Chapitre 135
Tong Meng’Er contrôlait le gouvernement depuis toutes ses années, comment aurait-elle pu ne pas connaître Shi Zhou ?
Depuis trois générations, la famille Shi comptait des généraux. Le grand-père, Shi Tongru, était un vétéran de la guerre des Trois Royaumes De 220 à 280 après J-C. (1). Il s’était retiré pour retourner dans son foyer, mais il jouissait encore d’un certain prestige à la cour. Le père, Shi Haoran, était un général de l’empire aux nombreux exploits militaires impressionnants. Ses deux fils, Shi Ji et Shi Zhou, l’avaient suivi sur les champs de bataille depuis tous petits.
Surtout Shi Zhou qui, malgré son jeune âge, effrayait déjà les généraux ennemis rien que lorsqu’ils entendaient son nom.
Tuer Shi Zhou ?
Tong Meng’Er fut stupéfaite d’entendre cette demande. Mais quand elle vit la détermination dans le regard de son fils, elle hocha la tête.
« Ce n’est pas facile d’agir dans la demeure des Shi. Laisse donc ta mère impériale réfléchir au moyen d’accomplir ça. »
S’il s’agissait de n’importe qui d’autre, un décret impérial aurait simplement suffi. Mais comme il s’agissait de Shi Zhou, il fallait prendre le temps de réfléchir à la question.
Bien que Shen Jue avait repris conscience, il n’était toujours pas en mesure de sortir du lit. Durant la journée, il dormait même sept à huit heures. Et quand il était réveillé, il pouvait à peine se tenir assis sur le lit et haletait dès qu’il disait le moindre mot.
Des bouillons médicinaux étaient apportés au palais de Chengde jour après jour. Cela composait pratiquement tous les repas de Shen Jue, pourtant ils n’eurent que peu d’effet. Tong Meng’Er était si angoissée qu’elle en avait des aphtes plein la bouche et sur la langue. Son envie de meurtre à l’intention de Shi Zhou grandit en conséquence.
À ses yeux, rien n’était plus important au monde que son fils. Si un simple Shi Zhou mourait, le grand empire n’en mourrait pas. Mais si son fils venait à mourir, quelle importance aurait ce grand empire pour elle ?
Quand Shen Jue alla mieux et put sortir du lit pour marcher un peu, Tong Meng’Er organisa un banquet au palais. Elle invita des officiels civils et militaires afin de fêter la bonne nouvelle.
Elle comptait empoisonner Shi Zhou durant ce banquet. Il faudrait un peu de temps pour le poison fasse effet, alors elle avait calculé pour que cela se produise au moment où le jeune homme quitterait le banquet. À ce moment, il n’y aurait aucune preuve directe d’empoisonnement et cela donnerait l’impression qu’il était mort d’une crise cardiaque.
L’empereur Shen Jue assisterait naturellement au banquet mais Meng Tong’Er n’allait pas lui faire part de son plan. Ces vilaines choses ne devaient pas souiller les oreilles de son fils.
Pendant le banquet, Shen Jue était encore affaibli. On était au milieu de l’été, pourtant il portait un épais manteau de fourrure. En parlant de ça, le visage de Shen Jue avait grandement profité de l’hérédité de Tong Meng’Er et du précédent empereur mais à cause de sa maladie, les dix points de son visage étaient passés à cinq points. Et à cause de son air morose, les cinq points étaient redescendus à trois.
Avec un visage aussi pâle qu’un linge et des lèvres comme une poire de printemps, on aurait dit au premier regard le fantôme de quelqu’un qui était mort prématurément.
Traduction faite par Karura Oh. Lisez sur mon site http://karuraoh.free.fr ou sur Scan Manga. Si vous la voyez sur un autre site, c'est qu'ils ont volé cette traduction !
Il n’avait pas la force de se tenir assis bien droit, alors il ne pouvait que rester avachi sur le trône du dragon. Les officiels plus bas avaient depuis longtemps l’habitude. Ils gardaient simplement la tête baissée pour boire et manger. Ce banquet au palais n’était qu’une pantomime.
Pourtant, Tong Meng’Er ne paraissait pas trouver quelque chose d’anormal dans cette atmosphère. Elle était assise derrière le rideau perlé et le trône de Shen Jue. Elle avait les yeux braqués sur la table où était assis Shi Haoran.
Ses deux fils étaient avec lui.
