Chapitre 66
La jeune femme ne désirait pas se montrer aimable avec Sang Xinghe. Deux jours plus tôt, il l'avait appelée laideronne et là, il l'appelait par son surnom. Hmph, c'était trop tard.
« Grand frère martial, ne fais pas l'ignorant. Tu as passé la journée d'hier à te saouler au Pavillon de la Brise Printanière en bonne compagnie. Toute la ville est au courant. Ils dirent que tu es le plus abusif des briseurs de cœur. »
Cette dernière phrase ne provenait que d'elle, toutefois. C'était son sentiment de toute façon.
« Si tu ne vas pas immédiatement présenter tes excuses à Shen Jue, je ne t'adresserai plus jamais la parole de toute ma vie. Je partirai avec Qian Song. »
Sang Xinghe avait l'impression que son cerveau était devenu chaotique après avoir entendu la jeune femme. Il avait de vagues souvenirs à présent. Il se souvenait qu'il avait tué Yu Ci mais ne se rappelait de plus rien ensuite. Quant à ce que venait de dire sa petite sœur martiale, il n'en comprenait pas un traître mot. Qu'est-ce qu'elle entendait pas se saouler au Pavillon de la Brise Printanière en bonne compagnie ? C'était où, le Pavillon de la Brise Printanière ?
« Yangyang, qu'est-ce que tu... de quoi tu parles ? »
Sang Xinghe prit sa tête entre ses mains et s'assit lentement. Ce faisant, il se rendit compte que non seulement ses vêtements étaient tachés non seulement d'alcool mais aussi de marques rouges suspectes. On aurait dit des traces de rouge à lèvres.
C'est... ?
Il fronça les sourcils et prit un air grimaçant. Qui aurait osé laissé des traces de rouge à lèvres sur lui ?
En le voyant fixer les taches de rouge à lèvres sur son col, la petite sœur martiale crut qu'il se rappelait encore agréablement de sa nuit et sa journée passées au Pavillon de la Brise Printanière et elle tapa du pied, furieuse.
« Grand frère martial, tu es un vrai connard. Je me dis qu'il vaut mieux que tu n'ailles pas t'excuser devant Shen Jue parce que tu ne le mérites pas ! »
Une fois qu'elle eut dit cela, elle se retourna pour partir en courant mais avant qu'elle ne puisse le faire, Sang Xinghe la retint.
Il lui saisit le poignet, effaça l'horrible grimace sur son visage et fit d'un ton aimable :
« Je n'ai vraiment aucun souvenir de ce que tu dis. Il faut que tu me racontes tout clairement, d'accord ?
– Hmph. »
La jeune femme était réticente à l'idée de tourner la tête pour le regarder.
« J'ai été assez claire, il me semble : tu t'es montré odieux avec Shen Jue.
– Comment ça ? » demanda Sang Xinghe.
La jeune femme expliqua :
« Tu t'es réveillé à peine avant-hier. Pendant que tu étais inconscient, Shen Jue s'est occupé de toi. Mais dès ton réveil, tu t'es tout de suite montré hostile avec lui. Tu es allé directement au Pavillon de la Brise Printanière pour boire et t'amuser. Et quand tu es revenu hier soir, ce fut pour te disputer encore avec Shen Jue, à tel point qu'il s'est fâché et qu'il est parti.
– Je... combien de temps je suis resté dans le coma ? »
Sang Xinghe en resta déconcerté un moment.
« Où est Yu Ci ? »
La petite sœur martiale ne put s'empêcher de le regarder et ses yeux prirent une lueur étrange.
« Tu veux parler de ce grand méchant ? Cela fait des mois qu'il est mort. Tu en as pourtant été informé avant-hier, non ? Pourquoi tu demandes encore ? »
Sang Xinghe plissa légèrement le front et son beau visage prit un air confus.
« Je me suis réveillé avant-hier ? Mais alors... »
Mais alors pourquoi ne se rappelait-il de rien ?
