Chapitre 70
Yue Hong tira Shen Jue derrière lui et lança un regard méfiant à Sang Xinghe qui se trouvait non loin.
« Xiao Jue, pars d'abord. »
Shen Jue hésita mais recula de quelques pas, comme pour se préparer à quitter la salle en premier. Il se put que ses actions firent réagir Sang Xinghe : ce dernier émit soudain un grondement grave et brisa directement la nuque du jeune moine. Il agit si vite que même Yue Hong n'eut pas le temps de l'en empêcher.
Le corps du jeune moine tomba par terre avec un bruit sourd sur les pavés rouges lisses. L'abbé ferma les yeux et fit :
« Amitabha Le nom d'un des Bouddhas. Les prêtres l'utilisent souvent comme un équivalent de "amen" ou pour ponctuer leurs paroles. (1). »
Bien qu'il n'ait pas parlé très fort, sa voix résonna dans toute la salle.
Yue Hong n'aurait jamais pensé que Sang Xinghe allait vraiment commettre un meurtre. Il en fut à la fois anéanti et furieux. Il ne se soucia plus du reste et s'avança directement pour capturer son disciple. En toute logique, puisque c'était lui qui lui avait enseigné les arts martiaux, il aurait dû pouvoir l'immobiliser facilement. Cependant à sa grande stupéfaction, Sang Xinghe utilisa des mouvements qu'il n'avait jamais vus auparavant : des tours complètement traîtres et meurtriers. Face à Yue Hong, son maître, Sang Xinghe ne retint absolument pas ses coups.
Yue Hong fut donc pris par surprise et se fit frapper par Sang Xinghe. Il fut projeté en arrière de quelques pas. Dès qu'il reprit son équilibre, il vit que Sang Xinghe s'était déjà précipité aux côtés de Shen Jue.
Sang Xinghe prit le jeune homme et s'enfuit rapidement.
Sang Xinghe saisit Shen Jue d'une main et s'envola avec lui. Il ne s'arrêta pas avant d'être arrivé à l'arrière de la montagne du Temple des Mille Bouddhas. Il pressa le point d'acupression de Shen Jue qui l'empêchait de parler avant de le lâcher. Shen Jue recula de quelques pas dès qu'il fut libre et lui lança un regard circonspect.
L'arrière de la montagne était couvert de bois denses. C'était un endroit serein et tranquille, on n'entendait que le bruits des criquets et le chant des oiseaux.
Les longs cheveux de Sang Xinghe étaient détachés et son visage exquis était encore plus ensorcelant dans la pénombre des bois. Il regarda Shen Jue droit dans les yeux et fit à voix basse :
« Tu as peur de moi ? »
En entendant ça, Shen Jue recula d'un pas.
« Tu... tu ne pourrais pas rejoindre le cycle des réincarnations ? Si cela continue ainsi, ce ne sera pas bon pour toi. »
L'expression du visage de Sang Xinghe se modifia de nouveau à ces mots. Il s'avança et saisit le bras de Shen Jue, son regard reflétant son envie de meurtre.
« Tu veux que je disparaisse pour ensuite te voir couler de beaux jours avec Sang Xinghe ? Dans tes rêves ! »
Il grinça des dents et son visage se tordit de rage.
« Shen Jue, mourons ensemble. »
Après avoir dit cela, il pressa la main autour de la gorge du jeune homme.
Sang Xinghe avait l'impression d'avoir été enfermé. Tous ses sens étaient isolés du monde extérieur jusqu'à ce qu'il entende un son guttural.
On aurait dit quelqu'un sur le point de mourir, comme un coucou qui continuait à pleurer du sang après avoir épuisé toutes ses larmes Un idiome pour exprimer un chagrin très vif. (2). La voix était remplie de souffrance.
Il ouvrit soudain les yeux et vit que sa main était en train d'étrangler Shen Jue. Le visage du jeune homme était déjà tout rouge et il tentait désespérément de retirer la main de Sang Xinghe, les yeux remplis de désespoir.
Sang Xinghe sentit aussitôt son crâne le picoter. Il lâcha Shen Jue sur-le-champ et recula de plusieurs pas. En voyant le jeune homme tomber par terre faiblement, la main qui l'avait étranglé à l'instant fut parcourue d'un léger tremblement.
Il avait encore été contrôlé par cet esprit maléfique. Qu'avait-il fait ?
