Cent façons de tuer un prince charmant 84

Chapitre 84


Shen Jue rouvrit les yeux et fixa le plafond un moment. Il pressa soudain la main de Yu Qing. D’un voix calme, sans la moindre variation de ton, il demanda :

« Qu’est-ce que tu fais ? »

La personne dont la main venait de se faire saisir garda le silence un moment avant de murmurer :

« Je n’ai rien fait, ai-je importuné le duc ? »

À ces mots, Shen Jue se tourna vers le jeune homme.

Dans la pénombre, Yu Qing avait la tête posée sur l’oreiller. Ses mèches retombaient doucement sur son front et une paire d’yeux splendides étaient fixés sur lui. Sous le faible éclairage, son visage avait un air énigmatique, ce qui lui ajoutait une touche de glamour.


Shen Jue le contempla un bon moment puis se pressa soudain à côté de lui avant de récupérer la cravate posée sur la tête du lit. C’était lui qui l’avait posée là après l’avoir enlevée et Yu Qing avait oublié de la ranger. C’était bien pratique cette fois.

Il attacha les deux mains du jeune homme avec la cravate. Pendant ce temps, non seulement Yu Qing ne se débattit pas mais il ne grogna même pas et se laissa sagement attacher par le duc.

Après ça, Shen Jue lui caressa le front du bout des doigts.

« Tu n’as qu’à dormir comme ça alors. Si je me réveille et que je découvre que tu t’es détaché, je te punirai sévèrement. »


Yu Qing inspira. Il regarda Shen Jue qui se trouvait au dessus de lui et cligna des yeux.

« Quel genre de punition ? »

Shen Jue réfléchit un moment puis se pencha à l’oreille de Yu Qing pour lui murmurer quelques mots. Les mots n’étaient pas très distincts mais Yu Qing les entendit clairement et eut même une réaction. Il sentit que ses oreilles lui chauffaient et il n’osa même plus regarder Shen Jue droit dans les yeux. Le duc se coucha de nouveau, remit la couverture sur lui et ferma les yeux.


* * *


Ce jour-là, il dormit très bien et à côté de lui, Yu Qing n’avait pas tenté de se détacher, très docile. Quand Shen Jue le libéra, il y avait des marques violacées sur ses poignets mais Yu Qing s’en moqua bien : il fixa Shen Jue avec un regard ardent.

Cela prit Shen Jue au dépourvu un moment, puis il fit lentement :

« Tu veux une récompense ? »

Yu Qing hocha la tête sans la moindre hésitation.

« Qu’est-ce que tu veux comme récompense ? Tu peux te servir. »

Shen Jue fut alors sur le point de se lever du lit après ça mais à sa grande surprise, Yu Qing le saisit pour le rallonger dans la seconde qui suivit. Le jeune homme se comporta de manière vraiment très audacieuse. Cependant, alors même qu’il pressait Shen Jue sur le matelas, il observait également sa réaction discrètement. Quand il vit que le duc ne semblait pas répugné, il passa prudemment à l’étape suivante.


En fait, il n’avait pas vraiment dormi durant ce jour. Tout d’abord, c’était parce qu’il avait les mains attachées. Ensuite, c’était parce que Shen Jue se trouvait juste à côté de lui. Quand Yu Qing fermait les yeux, la douce odeur du sang de l’autre homme n’avait cessé d’assaillir ses narines. Jamais il n’avait autant ressenti la soif de toute sa vie.

Il avait donc attendu que le duc se réveiller et quand il l’avait entendu dire qu’il voulait le récompenser, Yu Qing n’avait plus pu du tout se retenir.

Il se pencha doucement et lécha le cou de Shen Jue avant de le mordiller avec ses dents avec circonspection. Voyant que Shen Jue ne le grondait pas, il le mordit, rassuré. Le sang coula dans son estomac et il ressentit à nouveau cette satisfaction, excepté qu’il eut la vague impression que cela ne suffisait pas.


Yu Qing savait à présent comment sucer le sang avec retenue. En plus, Shen Jue venait de se lever donc c’était le moment de la journée où son corps était le plus faible. Du coup, Yu Qing arrêta après quelques gorgées. Par contre, il prit bien son temps pour lécher le sang qui avait coulé de la blessure.

En dessous de lui, Shen Jue arriva au bout de sa patience. Il faisait désormais partie lui aussi du clan de sang alors il comprenait naturellement l’obsession des vampires pour le sang, toutefois Yu Qing en faisait vraiment un peu trop. Alors Shen Jue le saisit par les cheveux et l’arracha de lui avec force.

Yu Qing poussa un cri de protestation mais quand il vit le regard sombre du duc, il ravala aussitôt son cri.


Il se mit debout bien droit, comme s’il était redevenu un valet personnel bien obéissant. Pendant ce temps, Shen Jue, un peu agacé, porta une main à son cou et, ignorant Yu Qing, il mit ses chaussons et se rendit dans la salle de bains. À peine entré dedans, il en ressortit pour faire à Yu Qing :

« Tu préviendras Xiang Wen que je vais sortir aujourd’hui, alors qu’il prépare la voiture en avance.