D'après sa petite sœur martiale, il semblait s'être comporté de manière très excessive ces deux derniers jours. Que se passait-il ?
La jeune femme vit qu'il était déconcerté alors elle le pressa à nouveau :
« Grand frère martial, je te le dis une dernière fois. Ne reste pas planté là. Lave-toi vite et va récupérer Shen Jue. »
Bien que le cerveau de Sang Xinghe soit un peu confus, il réagit enfin après que la jeune femme ait répété plusieurs fois le nom de Shen Jue. Il semblait avoir rendu Shen Jue furieux au point que le jeune homme était parti. Le plus urgent à présent était de le retrouver.
Sang Xinghe lâcha donc le poignet de sa petite sœur martiale. Il retourna au lit pour mettre ses bottes et demanda :
« Où est parti Xiao Jue ?
– Au Pavillon de la Brise Printanière, » répondit-elle d'un ton sec.
C'était encore ce Pavillon de la Brise Printanière.
« Et c'est où ? » demanda-t-il en levant les yeux sur sa petite sœur martiale.
Une lueur d'écœurement apparut dans le regard de la jeune femme. Elle roula des yeux et s'en alla.
Même s'il était son frère aîné martial pur et honnête, il était en essence un homme puant, et les hommes puant ne savaient que jouer les innocents.
Sang Xinghe prit un bain et se changea. Quand il sortit, il se rendit compte que le regard des gens sur lui avait un peu changé. Les gens qui d'ordinaire lui parlaient chaleureusement dès qu'il le voyait l'évitaient complètement aujourd'hui et lui lançaient des regards bizarres.
Cela augmenta les doutes de Sang Xinghe.
Que s'était-il passé durant ces deux derniers jours ? Et pourquoi ne se rappelait-il de rien du tout ?
Le printemps était arrivé dans la Cité du Sable, la saison des amours. Après que Sang Xinghe ait demandé où se trouvait le Pavillon de la Brise Printanière, il s'y rendit en longeant la rivière. Les saules plantés au bord de la rivière s'agitaient légèrement et les chatons tombaient au gré du vent. Sang Xinghe se retrouva avec quelques taches sur les épaules.
Le Pavillon de la Brise Printanière était le plus grand bordel de la Cité du Sable. Ce qui faisait sa réputation était que les employés étaient tous des corps de Soie Céleste. Bien que précieux et rarissimes, tous les gens qui servaient là était des corps de Soie Céleste, hommes comme femmes. La réputation du Pavillon s'était donc étendu partout dans les Plaines Centrales, pourtant Sang Xinghe n'avait jamais entendu parler d'un tel endroit.
En plus de son entraînement, il s'occupait en général des affaires de son maître alors il voyageait occasionnellement pour régler des affaires. Le fait qu'il n'ait jamais entendu parler du célèbre Pavillon de la Brise Printanière avait à voir avec son tempérament. En effet Sang Xinghe avait toujours l'air si respectable que personne n'avait jamais osé mentionner ce lieu de libertinage devant lui. Voilà pourquoi c'était la première fois qu'il entendait parler du Pavillon de la Brise Printanière et qu'il se rendait là-bas.
Par contre, cela ne semblait pas être la première fois que les gens du Pavillon le voyaient.
Il se tenait à peine devant l'entrée que la mère maquerelle se précipitait déjà pour l'accueillir.
« Noble Sang, vous êtes de retour. C'est un honneur pour notre pavillon. Désirez-vous encore la compagnie de Lingyan, Lingxiang, Lingshuang et Lingyue aujourd'hui ? »
Il était vraiment venu ici ? Et il avait commandé quatre personnes ?
Sang Xinghe se pinça les lèvres et après un moment, il fit lentement sous le regard brillant de la mère maquerelle :
« Je suis venu ici pour trouver quelqu'un. »
La femme poussa un léger rire et agita le petit mouchoir rose qu'elle tenait.