Le visage de Sang Xinghe exprimait sa confusion. L'instant d'après, il entendit des bruits de pas suivis de cris. C'était Yue Hong qui était parti à sa poursuite. Avant que Sang Xinghe ne puisse dire quoi que ce soit, son maître l'avait déjà frappé au cœur de la paume de sa main et l'avait projeté à plusieurs pas.
« Disciple indigne, comment as-tu osé provoquer un tel désastre ?! »
Yue Hong était déjà furieux à la base. Quand il était précipitamment arrivé et avait vu son fils gisant par terre avec une marque bleue autour du cou, sa fureur n'avait fait qu'augmenter.
Il avait enfin retrouvé son fils et avait transféré sur lui tous les remords qu'il ressentait pour Miao Luo. Par conséquent, en voyant Shen Jue blessé ainsi par son disciple bien aimé, comment aurait-il pu ne pas être furieux ? Comment aurait-il pu ne pas être envahi par la haine ? S'il l'avait pu, il aurait vraiment voulu tuer son disciple sur-le-champ, toutefois ce n'était pas possible après tout. Il inspira profondément et s'avança vers Sang Xinghe, qui s'était laissé tomber à terre.
Sang Xinghe était encore un peu sonné du coup de Yue Hong. Quand il réagit, il se redressa aussitôt et s'agenouilla.
« Maître, ce disciple a été possédé par un esprit maléfique et a commis un acte horrible. Je vous en prie, punissez-moi. »
Le regard de Yue Hong était compliqué. Il tourna la tête et inspira plusieurs fois avant de dire :
« Reviens avec moi et présente tes excuses à l'abbé. »
Il se détourna et s'avança vers son fils, s'accroupissant à ses côtés.
« Xiao Jue, tu n'as pas trop mal ? »
Shen Jue toucha son cou et secoua la tête lentement.
Pendant ce temps, Sang Xinghe contemplait cette scène sur le côté. Il ne savait pas quoi faire ou quoi dire.
Il avait failli tuer Shen Jue à l'instant.
S'il avait repris conscience une seconde plus tard, Shen Jue serait mort de ses propres mains.
Yue Hong ramena les deux jeunes gens de la montagne. Il demanda d'abord à Shen Jue d'aller se reposer dans sa chambre puis conduisit Sang Xinghe devant l'abbé du Temple des Mille Bouddhas. Ce fut seulement là que Sang Xinghe apprit qu'il avait tué le disciple direct de l'abbé et il en fut honteux. Il n'avait vraiment plus le courage de se présenter à lui. Bien que cela n'avait jamais été son intention de tuer, le résultat était là : l'abbé et bien d'autres avaient connu le malheur en voulant l'aider.
Il s'agenouilla par terre et se blâma :
« Abbé, tuez-moi. Je n'ai vraiment plus le courage de vivre dans ce monde. »
À côté de lui, Yue Hong renchérit :
« Mon disciple a causé un si grand désastre, sa faute est impardonnable. Abbé, ne devrait-il pas donner sa vie pour une vie ? »
L'abbé psalmodia un Amitabha Bouddha puis fit lentement :
« La personne qui a tué mon disciple direct n'est pas le bienfaiteur Sang mais cet esprit maléfique. C'était le destin de Yuan Qing de se trouver là en cet instant, on ne peut rien contre le destin. Le plus important à présent est de trouver le moyen d'éliminer l'esprit maléfique dans le corps du bienfaiteur Sang. »
Yue Hong soupira discrètement de soulagement. S'il avait volontairement frappé lourdement son disciple tout à l'heure et dit une chose pareille à l'instant, c'était évidemment un stratagème. À présent que l'abbé avait parlé, la vie de son disciple était au moins sauvée.
« La formation magique des soixante-douze n'a rien pu faire contre cet esprit maléfique. Que peut-on faire d'autre ? » s'enquit-il.
L'abbé baissa les yeux et réfléchit un long moment avant de déclarer :
« Cette affaire requiert encore des discussions. Puisque le bienfaiteur Sang ne peut pas contrôler son corps en ce moment, de l'avis de ce vieil abbé, il vaudrait mieux d'abord léser le bienfaiteur Sang, alors seulement ce sera bien. »
Yue Hong n'avait aucune raison de s'y opposer. Dans l'après-midi, Sang Xinghe fut donc conduit sous bonne escorte dans la grotte de la Porte Flottante qui se trouvait dans les montagnes derrière le Temple des Mille Bouddhas. Afin de l'empêcher de tuer à nouveau, ses mains furent attachées par des chaînes. Les moines et les disciples de la Secte de Soie Céleste se relayaient pour le surveiller.