– Bien. »

Quand Yu Qing vit Shen Jue entrer dans la salle de bains, il actionna la petite cloche dorée près du lit. Xiang Wen se présenta juste après à la porte. il fut un peu surpris de voir la porte s’ouvrir de l’intérieur mais arbora d’abord un visage souriant. Toutefois, son sourire retomba dès qu’il vit Yu Qing.


Le regard de Xiang Wen inspecta aussitôt Yu Qing de la tête aux pieds puis se posa sur le lit, qui était clairement plus en désordre que d’habitude. Pour finir, ses yeux s’arrêtèrent sur le sang qui restait au coin des lèvres du jeune homme. Il serra les dents et demanda à voix basse :

« Tu as dormi ici aujourd’hui ?

– Oui. »

Comparé à Xiang Wen dont la tête faisait peur à voir, Yu Qing arborait son expression habituelle. Il s’écarta sur le côté et murmura en retour :

« J’ai été un peu surpris quand le duc m’a demandé de rester mais je ne pouvais pas désobéir à ses ordres. Au fait, Xiang Wen, le duc a dit qu’il allait sortir aujourd’hui, alors tu dois préparer la voiture avant. »


Xiang Wen renifla et ignora Yu Qing. Il savait que ce type n’était pas quelqu’un de bien. Cela faisait des décennies qu’il servait Shen Jue et il n’avait jamais rien fait qui dépassait les limites. Et voilà que ce semi-vampire sans la moindre gêne qui n’était un valet que depuis quelques jours se permettait de s’incruster dans le lit du duc. D’après lui, le but fondamental de Yu Qing était justement de devenir l’autre maître de ce manoir.

À cette idée, il ne put de lancer un regard méfiant à Yu Qing avant de se rendre à la porte de la salle de bains.

Quant à Yu Qing, il se contenta de regarder Xiang Wen qui était visiblement énervé et exaspéré. Ses lèvres rouges s’étirèrent légèrement, dévoilant un sourire au sens profond mais il l’effaça aussitôt de ses lèvres et commença à mettre de l’ordre dans la chambre.


Xiang Wen se montra particulièrement détestable avec Yu Qing pour le restant de la journée. À chaque fois qu’il y avait une tâche à accomplir, Xiang Wen se précipitait délibérément avant Yu Qing. À chaque fois que le jeune homme se faisait passer devant, il se mordait les lèvres, reculait de deux pas et baissait les yeux au sol. Il avait un corps fin et ses sourcils semblaient plus épais quand il baisait les yeux. Comparé à Xiang Wen qui avait clairement les sourcils froncés et les yeux qui lançaient des éclairs, l’expression de Yu Qing était clairement plus plaisante.

Toutefois, Shen Jue s’était fait sucer son sang par Yu Qing dès le saut du lit, alors il n’était vraiment pas d’humeur à prêter attention au jeune homme en ce moment. Il ne le regarda même pas. Dès que Xiang Wen eut fini de l’aider, il sortit directement.

Voyant ça, Xiang Wen lança un regard moqueur à Yu Qing avant de lui emboîter le pas.


* * *


Shen Jue sortait aujourd’hui car il avait un rendez-vous d’affaires. Comme il ne voulait pas suivre la même voie que dans les vies précédentes, Shen Jue devait toujours prendre bien soin de son capital. S’il se débrouillait bien, cela pourrait l’aider sur d’autres points. La personne qui avait demandé à le voir était un ami de son père.

Cet ami s’appelait Kong Fan et il ne résidait pas à la capitale impériale en temps normal, il était juste arrivé depuis quelques jours. Ils allaient cette fois discuter d’une mine.

L’autre partie possédait le terrain mais pas d’argent pour l’exploiter, tandis que Shen Jue avait l’argent mais pas le terrain, alors les deux étaient faits pour s’entendre.


Bien que Kong Fan n’était pas originaire de la capitale impériale, il s’y rendait souvent et on pouvait dire qu’il connaissait bien la ville. Du coup, il s’était chargé de réserver une place dans un endroit que Shen Jue connaissait bien : après qu’il eut découvert la relation entre Qiao Jiangyuan et Yu Qing dans les vies précédentes, il avait passé son temps à boire et à jouer ici.

C’était un petit établissement du nom du Pavillon de la Convergence des Talents.

Le rez-de-chaussée avait été transformé en bar et le premier étage était un restaurant. C’était avec les deuxième et troisième étages que le Pavillon de la Convergence des Talents faisait vraiment recette — le plus gros casino de toute la capitale.

Comme le propriétaire des lieux était le noble prince de l’Empire, personne jusque là n’avait osé causer des ennuis en ces lieux et personne ne parlait de ce qu’il avait vu ou entendu en cet endroit. Les gens qui entraient dans le Pavillon de la Convergences des Talents étaient soit riches, soit nobles. Aucune personne du peuple ne pouvait entrer et même les serveurs qui travaillaient là étaient tous des fils d’aristocrates qui étaient déchus.