Shen Jue était aussi en train de regarder quelqu’un. Ce soir, Wen Yurong, le nouveau premier à l’examen officiel, était également venu. Comme il n’avait pas encore de position officielle, il était assis dans le fond. Shen Jue ne pouvait même pas voir son visage, juste une vague silhouette.
Non seulement son corps était en mauvaise santé, mais même sa vue était mauvaise.
Shen Jue appela un jeune eunuque à côté de lui et regarda le raisin sur la table.
« Apporte ça à la table du lauréat. »
Le petit eunuque comprit aussitôt et s’éloigna avec la coupe de raisins dans les mains. Il revint au bout d’un moment.
« Le lauréat Wen a dit qu’il remerciait sa Majesté pour cette récompense et qu’il l’avait bien appréciée. »
Après avoir entendu ça, Shen Jue agita la main d’un air impassible et fit signe à l’eunuque de se retirer. C’était juste une habitude de ses vies précédentes d’envoyer du raisin à Wen Yurong.
Il avait vraiment aimé cet homme durant les autres vies car pour lui, Wen Yurong était différent des autres. Les autres lui disaient sans cesse de faire attention à sa santé, de ne pas faire ci, de ne pas faire ça, mais pas Wen Yurong. Il souriait toujours et disait :
« Si cela fait plaisir à votre Majesté, vous pouvez essayer. »
Shen Jue avait pensé que cela voulait dire que l’autre l’aimait aussi, mais ce ne fut qu’en mourant qu’il comprit ce qu’il y avait de différent chez Wen Yurong : en fait, ce dernier le haïssait.
Wen Yurong en voulait profondément à Shen Jue d’avoir mis un terme à sa carrière et d’avoir fait de lui sa propriété personnelle dans le palais. Le titre de consort impérial sonnait peut-être bien mais en fait, il n’était que le petit mignon de l’empereur.
Le décret de Shen Jue avait apporté le déshonneur à la famille Wen, comment Wen Yurong aurait-il pu ne pas le haïr ? Cependant, le Shen Jue d’origine avait l’habitude d’être quelqu’un de très haut rang et était incapable de se mettre à la place des autres. Pour lui, il trouvait que c’était en quelque sorte une grande récompense pour la famille Wen.
Dans le cœur de Shen Jue, bien qu’il n’éleva pas Wen Yurong au rang d’impératrice, il n’y avait personne d’autre dans le harem. Du coup, la position de Wen Yurong ne différait guère de celle d’une impératrice. Qui plus est, après que Wen Yurong soit entré dans le palais, Shen Jue lui avait presque donné toutes les bonnes choses et se montrait docile et obéissant avec lui. Les faveurs de la famille impériale, il n’y avait vraiment rien de mieux au monde.
N’était-ce pas plus confortable que d’être un misérable officiel de sixième rang à la cour ?
À présent qu’il avait retrouvé ses souvenirs, il ne voulait plus faire entrer Wen Yurong au palais alors il devait employer une autre méthode. Et ça, il devait prendre le temps d’y réfléchir.
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Shen Jue avait offert ce raisin juste par habitude mais aux yeux des autres, ce fut un tout autre message qui passa.
Tong Meng’Er avait naturellement remarqué ce que faisait son fils. Shen Jue prêtait rarement attention aux étrangers, encore moins un lauréat nouvellement choisi.
Après avoir un peu réfléchi, elle envoya deux assiettes de melon de sa table aux jeunes hommes qui étaient arrivés deuxième et troisième au concours officiel.
Prendre une attitude impartiale, cela illustrait bien la volonté de la famille impériale de traiter tout le monde à égalité.
À la moitié du banquet, Shen Jue fut incapable de tenir le coup. Il dut alors se retirer avec l’aide de son eunuque. Pendant le bain, il faillit s’évanouir et quand il retourna dans le lit du dragon, il était déjà bien étourdi.
Quand il se réveilla le lendemain, Tong Meng’Er était déjà assise au bord du lit. En le voyant ouvrir les yeux, elle sourit tendrement et caressa ses cheveux en désordre à cause du sommeil.
« Mon chéri, c’est fait. Tu n’as plus à te faire du souci pour ça. »
Shen Jue resta un moment figé avant de réaliser ce que venait de dire sa mère.
« Shi Zhou est mort ?
