Chapitre 93
« Mon seigneur, » fit Ye Ye en posant le thé de sang devant Shen Jue.
Ce dernier prit une gorgée. Après avoir bu, il lança un regard surpris au serviteur :
« Qu’est-ce qu’il y a dedans ? »
Ye Ye sourit.
« J’ai ajouté un peu de vin dedans pour atténuer l’odeur de sang. Je n’aurais pas cru que mon seigneur s’en rendrait compte. »
Une autre personne intelligente.
Shen Jue était tombé sur Ye Ye par accident. Quand qu’il était en voyage d’affaire, il avait vu Ye Ye demander du travail dans le restaurant où Shen Jue avait son rendez-vous d’affaire. Il n’avait cependant pas remarqué le beau jeune homme jusqu’à ce qu’il entende le gérant dire qu’ils n’acceptaient pas les semi-vampires ici. Ce fut alors que Shen Jue avait posé les yeux sur Ye Ye.
Le même jour, il avait donné l’adresse du manoir au jeune homme et lui avait recommandé de se présenter au majordome dans la semaine pour un entretien d’embauche. Ce jeune homme était vraiment très intelligent. Bien qu’il avait grandi dans un orphelinat, il avait pu s’inscrire dans une école d’ingénierie tout en travaillant à mi-temps. Cependant, il avait dû abandonner par la suite car il ne pouvait plus payer les frais de scolarité. Heureusement, il avait également été formé comme valet personnel, ce qui avait intéressé le majordome.
Ye Ye était un semi-vampire qui ne dépendait pas des autres mais avait quand même survécu dans ce monde. Il avait certainement dû faire bien plus d’efforts que les gens ordinaires, à tel point qu’il avait travaillé dans divers domaines. Shen Jue l’admirait donc beaucoup.
Au moment où Shen Jue allait dire quelque chose, on toqua à la porte. Il leva les yeux et vit Yu Qing, qu’il n’avait pas vu depuis des jours, dans l’encadrement.
En à peine quelques jours, Yu Qing semblait avoir perdu beaucoup de poids. Ses joues s’étaient creusées et ses yeux profonds et son nez ressortaient davantage. Il se tint à la porte en contemplant Shen Jue d’un air hébété, des émotions complexes dans ses yeux splendides.
Ye Ye émit un léger son en notant la présence de Yu Qing. Il quitta ensuite sagement le bureau pour lui laisser la place. Yu Qing entra lentement une fois que Ye Ye fut sortit. Il s’avança devant Shen Jue puis se mit à genoux.
Shen Jue le fixa d’un air froid et ne dit rien.
Yu Qing baissa les yeux et fit après un moment :
« Mon seigneur, je veux m’enrôler dans l’armée. »
Rejoindre l’armée était la seule façon de changer ses origines. Que l’on soit un civil ordinaire ou même un semi-vampire, on pouvait se rendre sur le champ de bataille pour accomplir un exploit militaire. Toutefois, il fallait presque toujours risquer sa vie pour ce genre d’exploit militaire, alors la plupart des gens ne revenaient jamais vivants du champ de bataille.
Mais Yu Qing n’avait que ce moyen-là. Il savait que dans sa condition actuelle, il n’était pas digne de Shen Jue. Il ne voulait cependant pas voir Shen Jue en épouser un autre et plus important encore, il voulait changer son image aux yeux de l’autre homme : il n’était pas une sangsue, il pouvait subvenir à ses propres besoins.
Les gens étaient toujours ainsi. Dès qu’ils obtenaient une chose, ils en voulaient aussitôt encore plus. À la base, il n’avait pas réfléchi à ça. Il avait pensé que cela lui suffirait d’avoir l’affection de Shen Jue. Mais désormais, il voulait un vrai statut. Il voulait que tout le monde le respecte, le respecte vraiment, surtout Shen Jue. Il espérait que Shen Jue puisse le considérer comme quelqu’un d’indépendant alors il devait changer sa position. Il devait s’élever suffisamment haut pour que Shen Jue le voie.
Traduction faite par Karura Oh. Lisez sur mon site http://karuraoh.free.fr ou sur Scan Manga. Si vous la voyez sur un autre site, c'est qu'ils ont volé cette traduction !
« S’enrôler dans l’armée ? Pourquoi ? fit Shen Jue d’un ton gracieux. Tu sais pourtant que le champ de bataille est dangereux.