Au départ quand Sang Xinghe se fit emprisonner là, il trouva juste ça un peu ennuyeux. Cependant, il découvrit ensuite que, que ce soit un moine du Temple des Mille Bouddhas ou bien un disciple de la Secte de Soie Céleste, leurs yeux étaient remplis de terreur en le voyant et ils évitaient de le regarder comme s'il était un serpent ou un scorpion. Ils évitaient aussi de lui parler. Même quand il leur adressait la parole, ces gens ne lui répondaient pas.
Ce n'était pas grave venant de la part des moines du Temple des Milles Bouddhas, par contre c'était dur que les disciples de la Secte de Soie Céleste le traitent ainsi. Sang Xinghe avait vécu plus de vingt ans avec eux et n'avait jamais été traité de la sorte. Il se mit à déprimer de plus en plus. Durant cette période, il n'y eut qu'une seule personne qui persévéra pour venir le voir tous les jours et qui fit des efforts pour lui préparer des bons petits plats.
Comme il était interdit de manger de la viande et du poisson dans le Temple des Mille Bouddhas, Shen Jue tâchait de préparer des plats végétariens variés tous les jours et il sculptait même le tofu en différents animaux.
« Ne te donne pas autant de mal la prochaine fois. Cela doit te prendre énormément de temps tous les jours, » murmura Sang Xinghe.
Shen Jue lui sourit.
« C'est bon, j'aime bien faire ça. En plus, je n'ai pas grand-chose d'autre à faire. »
Il poussa en direction de Sang Xinghe une boulette de légumes frits préparée exprès.
« Goûte-moi ça et devine ce qu'il y a dedans ? »
Sang Xinghe allait prendre ses baguettes quand il entraperçut soudain la main de Shen Jue. Ses pupilles se contractèrent légèrement et il fit aussitôt :
« Qu'est-ce que tu as à la main ? »
Shen Jue cacha rapidement sa main derrière son dos et répondit d'un ton négligeant :
« Ce n'est rien.
– Montre-moi ta main. »
Le visage de Sang Xinghe se rembrunit. Voyant que Shen Jue hésitait, il haussa un peu le ton :
« Xiao Jue, tu m'as entendu ? »
Quand Shen Jue l'entendit parler ainsi, il se pinça les lèvres et tendit la main.
Dès qu'il tendit la main, Sang Xinghe vit de nombreuses petites cloques sur cette main de jade blanc et qui n'étaient pas là la veille. Il fronça légèrement les sourcils et saisit gentiment la main de Shen Jue par en-dessous. Cependant dès qu'il la toucha, Shen Jue inspira brusquement de douleur et retira sa main.
En voyant ça, Sang Xinghe fit :
« Retourne ta main et montre-moi. »
Sans surprise, il y avait aussi de nombreuses petites cloques sur la paume de ses mains.
« C'est à cause de la friture ? »
Sang Xinghe avait vu cette main autrefois parfaite et là, il voyait que la main de Shen Jue était couverte de petites cloques. Tout ça pour lui. Il en fut affligé dans son for intérieur. Pendant plus de vingt ans, de nombreuses personnes avaient exprimé leur amour pour lui pendant qu'il était dans ses heures de gloire. Cependant, il n'y avait plus personne pour rester à ses côtés dans ses heures sombres ; même son maître n'était pas une seule fois venu lui rendre visite depuis son emprisonnement.
Ces disciples de la Secte de Soie Céleste qui le surveillaient, il avait soigneusement conseillé chacun d'entre eux. Quand le maître s'absentait, c'était lui qui les entraînait et ils le respectaient comme leur grand frère martial. Mais désormais, ils ne le voyaient plus que comme quelqu'un de maléfique et leurs yeux exprimaient soit la peur soit la prudence.
Il était facile d'aimer quelqu'un quand tout allait bien, c'était une autre histoire de l'aimer quand les choses allaient mal. En plus, il ne pouvait plus se contrôler désormais et il avait même fait du mal à Shen Jue plusieurs fois. La dernière fois, il avait failli le tuer. Pourtant, Shen Jue voulait toujours le voir.