Comme il s’agissait d’un rendez-vous d’affaires et que Shen Jue voulait délibérément se montrer distant avec Yu Qing, il ne l’amena pas avec lui mais se rendit seul au rendez-vous avec son garde du corps.

Quand il arriva, Kong Fan était déjà là et avait déjà réservé une salle au premier étage.

Puisqu’il s’agissait de la première fois que Kong Fan coopérait avec Shen Jue, ce rendez-vous servait plus ou moins à discerner les intentions de l’autre. Après s’être assis et avoir parlé un peu, Kong Fan invita Shen Jue à aller jouer au casino.

Shen Jue comprit les intentions de l’autre homme : Kong Fan voulait tester sa solvabilité. Après tout, il n’avait encore jamais travaillé avec lui avant. Si Shen Jue n’avait pas suffisamment d’argent et que la moitié du capital s’évanouissait, ce serait difficile pour Kong Fan de se trouver un autre partenaire.


Alors Shen Jue ne refusa pas et monta à l’étage avec l’autre homme. Bien entendu, Kong Fan ne joua pas alors seul Shen Jue prit des jetons. Quand ils arrivèrent au milieu de la salle du casino, Shen Jue eut la surprise de voir Qiao Jiangyuan.

L’autre homme était assis à une table de jeu avec une pile de jetons devant lui. Shen Jue examina ses vêtements et se rendit compte que cela faisait au moins un jour que Qiao Jiangyuan était là.

En temps normal, Qiao Jiangyuan était quelqu’un d’extrêmement soigné. S’il y avait la moindre poussière ou tache sur ses vêtements, il refusait formellement de les porter de nouveau. Cependant là, il y avait des taches de vin sur son col mais il n’y prêtait même pas attention. Il avait les yeux fixés sur le croupier qui mélangeait les cartes.


Kong Fan regarda tout autour et vit que Shen Jue semblait regarder dans une direction. Il suivit donc son regard et quand il vit à son tour Qiao Jiangyuan, il haussa les sourcils.

« Cet accro au jeu est ton ami ? »

Un accro au jeu ?

Dans ses vies précédentes, Shen Jue avait été dans un état dix fois pire que celui de Qiao Jiangyuan actuellement. Il avait fini par vivre au Pavillon de la Convergence des Talents. Le majordome et Xiang Wen avaient eu beau venir plusieurs fois le supplier de rentrer au manoir, il ne les avait pas écoutés et avait continué à vivre dans cet endroit dans une stupeur d’ivrogne. C’était comme s’il croyait qu’en restant ici, il pourrait oublier Qiao Jiangyuan et tous ses soucis.

Il semblait à présent que Qiao Jiangyuan, qui n’avait pas ses souvenirs, et lui avaient bel et bien grandi ensemble : ils avaient tous les deux choisi exactement la même manière de noyer leur chagrin.



« Non, répondit Shen Jue en se tournant vers Kong Fan. À quoi tu veux jouer ? Je connais un peu les règles de tous les jeux ici. »

Les yeux de Kong Fan s’illuminèrent. Les paroles de Shen Jue laissaient supposer qu’il était un client régulier des lieux alors Kong Fan fit d’un ton ravi :

« Peu importe, je te suis. »

Ils jouèrent d’abord tous les deux à une table mais cela ne passionna Kong Fan pas plus que ça. Shen Jue partagea alors avec lui la moitié de ses jetons et s’installa à une autre table d’un air nonchalant.

Le poker chinois Si vous êtes intéressés par les règles de ce jeu : https://fr.wikipedia.org/ wiki/Poker_chinois (1) à cette table demandait de la chance et de l’audace.

Cependant, Shen Jue n’était pas toujours attentif : parfois il suivait et parfois il ne suivait pas. Parfois il gagnait et parfois il perdait. Après être resté là un bon moment, il estima que cela suffisait alors il se leva pour rejoindre Kong Fan. Mais avant de retrouver l’autre homme, il tomba d’abord sur Qiao Jiangyuan.


Quand l’autre homme vit Shen Jue, son expression vacilla légèrement mais très vite, il arbora un sourire et se rapprocha de lui.

« Shen Jue, quelle coïncidence, tu es là toi aussi. À quoi tu joues ? »

Il regarda la table que Shen Jue venait de quitter.

« Oh, le poker chinois. C’est plutôt amusant. »

Shen Jue lui lança un bref regard puis le contourna.

Il n’avait plus besoin désormais de maintenir une amitié superficielle avec Qiao Jiangyuan.

Mais l’autre homme parut irrité par son attitude. Quand Shen Jue le dépassa, il lui saisit la main.


Note de Karura : Oh, oh, Qiao Jiangyuan ne semble pas vouloir renoncer à son Shen Jue. Ce ne serait pas drôle s’il n’y avait pas un triangle amoureux !


Notes du chapitre :
(1) Si vous êtes intéressés par les règles de ce jeu : https://fr.wikipedia.org/ wiki/Poker_chinois






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