– Je sais, mais je ne veux pas non plus voir mon seigneur en épouser un autre. »
Yu Qing leva la tête et marcha à genoux pour se mettre à ses côtés. Il leva la main mais n’osa pas prendre celle de Shen Jue, alors il se contenta de saisir doucement le pan des vêtements de l’autre homme.
« Je vous en supplie, laissez-moi cinq ans et je vous assure que je reviendrai après avoir accompli un exploit militaire. »
À ce moment-là, il pourrait peut-être se tenir sur un pied d’égalité avec cet homme, au lieu de se retrouver à genoux à le supplier de lui laisser un délai et de ne pas se marier.
Pour la première fois, Yu Qing haït ses origines de tout son être. S’il avait été aussi un noble, il aurait pu alors demander Shen Jue directement en mariage, comme l’avait fait Qiao Jiangyuan. Il s’était subitement rendu compte qu’il n’avait rien et que même s’il avait pu fréquenter des soirées où seuls les nobles étaient invités, il ne pouvait pas changer ses origines. Shen Jue avait bien raison : il n’avait été qu’une sangsue qui se nourrissait de lui mais il ne s’en était pas rendu compte avant et avait cru qu’il possédait sa lune brillante.
La réalité était que la lune brillante était toujours dans le ciel, hors de sa portée. Mais comme elle répandait occasionnellement sa lumière sur lui, Yu Qing avait cru qu’il la possédait entièrement.
Shen Jue repoussa sa main et fit d’un ton indifférent :
« Pourquoi je te laisserais partir ? Comment puis-je savoir que tu ne me trahiras pas ?
– Comment pourrais-je… ? » commença à faire précipitamment Yu Qing.
Il referma la bouche, sachant que Shen Jue n’allait pas simplement le croire sur parole.
Il garda le silence un moment avant de dire lentement :
« Je suis prêt à signer un contrat d’âme avec mon seigneur. Ainsi, mon seigneur sera mon maître durant toute cette vie et jamais je ne le trahirai. »
Un contrat d’âme était différent d’un contrat ordinaire. On jurait sur son âme. Si celui qui prêtait serment violait le contrat, il s’enflammerait aussitôt et serait réduit en cendres. Aucun vampire n’oserait signer un contrat d’âme à la légère car cela revenait à permettre au maître du contrat de contrôler à loisir la vie du contractant. Pour résumer, après avoir signé le contrat d’âme, Shen Jue posséderait carrément la vie de Yu Qing.
Mais Yu Qing était prêt à lui donner sa propre vie en échange de sa confiance.
Il leva la tête et regarda l’autre homme, le regard implorant. En voyant que Shen Jue tardait à répondre, Yu Qing se pencha de nouveau. Comme il l’avait fait avant, il posa le front sur le bout des chaussons du duc, le suppliant humblement.
Il n’aurait su dire combien de temps s’écoula, peut-être un court moment, cependant cela parut une éternité à Yu Qing.
« Très bien, » lâcha Shen Jue.
Yu Qing ferma les yeux et ne put retenir les larmes qui coulèrent sur ses joues.
Après avoir signé le contrat d’âme avec Shen Jue, Yu Qing partit s’enrôler dans l’armée. Il choisit l’Armée du Dragon Blanc qui occupait l’endroit le plus dangereux de la ligne de front. Cette armée comptait aussi le plus grand nombre de morts chaque année. Quand le majordome apprit que Yu Qing s’était enrôlé dans l’Armée du Dragon Blanc, il en fut très surpris.
« Presque personne n’est volontaire pour intégrer cette armée, pourquoi tu as choisi d’y aller, Yu Qing ? »
À ses yeux, Yu Qing était comme une fleur délicate qui avait poussé dans une serre. S’il intégrait l’Armée du Dragon Blanc, sans parler du combat, il risquait déjà de ne pas supporter les entraînements militaires quotidiens.
Mais cela faisait longtemps que Yu Qing avait pris sa décision. En intégrant une armée ordinaire, il risquait fort de ne pas être en mesure d’accomplir un exploit militaire en quelques années, sans parler d’être anobli. Depuis les temps anciens, les gens avaient recherché la noblesse et la richesse en affrontant le danger. Peut-être qu’en rejoignant l’Armée du Dragon Blanc, il aurait une petite chance de réussir.