– Il est mort ! s’écria Tong Meng’Er avec une pointe d’excitation. Il a trépassé durant la nuit. Ta mère impériale a envoyé un médecin impérial chez les Shi. Il a examiné le corps et a bel et bien confirmé sa mort. Le manoir des Shi porte déjà le blanc La couleur du deuil. (2) et le jeune homme sera enterré dans sept jours. »
C’est aussi facile que ça ?
Shen Jue en resta un peu ébahi, mais il arbora vite un grand sourire.
« Mère impériale, vous êtes vraiment formidable. »
Ainsi félicitée par son fils, Tong Meng’Er ne put retenir un rire joyeux. Elle se pencha même pour embrasser Shen Jue sur les deux joues.
Ses lèvres laissèrent deux marques de rouge à lèvres bien visibles sur les joues pâles et exsangues du jeune homme.
Shen Jue : « … »
Tong Meng’Er était vraiment quelque chose. Il avait beau aller sur ses trente ans, elle le traitait encore comme un petit garçon.
Shen Jue fronça les sourcils et tâcha de ressuyer les deux traces. Mais plus il frottait, plus il étalait le rouge à lèvres. Tong Meng’Er poussa un Ai et l’arrêta.
« Laisse faire ta mère impériale. Tu frottes trop fort, tu vas abîmer ta peau si tendre. »
Durant le petit-déjeuner, si Shen Jue n’avait pas insisté pour manger par lui-même, Tong Meng’Er l’aurait assurément nourri. Les serviteurs du palais sur le côté étaient depuis longtemps habitués au comportement de la mère et du fils, alors ils ne s’attardèrent pas là-dessus.
Le corps fragile de Shen Jue ne lui permettait pas de trop manger, alors Tong Meng’Er surveillait toujours strictement ses repas et ne le laissait pas se montrer trop vorace. Durant le repas, elle en profita pour l’interroger sur un événement du banquet de la veille :
« Mon chéri, pourquoi tu as fait envoyer du raisin au lauréat hier soir ? Tu le connais ? »
Quand avait eu lieu la sélection, Shen Jue n’avait même pas levé les yeux. C’était elle qui avait choisi les candidats.
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« J’ai entendu dire qu’il était très talentueux. Votre fils a pensé qu’une telle personne pourrait devenir un des piliers de notre pays plus tard, alors il lui a offert une assiette de raisins. »
Shen Jue posa ses baguettes en jade, prit la serviette en soie tendue par un eunuque et se ressuya la bouche.
« Toutefois, votre fils n’a pas assez réfléchi et il n’a rien offert aux second et troisième du concours. Heureusement, mère impériale a pensé à tout. »
La femme sourit à ces mots.
« C’est déjà amplement suffisant que tu aies ce genre de pensées. Les affaires du gouvernement sont triviales, alors ne te fais pas trop de soucis pour ça. »
Elle marqua une pause, puis son regard se modifia un peu.
« Mon chéri, tu ne t’ennuies pas trop tout seul dans le palais ? Tu veux que ta mère impériale te trouve un compagnon ? »
Tong Meng’Er avait également posé cette question durant les vies précédentes. À l’époque, Shen Jue l’écoutait en tout alors il n’y avait pas plus réfléchi que ça. Il avait simplement hoché la tête et c’était ainsi que le sujet de Wen Yurong s’était présenté.
Il semblait à présent que Tong Meng’Er était déjà allée consulter l’astronome impérial.
« Comment votre fils pourrait-il s’ennuyer quand vous êtes là, mère impériale ? répondit-il d’un ton léger. Votre fils a déjà suffisamment de gens sous ses yeux, il ne risque pas de s’ennuyer. Il y a bien assez de serviteurs dans le palais. »
Ce n’était pas faux : Shen Jue avait toujours une foule de gens devant et derrière lui. De plus, Tong Meng’Er était souvent dans son palais et elle avait également plein de servantes autour d’elle.
La femme eut un sourire.
« Quand je parlais de compagnon pour te distraire de ton ennui, je ne voulais pas dire un esclave, mon chéri. Ta mère impériale y a bien réfléchi : tu vas bientôt avoir trente ans et ce n’est pas bien que tu n’aies personne autour de toi, alors…
– Mère impériale, l’interrompit Shen Jue. Je veux simplement vivre avec vous. Je n’ai besoin de personne d’autre. »
Bien qu’elle se soit fait couper la parole, Tong Meng’Er ne se fâcha pas. Au contraire, elle fut enchantée des paroles de son fils. Elle le contempla avec soulagement et amour.
