moment puis renonça.
« D'accord, d'accord, c'est moi qui ai abusé. Tu as mal aux mains ? Tu veux que je te nourrisse ? »
La parole à l'auteur :
Sang Xinghe : Je ne sais pas ce qui se passe et je n'ose même pas demander.
Notes du chapitre :
(1) La pliure en forme de goutte entre la bouche et le nez. C'est un point d'acupuncture.
(2) Grand frère, mais c'est aussi utilisé entre amants.
Commentaires :
Phinou a écrit le samedi 04 décembre 2021 à 18:56
oh le batard ce yu ci. bon en même temps toute sa famille a l'aire pas trop tranquille. sa mère qui kidnappe son père, faudrait leur dire que le fleurs et les chocolat sa marche aussi.
Karura Oh a écrit le dimanche 05 décembre 2021 à 10:41
La grand-mère aussi a kidnappé son mari 😅
Moi, j'aime bien quand Yu Ci essaie de jouer les durs, mais il suffit que Shen Jue verse deux larmes et il se radoucit aussitôt !