Traduction faite par Karura Oh. Lisez sur mon site http://karuraoh.free.fr ou sur Scan Manga. Si vous la voyez sur un autre site, c'est qu'ils ont volé cette traduction !
Comme peu de gens s’enrôlaient pour l’Armée du Dragon Blanc, Yu Qing fut sélectionné après juste un examen médical. Le jour de son départ, il resta longtemps assis près de la porte arrière des cuisines du manoir. Il avait grandi dans ce manoir et passé une grande partie de son temps dans ces cuisines, mais il avait oublié ces jours pour se plonger dans les banquets obscènes et sensuels de la noblesse. Il allait désormais quitter cet endroit et peut-être qu’il ne reviendrait jamais.
Avant de partir, il prépara une tasse de thé de sang et déposa un bonbon sur la soucoupe. Il n’osa pas se montrer de nouveau devant Shen Jue, alors il confia la tasse à Ye Ye pour qu’il l’apporte au duc. Il savait que Xiang Wen ne le ferait jamais.
« Merci d’apporter ça à notre seigneur. »
Le visage de Yu Qing était pâle, la brillance et l’élégance comme celles d’une rose avaient disparu. Il y avait une tristesse immense concentrée sous son air calme. Il allait quitter ce manoir, son duc, et évidemment, il espérait revenir.
Ye Ye prit la tasse et fit doucement :
« Entendu, M. Yu. »
Yu Qing baissa les yeux sur le bonbon posé sur la soucoupe en porcelaine blanche. Après un long moment, il détourna les yeux avec réticence et s’en alla. Il ne sortit pas par l’entrée principale du manoir car il n’en était pas digne. Il espérait que d’ici quelques années, il pourrait rentrer ouvertement par l’entrée principale cette fois.
Après que Ye Ye l’ait vu partir, il versa le thé de sang dans l’évier. Quant au bonbon, il le jeta directement à la poubelle.
Après ça, il retourna dans le bureau.
Shen Jue était assis au bureau. Il leva la tête en l’entendant entrer.
« Il est parti ?
– Oui, répondit Ye Ye en souriant. M. Yu a dit qu’il allait être en retard alors il n’a pas pu vous dire au revoir, mon seigneur. »
Shen Jue ne répondit pas à ces mots et posa simplement le stylo qu’il tenait.
En fait, la demande subite en mariage de Qiao Jiangyuan l’avait pris par surprise. Il ne comprenait même pas pourquoi l’autre lui avait soudain fait une telle demande, mais Shen Jue ne pouvait pas accepter. Il ne pouvait pas croire qu’en l’espace de quelques mois, l’autre homme avait pu tomber amoureux d’un autre, et cela n’avait rien à voir avec le spectacle érotique de l’autre fois.
En fait, Shen Jue n’avait pas été si confus que ça durant cette nuit dans la demeure du propriétaire terrien. Il avait même eu conscience que Qiao Jiangyuan était entré dans la chambre. Comme il avait ensuite entendu Qiao Jiangyuan et Yu Qing commencer à se bécoter, il avait fait du bruit exprès. Et ce qui s’était passé ensuite avait été délibérément décidé et interprété par lui. Il avait fait ça exprès pour irriter Qiao Jiangyuan et faire en sorte qu’il ne puisse jamais être ensemble avec Yu Qing.
Il se disait que quelqu’un ne pouvait pas voir son bien-aimé coucher avec un autre et continuer à l’aimer comme si rien ne s’était passé.
Dans les jours qui avaient suivi, à chaque banquet auquel avait assisté Yu Qing, Shen Jue avait envoyé un informateur pour surveiller ces deux-là. Comme prévu, même si Qiao Jiangyuan avait vu Yu Qing à ces banquets, il ne lui avait presque jamais adressé la parole.
Tout était parfaitement sous le contrôle de Shen Jue, sauf pour la proposition de mariage de Qiao Jiangyuan. Cependant, Shen Jue avait vite rebondi : il en avait délibérément informé Yu Qing et avait réussi à faire réagir le jeune homme.
Yu Qing était à présent parti rejoindre l’armée. Comme il s’agissait du maître de ce monde, Shen Jue savait qu’il allait plus que probablement survivre à l’armée.