« Xiao Jue, pourquoi tu es aussi stupide ? »
Sang Xinghe sentit ses yeux le picoter.
« Je ne le mérite pas, vraiment pas. »
Shen Jue retira lentement sa main et fit d'un ton calme et un peu timide :
« Que tu le mérites ou pas, c'est à moi d'en décider, pas à toi. Je sais que tu ne m'aimes pas mais moi, je t'aime alors je ferai toujours de mon mieux pour bien te traiter jusqu'à ce qu'un jour, tu m'aimes en retour. Tant que tu ne me détestes pas, ça me va. »
À peine eut-il fini de parler qu'il se fit enlacer.
Sang Xinghe serra très fort le jeune homme dans ses bras.
« Comment pourrais-je te détester ? C'est plutôt moi qui devrais me réjouir du fait que tu ne me détestes pas. »
Shen Jue étira ses lèvres en un sourire qui n'atteignit pas ses yeux. Néanmoins, il fit d'un ton ravi :
« Quel bonheur, j'ai enfin réussi à t'émouvoir un peu. »
Il marqua une pause.
« Alors si je continue à travailler dur, tu finiras par tomber amoureux de moi ? »
Sang Xinghe ne pouvait pas distinguer clairement l'expression de Shen Jue. Il se dit seulement que les paroles de l'autre semblaient très puériles mais aussi très profondes, comme un jeune homme au cœur pur. Comment avait-il fait pour rencontrer une telle personne ?
« Xiao Jue, bien sûr que je vais tomber amoureux de toi. »
Sang Xinghe le lâcha ensuite et lui lança un regard sérieux.
« Mais ne cuisine plus un plat aussi dangereux la prochaine fois, tu veux bien ? Il doit y avoir une marmite de riz en commun dans le Temple des Mille Bouddhas, tu n'as qu'à m'en prendre. »
Shen Jue accepta mais la fois suivante, il ramena encore un plat qu'il avait lui-même cuisiné. Sang Xinghe en fut à la fois bouleversé et ému. Il se jura au plus profond de son cœur de prendre bien soin de Shen Jue à l'avenir.
Toutefois, Sang Xinghe se rendit progressivement compte qu'il n'avait plus le contrôle de lui-même. Parfois, il entendait une voix dans son esprit qui lui disait de tuer tous les gens qui le surveillaient.
« Tu te fais surveiller comme ça, tu ne trouves pas ça injuste ? Pourquoi ils te gardent emprisonné ? Ce n'est pas toi qui es malade, ce sont eux. Tu devrais tous les tuer. »
Sang Xinghe secoua violemment la tête pour tenter de se débarrasser de cette voix dans son esprit.
Son geste soudain surprit Shen Jue. Le jeune homme lui lança un regard circonspect.
« Xinghe, ça ne va pas ? »
Le corps de Sang Xinghe se figea et après un moment, il se força à sourire.
« Ce n'est rien. »
Mais la voix dans sa tête continuait de parler de plus en plus souvent. Il aurait voulu la faire taire mais il n'y parvenait pas. En particulier quand il dormait sur le lit en bois tout seul au milieu de la nuit, la voix devenait encore plus claire.
« Tue-les, tue-les et tu pourras sortir d'ici. Combien de temps encore veux-tu rester prisonnier ici ? Sang Xinghe, tu es encore un homme ? Pourquoi tu restes enfermé ici comme un chien ?! »
Non, il n'était pas un chien mais comme il avait un esprit maléfique dans son corps, il devait rester ici pour le moment. Ces gens ne voulaient pas l'enfermer mais le protéger.
« Sang Xinghe, tu es vraiment très doué pour te tromper et tromper les autres ! Si c'était pour te protéger, alors pourquoi ont-ils si peur de toi ? Pourquoi même ton maître que tu respectes le plus au monde n'est-il pas venu te voir une seule fois ? C'est parce qu'ils te prennent tous pour un fou et qu'ils cherchent le moyen de te tuer.
– Non ! » ne put s'empêcher de hurler Sang Xinghe.
