Cent façons de tuer un prince charmant 80

Chapitre 80


Le bruit fut si fort que les gémissements et grondements dans la chambre voisine s'arrêtèrent une fraction de seconde.

À ce bruit, Shen Jue se dirigea vers la salle de bains.

Yu Qing s'était déjà relevé, ses pieds blancs comme la neige marchaient sur les tessons de la bouteille d'huile de bain et il tenait encore des bouts de verre dans ses mains.

Il baissa la tête, prit un morceau de verre et s'entailla le poignet. Shen Jue fut sidéré par son énergie furieuse et Yu Qing agit trop vite pour lui. Après quelques coups, une grosse coupure apparut sur son poignet et l'odeur du sang envahit rapidement l'air.

« Dehors ! »

Shen tourna la tête pour crier sur le garde du corps dont les canines commençaient à pointer.

L'autre homme avait senti le sang et avait deviné ce qui se passait dans la salle de bains. Il ne protesta pas et recula.


Une fois que Shen Jue fit sortir le garde du corps, il fronça les sourcils et entra dans la salle de bains.

« Qu'est-ce que tu nous fais là ? Un suicide ? Tu ne peux pas mourir juste en t'entaillant le poignet. »

Yu Qing ne leva pas les yeux. Sa voix était rauque et ne cachait pas son désir.

« Non, c'est juste que je n'en peux plus. C'est trop pénible. »

Shen Jue ne se serait pas attendu à ce que Yu Qing veuille employer la douleur pour réprimer les effets de l'aphrodisiaque. Il s'avança et retira de force le bout de verre dans les mains du jeune homme, puis il le tira de force hors de la salle de bains. Les pieds de Yu Qing étaient également blessés alors il laissa des traces sanglantes de la salle de bains au lit. Malgré ça, il ne se plaignit pas une seule fois de la douleur et garda les yeux fixés sur Shen Jue.


Et Shen Jue le fit s'asseoir sur le lit avant de retirer la chemise qu'il venait à peine d'enfiler. Il déchira des longues bandes de tissu pour les enrouler simplement autour du poignet et des pieds de Yu Qing. Après ça, il regarda de nouveau le jeune homme d'un air scrutateur.

« Tu veux que je t'aide ? »

Ses paroles étaient bien trop directes et efficaces. Yu Qing entendit seulement un bourdonnement dans ses oreilles après ça. Il écarta les lèvres et se rendit compte que ce qu'il voulait dire était bien trop dur à dire, alors il hocha simplement la tête au bout du compte. Il ne voulait pas qu'un étranger le touche. Si quelqu'un devait le toucher, mieux valait que ce soit Shen Jue.

Toutefois, cette pensée engourdit un peu les pieds et les mains de Yu Qing. Il ne parvenait pas à déterminer ses véritables pensées, s'il n'avait pas eu d'autre choix que de faire appel à Shen Jue ou bien si c'était son désir égoïste de se rapprocher de lui. Très vite, il n'eut plus la tête à songer à tout ça car Shen Jue était déjà tout près de lui.


Yu Qing se fit allonger sur le lit et caresser par l'autre homme.

La main était froide, un contraste frappant avec le feu qui le consumait.

Yu Qing commença par détourner la tête avec gêne mais ensuite, il ne put s'empêcher de se rapprocher de l'autre. Il leva la tête vers le cou du duc pour lécher avidement les marques de morsure qu'il avait laissées quelques jours plus tôt. Shen Jue se renfrogna légèrement mais se retira aussitôt. Il décida d'ignorer les petits mouvements de Yu Qing pour se concentrer sur ce qu'il avait à faire, toutefois Yu Qing ne parut pas de cet avis. Il enlaça Shen Jue comme un démon invertébré et prit même l'initiative de tendre son cou blanc et délicat à l'autre homme. C'était clairement un geste de soumission, du dominé au dominant, cependant Shen Jue l'ignora.

Son regard était calme au point d'en être effrayant, même face à un spectacle si chaud.