Mais il avait été surpris que Yu Qing lui propose de signer un contrat d’âme. Cela dit, cela pourrait toujours servir.
Pendant que Shen Jue réfléchissait à la suite des événements, Xiang Wen entra pour lui annoncer :
« Mon seigneur, le duc Qiao est là. »
Bien que Shen Jue avait refusé sa demande en mariage, cela ne semblait pas du tout déranger l’autre homme. Il recommença à se comporter comme s’ils étaient de nouveau bons amis. Quelques jours plus tôt, il avait même invité Shen Jue pour un voyage, mais ce dernier avait refusé. Cette fois, Qiao Jiangyuan était venu se présenter à sa porte en personne.
Après réflexion, Shen Jue se leva et descendit au rez-de-chaussée.
Qiao Jiangyuan était habillé aujourd’hui de manière décontractée mais toujours aussi élégante. Quand il vit Shen Jue, un sourire charmant apparut sur ses lèvres.
« Bonsoir. »
Shen Jue hocha la tête et s’avança vers le canapé. Il fit signe à l’autre de s’asseoir.
« Qu’y a-t’il ? »
Qiao Jiangyuan prit place à côté de lui.
« Il va bientôt y avoir une exposition de machines industrielles en ville. Je sais que ça t’intéresse. J’ai deux invitations, tu veux venir avec moi ? »
Shen Jue lui lança un regard indifférent. Qiao Jiangyuan n’évita pas son regard et conserva son sourire.
« Pourquoi pas ? » accepta Shen Jue.
Traduction faite par Karura Oh. Lisez sur mon site http://karuraoh.free.fr ou sur Scan Manga. Si vous la voyez sur un autre site, c'est qu'ils ont volé cette traduction !
Qiao Jiangyuan ne s’attarda pas. Avant de partir, il confirma plusieurs fois avec Shen Jue l’heure de leur rendez-vous dans trois jours.
« Tu as besoin que je vienne te chercher ? demanda-t’il.
– Non, j’irai par mes propres moyens, » refusa Shen Jue en secouant la tête.
Une lueur de déception parcourut le regard de l’autre homme, mais il fit quand même :
« D’accord. »
Après que Shen Jue ait vu l’autre homme se diriger vers sa voiture, il s’avança soudainement. Qiao Jiangyuan était déjà monté. En voyant Shen Jue accourir, il abaissa rapidement la vitre.
« Que se passe-t’il ? »
Sa main était également sur la poignée, prêt à sortir de la voiture à tout moment.
Shen Jue le fixa un moment sans rien dire, puis déclara :
« Yu Qing est parti rejoindre l’Armée du Dragon Blanc. »
Qiao Jiangyuan resta un moment surpris par cette nouvelle, mais ce fut tout.
« Ah bon ? Je lui souhaite bien du courage. »
Shen Jue se dit alors que l’amour qu’avait tant vanté son grand frère martial n’était finalement rien de plus que ça : il semblait disparaître aussi vite qu’il apparaissait.
Il perdit alors l’envie de continuer à discuter avec l’autre duc. Il le salua donc de la main et retourna vers le manoir. Qiao Jiangyuan garda les yeux fixés sur son dos, jusqu’à ce qu’il le perde de vue. Seulement alors, il ordonna à son chauffeur de rouler.
La vie de Yu Qing à l’armée ne fut pas du tout facile. L’armée était remplie d’hommes dont la plupart avaient déjà tué des gens de leurs propres mains. Ils avaient subi beaucoup plus de blessures que tous les gens que Yu Qing avait déjà rencontrés. Yu Qing était bien trop beau et avait l’air fragile. Dans cet escadron de rustres, il se faisait bien trop remarquer. Durant les entraînements, il était très souvent le dernier du classement.
Ici, l’attribution de la nourriture se faisait en fonction des résultats. Cela faisait donc des jours que Yu Qing n’avait droit qu’aux moins chers des sacs de sang congelés. Dans ce genre d’aliment, le sang provenait de poulets et de canards, et il n’y en avait pas beaucoup. Cela ne permettait guère de se remplir l’estomac, c’était presque comme boire de l’eau.
Certains commencèrent à s’intéresser à Yu Qing.