Sa voix résonna particulièrement fort sous le couvert de la nuit. Un disciple qui avait envie de dormir dégaina soudain son épée et lança un regard inquiet vers l'intérieur de la grotte. En voyant qu'il n'y avait pas de bruit à l'intérieur, il ne put s'empêcher d'appeler :
« Grand frère martial ? »
L'autre disciple eut aussi un peu peur. La nuit dernière, ils avaient été quatre à monter la garde. Mais comme Sang Xinghe allait bien récemment, ils étaient passés de quatre à deux gardiens.
Ce disciple tapota doucement le bras de son condisciple qui tenait son épée.
« Tu crois... qu'il va bien ? »
Le disciple à l'épée réfléchit un moment.
« Il n'aurait pas pu arriver quelque chose à Grand frère martial à l'intérieur, pas vrai ?
– Que pourrait-il arriver en pleine nuit ? Est-ce qu'il n'est pas déjà resté seul à l'intérieur sans le moindre problème ? »
Le disciple à l'épée ramena son regard vers l'entrée de la grotte.
« Tu veux qu'on entre pour jeter un coup d'œil ? »
L'autre disciple hésita un moment puis hocha finalement la tête.
Les gens qui vinrent prendre la relève le lendemain constatèrent qu'il n'y avait personne à l'entrée de la grotte. D'abord ébahis, ils se reprirent rapidement et se précipitèrent dans la grotte. Ce fut là qu'ils découvrirent que les deux disciples de garde durant la nuit gisaient au sol. Quant à Sang Xinghe, il était assis au bord du lit et contemplait ses mains avec confusion.
Les gardiens brandirent rapidement leurs épées dans sa direction, leurs regards remplis d'effroi comme s'ils voyait un monstre.
Sang Xinghe releva la tête. En voyant le regard des ces gens, il devint encore plus pâle et fit faiblement :
« Je ne les ai pas tués, pas tués. »
En entendant ça, un des gardiens s'approcha courageusement pour déterminer si les deux disciples à terre étaient vivants ou morts. En constatant qu'ils respiraient toujours, le gardien en fut soulagé. Les gardiens ne dirent pas un mot à Sang Xinghe et se contentèrent de transporter hors de la grotte les deux jeunes hommes inconscients.
Quand Yue Hong apprit que Sang Xinghe avait blessé des gens, il devint furieux et alla aussitôt voir son disciple. Il se moquait bien que Sang Xinghe soit possédé par un esprit maléfique ou pas, il devait le punir. Autrement, que diraient les autres de lui ? Que son disciple bien aimé comptait plus pour lui que la vie des autres ?
Il punit donc Sang Xinghe devant tout le monde avec son fouet, pensant que cela faire taire les mauvaises langues. Cependant, quand Sang Xinghe vit enfin Yue Hong, il l'appela maître et se fit gifler rudement, toujours en présence de tous. Sang Xinghe sentit le sang dans sa bouche et la tristesse dans son cœur devint insupportable.
Quand Yue Hong finit de le châtier, sa colère s'était en grande partie dissipée. Il baissa le fouet et fit à son disciple :
« Si tu recommences, tu ne recevras pas de simples coups de fouet. Sang Xinghe, regarde un peu ce que tu es devenu. Tu ressembles encore à un grand frère martial ? Il y a tant de gens en ce monde, comment se fait-il que ce soit toi qui te retrouves avec un esprit maléfique dans le corps ? S'il a pu entrer dans ton corps, c'est parce que ton esprit est encore trop instable. Combien de gens faudra-t'il encore que tu tues ? »
Sang Xinghe était couvert de sueur, son visage était aussi blanc qu'un linge et même ses lèvres étaient exsangues. Il était à genoux par terre, tremblant de tout son corps, cependant Yue Hong parut ne pas le voir et continua à lui faire la morale.
Il avait mal à la fois dans son corps et son cœur. Pourquoi le maître ne se souciait-il pas de lui ? Lui aussi avait mal et il n'avait jamais voulu faire de mal à personne, et encore moins tuer des gens.
« Père, ne le punissez pas. Xinghe ne voulait pas faire ça. »
Shen Jue était arrivé à un moment ou à un autre, et il se dressa devant Sang Xinghe dès son arrivée.
« Si vous voulez le punir, punissez-moi avec lui. »
Yue Hong avait fini sa démonstration. Maintenant qu'il voyait Shen Jue s'en mêler, il songea à descendre de l'âne quand venait la pente Un idiome signifiant profiter de conditions favorables pour se montrer magnanime. (3), toutefois il devait continuer à faire semblant.