Yu Qing le fixa avec une pointe de déception mais cela ne le découragea pas pour autant. Il redoubla d'effort. Il leva légèrement la tête pour embrasser les oreilles et les joues de Shen Jue. Quand il arriva aux lèvres, le duc esquiva.

« Ne fais pas ça. »

Shen Jue avait l'air un peu irrité. Il fronça les sourcils et ajouta d'une voix grave :

« Si tu veux vraiment te faire baiser, je peux t'aider à commander quelqu'un. »

Yu Qing serra les dents mais cette simple phrase ne le fit pas renoncer pour autant. Il passa même les bras autour du cou de Shen Jue et lui lécha les lèvres.

« Ne suis-je pas joli ? Le duc ne veut vraiment pas de moi ? Je... suis très propre, je n'ai encore jamais été avec quelqu'un. »

C'était la chose la plus directe que Yu Qing pouvait dire, peut-être parce que les effets de la drogue l'avaient désinhibé et lui permettaient de se montrer entreprenant cette nuit. L'autre homme était un noble duc et son maître qui plus est. Yu Qing se demanda même s'il devenait vraiment l'amant de Shen Jue, est-ce que son statut allait changer du tout au tout ? Se pourrait-il même que Shen Jue lui rende son acte de propriété ?

Mais la suite des événements déçut grandement Yu Qing et lui porta même un coup fatal.


« Je ne suis pas attiré par les hommes, Yu Qing, déclara Shen Jue d'un ton froid. Si tu continues comme ça, je crois que je vais te laisser ici. »

Quand Yu Qing entendit ça, son visage pâlit totalement, son corps trembla légèrement et des larmes apparurent aussitôt sur son magnifique visage, comme des perles tombant au fond de l'eau, contenant une tristesse infinie. Néanmoins, Shen Jue n'y prêta pas attention et lança un regard indifférent au jeune homme.

En voyant la réaction du duc, Yu Qing ne put que retirer ses mains. Il détourna le visage, honteux, et regarda le mur en silence et en versant des larmes. C'était le pire jour de sa vie et il se jura que ce serait la dernière fois. Il avait été assez stupide pour demander à un noble duc de coucher avec lui. L'autre devait énormément le mépriser en cet instant, peut-être même qu'il se disait que les semi-vampires étaient tous des traînées.

Plus Yu Qing y songeait, plus son cœur se glaçait, malgré le fait que la chaleur de son corps n'avait pas faibli.


* * *


Après un long moment, Shen Jue se leva et se lava plusieurs fois les mains avant de quitter la salle de bains. Yu Qing s'était déjà mis assis sur le lit. Il n'osa pas regarder Shen Jue et se rendit à la salle de bains à son tour. Quand il croisa l'autre homme, il entendit sa voix :

« Je t'attends dans la voiture. »

Yu Qing marqua une légère pause puis baissa la tête encore plus bas.

« Très bien, mon seigneur. »

Comme la chemise du garde du corps était déchirée, Shen Jue ne put que remettre ses vêtements trempés avec réticence. Après ça, il prit le masque et son porte-feuille puis descendit régler la note. Il paya volontairement le triple du prix à cause de l'état dans lequel ils laissaient la chambre.

Quand il paya, il vit par hasard les prix sur le livret.

La plus chère des prostitués ne coûtait pas plus de dix pièces d'or.

Quel était le salaire mensuel de Yu Qing au juste ? Shen Jue n'en savait rien, il faudrait peut-être qu'il demande au majordome.

Il retourna à la voiture et tendit son porte-feuille au chauffeur.

« Va au magasin de bonbons pour payer de ma part. Dis simplement à la vendeuse que c'est l'homme qui a acheté des bonbons tout à l'heure mais n'avait pas payé. »


Quand la propriétaire du magasin de bonbons avait vu Shen Jue entrer dans le bordel plus tôt, elle n'avait pas cessé de regarder dans cette direction de manière plus ou moins consciente. Il fallut un bon moment avant que Shen Jue n'en ressorte. Elle se mordit les lèvres et détourna le regard, arrêtant de regarder dehors. Quand le chauffeur vint pour régler, elle fit une vilaine tête. Pourtant au moment où il allait partir, elle ne put s'empêcher de le rappeler :

« Attendez, monsieur.