« Si tu couches avec moi, je te filerai mon repas. T’en dis quoi ? »
Pas mal de gens firent cette proposition à Yu Qing. Il n’y avait pas de femme ici, alors certains traitaient les hommes comme des femmes. Bien entendu, il y en avait qui préféraient naturellement les hommes mais Yu Qing était si beau que même les hommes fermement hétérosexuels ne pouvaient que se sentir troublés et attirés en le voyant.
Yu Qing les repoussait systématiquement mais ils ne cessaient de le harceler. Il se faisait même siffler quand il se baignait.
Un des membres de leur unité s’appelait Wang Shengfeng et il était très fort. Il avait même son petit amant attitré dans l’armée. Ce petit amant devait en fait une tonne d’argent à l’extérieur et il n’avait pas eu d’autre choix que de se cacher dans l’Armée du Dragon Blanc. Mais comme il n’était pas assez fort et ne voulait pas mourir, il avait préféré vendre son corps.
Le lendemain de l’arrivée de Yu Qing, il avait attiré le regard de Wang Shengfeng. Ce dernier trouvait à la base que son petit amant était beau mais quand il vit Yu Qing, il eut l’impression que le premier était un œil de poisson tandis que le second était une perle. Son cœur frémit et il eut envie de caresser cette perle.
Il était le plus culotté des harceleurs de Yu Qing, il lui pinça même une fois directement les fesses dans les bains publics. Yu Qing faillit bondir, ce qui fit bien rire tous les hommes autour.
Le cœur de Yu Qing s’affola et ses yeux lancèrent des éclairs. Il tourna la tête pour lancer un regard noir à Wang Shengfeng. Le problème, c’était qu’il était si beau que lorsque ses yeux s’enflammaient, ils donnaient l’impression de brûler les gens à vif.
Traduction faite par Karura Oh. Lisez sur mon site http://karuraoh.free.fr ou sur Scan Manga. Si vous la voyez sur un autre site, c'est qu'ils ont volé cette traduction !
Wang Shengfeng fut encore plus excité par ce regard. Il poussa un hé et fit :
« Ne me regarde pas comme ça. Si tu continues, je vais bander. »
Dès qu’il lâcha ce commentaire, les hommes autour éclatèrent à nouveau de rire.
Yu Qing resta figé sur place, le visage crispé. Il serra les poings mais il n’était pas assez fort pour frapper férocement cet homme. Rien que l’entraînement suffisait à le vider de toute son énergie, sans parler qu’il avait clairement conscience qu’il ne faisait pas le poids face à Wang Shengfeng.
À chaque repas, c’était Wang Shengfeng qui avait la plus grosse part.
Yu Qing serra donc les dents et refoula sa colère. Il lui tourna le dos et continua à se laver. Il sortit rapidement dès qu’il eut fini, se refusant à rester une seconde de plus dans ces bains publics.
Sur le chemin de son dortoir, Yu Qing ne put s’empêcher de penser à sa lune brillante. Que pouvait bien faire sa lune brillante en ce moment ? Elle devait sûrement déjà dormir. Yu Qing leva une main pour recouvrir son visage et cacher son expression fragile derrière. Il avait l’impression de ne pas avoir progressé.
Dans les jours qui suivirent, Wang Shengfeng se montra totalement entiché de Yu Qing. Il déclara même aux autres que Yu Qing était à lui, afin que les autres cessent de s’intéresser au jeune homme. Le petit amant entretenu par Wang Shengfeng jusque là perdit aussitôt ses faveurs et en fut très fâché. Il alla trouver Yu Qing et le critiqua en l’accusant d’être une pute sans gêne.
« Si tu veux vendre ton cul, ne viens pas le faire ici, ah. Tu ne manques vraiment pas d’air, » fit fortement le petit amant, extrêmement furieux.
Il estimait qu’avec son apparence, Yu Qing pourrait très bien se trouver un bon maître à l’extérieur, alors pourquoi avait-il fallu qu’il vienne à l’armée pour lui piquer son mec ?
Yu Qing se pinça les lèvres et ses yeux s’assombrirent.
« Je ne vends pas mon cul. »
Cela fit ricaner le petit amant qui tourna deux fois autour de lui avant de faire :
« Tu n’es pas à vendre ? Tu te fous de moi ? Comment un semi-vampire comme toi aurait-il pu survivre dehors sans un maître ? Tu ne supportes même pas le plus basique des entraînements. »
En fait, les résultats du petit amant étaient bien meilleurs que ceux de Yu Qing. Mais vu qu’il ne voulait pas subir de rudes épreuves, il avait choisi de dépendre de Wang Shengfeng.