« Ridicule, de quoi tu parles ? C'est normal qu'il soit puni. Tu n'as donc pas vu comme Li Cheng et son ami, qui gardaient l'entrée de la grotte hier, ont été gravement blessés ? Ils ne peuvent toujours pas quitter le lit alors écarte-toi ! »
Shen Jue ne bougea cependant pas. Il protégea même encore plus l'homme derrière de son corps.
« Père, vous l'avez déjà puni. Ce n'est pas comme s'il avait agi volontairement, alors ne le punissez plus. Il est déjà enfermé ici tout seul, il est déjà suffisamment malheureux comme ça.
– Malheureux ? Et les autres, ils ne sont pas malheureux ? S'il n'avait pas provoqué toute cette histoire, en serions-nous arrivés là ? »
Yue Hong continua sa réprimande encore quelques temps avant de soupirer lourdement.
« J'ai trop honte pour le voir. »
Il secoua la tête et sortit de la grotte.
En voyant qu'il partait, Shen Jue se tourna rapidement pour aider Sang Xinghe à se relever.
« Xinghe, tu vas bien ? »
Sang Xinghe était couvert de sueur. Il se força à sourire à Shen Jue avec du mal et fit d'une voix faible :
« Tu n'aurais pas dû répondre comme ça au maître, il fait ça pour mon bien. »
Shen Jue se fâcha un peu.
« Peu importe ce que tu fais, tu ne mérites pas d'être puni ainsi. Ce qu'a fait cet esprit maléfique n'a rien à voir avec toi. Ce que Père a fait, c'est juste faire du mal sans raison. Est-ce qu'il suffit qu'il te batte pour que cet esprit maléfique prenne peur et ne se montre plus jamais pour faire du mal ? »
Bien sûr que non.
Parce qu'en ce moment même, il y avait encore cette voix dans sa tête :
« Tu vois bien, ton maître n'en a rien à foutre de toi. Il est parti sans même un regard après t'avoir fouetté. C'est quoi ce genre de maître ? En plus, il t'a puni exprès devant tout le monde, hé hé, c'est juste pour conserver sa bonne réputation. »
Sang Xinghe se mit lentement assis, les mains par terre. Ses yeux étaient d'un noir total, comme un puits profond et sans fond. Sous la surface de l'eau, il y avait une souffrance innommable et une lutte désespérée. En à peine quelques mois, il était passé de disciple en chef de la Secte de Soie Céleste en pleine gloire à un monstre emprisonné. Tous avaient peur de lui et même son maître le haïssait. Il avait tué des gens et commis des actes horribles. Il était impardonnable. Son existence ne faisait que poser des problèmes aux autres.
Ses longs cils tremblèrent et un air fragile apparut sur son beau visage, comme une magnifique fleur de cognassier qui avait injustement souffert de la pluie et du vent. Alors qu'elle aurait dû être convoitée par des milliers de gens, elle se retrouvait désormais à pourrir dans la boue et n'importe qui pouvait lui marcher dessus.
« Xiao Jue, tu crois que je devrais mourir ? fit-il doucement.
– Comment peux-tu penser une chose pareille ? »
Shen Jue parut avoir peur pour lui. Il lui lança un regard inquiet et anxieux.
« Xinghe, tout va bien. Tu vas guérir et ils vont éliminer l'esprit maléfique en toi. Dès qu'il sera parti, tu iras mieux. Ça va aller. »
Sang Xinghe étira les lèvres en un sourire très pâle.
« Mais j'ai déjà blessé et tué des gens. J'ai déjà commis un péché. Peu importe que ce soit du fait de l'esprit maléfique ou pas, cela reste ma faute. »
Il leva la main et toucha le coin des yeux des Shen Jue du bout des doigts. Ce n'était qu'une caresse légère, comme une plume.
« J'ai failli te tuer, Xiao Jue. Je ne crois pas que je peux guérir. »
Ses yeux devinrent rouges, toutefois son sourire s'élargit.
En voyant ça, Shen Jue lui saisit la main pour la poser sur son visage.
« Ne pense pas ainsi, tu vas forcément guérir. Je crois en toi. »
Il marqua une pause puis inspira, comme s'il venait de prendre une décision importante.