« Noble Sang, que dites-vous là ? Tous ceux qui viennent dans notre Pavillon de la Brise Printanière, n'est-ce pas pour trouver quelqu'un ? Viendraient-ils chercher des fantômes sinon ?
– Non, je suis vraiment là pour chercher quelqu'un. Il n'est pas de chez vous, fit Sang Xinghe d'un air calme. Il s'appelle Shen Jue et c'est un corps de Soie Céleste. Vous l'avez déjà vu ? »
La mère maquerelle cligna des yeux.
« Je ne connais pas de Shen Jue mais hier, un jeune homme s'est présenté ici sans donner son nom. C'est un corps de Soie Céleste et il est si beau qu'il surpasse même tous les jeunes maîtres de notre Pavillon. »
En entendant ça, Sang Xinghe entra et la mère maquerelle se lança aussitôt à sa poursuite.
« Noble Sang, c'est un client. Je ne peux pas laisser ce client vous servir. Et si vous commandiez plutôt Lingyan, Lingxiang et quelques autres ? Ils gardent un très bon souvenir de vous, noble Sang. »
Sang Xinghe s'arrêta net. Il soupira puis se tourna vers la femme.
« Ne me parlez plus de Lingyan ou Lingxiang. Celui qui est venu chez vous hier soir est un bon ami à moi. Je l'ai mis en colère alors il est venu chez vous parce qu'il était fâché contre moi. Est-ce qu'il est actuellement avec un autre ? »
Le regard de la mère maquerelle sur Sang Xinghe changea. Elle avait pu clairement voir la nuit dernière que ce magnifique corps de Soie Céleste n'était plus vierge. Se pouvait-il... ? Elle arbora immédiatement un visage souriant.
« Noble Sang, pourquoi ne pas l'avoir dit plus tôt ? Cependant, ce client dort encore. Et si vous preniez d'abord place dans un salon ? Je vais demander à ce qu'on vous prépare du thé.
– Non, conduisez-moi à lui, c'est tout. »
Sang Xinghe ne voulait pas rester là un instant de plus. L'odeur qui régnait le mettait mal à l'aise, surtout quand il vit quelques corps de Soie Céleste encore plus mignons et charmants que des femmes rouler des hanches et lui lancer des regards langoureux. Le visage de Sang Xinghe, qui avait toujours gardé la tête haute, s'assombrit peu à peu.
La mère maquerelle lança un regard embarrassé à Sang Xinghe. Cependant, elle n'osait pas offenser l'autre homme alors elle prit sur elle et le conduisit à une chambre au second étage. Une fois à la porte, elle eut un sourire crispé.
« Noble Sang, ce client dort encore alors attendez un peu avant de vous mettre en colère. »
Il hocha la tête sans un mot et la mère maquerelle libéra le passage en voyant ça. Cependant, Sang Xinghe resta d'abord à la porte et toqua plusieurs fois. Comme il n'obtint pas de réponse, il tenta d'ouvrir la porte. Elle n'était pas verrouillée de l'intérieur alors il put la faire coulisser.
Il ne put s'empêcher de froncer les sourcils. Comment Shen Jue pouvait-il dormir quelque part sans verrouiller la porte ? Cela pouvait facilement devenir dangereux.
Une fois la porte ouverte, c'était calme à l'intérieur. L'occupant des lieux semblait vraiment dormir encore, ce qui augmenta l'irritation de Sang Xinghe. Shen Jue ne se montrait également pas assez vigilant. Si jamais cela avait été une mauvaise personne qui était entrée, alors il y avait à craindre que... Ai... !
Il entra et contourna le paravent.
Des vêtements empilés en un tas, des jarres d'alcool vides éparpillées sur la table basse.
Les sourcils de Sang Xinghe tressautèrent et il marcha involontairement d'un pas plus léger. Quand il arriva au lit, il inspira un grand coup avant d'ouvrir la tenture. Quand il vit la scène qui se cachait derrière, son cœur s'apaisa aussitôt.