Comme Shen Jue était inquiet qu’elle suive la même voie que dans les vies précédentes, il répéta en insistant bien :
« Mère impériale, votre fils n’a vraiment besoin de personne d’autre, du moment que vous allez bien.
– Ta mère impériale le sait, » fit-elle avec un sourire.
Malgré ça, quelques jours plus tard, Shen Jue vit quand même Wen Yurong. Mais en plus de lui, il y avait d’autres jeunes fils des familles nobles, y compris ceux qui étaient arrivés deuxième et troisième au concours officiel.
Tong Meng’Er avait organisé une éminente assemblée et avait invité tous les jeunes talents de Beijing. Elle-même ne se montra pas mais resta assise dans le pavillon d’eau. Elle souriait en regardant ce groupe de jeunes gens. Après un moment, elle se tourna vers son fils qui était assis devant elle.
« Mon chéri, tu ne veux pas aller t’amuser avec eux ? »
Shen Jue releva les yeux et secoua la tête.
Il n’aurait jamais pensé que même alors qu’il n’avait pas accepté dans cette vie, sa mère organiserait quand même une rencontre entre eux deux.
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Pourquoi Tong Meng’Er n’avait pas choisi une femme ? La seule raison était que l’astronome impérial avait déclaré que si Shen Jue était si frêle, c’était parce que le Qi Yin dans son palais était trop puissant et qu’il avait besoin de Qi Yang pour équilibrer les choses.
Quand Tong Meng’Er avait entendu ça, elle avait trouvé ça plutôt raisonnable. Dans le palais, hormis les femmes, il n’y avait que des eunuques. On pouvait ainsi dire que Shen Jue était le seul homme. Le Qi Yin était par conséquent bien trop lourd et nuisait à la santé de Shen Jue. Voilà pourquoi Tong Meng’Er avait organisé cette rencontre.
Et c’était Wen Yurong qu’elle tenait le plus à faire entrer dans le palais. Après tout, ses huit caractères correspondaient le mieux avec ceux de Shen Jue. Cependant, elle tenait à respecter la liberté de choix de son fils. Malgré ça, elle avait déjà vu Wen Yurong et ne trouvait rien à redire sur son apparence ou son caractère. Elle n’avait donc qu’à attendre que Shen Jue ne s’éprenne de lui.
« Hé, mon chéri, regarde qui a mis la flèche dans le pot Un jeu de beuverie, l’ancêtre du beer-pong. (3) ! » s’écria soudain Tong Meng’Er d’un ton exagéré.
Elle n’était pas issue d’une bonne famille et elle n’avait pas beaucoup lu. Bien que cela faisait quinze ans qu’elle était l’impératrice douairière, elle n’en avait guère le comportement. Parfois, elle se comportait même de façon un peu rustre. Mais quand on faisait partie de la classe supérieure, on ne se souciait guère de ces vétilles.
Shen Jue ne releva même pas les yeux cette fois.
« Qui ça ?
– Wen Yurong, le nouveau lauréat, répondit-elle avec un rire. Ta mère impériale a entendu dire que le peuple l’appelle désormais Yulang L’officiel de Jade. (4). L’autre jour, ce lauréat marchait dans les rues et il y avait une telle foule autour que les gens ne pouvaient plus se déplacer. »
Arrivée à ce point, elle se tut soudain. Elle regarda son fils devant elle et ne put s’empêcher de penser que si son enfant n’était pas né dans la famille impériale, il aurait pu avoir un corps en bonne santé. Cela aurait été alors lui qui aurait marché dans les rues, et cela n’aurait eu aucun rapport avec la famille Wen.
Son fils était le vrai officiel de jade.
Tong Meng’Er détourna brusquement la tête et se ressuya les yeux. Après un moment, elle demanda à la servante à ses côtés de faire venir Wen Yurong. Bien entendu, afin de ne pas dévoiler trop clairement ses intentions, elle fit également venir d’autres jeunes hommes.
Parmi eux, il y avait Shi Ji, le grand frère de Shi Zhou.
Note de Karura : Le second gong serait donc mort dès le deuxième chapitre ? Vous y croyez, vous ? Sinon, son grand frère semble déjà prêt à le remplacer. Shen Jue, tu n’échapperas pas aux deux gongs !
Notes du chapitre :
(1) De 220 à 280 après J-C.
(2) La couleur du deuil.
(3) Un jeu de beuverie, l’ancêtre du beer-pong.
(4) L’officiel de Jade.
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