– Qu'y a-t'il ? » demanda le chauffeur en se tournant vers elle.

La vendeuse se mordit les lèvres puis prit un chocolat d'une boîte sur le comptoir. Elle le tendit au chauffeur en disant :

« Vous avez beaucoup acheté, voici un cadeau.

– D'accord, merci. »

Le chauffeur prit le chocolat et s'en alla.


* * *


Quand le chauffeur revint à la voiture, Yu Qing et le garde du corps sortaient du bordel. Yu Qing garda la tête baissée sans rien dire tout le temps qu'il rejoignit la voiture. Ce ne fut qu'une fois arrivés au manoir qu'il fit d'une voix faible :

« Mon seigneur, je suis un peu fatigué. Puis-je me retirer plus tôt ce soir ?

– En, fit Shen Jue en tournant la tête vers lui. Repose-toi bien, je te donne ta journée demain. »

Yu Qing garda le silence un moment avant de répondre :

« Merci, mon seigneur. »


Après ça, Shen Jue sortit du véhicule. Bien entendu, il n'avait pas oublié la boisson qu'il avait prise de la vente aux enchères. Il tendit le verre au majordome.

« Va faire analyser ça pour voir s'il n'y a pas de la drogue dedans. »

À ces mots, les pupilles du majordome se dilatèrent légèrement.

« Quelqu'un a tenté de vous droguer, mon seigneur ?

– Non, je crois plutôt que c'était Yu Qing qui était visé, fit Shen Jue d'un ton indifférent. Regarde si tu peux découvrir qui a fait ça.

– Entendu, mon seigneur, » répondit aussitôt l'autre homme.

Shen Jue hocha la tête. Sur le côté, Xiang Wen avait rongé son frein et là, il se précipita vers le duc pour dire :

« Mon seigneur, vos vêtements sont trempés. Allons vite dans votre chambre pour que vous preniez un bon bain et que vous vous changiez. Il ne faudrait pas que vous tombiez malade. »

Comme à son habitude, il enfonça Yu Qing :

« Ce Yu Qing n'est vraiment pas digne de servir le duc, il vous a laissé revenir dans un tel état. »


Shen Jue l'ignora et se rendit directement dans sa chambre. En voyant ça, Xiang Wen le suivit aussitôt. Pendant qu'il assistait Shen Jue pour son bain, il continua à se plaindre de Yu Qing et n'arrêta son persiflage que lorsqu'il vit le regard agacé de son maître.

« Tu demanderas au majordome d'apporter un médicament hémostatique à Yu Qing, » ordonna subitement Shen Jue à Xiang Wen en se rappelant de quelque chose.

Le regard du valet vacilla légèrement.

« Yu Qing est blessé ?

– Ne pose pas tant de questions, fais-le, c'est tout. »

Peut-être que Shen Jue était fatigué cette nuit. Jamais il n'avait eu l'impression que Xiang Wen parlait de trop.

Quand le valet entendit son maître parler ainsi, il se leva aussitôt, un peu paniqué.

« Je m'en vais tout de suite prévenir le majordome. »


Après son départ, Shen Jue ferma les yeux avec lassitude.

Après un moment, il s'enfonça dans la baignoire et laissa l'eau le recouvrir. Il ferma les yeux. La scène dans la maison close lui réapparut clairement et distinctement, le perturbant un peu. En fait, tout cet incident imprévu l'avait un peu perturbé. Il savait qu'il aurait mieux fait de coucher avec Yu Qing cette nuit. Comme ça, le jeune homme aurait pu développer des sentiments pour lui. Toutefois, Shen Jue connaissait bien son corps et son corps n'avait pas eu la moindre réaction.