Il n'y avait que Shen Jue au lit. Cependant, il avait bu beaucoup d'alcool et il semblait avoir eu trop chaud, alors il avait retiré la plupart de ses vêtements. Il ne portait que son pantalon et n'avait même pas tiré la couverture sur lui.
Cependant, le soulagement de Sang Xinghe ne fut que de courte durée : il remarqua vite des marques ambiguës sur le corps du jeune homme, partant de ses épaules jusqu'à sa taille. Il y avait même des marques de main des deux côtés de son bassin, qui ne pouvaient appartenir qu'à un homme.
Le regard de Sang Xinghe s'assombrit aussitôt et il serra inconsciemment les poings sous ses manches. Il inspira plusieurs fois avant de pouvoir prendre une expression plus plaisante. Il s'assit au bord du lit et tapota gentiment l'épaule du jeune homme.
« Xiao Jue, réveille-toi. »
Les cils de Shen Jue frémirent légèrement et il lui fallut du temps pour ouvrir les yeux avec du mal.
Sang Xinghe était en train d'essayer de sourire gentiment mais dès que l'autre le vit, il tourna la tête et retourna se coucher.
Sang Xinghe : « ... »
Que se passait-il ?
Il toussota et fit d'un ton doux :
« Xiao Jue, si tu veux dormir, rentrons d'abord, hein ? C'est trop désordonné ici, ce n'est pas un bon endroit pour dormir. »
Shen Jue répondit d'une voix endormie :
« Et pourquoi je devrais rentrer avec toi ? Je dois encore accrocher ma plaque ici. »
Sang Xinghe se fâcha mais n'exprima pas sa colère contre Shen Jue. Il avait encore en tête les paroles de sa petite sœur martiale. Il devait amadouer l'autre pour le faire rentrer avant de parler de quoi que ce soit.
« Ne dis pas n'importe quoi, quelle plaque tu veux accrocher ? Xiao Jue, rentre avec moi, hein ? Tu manques beaucoup à Yangyang, elle m'a fait toute une histoire ce matin. »
Ces mots tombèrent dans les oreilles de Shen Jue. De ce qu'il comprit, Sang Xinghe était venu le chercher uniquement à cause de sa petite sœur martiale.
« Je ne reviendrai pas. »
Shen Jue avait été réveillé par Sang Xinghe et il n'avait plus aucune envie de dormir à présent. Cependant, il avait encore mal à la tête. Il se redressa pour s'asseoir sur le lit et lança un regard indifférent à l'autre homme.
« Le noble Sang m'a souhaite prospérité hier soir. Mais je n'ai pas encore commencé mon affaire ici, alors le noble Sang ne doit pas m'en empêcher. »
Une affaire ? Quelle affaire ?
Les yeux de Sang Xinghe parcoururent la moitié supérieure du corps du jeune homme. Même s'il avait un bon tempérament, il ne put se contrôler cette fois.
« De quelle affaire tu parles ? D'où viennent ces marques sur ton corps ? »
Shen Jue regarda Sang Xinghe sans rien dire.
En voyant ça, Sang Xinghe leva la main pour se masser les sourcils et fit d'un ton las :
« Désolé, je ne devrais pas me fâcher avec toi. Mais ce n'est vraiment pas un bon endroit, Xiao Jue. S'il te plaît, rentre d'abord avec moi, tu veux bien ?
– Mais hier soir, tu as dit que cet endroit était très bien et que les gens ici sont bien meilleurs que moi qui suis un hypocrite, répliqua Shen Jue d'un ton indifférent. Après une nuit, le noble Sang ne se rappelle de rien ? »
Sang Xinghe garda le silence un moment avant de répondre :
« Et si je te dis que non ? »
La parole à l'auteur :
Yu Ci : Il ment.
Sang Xinghe : Viens voir, je ne te tuerai pas. 😇
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