En deux mois de temps à l’armée, Yu Qing avait subi bien plus d’humiliations que durant la première moitié de sa vie. Ce fut seulement là qu’il se rendit compte de la différence entre la vie qu’il avait eue au manoir et celle qu’il menait ici. Au manoir, il était au moins considéré comme une personne. Ici, sa valeur semblait se résumer à son cul. Et même quand une pute toute maigrelette venait l’humilier en public, il ne pouvait pas répliquer.
Quelle était la différence entre lui et l’autre jeune homme ? C’était juste que l’un se vendait pour pas cher tandis que l’autre se vendait plus bien plus cher.
Depuis ce jour, Yu Qing semblait avoir complètement changé. Il ne repoussa plus les avances de Wang Shengfeng mais l’empêchait quand même de le toucher. Il prenait l’initiative d’aller demander des conseils à l’autre homme. Wang Shengfeng fut aux anges en voyant sa petite beauté l’approcher de lui-même. Il enseigna donc très soigneusement à Yu Qing, sans pour autant lui divulguer tous ses secrets, tout ça dans le but de pouvoir toujours maîtriser son adversaire.
En plus de demander des conseils à Wang Shengfeng, Yu Qing était également allé consulter d’autres personnes. Il ignora le harcèlement verbal des autres. Que ce soit à l’entraînement normal ou pendant les entraînements privés, il se montra de plus en plus acharné. Tout le monde réalisa peu à peu que Yu Qing semblait vraiment vouloir devenir un soldat.
Avec le temps, la plupart des soldats renoncèrent à leurs préjugés sur Yu Qing. Cependant, les plus forts comme Wang Shengfeng continuèrent de ne pas le prendre au sérieux. Pour eux, une petite beauté comme Yu Qing devrait rester au lit plutôt que d’aller sur un dangereux champ de bataille.
Dans l’armée, on pouvait recevoir des visites une fois tous les trois mois et on pouvait aussi envoyer une lettre tous les mois. Yu Qing écrivit des lettres pendant six mois consécutifs, mais il n’y eut pas de réponse. Il indiqua spécialement les jours de ses visites dans ses lettres, mais personne ne vint le voir.
À chaque fois qu’il attendait devant la salle des visites, il restait assis sur le terrain à attendre que l’officier d’accueil vienne l’appeler. Il restait dehors parce qu’il craignait que son visiteur ait du mal à trouver les dortoirs, mais l’agent d’accueil ne l’appela jamais. Il avait beau attendre du crépuscule à l’aube, jamais il ne vit celui qu’il voulait tant voir.
Peut-être que l’homme l’avait déjà oublié.
C’était ce que pensait Yu Qing au fond de lui.
Alors quand il envoya sa douzième lettre et n’eut toujours pas réponse, il cessa d’écrire pour de bon. Il se dévoua encore plus aux entraînements.
Traduction faite par Karura Oh. Lisez sur mon site http://karuraoh.free.fr ou sur Scan Manga. Si vous la voyez sur un autre site, c'est qu'ils ont volé cette traduction !
En général, les nouvelles recrues pouvaient participer à un vrai combat après un an d’entraînement. Quand Yu Qing participa à son premier vrai combat, il vomit à son retour.
Wang Shengfeng se tint à côté de lui. Il eut un léger rire et lui tapota le dos.
« Tu es encore bien trop faible, pourquoi tu risques ainsi ta vie ? »
Yu Qing évita sa main. Il se rinça la bouche et se passa de l’eau claire sur le visage. Puis il se redressa et partit dans l’autre direction.
Wang Shengfeng le regarda s’éloigner et rétrécit les yeux d’un air pas content. Il estimait qu’il avait laissé suffisamment de temps comme ça à Yu Qing, pourtant l’autre ne le laissait toujours pas le toucher, sauf quand ils se battaient pour l’entraînement.
C’est vraiment une pute qui veut qu’on dresse un autel commémoratif pour sa chasteté.
Il cracha par terre et ses yeux s’assombrirent progressivement. Il se dit qu’il était temps pour la petite beauté d’y passer. Il s’était montré si gentil avec la petite beauté, mais ce dernier jouait les prétentieux.