* * *


Le lendemain, Shen Jue fit virer une certaine somme sur le compte de la famille Wei et en profita pour demander qui avait acheté la bague en fin de compte. Il s'avéra qu'il s'agissait de la même personne que dans les autres vies. Finalement, la bague avait quand même atterri dans les mains de Qiao Jiangyuan dans cette vie aussi. Cependant, Shen Jue estimait qu'une fois que la nouvelle qu'il était venu au gala en compagnie de Yu Qing arriverait aux oreilles de Qiao Jiangyuan, ce dernier ne resterait pas sans rien faire.


Effectivement, Qiao Jiangyuan se présenta de nouveau quelques jours plus tard.

Comme Shen Jue ne voulait pas le voir, il demanda carrément au majordome de dire qu'il n'était pas là. Qiao Jiangyuan se retrouva donc dans la cour et il leva les yeux vers la chambre de Shen Jue. Les rideaux n'étaient pas complètement tirés et il put voir de la lumière à l'intérieur.

Shen Jue avait fait exprès. Il voulait que l'autre duc sache qu'il ne voulait pas le voir.

Qiao Jiangyuan se présenta plusieurs fois mais reçut le même traitement.

La capitale impériale avait beau être immense, elle n'était pas si grande que ça, et le cercle des nobles était encore plus réduit. La nouvelle que Qiao Jiangyuan s'était fait éconduire par Shen Jue ne mit que quelques jours à se répandre. Ces gens-là aimaient tous voir un bon spectacle alors ces braves gens organisèrent aussitôt un banquet et envoyèrent spécialement une invitation pour Shen Jue et pour Qiao Jiangyuan.


* * *


Ces derniers jours, le majordome avait trouvé des informations sur la boisson. Elle avait été en effet droguée. C'était un aphrodisiaque conçu exprès pour les amants désobéissants. Les effets étaient très puissants et duraient au moins dix jours, par conséquent cet aphrodisiaque s'appelait la Passion de Dix Jours.

C'était très difficile d'acquérir une telle drogue. Le majordome découvrit que beaucoup de gens dans la capitale impériale avaient récemment acheté cette drogue au marché noir, tous de manière anonyme. Il ne put donc pas découvrir qui avait acheté cet aphrodisiaque.


Quand le majordome fit son compte-rendu au duc, Shen Jue se figea un moment avant de demander :

« Est-ce que Yu Qing est allé travailler en cuisine ces jours-ci ? »

Il n'avait plus vu le jeune homme ces derniers temps. Il avait pensé que Yu Qing avait bien trop honte pour se présenter devant lui, alors il n'avait pas trop porté d'attention aux agissements du jeune homme.

Le majordome toussota avant de répondre :

« Yu Qing m'a demandé quelques jours de congé. J'ai vu qu'il n'allait vraiment pas bien, alors j'ai accepté. »

Shen Jue réfléchit un moment puis se leva.

« Je vais le voir. »


Après quelques pas, il s'arrêta soudain pour se tourner vers Xiang Wen. Ne comprenant pas pourquoi il se faisait tout à coup fixer, Xiang Wen n'eut pas le temps d'ouvrir la bouche qu'il entendit son maître dire :

« Inutile de me suivre, j'y vais seul. »

Shen Jue partit après avoir lâché ces mots. Xiang Wen resta planté là un moment avant de grincer des dents.

Quand ce misérable semi-vampire avait assisté au gala la dernière fois, il avait dû faire tout son possible pour séduire le duc, pas vrai ? Quant à cette Passion de Dix Jours, c'était sûrement Yu Qing qui se l'était administré lui-même, humph.


La parole à l'auteur :

Charmant petit esclave : Oublions ça, oublions ça. Faisons juste l'amour, okay ?

Seigneur despotique : Dégage !


Note de Karura : La grande révélation de ce chapitre…

Shen Jue : Je ne suis pas attiré par les hommes.

Tous les gongs passés et à venir : … ???

Les lecteurs : ??? On se serait trompé d’histoire ?

Karura, tapant du poing sur la table : Shen Jue, explique-toi !

Shen Jue, embarrassé : … En fait, je voulais dire… je suis un shou.

Tout le monde : Aaaaah. (soulagement général)







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