« Si vraiment tu ne guéris pas, je resterai à tes côtés. Où que tu ailles, j'irai avec toi.
– Idiot. »
Sang Xinghe n'était plus d'humeur à rire. Il serra simplement les dents pour empêcher ses larmes de couler faiblement.
Il s'avérait qu'il n'était pas seul. Il y avait une autre personne en ce monde qui croirait toujours en lui.
Pour Shen Jue, il devait faire plus d'efforts.
Après que Shen Jue ait quitté la grotte, il alla jusqu'au ruisseau pour se passer fortement de l'eau sur le visage avec son mouchoir. Le visage inexpressif, il lava son mouchoir. Au moment où il se retourna, il vit quelqu'un qu'il ne se serait jamais attendu à revoir. Il ajusta aussitôt son expression et recula rapidement de quelques pas.
« Qu'est-ce que vous faites ici ? »
L'homme en face de lui lui sourit gentiment et sortit un mouchoir de sa manche.
« Ton visage est encore mouillé. Tu veux le ressuyer ? »
Shen Jue garda le silence un moment avant d'accepter le mouchoir.
En voyant ça, l'homme sourit à nouveau.
« Cela faisait longtemps. Comment vas-tu ? »
Shen Jue se ressuya le visage avec le mouchoir de l'autre homme puis le lui tendit. Cela ne dérangea pas l'autre qui reprit son mouchoir.
« Vous n'avez pas répondu à ma question, gardien gauche. »
He Qiaoying secoua la tête.
« Tu n'as plus à m'appeler gardien gauche. Tu ne fais plus partie de l'Île des Dix Absolus et je ne suis plus le gardien gauche. Quant à la raison de ma venue, tu n'as pas une petite idée ? »
Cette question était vraiment étrange. Shen Jue n'aurait jamais pensé qu'il reverrait un jour He Qiaoying. Cependant, ce dernier était apparu ici et il semblait y avoir une raison à cela. Pourquoi était-il venu ?
« Je n'en sais rien, » répondit honnêtement Shen Jue.
He Qiaoying le regarda en souriant puis baissa la voix.
« J'ai entendu dire que le noble Sang a été possédé par un esprit maléfique. Cela m'a énormément intrigué alors je voulais venir voir. Je ne m'attendais pas à tomber sur Xiao Jue avec une toute autre expression sur le visage. Je dois dire que tu avais l'air bien mieux tout à l'heure. »
La main de Shen Jue se crispa sous sa manche mais en apparence, il fit comme s'il ne comprenait pas.
« Pourquoi ne puis-je pas comprendre un traître mot de ce que vous dites ?
– Très bien, tu peux continuer à jouer les ignorants. »
He Qiaoying leva la tête pour regarder au loin.
« Si tu comptes me tuer ici, ce sera un peu compliqué. Mon niveau de cultivation est bien plus élevé que le tien. Même si tu m'attaques par surprise, cela ne servira à rien. En plus, admettons que tu me tues, comment tu expliqueras cela à ton minable de père ? »
Il parut trouver ça amusant.
« Le fiston tout faiblard tue subitement un démon de l'Île des Dix Absolus. Ça serait bizarre, pas vrai ? »
La confusion sur le visage de Shen Jue s'estompa progressivement et il reprit son air indifférent, avec une lueur meurtrière dans le regard.
« Je n'aurai pas besoin d'expliquer quoi que ce soit car ils ne retrouveront jamais ton corps. »
Note de Karura : Youh ouh, Shen Jue dévoile son côté puissant et dominateur !
L'auteur semble décidé à faire des chapitres super longs, au secours !
Bon, la situation de Sang Xinghe semble dramatique et vous aurez certainement remarqué comme Shen Jue en profite honteusement pour se faire valoir. Ah, il a beau être le héros, on a plus tendance à plaindre les méchants dans cette histoire.
He Qiaoying revient et semble avoir percé Shen Jue à jour. Que va-t'il se passer ?
Attention, le prochain chapitre sera le dernier de ce monde. Préparez vos mouchoirs !
Notes du chapitre :
(1) Le nom d'un des Bouddhas. Les prêtres l'utilisent souvent comme un équivalent de "amen" ou pour ponctuer leurs paroles.
(2) Un idiome pour exprimer un chagrin très vif.
(3) Un idiome signifiant profiter de conditions favorables pour se montrer magnanime.
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