Wang Shengfeng était pratiquement un meneur parmi les soldats ordinaires de l’Armée du Dragon Blanc. Quand il disait quelque chose, les autres ne pouvaient que le suivre. Alors quand il proposa de donner une petite leçon à Yu Qing, certains ne purent qu’acquiescer tout en étant un peu réticents.
Cela faisait un an qu’ils s’entraînaient avec Yu Qing. Certains avaient depuis longtemps renoncé à leurs préjugés sur lui et le traitaient comme un vrai camarade. Cependant, ils n’osaient pas s’opposer à Wang Shengfeng.
Cet homme était trop fort. Une fois, quelqu’un l’avait offensé alors Wang Shengfeng l’avait carrément tué sur le champ de bataille. On n’avait même pas pu retrouver son corps. Le commandant avait donc dû se résoudre à écrire un rapport indiquant que l’homme avait été tué par les humains, mais tous savaient que c’était Wang Shengfeng qui l’avait tué.
En effet, avant qu’il ne passe à l’acte, il avait déclaré en riant dans les bains publics :
« Dans deux jours, je vais buter ce type, hmph. On verra s’il fera toujours le malin devant moi. »
Il paraissait que Wang Shengfeng avait certaines origines. Il était venu ici parce qu’il avait causé bien trop de problèmes dans la capitale impériale et que sa famille l’avait envoyé dans l’armée. Sa famille comptait apparemment sur lui pour obtenir de grands mérites afin de pouvoir ensuite le faire revenir dans la capitale.
Voilà pourquoi il ne se privait pas de tuer et de harceler les gens à loisir ici. Même si leur supérieur l’apprenait, il le couvrirait.
Presque tous ceux qui intégraient l’Armée du Dragon Blanc étaient pauvres. Ils n’avaient donc aucune famille pour les soutenir, ni la force de pouvoir résister à Wang Shengfeng.
Wang Shengfeng avait prévu de s’en prendre à Yu Qing dans les bains publics. En effet, Yu Qing était en général dans les derniers à se laver. À ce moment, il ne restait plus que de l’eau froide mais au moins, les bains étaient le moins fréquenté là.
Comme d’habitude, Yu Qing entra dans les bains publics avec une bassine et ses vêtements de rechange. Quand il entra, il constata que la lampe à l’entrée était allumée. Il la fixa un moment avant d’entrer.
Comme d’habitude, il n’y avait que deux ou trois hommes dans les bains. Il se trouva un coin tranquille, mit ses vêtements propres dans la bassine et commença à se déshabiller. Il avait à peine retiré sa chemise qu’il entendit des bruits de pas derrière lui.
Il y avait plus d’une personne.
Yu Qing possédait désormais un temps de réaction très rapide. Il se tourna rapidement et remit la chemise qu’il venait juste d’enlever.
Il y avait quatre ou cinq hommes devant lui, et en tête se trouvait Wang Shengfeng. Ce dernier mâchonnait un brin d’herbe. Il fixa Yu Qing qui était à quelque distance du groupe et eut un rire mauvais. Il recracha le brin d’herbe et fit d’un ton étrange :
« T’es là pour te baigner ? Et si on se baignait ensemble ? Il se trouve que je ne me suis pas encore lavé aujourd’hui. »
Yu Qing regarda d’un air méfiant le groupe devant lui et fit après un bon moment :
« Alors je vais me laver dans les bains d’à côté. »
Avant qu’il ne puisse bouger, Wang Shengfeng fit :
« Inutile, tu n’as qu’à te laver ici. Tu n’étais pas justement en train de te déshabiller ? Continue, ah. »
En voyant l’air mauvais du jeune homme, il éclata de nouveau de rire.
« Tu vois, je n’aime pas forcer les gens alors je vais te laisser le choix. Soit tu es bien sage et tu ne serviras que moi, soit tu te montres désobéissant et nous te passerons dessus l’un après l’autre. »
La parole à l’auteur : Le charmant petit esclave est en pleine évolution.
Note de Karura : Quand on pense qu’il se donne tant de mal pour Shen Jue… et que ce dernier va lui briser le cœur… C’est compliqué d’éprouver de la sympathie pour Shen Jue, et pourtant l’auteur arrive à nous rendre sympathiques les deux camps.
Commentaires :